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640. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Non, ce jeune homme de dix-neuf ans, qui n’en a pas encore vingt-cinq aujourd’hui, et qui après un voyage de près de trois années et l’interruption d’une maladie des plus graves, a pu rédiger un livre de cette précision et de cette maturité, n’est pas un simple curieux intrépide, c’est un voyageur pris au sens le plus élevé du mot, qui joint à toutes les qualités physiques et morales qu’une telle vocation suppose toutes les armes et la provision de la science la plus avancée et la plus exacte. […] L’espace que chacun d’eux parcourt dans une année dépasse tout ce que l’imagination la plus féconde peut supposer.

641. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Ce n’est pas une femme qui est censée visiter Lisette, c’est un homme, c’est le pasteur, je suppose. […] Messieurs les malins d’ici, ce n’est pas du tout ce que vous supposez : « Le péché de Lisette, croyez-le bien, n’était pas un crime : c’était le péché de tout le monde, hélas !

642. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Les peintures nuancées dont nous parlons supposent un goût et une culture d’âme que la civilisation démocratique n’aurait pas abolis sans inconvénient pour elle-même, s’il ne devait renaître dans les mœurs nouvelles quelque chose d’analogue un jour. […] Quant à moi, je n’ai jamais écrit ni dit une sentence fort injuste qui comprend tous les siècles, et qui est si loin de ces convenances polies qu’une femme doit toujours respecter. » L’atticisme scrupuleux de Mme de Souza s’effraie avant tout qu’on ait pu lui supposer une impolitesse de langage.

643. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Supposez, dans l’enfance ou dans l’adolescence du monde, un homme à demi sauvage, doué seulement de ces instincts élémentaires, grossiers, féroces, qui formaient le fond de notre nature brute, avant que la société, la religion, les arts eussent pétri, adouci, vivifié, spiritualisé, sanctifié le cœur humain ; supposez qu’à un tel homme, isolé au milieu des forêts et livré à ses appétits sensuels, un esprit céleste apprenne l’art de lire les caractères gravés sur le papyrus, et qu’il disparaisse après en lui laissant seulement entre les mains les poésies d’Homère !

644. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Et Boileau, voyez-le tailler, rogner, changer, abréger son Longin, sans autre loi que son goût et le désir d’éviter de la peine à son lecteur, écartant les « antiquailles » (entendez ce qui suppose une teinture d’histoire ou d’archéologie), supprimant ce qui est « entièrement attaché à la langue grecque » (entendez ce qui suppose la connaissance du grec), substituant, dans une citation de Sapho, un « frisson » à une « sueur froide », parce que « le mot de sueur en français ne peut jamais être agréable, et laisse une vilaine idée à l’esprit ».

645. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Il pourra bien sans doute démontrer par les preuves traditionnelles chaque article de la doctrine, mais pour les fidèles seulement, avec cette pensée que ces arguments ne peuvent convaincre que ceux qui sont persuadés d’avance, sans prétendre foudroyer les incrédules par des raisonnements irréfragables et sans supposer non plus que ces malheureux soient toujours de mauvaise foi ni qu’ils se donnent tous pour des esprits forts : car il y en a qui se donnent de la meilleure grâce du monde pour des esprits faibles, incertains, gouvernés par des forces obscures, incapables d’atteindre l’absolue vérité.      […] Supposons que la confession n’ait pas été instituée par Jésus-Christ : ou bien elle aurait été inventée et imposée, à un moment donné, par un seul homme ; ou bien elle se serait répandue peu à peu dans le monde chrétien.

646. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Or, cela étant, supposez qu’il s’introduise tout à coup dans une langue une figure qui permette de substituer continuellement à des termes abstraits des images, à l’expression propre une expression vague-et indéterminée ; et voyez-en l’effet. […] Supposez la prophétie de Joad placée au milieu des strophes de quelque poète à style allégorique ; le contraste disparaîtra, et l’effet sera nul.

647. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Henry Bordeaux nous explique gravement : « C’est la fin d’une race de déracinés. » Et je suppose qu’avant d’écrire cette phrase péremptoire, il avait longuement songé aux Américains du Nord, pauvre race transplantée qui se meurt d’impuissance et d’anémie. […] Si tu nous apprends en outre que les sentiments des hommes sont humains, c’est uniquement, je suppose, pour la régularité extérieure.

648. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Peu s’en faut qu’il n’ait fait aussi de Fénelon une de ses victimes ; car, au milieu des charmantes et délicieuses qualités qu’il lui reconnaît, il insiste perpétuellement sur une veine secrète d’ambition qui, au degré où il la suppose, ferait de Fénelon un tout autre homme que ce qu’on aime à le voir en réalité. […] Je sais, en parlant ainsi des lettres de Fénelon, les exceptions qu’il convient de faire : il y en a de très belles de tout point et de très solides, telles que celle à une dame de qualité Sur l’éducation de sa fille, telles que les Lettres sur la religion qu’on suppose adressées au duc d’Orléans (le futur Régent), et qui se placent d’ordinaire à la suite du traité De l’existence de Dieu.

649. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Dans la composition de ce premier paysage, placé à l’embouchure d’un fleuve, dans une île, voulant y introduire une impression morale, il y suppose un tombeau, et d’abord il y met le tombeau qui était alors classique et de rigueur, celui de Jean-Jacques Rousseau. […] Il a supposé qu’on assistait à cette ancienne séance académique ; il a donné à entendre qu’il y assistait lui-même, simple lycéen alors, pour avoir le droit de la décrire.

650. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

L’évêque de Marseille, qui avait été si admirable pendant la peste, le vertueux Belsunce, n’aimait point les doctrines théologiques et à demi jansénistes qu’on supposait à l’Oratoire ; il fut cause que Barthélemy alla faire ses cours de philosophie et de théologie chez les Jésuites. […] Dans un tableau qu’on tracerait de la société et des salons au xviiie  siècle, il se présenterait comme le type le plus accompli de l’abbé érudit et mondain, ayant tous les avantages que ce titre suppose, et les payant par ses bons offices et ses agréments.

651. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Elle suppose, dans son prologue, que plusieurs personnes de condition, tant de France que d’Espagne, s’étant réunies au mois de septembre aux bains de Cauterets, dans les Pyrénées, se séparèrent après quelques semaines ; que ceux d’Espagne s’en retournèrent le mieux qu’ils purent par les montagnes, mais que les Français furent empêchés dans leur chemin par la crue des eaux qu’avaient causée de grandes pluies. […] La conversation élégante date de plus loin qu’on ne suppose ; la société polie a commencé plus tôt qu’on ne croit.

652. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Supposé que les anciens n’aïent fait rien de mieux dans ce genre que les bas reliefs, les médailles et les peintures qui nous sont demeurées, ils n’ont pas égalé les modernes. […] Il me paroît encore que nous ne sçaurions juger de leur coloris, mais que nous connoissons suffisamment par leurs ouvrages, supposé que nous aïons les meilleurs, que les anciens n’ont pas réussi dans la composition pittoresque aussi-bien que Raphaël, Rubens, Paul Veronése et quelques autres peintres modernes.

653. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Je ne veux point entrer dans des détails odieux pour les états et pour les particuliers, et je me contenterai de dire que l’esprit philosophique qui rend les hommes si raisonnables, et pour ainsi dire, si consequens, fera bien-tôt d’une grande partie de l’Europe ce qu’en firent autrefois les gots et les vandales, supposé qu’il continuë à faire les mêmes progrès qu’il a faits depuis soixante et dix ans. […] Si nous sommes plus habiles que les anciens dans quelques sciences indépendantes des découvertes fortuites que le hazard et le temps font faire, notre superiorité sur eux dans ces sciences, vient de la même cause qui fait que le fils doit mourir plus riche que son pere, supposé qu’ils aïent eu la même conduite, et que la fortune leur ait été favorable également.

654. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Ils leur supposent de très longs cheveux et une barbe qui tombe jusqu’aux pieds. […] Voir Die Wichlelmoenner et l’Enfant supposé (Barsaz-Breiz).

655. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Supposez qu’un physiologiste chargé de décrire l’estomac s’amuse à raconter les différents états de la puissance digestive et des capacités motrices, sécrétives, innervatrices, au lieu de remarquer que l’organe est une poche en forme de cornemuse, formée par quatre tuniques, munie de trois sortes de glandes, aboutissant d’un côté au cardia et de l’autre au pylore, animée par des rameaux du nerf pneumogastrique et du plexus solaire ; non-seulement il aura fait des barbarismes, mais il n’aura rien dit. […] Supposez, par exemple, que80 la perception extérieure soit une hallucination vraie.

656. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Et l’on peut en supposer la raison. […] Ce devait être, je suppose, auprès du tombeau d’Hector. […] L’argent des communes, l’argent des provinces, c’est le trésor de guerre, qu’il ne faut pas qu’elles épuisent, ou dissipent, ou compromettent. — Mais pourquoi les supposer prodigues ? […] Cette nécessité, elle est venue, même sans supposer attaques et incursions des tribus voisines ou attaques et incursions contre les tribus voisines, du désir, de l’impatience de progrès, si naturelle à tous les hommes en tous les temps. […] Vous vous fonderez, je suppose, pour fixer la valeur de cet objet, sur le travail de ce dernier ouvrier, et vous direz que cet objet a pour valeur un vingtième d’heure.

657. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

L’esprit de chevalerie avait introduit dans les principes de l’honneur un genre de délicatesse qui créait nécessairement une nature de convention ; c’est-à-dire qu’il existait un certain degré d’héroïsme, pour ainsi dire indispensable à la noblesse, et dont il n’était pas permis de supposer qu’un noble pût être privé.

658. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

et cette vision, que tout ici devait obscurcir (car il n’est pas encore arrivé qu’on naquît impunément d’un sang impérial), quelle force d’esprit elle suppose, ou quel incomparable désenchantement !

659. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

Supposons que nous ayons en face de nous une machine quelconque ; le rouage initial et le rouage final sont seuls apparents, mais les transmissions, les rouages intermédiaires par lesquels le mouvement se communique de l’un à l’autre sont cachés à l’intérieur et échappent à notre vue ; nous ignorons si la communication se fait par des engrenages ou par des courroies, par des bielles ou par d’autres dispositifs.

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