Cependant Ivan ne s’abandonna pas longtemps aux doux sentiments de la paternité ; il faisait en ce moment la cour à l’une des plus célèbres Phrynés ou Laïs du jour. […] Elle a des sentiments élevés. […] Elle éprouvait un indicible sentiment de bien-être. […] Un sentiment de joie indicible et immense remplissait son âme ; tous ses doutes étaient morts désormais. […] Ce banc avait noirci et s’était recourbé ; mais il le reconnut, et son âme éprouva ce sentiment que rien n’égale, ni dans sa douceur, ni dans sa tristesse, ce sentiment de vif regret qu’inspire la jeunesse passée, le bonheur dont on a joui autrefois.
C’est Don Paez dont tout le rôle se réduit à être jaloux, jaloux comme Othello peut-être quant à la brutalité, mais non pas certes quant à la profondeur des sentiments, quant à la tendresse de l’âme. […] Et enfin Octave, cet homme sans courage, énervé dès longtemps par la plus complète fainéantise, ne saurait réussir à faire naître la sympathie, car il n’y a pas trace dans cette âme d’un sentiment tant soit peu élevé. […] Doué de sentiments littéraires plus actifs que délicats, M. […] Janin parce qu’au fond de ce latin-là, il y a un sentiment très vrai d’admiration et de sympathie pour les grandes beautés attiques, je ne saurais trop le répéter, parce qu’on n’a jamais eu la justice d’en convenir. […] C’est un sentiment qui plaît à tout le monde, et ce mot si piquant dans la bouche des femmes : Comme cet auteur ressemble peu à ce qu’il écrit, montre combien il est naturel de supposer le livre confident de l’homme.
Toutefois on peut conclure du soin avec lequel il recueillait les chants populaires de sa province (le Valois), tous ces petits poèmes où les soldats, les forestiers, les matelots ont exprimé leurs passions ou leurs rêves, qu’il faisait plus de cas, en poésie, du sentiment que de l’art. […] Champfleury Timide dans la vie, Gérard offrait une certaine résistance intérieure, et quoiqu’il vécût en bonne camaraderie avec la bande de Pétrus Borel et qu’il fût admis à l’honneur suprême de fournir une épigraphe au tapageur volume des Rhapsodies, Gérard appartenait à la littérature claire, obtenant les effets plus par le sentiment que par une palette chargée de couleurs.
Ceux qui s’obstinent à reprocher à l’Eglise un caractere odieux de dureté, d’intolérance, n’ont qu’à parcourir les instructions qu’il donnoit à ses Diocésains pendant les troubles des Cévenes ; ils verront comment un esprit vraiment pastoral sait allier la fermeté de la foi avec la charité qu’elle ordonne ; ils admireront des exhortations propres à affermir le courage des Ministres de la Religion, & à soutenir leur patience dans les persécutions ; ils seront pénétrés de respect & d’attendrissement pour cette douceur de morale, cette générosité de sentiment, cette indulgence qui plaint l’erreur en la combattant, cette magnanimité qui se refuse même la plus légere satisfaction, lorsque les persécuteurs les plus atroces sont devenus malheureux. C’est dans ces Ouvrages enfin que la Philosophie apprendra l’usage qu’on doit faire des lumieres & du sentiment, & que l’humanité n’a pas de consolation plus solide que la Religion, comme la Politique n’a pas de meilleur appui.
On chercheroit en vain, dans ses Epîtres & dans ses Discours philosophiques, ce ton d’aigreur & de cynisme, qu’un coloris séduisant n’est pas capable d’adoucir ; ces maximes hardies qui défigurent toutes notions ; cet appareil de sentiment qui n’échauffe que l’imagination & laisse le cœur froid. […] Sans s’attacher à cet appareil scientifique, à ces phrases prétendues sentencieuses, à ce contour pénible de pensées qu’on appelle du nerf, & qui ne donne au langage que de la gêne & de l’obscurité ; son style est simple, noble, ferme, lucide, correct, toujours plein de sentiment quand le sujet l’exige.
Mon ami, je suis trop heureuse, le bonheur m’ennuie… ……………………………………………………………………………………………… Ne trouvant donc rien ici-bas qui lui suffise, mon âme avide cherche ailleurs de quoi la remplir ; en s’élevant à la source du sentiment et de l’être, elle y perd sa sécheresse et sa langueur : elle y renaît, elle s’y ranime, elle y trouve un nouveau ressort, elle y puise une nouvelle vie ; elle y prend une autre existence, qui ne tient point aux passions du corps, ou plutôt elle n’est plus en moi-même, elle est toute dans l’être immense qu’elle contemple ; et, dégagée un moment de ses entraves, elle se console d’y rentrer, par cet essai d’un état plus sublime qu’elle espère être un jour le sien… ……………………………………………………………………………………………… En songeant à tous les bienfaits de la Providence, j’ai honte d’être sensible à de si faibles chagrins, et d’oublier de si grandes grâces… ……………………………………………………………………………………………… Quand la tristesse m’y suit malgré moi (dans son oratoire), quelques pleurs versés devant celui qui console, soulagent mon cœur à l’instant. […] Ce style, ces sentiments n’ont point de modèle dans l’antiquité42.
