Son amant, qu’on soupçonna de suite, comme auteur du crime, après quelques dénégations, s’écria tout-à-coup : « Je vais tout vous dire, mon juge, mais à la condition de la voir entamer !
La littérature de Baudelaire lui-même, avec ses splendeurs et aussi ses « charognes », est une littérature très simple ; sous son air de richesse, elle cache une pauvreté radicale non seulement d’idées, mais de sentiments et de vie ; elle commence un retour, par un chemin détourné, à la poésie de sensations, d’images sans suite, de mots sonores et vides qui caractérise les tribus sauvages ; et celle-ci a cette énorme supériorité qu’elle est sincère, l’autre non.
Il dépasse de loin la sensibilité physiologique, représentée par les incomplètes perceptions des autres hommes ; à la suite d’un exercice constant et volontaire, les nerfs de ses sens, l’appareil cérébral correspondant sont devenus excitables à un degré pathologique.
Tu rends la honte visible par l’horreur, tu forces l’ignominie à détourner la tête en se reconnaissant dans l’ordure, tu montres qu’accepter un homme pour maître, c’est manger le fumier, tu fais frémir les lâches de la suite du prince en mettant dans ton estomac ce qu’ils mettent dans leur âme, tu prêches la délivrance par le vomissement, sois vénéré !
On verra, dans la suite de cette étude approfondie sur le Dante et sur son poème, que ce que nous pensons aujourd’hui ne diffère pas considérablement de ce que nous écrivions dans le Siècle.
Alfred de Musset (suite) I Maintenant que nous avons vu l’homme et l’influence, voyons les œuvres.
Les étoiles sembleraient frappées du même vertige ; ce ne serait plus qu’une suite de conjonctions effrayante : tout à coup un signe d’été serait atteint par un signe d’hiver ; le Bouvier conduirait les Pléiades, et le Lion rugirait dans le Verseau ; là des astres passeraient avec la rapidité de l’éclair ; ici ils pendraient immobiles ; quelquefois, se pressant en groupes, ils formeraient une nouvelle Voie lactée ; puis, disparaissant tous ensemble et déchirant le rideau des mondes, selon l’expression de Tertullien, ils laisseraient apercevoir les abîmes de l’éternité.
Cicéron après Aristote déclare nettement que la philosophie est progressive et que « les choses les plus récentes sont d’ordinaire les plus précises et les plus certaines. » Sénèque trace un éloquent tableau des progrès de l’astronomie, et croit pour l’avenir à des conquêtes plus merveilleuses encore ; il proclame que la nature aura toujours de nouveaux secrets à nous livrer, qu’elle ne révèle ses mystères que graduellement et dans une longue suite de générations humaines, que nous nous figurons être initiés à la vérité, et ne sommes encore qu’au seuil du temple, qu’un jour enfin reculeront les bornes de la terre et se déploieront, par-delà l’extrême Thulé, les vastes étendues d’un nouveau monde.
Tandis que d’autres se sont servis du luxe et de ses suites pour décrier les beaux-arts, et ce ne sont pas les moins absurdes.
Les vérités les plus essentielles à l’humanité, celles qui lui ont permis d’ordonner sa conscience et ses actes, de prolonger son existence éphémère par la suite ininterrompue de la tradition, — ces vérités primordiales, c’est elle qui les a mises en circulation sous des formes indestructibles.
Donc ce poème, cette vie si troublée, si ondoyante et diverse, comme eût dit Montaigne, est une suite de crises fatidiques où l’effort gigantesque retombe parfois sur lui-même en magnifiques divagations. […] Il eût pu prophétiser que la défaite de la Pologne sera pour la suite des temps un triomphe sur la Russie, et que, comme l’empire romain a subi le triomphe intellectuel de la Grèce terrassée, l’empire russe subira le triomphe intellectuel et moral de la Pologne.
Delacroix à ses amis, quand il les invita à visiter l’œuvre en question : Apollon vainqueur du serpent python Le dieu, monté sur son char, a déjà lancé une partie de ses traits ; Diane sa sœur, volant à sa suite, lui présente son carquois. […] Remontons, s’il se peut, par un effort rétrospectif de l’imagination, vers nos plus jeunes, nos plus matinales impressions, et nous reconnaîtrons qu’elles avaient une singulière parenté avec les impressions, si vivement colorées, que nous reçûmes plus tard à la suite d’une maladie physique, pourvu que cette maladie ait laissé pures et intactes nos facultés spirituelles. […] Et tout de suite, à peu de distance, deux fois de suite, la collection Méryon se vendait en vente publique quatre et cinq fois plus cher que sa valeur primitive. […] Si peu de temps que l’ouvrage ait paru devant le public, l’ordre de l’Empereur, auquel nous devons de l’avoir entendu, a apporté un grand secours à l’esprit français, esprit logique, amoureux d’ordre, qui reprendra facilement la suite de ses évolutions. […] Les vraies sympathies sont excellentes, car elles sont deux en un — les fausses sont détestables, car elles ne font qu’un, moins l’indifférence primitive, qui vaut mieux que la haine, suite nécessaire de la duperie et du désillusionnement.
