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2340. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

J’avoue, pour moi, qu’un grand voyageur, parcourant le globe et rapportant à son pays, dans un style clair et précis, sans exagération comme sans déclamation, les spectacles dont il a été témoin, les mœurs dont il a compris la portée, les aventures dont il a été l’acteur, est le plus dramatique des hommes. […] Ces grands écrivains ont été de mauvais voyageurs ; ils ont pensé à faire admirer leur esprit et leur style.

2341. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

C’est curieux… On reste même auteur là, on sent son cœur se porter en avant dans la poitrine, comme pour porter secours à ces mauvais cabots, à leur mémoire qui trébuche, aux estropiements imbéciles de votre style… Le public m’a paru tout prendre assez bien. […] — n’est-ce pas le style du moyen âge, le sentiment de cet art, qu’on croirait par moments n’avoir eu pour modèle qu’un peuple de figures à demi formées et comme une race de vivants embryonnaires ?

2342. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

J’en ai surtout quand je considère avec quelle aisance Flaubert écrivait à ses amis, en une matinée, des lettres de vingt pages, qui sont déjà vraiment d’un style très poussé. […] Votre esprit s’enrichira d’observations dont votre talent profitera ; et, si vous transportez à la tribune votre style et vos idées d’ultra-renaniste et de néo-dilettante, on ne s’ennuiera pas tous les jours aux Folies-Bourbon. […] Vous n’aurez plus de style, et vous en viendrez à employer couramment, dans vos discours, le mot « agissement », cauchemar de Bergerat. […] Si le temps est un océan et s’il y passe des barques d’amoureux, il peut donc y passer aussi des navires ou, en style moins noble, des bateaux.

2343. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Je ne crois pas ces reflexions moins raisonnables, ni moins vrayes que si je les avois lûës dans Plutarque. à l’égard du style de cette ode, Me D me reproche plusieurs fautes. […] Me D est peut-être surprise de m’en avoir tant dit ; car puisqu’elle avoit promis d’abord de ne me point dire d’injures, il y a apparence que toutes ces phrases lui sont échapées comme un style polémique, sans qu’elle y fît assez d’attention. […] Quand les bons auteurs d’un siécle déposent de la pureté et de la beauté du style d’un de leurs contemporains, nous ne sçaurions nous dispenser de les en croire sur leur parole, nous qui à beaucoup près, ne sentons pas comme eux les finesses de leurs langues. […] Tantôt ce sont des métaphores forcées, tantôt des jeux de mots puériles, souvent un style froid et prosaique.

2344. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Il railla plus tard cruellement ce peuple, le sien, « qui aime à se griser et pour qui l’obscurité est une vertu », et il s’écria en style lyrique, songeant surtout à lui-même : « Mais enfin nous devenons clairs ; nous sommes devenus clairs !  […] Ils ont cherché des puissances alliées, des intercesseurs, des couvertures — tel le poète qui appelle à son aide la philosophie, le musicien qui a recours au drame [voilà pour Wagner] et le penseur qui s’allie à la rhétorique [voilà, consciemment ou inconsciemment, qui est bien pour Nietzsche]. — De même le style surchargé, en art, est signe de faiblesse ou d’affaiblissement, soit dans un auteur, soit dans une école, soit dans une époque, soit dans une civilisation. L’art simple est toujours l’art à son apogée ; l’art classique est toujours simple : « Le style surchargé dans l’art est la conséquence d’un appauvrissement de la puissance organisatrice, accompagné d’une extrême prodigalité dans les intentions et dans les moyens. […] Le style ici, qui est un art lui-même, nous indique la mesure dans laquelle l’art doit être réaliste et s’approprier le réel : « De même que le bon écrivain en prose ne se sert que des mots qui appartiennent à la conversation, mais se garde bien d’utiliser tous les mots de cette langue, et c’est ainsi que se forme précisément le style choisi, — de même le bon poète de l’avenir ne représentera que les choses réelles, négligeant complètement tous les objets vagues et démonétisés, faits de superstitions et de demi-sincérités, en quoi les poètes anciens montraient leur virtuosité. […] Toutes les règles subtiles d’un style ont là leur origine : elles éloignent en même temps, elles créent la distance, elles défendent l’entrée, tandis qu’elles ouvrent les oreilles de ceux qui nous sont parents par l’oreille.

2345. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Attitude des personnages, style de l’auteur, et ce qu’il y a de tendu en lui, c’est bien influence romantique. […] C’est peu encore, au prix de l’élégance du style, de la beauté formelle, qui donne à cet ouvrage un rang à part parmi les productions féminines de ce temps. […] Il n’est pas jusqu’au style qui, par son accent, sa musique et certains rythmes ou façons de conduire la phrase, ne découvre de saisissantes analogies, surtout pour une oreille qui, dans sa première jeunesse, fut bercée au son de ces cadences.

