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1711. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

et, tout jeune encore, fuyant une ingrate patrie, quand il alla tenter le sort en Russie, la grande Catherine elle-même aurait-elle daigné l’honorer de son impériale faveur ? […] Il sortit de sa calme retraite pour entrer dans la lutte et se mêler de sa personne à la bataille des idées. […] Comment donc l’histoire résoudra-t-elle le problème et comment sortirons-nous de la difficulté ? […] Ou plutôt, disons mieux, et sortons une fois de l’équivoque où l’on se jette. […] John Lemoinne ne disait jamais qu’exactement ce qu’il lui plaisait de dire, et quand il l’avait dit, se retirant en soi, s’y renfermant et s’y taisant, les plus ingénieuses provocations ne l’en eussent pas fait sortir.

1712. (1927) Approximations. Deuxième série

Avec sa « Note sur Browning en France », Du Bos entend faire sortir de l’oubli le premier critique français de Browning, Joseph Milsand. […] L’art détient ici une primauté souveraine à l’abri de laquelle la pensée elle-même s’affine, se taille, se civilise, parce qu’il ne lui est jamais permis de sortir des conditions de la vie. […] Par sa nature même, le talent des Goncourt les désignait pour devenir de ce jeu du sort des victimes qu’ils auraient qualifiées d’« exquises ». […] Les mots sortent boudeurs, ainsi qu’il advient chez ceux qui ont à la fois envie et pas envie de parler. […] À quoi l’analyse de mon ami apportait un inappréciable renfort pour m’aider, sinon à sortir, du moins à comprendre que l’on pouvait sortir de ces notions de « carrefourhy » et d’« arbitrairehz » dont la tyrannie, sur moi toute puissante, m’avait paralysé dix ans.

1713. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Le clair, le très clair, le clair tout de suite, ils ne veulent pas sortir de cela, et, à plus forte raison, ils ne veulent pas s’en éloigner. […] Seulement ce fut sous la Restauration que ce régime commença de produire les effets que j’ai annoncé plus haut qu’il devait sortir. […] Cela est tellement senti par tous les républicains despotistes que tous ou le proclament ou en conviennent, soit par leur silence, soit par leur embarras à en sortir. […] Moi seul gouvernant, je ne sors pas de là et je n’entends pas à autre chose. […] Je ne crois pas qu’on puisse sortir de ces quatre partis.

1714. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

L’esprit ne peut sortir de lui-même ; et les choses qu’il croit extérieures à lui sont uniquement ses idées. […] Dieu n’est que la projection de mon esprit, comme toutes choses, car je ne puis sortir de mon esprit. […] L’esprit ne sort jamais de lui-même. […] L’esprit, d’après elle, ne sort pas de lui-même, et ce que nous appelons les choses n’est que nos idées. […] Ils décident à leur gré du sort des criminels ; et le sort des innocents est soumis, de plus en plus, à leur fantaisie.

1715. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

C’est une floraison ; une branche sort du tronc, et de celle-ci une autre, qui se multiplie par de nouveaux rameaux. […] Elle ne veut plus sortir, elle ne sourit plus, elle souffre à peine qu’on vienne la voir ; elle se reprocherait comme un manque de tendresse un moment d’oubli ou de gaieté. […] ou je te secoue — à faire sortir tes os de ton vêtement271. […] Il n’est plus maître des mots ; les paroles vides tourbillonnent dans sa cervelle, et sortent de sa bouche comme en un rêve. […] Voici deux amants heureux, assis au pied du palais dans la nuit sereine ; ne voulez-vous pas écouter la tranquille rêverie qui, pareille à un parfum, sort du fond de leur cœur ?

