Ce qu’entrevoit le croyant d’une religion positive dans les heures où il suppose qu’il pourrait s’en détacher, c’est l’absence de toute règle et de toute foi. […] De plus, il arrive ici que la naïveté d’Arlequin exprime une philosophie qui peut être fausse et qui peut aussi, d’aventure, être sotte, mais non point naïve, puisque, au contraire, elle suppose une extrême culture intellectuelle. […] Il a raison, dis-je, parce que je suppose qu’il ne tient pas essentiellement à ce que la loi lui donne le droit d’exiger. […] Il me semble que toute grande fortune, édifiée en une seule vie d’homme par l’exploitation du travail de milliers et de milliers de pauvres, suppose forcément d’innombrables et peut être d’inévitables iniquités. […] Il viole avec tranquillité le pacte que suppose tout mariage, et surtout un mariage d’amour.
Supposons le troisième Scipio Asiaticus, qui reste seul de sa branche, offrant au jour marqué le repas funèbre ; en remontant de mâle en mâle, il trouve pour troisième ancêtre Publius Scipio. […] Il suppose qu’un homme, à son lit de mort, réclame la faculté de faire un testament et qu’il s’écrie : « Ô dieux ! […] Peut-on supposer que la loi ancienne se fût écartée de ce principe au point d’accorder la succession auxgentiles, si ceux-ci avaient été les uns pour les autres des étrangers ? […] Un autre défaut de ce sys tème est qu’il suppose que les sociétés humaines ont pu commencer par une convention et par un artifice, ce que la science historique ne peut pas admettre comme vrai. […] On ne peut pas raisonnablement supposer que de tels rites aient été imaginés pour la première fois par Romulus.
Du reste, on n’y voit aucune apparence de fiction1024. » C’est là tout son talent, et de cette façon ses imperfections lui servent ; son manque d’art devient un art profond ; ses négligences, ses répétitions, ses longueurs, contribuent à l’illusion ; on ne peut pas supposer que tel détail, si petit, si plat, soit inventé ; un inventeur l’eût supprimé ; il est trop ennuyeux pour qu’on l’ait mis exprès ; l’art choisit, embellit, intéresse ; ce n’est donc point l’art qui a mis en monceau ce paquet d’accidents ternes et vulgaires, c’est la vérité. […] Elle le sait bien, et n’a pas d’autre moyen pour expliquer le vice que de les supposer absentes, « Sûrement, dit-elle en parlant de l’entremetteuse, cette femme est athée. […] Du velours cramoisi, je suppose. […] Crimson velvet, I suppose.
C’est sans doute l’existence de notre corps, semblable pour nous à un vase où notre spiritualité serait enclose, qui nous induit à supposer que tous nos biens intérieurs, nos joies passées, toutes nos douleurs sont perpétuellement en notre possession. […] J’ai presque regret maintenant d’avoir insisté sur le côté héroïque de l’esprit positif, et d’avoir comme implicitement supposé une sorte de sursaut par lequel Proust se serait porté à la hauteur de sa tâche d’explorer scientifiquement la conscience humaine. […] Et c’est justement une des grandes et d’ailleurs des rares différences entre l’esprit de Swann et le sien, que cette paresse à supposer qu’il attribue au premier. Proust lui n’est jamais las de supposer. […] Mais justement aucune des femmes que Proust a connues et décrites, ne peut être un instant supposée avoir éprouvée ce mouvement, cette tentation du don de soi.
On doit supposer que sa famille jouissait d’une certaine aisance ; car elle fit cultiver son éducation, et Geoffroy commença ses études d’une manière assez brillante chez les jésuites de Rennes, pour être appelé ensuite à Paris au collège de Louis-le-Grand. […] Corneille suppose que Scipion et Lélius étaient les auteurs des comédies de Térence ; c’est un préjugé qui n’a aucun fondement que la familiarité intime de Térence avec ces deux grands hommes. […] Une scène du Joueur de Regnard suppose plus de talents que toute cette complication d’horreurs curieusement entassées dans Béverley. […] Supposons qu’elle ait lieu de craindre que sa proposition soit mal reçue ; elle doit encore la faire, parce qu’elle lui fournit un prétexte d’éluder la nomination de l’aîné, un moyen d’alarmer sa rivale, et peut-être de la déterminer à la fuite. […] Corneille n’a point créé de caractère plus noble, plus brillant, plus théâtral : ce seul personnage de Nicomède vaut mieux et suppose plus de talent que plusieurs tragédies trop vantées.
Supprimez la société, supposez l’artiste isolé en face de la Nature, il restera artiste, il créera de l’art pour lui-même. […] La religion est une interprétation du monde dans ses rapports avec son créateur supposé ou avec les puissances supérieures qui sont censées le gouverner. […] Nietzsche suppose une sorte d’harmonie préétablie entre le drame et la musique, aussi bien dans la tragédie antique que dans le Tondrama de Wagner. […] Supposons un moment que les images évoquées par une symphonie de Beethoven puissent être rendues d’une façon plastique et active : nous aurions l’analogue de l’œuvre d’art wagnérienne. […] Prenons son Clavecin bien tempéré, ce merveilleux recueil de préludes et de fugues qu’il écrivit pour l’éducation musicale de ses fils, — je le suppose dans toutes les mains.