2346. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Il faut que le morceau de fureur soit irréprochable pour le style, et qu’il soit dans la manière du Dante pour les images et pour la couleur.

2347. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Tel passage qui provoquait le gros rire dans les pièces de Molière n’émeut plus notre parterre ; il rira plutôt d’un jeu de mots dans le goût de notre temps, d’une pointe, de quelque phrase de grand style mise dans la bouche d’un niais.

2348. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Le paysage s’est un peu effacé de ma mémoire ; pourtant, j’ai le souvenir d’un lac bleu étendu dans la plaine et d’un palais de féérie ou de rêve — toute cette journée, d’ailleurs, est restée pour moi un rêve, un de mes meilleurs, — où le style changeait d’étage en étage, racontant la persévérance des souverains du lieu à construire leur tanière, avec de très fines décorations et de si nombreuses fenêtres qu’il ressemblait à une merveilleuse boîte à jours.

2349. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Mais que dire de ce répugnant massacre dont les moindres défauts sont une absolue absence de style — et quelques coupures !

2350. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Jamais l’auteur de Fiesque et du Roi d’Ys n’a montré un style plus ample, et n’a fait entendre des accents plus énergiques ; l’instrumentation abonde en précieux détails, mais elle n’en procède pas moins par franches coulées, avec une largeur symphonique dont nous étions un peu déshabitués aujourd’hui.

2351. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

C’est pour cela que je pleure sur toi, moi misérable, qui n’aurai plus jamais un protecteur ni un ami dans la grande Ilion ; « car je suis odieuse à tout son peuple. » On a ici le service funèbre solennel, avec ses cérémonies et ses préséances, célébré sur le plain-chant harmonieux du grand style épique.

2352. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Le genre admis, il y a de la simplicité, et l’on s’est accordé à y louer un style pur et des sentiments doux, ce qui est assez singulier dans une tragédie et chez un auteur tel que Chamfort : il réservait toute sa douceur pour ses tragédies.

2353. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Ce sont des vivacités de style qui vous ont fait écarter.

2354. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

* * * M’interrogeant longuement, j’ai la conviction qu’il est mort du travail de la forme, à la peine du style.

2355. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Ce qu’il y a d’établi présentement, c’est que les deux bouts des choses nous sont inaccessibles, et que le milieu seul, ce que l’on appelle en style d’école le relatif, nous appartient43. » Devant une déclaration aussi expresse, il est impossible d’imputer au positivisme une autre doctrine que celle que nous venons d’exposer ; mais alors je cherche vainement en quoi cette manière d’entendre la philosophie diffère de la pensée de M. 

2356. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Tu changes tous les jours de manière et de style ; Tu cours en un moment de Térence à Virgile : Aussi rien de parfait n’est sorti de tes mains.

2357. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

« Virgile n’a voulu faire — nous dit-il — ni une Théséide, ni une Thébaïde, ni une Iliade purement grecque, en beau style latin ; il n’a pas voulu purement et simplement faire un poème à la Pharsale, tout latin, en l’honneur de César, où il célébrerait avec plus d’éloquence que de poésie la victoire d’Actium et ce qui a précédé chronologiquement et suivi ; il est trop poète par l’imagination pour revenir aux chroniques métriques d’Ennius et de Nævius, mais il a fait un poème qui est l’union et la fusion savante et vivante de l’une et de l’autre manière, une Odyssée pour les six premiers livres et une Iliade pour les six autres… une Iliade julienne et romaine… » Ainsi, on le voit, le critique revient sans cesse à cette idée de fusion qui calomnie Virgile et qu’il a eue déjà en voulant caractériser son génie, mais il nous est impossible, à nous, d’admettre un tel procédé dans le poète, il nous est impossible de croire à cette ingénieuse, trop ingénieuse fusion des deux poèmes d’Homère en un seul.

2358. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

S’agit-il non plus seulement des habits ou des usages, mais des arts, on remarquera que les arts n’ont presque plus de patrie, qu’un peintre italien peint comme un belge, que les styles s’universalisent, — et d’autre part que chacun veut sa manière, qu’il n’y a plus d’écoles, que les artistes, divisés sur tout, n’ont plus qu’un parti pris commun, celui de l’individualisme148.

2359. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Nous n’aimons pas voir sa robe s’accrocher au clou du lupanar, et toute débraillée, titubant à travers les ruisseaux, voir la Muse, le stigmate au front de l’Impudeur, s’en aller, psalmodiant des rapsodies sans nom, parmi lesquelles rien ne transpire, ni vérité, ni style, ni inspiration… » C’est drôle vraiment l’appel de ce Charles Dupuy, dans le journal conservateur par excellence. […] Le reste de la presse assez ergoteuse, déclarant que ma pièce est une œuvre ordinaire, où cependant se rencontrent une certaine délicatesse, et un style sortant de l’écriture courante des drames de tout le monde… En lisant les journaux, je suis frappé par la sénilité des idées et des doctrines chez les critiques dramatiques.

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