1716. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Eh bien, entre autres choses c’est ceci, à savoir que nous ne pouvons pas sortir de nous-mêmes ; nous ne pouvons jamais avoir d’autres visées que les nôtres et d’autres sentiments que les nôtres. […] c’est cela qui désole Fantasio : « Si je pouvais seulement sortir de ma peau pendant une heure ou deux. […] Il lui semble que ce prince Charmant va, le plus naturellement du monde, sortir de l’ombre et, avec son manteau de velours, sa chaîne d’or, l’emporter dans ses bras, tremblante et ravie. […] C’est pourquoi, après l’avoir prié de l’attendre dans la grande salle, elle sort, et Rosemberg, avec étonnement d’abord, puis avec effroi, entend verrouiller la porte par l’extérieur. […] Il y a fort peu de gens qui, au sortir d’un spectacle extérieur, sont capables de vous le décrire avec précision.

1717. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

J’ai encore d’autres sujets de joie que je ne puis pas dire (Ne serait-ce point l’idée de Werther qui déjà remue et qui veut sortir ?)  […] Tout ce qui est sorti de cette source élevée et débordante y est sincère, et a jailli de l’imagination et de la pensée de Goethe. […] La vraie conclusion de Werther pour les artistes (car Werther est un artiste ou veut l’être), ce serait la conclusion qu’a choisie Goethe lui-même, s’occuper, produire, se guérir en s’appliquant ne fût-ce qu’à se peindre ; et si tous, dans cette tâche, n’atteignaient pas aussi haut qu’un Goethe le peut faire, ils y gagneraient du moins de sortir de leur mal, de le traverser, et de se rattacher bientôt derechef aux attraits puissants de la vie.

1718. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

En avançant dans la vie, je me suis dit bien souvent que celui qui, dans sa jeunesse, à l’âge des nobles ambitions et de la belle ardeur, avait formé les plus hauts projets et conçu les plus magnifiques espérances, si, tout compte fait et toutes illusions dissipées, il se trouvait n’être déçu que de la moitié ou des trois quarts de son rêve, celui-là ne devait pas s’estimer encore trop mal partagé et n’avait pas trop à se plaindre du sort : c’est le cas de Du Bellay, qui, même en échouant et jusque dans le naufrage de la grande Armada littéraire dont il s’était fait le porte-voix et la trompette, a sauvé personnellement toute une part encore enviable de bon renom et de poésie. […] Elle répond assez bien au livre des Antiquités de Rome qui a pu sortir de là. […] On prend son parti de ne pas voir en Du Bellay un prochain archevêque : il avait, malgré ses plaintes et ses désirs, un rôle plus à sa portée ; et, même disgracié du sort, même chétif et malade, même confiné dans son petit Liré, pour peu qu’il eût eu quelques années encore, il aurait su trouver assurément dans sa sensibilité et dans son talent aiguisé de souffrance quelque œuvre notable de poésie.

1719. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance. » Au chapitre des Grands, il s’est échappé à dire ce qu’il avait dû penser si souvent : « L’avantage des Grands sur les autres hommes est immense par un endroit : je leur cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs ; mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. » Les réflexions inévitables que le scandale, des mœurs princières lui inspirait n’étaient pas perdues, on peut le croire, et ressortaient moyennant détour : « Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver ; ils appréhendent de vivre. […] Il est de ces esprits qui auraient eu peu à faire (s’ils ne l’ont pas fait) pour sortir sans effort et sans étonnement de toutes les circonstances accidentelles qui restreignent la vue. […] La Bruyère, né pour la perfection dans un siècle qui la favorisait, n’a pas été obligé de semer ainsi ses pensées dans des ouvrages de toutes les sortes et de tous les instants ; mais plutôt il les a mises chacune à part, en saillie, sous la face apparente, et comme on piquerait sur une belle feuille blanche de riches papillons étendus. « L’homme du meilleur esprit, dit-il, est inégal… ; il entre en verve, mais il en sort : alors, s’il est sage, il parle peu, il n’écrit point… Chante-t-on avec un rhume ?