Les Grands Jours supposaient un état de choses où la féodalité avait encore ses usurpations et ses licences, où elle se riait de la justice locale et la bravait, et où il fallait que le roi, protecteur de tous, étendît le bras pour rétablir le niveau de l’équité. […] Une des idées les plus singulières qu’ont eues les contradicteurs des Grands Jours, lors de la première publication, ç’a été de supposer que je ne sais quel philosophe du xviiie siècle y avait intercalé à plaisir des passages ou des historiettes malignes pour faire tort à la religion et à la noblesse, et pour décrier l’ancien régime.
Dans un grand concours des poésies européennes, si on le suppose ouvert depuis le moyen âge, quel serait, quel aurait été le rang de la Poésie française, tant dédaignée de quelques-uns de nos voisins ? […] Gringoire notamment, aux beaux jours de sa jeunesse, paraît avoir été un très-spirituel vaudevilliste, et dans un temps où le genre était neuf et supposait plus d’invention qu’aujourd’hui.
C’est une belle loi de Lucques, n’est-ce pas, celle-là, c’est une loi de vrais chrétiens qui donne le temps de revenir à Dieu avant que de quitter la terre, et qui suppose déjà innocents ceux à qui Dieu lui-même va pardonner au tribunal de sa miséricorde ? […] — Moi, lui dis-je, non point des carlins ou des baïoques, parce que je n’en ai point à ma disposition, mais deux écuelles de lait au lieu d’une, parce que je puis doubler à mon gré les rations des prisonniers, et cela dans votre intérêt, ajoutai-je, car si on venait à visiter les poches des détenus et qu’on y découvrît cette lime, on supposerait que vous l’avez sur vous pour en faire mauvais usage et on doublerait peut-être le temps de votre peine ou on vous en enlèverait sans doute la consolation.
Il désire même ne plus la voir, sinon en passant. « … Si vous continuez à faire chaque jour vos trente visites nécessaires, indispensables, supposez-moi à Londres, et vous vous acquitterez de ces délicieux devoirs. » Ce qu’il attend d’elle, c’est, tout au plus, la dernière vision d’une forme agréable… Oui, sa mort sera bien la « Mort du Loup ». […] Mais cela suppose peut-être un régime où l’État n’imposerait aux individus qu’un minimum de charges.
Car les emplois auxquels il sert supposent les propriétés spécifiques qui le caractérisent, mais ne les créent pas. […] Là où règne le finalisme, règne aussi une plus ou moins large contingence ; car il n’est pas de fins, et moins encore de moyens, qui s’imposent nécessairement à tous les hommes, même quand on les suppose placés dans les mêmes circonstances.
Un érudit de mes amis suppose que ce doit être une femelle de sanglier, une petite laie, — Selon une autre explication qui m’est donnée, il faudrait lire soutrille, et ce serait la portée d’une laie.
Le Maître lui avait écrit en termes exaltés des mérites et des beautés de sa fiancée future, elle essayera de l’entendre, — de supposer qu’il l’entend de l’épouse du Cantique des cantiques, de la seule épouse spirituelle digne de ce nom, de l’Église : Mais en écrivant, ceci, je relis votre lettre, et, comme me réveillant d’un profond sommeil, j’entrevois je ne sais quelle lumière au milieu de ces ténèbres, et quelque chose de caché et de mystérieux dans des paroles qui paraissent si claires et si communes.
Il faut supposer qu’elle a été faite pour une belle personne qui, dans un bal costumé, était en lune ou en Reine de la nui t : Son corps était couvert d’un voile en gaze noire Où, sans nombre, on voyait luire des diamants ; Son front, plein du frisson magique de la gloire, Portait le croissant mince et pur des firmaments.
En ce qui est particulièrement de l’Iliade, sur laquelle a porté le fort du débat, il est bien à supposer qu’après la guerre de Troie il dut se répandre par la Grèce et par l’Ionie un grand nombre de chanteurs qui allaient, comme Phémius, comme Démodocus, célébrant devant les fils les exploits des pères.
Charles XII peut sembler un peu arrangé après coup, sans doute, dans les projets de pacification et de liberté européenne que lui suppose l’auteur ; Steven peut sembler un peu avancé, lorsqu’il fait saluer à ses hôtes, dans la personne de ses mineurs, les premiers gentilshommes de L’Europe, et cette seule et immortelle noblesse du travail qu’il a l’honneur de commander.
Celui qui souffre, celui qui meurt en produisant un grand effet quelconque de terreur ou de pitié, échappe à ce qu’il éprouve pour observer ce qu’il inspire ; mais ce qui est énergique dans le talent du poète ; ce qui suppose même un caractère à l’égal du talent, c’est d’avoir conçu la douleur pesant tout entière sur la victime : et tandis que l’homme a besoin d’appuyer sur ceux qui l’entourent jusqu’au sentiment même de sa prospérité, l’énergique et sombre imagination des Anglais nous représente l’infortuné séparé par ses revers, comme par une contagion funeste, de tous les regards, de tous les souvenirs, de tous les amis.
Supposez que cet homme, au lieu de faire fructifier ce capital honorablement et fidèlement pour ceux auxquels il en doit le produit, stérilise, enfouisse, anéantisse ce capital en se croisant les bras par fausse dignité ou par insouciance d’autrui : que fait cet homme ?
Dans les pièces de ce genre, qui sentent un peu le carnaval, les personnages se livrent à une course folle les uns après les autres, et le dénouement a lieu au milieu d’un tumulte extravagant ; elles supposent une verve endiablée chez tous les acteurs.
Ils les supposent cependant obscurément (Matth., XXIII, 37 ; Luc, XIII, 34).