*** Rachilde a cette éloquence passionnée, abondante, quoique faite de cris rapides et sans suite, qui est le fond de beaucoup de talents féminins. […] Et ses rythmes cahotés ne lui permettent pas deux vers de suite qui soient des vers. […] Un protestant, qui demande la main d’une catholique, s’étonne de voir la bien-aimée ignorer à quelle religion il appartient : « Pourtant, s’écrie-t-il, j’en ai informé Mme de l’Espinet. » Et treize lignes plus loin, il dit de la même Mme de l’Espinet : « Elle le sait pourtant… A moins qu’elle n’ait confondu deux branches de ma famille. » Cette suite dans les idées et cette puissance d’attention grandit singulièrement ma confiance en les fameuses découvertes archéologiques du couple Dieulafoy.
Tandis qu’en effet la philosophie de Voltaire, celle de Montesquieu, de Rousseau, de Diderot, sont essentiellement des philosophies sociales, si l’on peut ainsi dire, des philosophies dont le progrès ou la réformation de l’institution sociale est le commencement et la fin, le philosophie de Buffon, prenant son origine dans celle même des mondes, et prolongeant ses suites au-delà de l’existence de l’espèce, a ouvert l’infini à la pensée humaine. […] Nouvel exemple de cet entrecroisement et de cette contrariété d’influences qui rendent l’histoire littéraire si difficile à débrouiller dans sa suite ; mais aussi, nouvel élément du romantisme. […] L’abus de l’imagination a jeté les Hugo même et les Lamartine, les George Sand et les Michelet, dans les erreurs d’art que l’on sait, — car je ne veux rien dire ici des autres ; — mais l’abus de l’imagination, on le voit, c’est la suite chez eux d’un excès de confiance en eux-mêmes ; c’est donc encore et toujours l’exagération du sentiment individuel ; c’est proprement une conséquence, et la manifestation extérieure de l’hypertrophie du Moi.
(Voir l’argent, l’argent suite et surtout voir le cahier de M. […] Dans Homère la bataille, et par suite la guerre, est une suite indéfinie de duels. […] « Les peuples, dit magnifiquement Halévy, (Quelques nouveaux maîtres), ne passent pas comme font les troupeaux, leur suite n’est pas monotone, aveugle, déterminée par un seul jeu de forces et de causes ; une autre influence les presse, les anime, choisit certains d’entre eux et les oblige à travailler pour elle. […] L’incarnation n’eût pas été pleine, elle eût été réticente si dans toute la suite des siècles, dans toute l’éternité temporelle il n’eût point été livré, dans son histoire et dans sa mémoire, au même interrogatoire.
L’homme borné aux intérêts de cette terre peut avoir des regrets, mais il n’y a de remords que pour l’homme religieux ; or il suffit de l’être pour sentir que l’expiation est le premier devoir et que la conscience nous commande de supporter les suites de nos fautes afin de les réparer, s’il se peut, en faisant du bien.
Rompre sans cesse le développement rationnel d’un roman tragi-comique, commencer arbitrairement, continuer et finir de même, jeter au hasard, pêle-mêle, sans suite, une foule d’images, de sentiments et de saillies : voilà le programme qu’il suit et qu’il nous propose.
Après celle-là une autre, parfois toute contraire, et ainsi de suite ; il n’y a rien d’autre dans l’homme, point de puissance distincte et libre ; lui-même n’est que la série de ces impulsions précipitées et de ces imaginations fourmillantes ; la civilisation les a mutilées, atténuées, elle ne les a pas détruites ; secousses, heurts, emportements, parfois de loin en loin une sorte de demi-équilibre passager, voilà sa vraie vie, vie d’insensé, qui par intervalles simule la raison, mais qui véritablement est « de la même substance que ses songes » ; et voilà l’homme tel que Shakspeare l’a conçu.
Nous comprenons enfin que, même en cet âge correct et dans cette poésie artificielle, l’antique imagination subsiste ; qu’elle se nourrit, comme autrefois, de bizarreries et de contrastes, que le goût, en dépit de toutes les cultures, ne réussira jamais à s’acclimater chez elle, que les disparates, au lieu de la choquer, la réjouissent, qu’elle est insensible à nos douceurs et à nos finesses ; qu’elle a besoin de voir passer devant elle une suite de figures expressives, inattendues et grimaçantes, qu’elle préfère ce rude carnaval à nos insinuations délicates, que Pope est de son pays en dépit de sa politesse classique et de ses élégances voulues, et que sa fantaisie désagréable et vigoureuse est parente de celle de Swift.
« Le soir même il voulut revêtir de sa signature l’une et l’autre de ces résolutions, et dit en souriant : “Je n’avais jamais eu d’aventure dans une forêt, à la suite d’un orage ; en voilà une et des meilleures.”