1720. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Rien ne saurait donner une plus juste idée du brusque changement qui se fit d’un règne à l’autre que ces phrases naïves de la mère de François Ier, Louise de Savoie, écrivant en son Journal : « Le 22 septembre 1314, le roi Louis XII, fort antique et débile, sortit de Paris pour aller au-devant de sa jeune femme la reine Marie. » Et quelques lignes plus bas : « Le premier jour de janvier 1515, mon fils fut roi de France. » Son fils, son César pacifique, ou encore son glorieux et triomphant César, subjugateur des Helvétiens, comme elle le nomme tour à tour. […] « Ils sont trop grossiers et mal polis, disait-il, pour estre sortis de sa belle boutique. » Depuis lors on a paré à ce genre d’objection, et c’est plutôt le trop de poli qui rend aujourd’hui suspecte la prétendue relique d’autrefois. […] Les autographes imprévus et tardifs (ils semblent sortir de dessous terre aujourd’hui), s’il s’eu produisait à l’appui des imprimés, devraient être eux-mêmes soumis à examen.

1721. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

. — Pour moi, à trente ans de distance, je me rappelle trait pour trait l’aspect du théâtre où l’on me conduisit pour la première fois ; des troisièmes loges, la salle me semblait un puits monstrueux, tout rouge et flamboyant, avec un fourmillement de têtes ; tout en bas, vers la droite, sur un étroit plancher uni, deux hommes et une femme entraient, sortaient, rentraient, faisaient des gestes, et me semblaient des nains remuants ; à mon grand étonnement, un de ces nains se mit à genoux, baisa la main de la dame, puis se cacha derrière un paravent ; l’autre, qui arrivait, sembla fâché et leva les bras. […] Chose étrange, on sort d’un rêve intense et plein d’émotions ; il semble qu’un état si violent doive aisément et longtemps se reproduire. […] « À son départ pour la Grèce, un de nos savants fut renverse de sa voiture par une violente secousse ; une boîte, peu lourde pourtant, lui tomba sur la tête ; il ne s’ensuivit ni douleur ni plaie des téguments ; mais le blessé oublia totalement le pays d’où il était sorti, le but de son voyage, le jour de la semaine, le repas qu’il venait de faire, toute l’instruction qu’il avait acquise.

1722. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Puis en pleurant dans ces yeux où il a fixé son asile, l’amour faisait sortir de ces larmes si belles et si touchantes de brillantes et douces étincelles. » VIII Mais le sonnet n’est qu’un soupir, court et fugitif comme lui ; c’est vrai, cependant il résume une passion en un mot, et ce mot est immortel. […] X Les rapports passionnés que Laurent établit entre la Grèce et l’Italie, les livres dont il enrichit sa patrie, les hommes célèbres auxquels il offrit un asile, furent le signal de la Renaissance, époque brillante où un monde moral nouveau sort tout à coup d’un monde qui s’éteint. […] Jean sort à cheval pendant ce temps, et la foule s’amuse à le suivre. » Ils allèrent passer l’hiver à Caffagiolo.

1723. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Accorts et neufs, assez, peut-être, à leur apparition, ces articles se sont fanés depuis, — sort commun à ces sortes d’écrits, — et je me souciais peu de les remettre sous les yeux du lecteur. […] Comme notre grand Molière avait raison quand il a dit : Ce style figuré dont on fait vanité Sort du bon caractère et de la vérité. […] Notre grand Molière commit là deux mauvais vers qui eux-mêmes sortent autant que possible du bon caractère.

1724. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

L’esprit français, ébloui et charmé à la vue de l’antiquité, croyait renaître et comme sortir des limbes ; il ne renaissait pas, il arrivait lui-même à sa maturité et s’il se reconnaissait dans l’esprit antique, c’est parce qu’il devenait à son tour l’esprit humain. […] N’a-t-elle, pas eu deux langues littéraires, et n’est-il pas sorti du sein de la même mère Virgile et Dante, Tacite et Machiavel ? […] Née de notre unité territoriale et politique, en même temps qu’elle en est le lien le plus puissant, elle nous assure la seule universalité qui ne dépende pas du sort des armes, et qui soit acceptée sans combat.

1725. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

L’Aristippe n’eut pas un meilleur sort. […] Mais que pouvait-il sortir, sinon d’ingénieuses déclamations de cette solitude où Balzac se croyait en vue à tout le monde parce qu’il ne voyait personne ? […] Cette langue devait recevoir des développements infinis de la variété des sujets et des talents ; mais tout ce que le génie y ajouta de durable est conforme au type sorti des mains de cet homme de talent, le premier auquel on appliqua le vir bonus, dicendi peritus, maxime aussi vraie de l’écrivain que de l’orateur, et d’aussi étroite obligation pour l’un que pour l’autre.

1726. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Il sort de ces « moi », il participe de leur nature, et pourtant il s’oppose à eux et doit les dominer. […] Il est uni au « moi » et au « nous », il sort d’eux et pourtant il s’oppose à eux, et les combat au besoin. […] Nous ne pouvons rien dire sur le bien et le mal, dès que nous sortons des formules abstraites, en dehors de notre expérience si courte, et, dans les limites même de cette expérience, nous ne disons bien souvent que des sottises.

1727. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

puisque cette orchestration de qui tout-à-l’heure sortit l’évidence du dieu ne synthétise jamais autre chose que les délicatesses et les magnificences, immortelles, innées, qui sont à l’insu de tous dans le concours d’une muette assistance. […] À Bayreuth, au contraire, on est pour ainsi dire forcé de sortir de soi-même, on sent comme un lien mystérieux entre soi et ces étrangers, arrivés de tous pays pour se chauffer à la même flamme, qui dégagent autour de vous le fluide de leur admiration. […] Ce résidu musical du déterminisme dramatique qu’est l’orchestre wagnérien, cette force physiologique qui associe si profondément notre organisme sensitif au devenir de l’action vivante, nous ignorons d’où elle sort, nos sens sont en désarroi, car cette musique semble ne plus avoir d’existence objective, elle nous semble aussi bien être le propre mouvement de notre pensée qu’un enchaînement orchestral : aucun point d’appui qui nous permette de le décider.

1728. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

  Voilà les deux condamnés à l’amour, Tristan, Isolde, que le sort a jetés dans les bras l’un de l’autre et qui vont vivre la vie terrible de l’amour jusqu’à la mort. […] Lui-même a dit que la voix qui sort du tombeau de Titurel n’est autre que celle de Wotan « chez qui s’est brisée la volonté de vivre » (Glasenapp, Calendrier de Bayreuth, 1880, 61) ; pour montrer l’identité entre cette moitié de Wotan, Bruunhilde, et Kundry, il a forgé pour elle le nom de « Gundryggia »at, qui signifie Walküre (Lœffler, Bayr. […] Nous ne sortons du « domaine du Gral », où « nul ne peut pénétrer que le Pur » et où la seule grâce du Gral nourrit les croyants, que pour entrer dans les jardins enchantés que Klingsor « s’est créés dans le désert » et qu’il a peuplés de Floramyes.

1729. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Cet ouvrage eut le sort de toutes les nouveautés, qui piquent par leur singularité & leur hardiesse. […] Il avoit porté environ quarante mille écus de dot en entrant dans la Compagnie ; mais pour lui faire mieux observer la pauvreté évangélique, on ne lui rendit rien lorsqu’il sortit. […] Il résulte de la lecture de ces trois histoires qui forment six volumes in-4°. que du sein des passions & des intrigues qui se mêlent souvent aux choses les plus saintes, il peut sortir des loix équitables & des dogmes consolans.

1730. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Ici, la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf, ou aussi grosse que le bœuf, est tout simplement le bourgeois gentilhomme ; c’est tout simplement celui qui veut sortir de sa sphère et qui se gonfle pour atteindre les dimensions d’un autre personnage de la société. […] A ces qualités des bêtes La Fontaine ajoute encore la patience profonde, la résignation aux coups du sort, ce caractère de tranquillité devant la mort  non pas devant le danger, car l’animal sait se soustraire au danger  mais tranquillité, quiétude devant l’inévitable, que La Fontaine a marqué encore quelquefois de traits justes, profonds et tout à fait pathétiques. […] Gémir, pleurer, crier est également lâche, Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le sort a voulu t’appeler ; Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler.

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