C’est en retraçant les habitudes et les actions de ses personnages qu’il nous donne ordinairement la mesure des sentiments et des désirs qui les animent. […] Le paysan russe en offre d’autres qui attiédissent un peu ce sentiment. […] Je chassai Arina, et je supposais qu’avec le temps elle reviendrait à de meilleurs sentiments ; il me répugne, vous savez, de croire au mal et à la noire ingratitude du cœur humain. […] Vous avez beau dire, — le cœur, les sentiments… non ! […] Ce sentiment gagna tous les autres paysans ; ils commencèrent à donner de temps en temps des marques d’approbation à demi-voix : — Bien !
Et, à travers tout cela, pas un mot venant du cœur, des entrailles, d’un sentiment ou d’une pensée quelconque. […] Toujours est-il qu’il a écrit cette phrase inouïe : « Écrire est un abus du langage », et qu’il est mort préférant le dessin, cette langue des yeux, à la langue des mots, à la langue rationnelle du sentiment et des idées. […] Ce fut dans son Voyage de Rome que le sentiment de l’art commença d’entrer dans cette âme septentrionale d’Allemand, glacée et brumeuse. […] Il se résigna au triste dénoûment de cette aventure avec la facilité et la sagesse d’un homme qui veut bien ornementer sa vie d’un sentiment., mais qui ne veut pas l’en agiter. […] Ils s’aiment, — et ils se quittent, n’ayant pas beaucoup appuyé sur des sentiments trop tendres pour ne pas vibrer fort au moindre pressement, au moindre contact.
Platon, cet écrivain si brillant d’imagination, revient sans cesse à une métaphysique bizarre du monde, de l’homme et de l’amour, où les lois physiques de l’univers et la vérité des sentiments ne sont jamais observées. […] On doit recourir aux anciens pour le goût simple et pur des beaux-arts ; on doit admirer leur énergie, leur enthousiasme pour tout ce qui est grand, sentiments jeunes et forts des premiers peuples civilisés ; mais il faut considérer tous leurs raisonnements en philosophie comme l’échafaudage de l’édifice que l’esprit humain doit élever. […] Mais ils n’avaient point ce sentiment intime, cette volonté réfléchie, cet esprit national, ce dévouement patriotique qui ont distingué les Romains.
Vous tâcherez encore ici que la mémoire ne fasse point l’office de l’intelligence et du sentiment. […] Elle a feint d’abord toute sorte de bons sentiments qu’elle a fini par éprouver. […] S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !
Si je laisse de côté les premiers vers, balbutiements incertains et légers de l’âme qui sourit à elle-même et salue en chantant son éclosion dans la vie, cette occasion me paraît être, pour plusieurs poètes lyriques de cette époque, le sentiment d’une vision nouvelle des choses. […] On le voit, le παντα ρει d’Héraclite peut être considéré comme la source commune de ces deux philosophies ; il pourrait aboutir aussi à deux sentiments voisins : chez M. […] Vielé-Griffin à cette philosophie, — laquelle est je crois plutôt de sentiment que de raisonnement, — peut nous intéresser au moins autant que cette philosophie elle-même.
Elle doit porter sur les idées, les sentiments, les tendances des personnages mis en scène ; elle est en ce sens interne ; mais, comme ces personnages sont ou bien créés de toutes pièces par l’auteur ou en tout cas interprétés et en une certaine mesure formés ou déformés par lui, comme ils servent de la sorte à exprimer la nature même et les conceptions particulières de l’auteur, l’analyse est en ce sens-là externe. […] Le ton d’un morceau est la résultante de beaucoup de choses diverses ; il se détermine d’après la nature des mots, la disposition des phrases, l’emploi de certaines tournures, moyens d’expression à travers lesquels on remonte jusqu’au sentiment dominant qui donne au morceau son accent particulier. […] Qu’avons-nous fait nous-même en étudiant séparément la forme, les idées, les sentiments, les tendances d’une œuvre littéraire, sinon unir par la pensée des éléments analogues, tout en les distinguant de ceux qui les avoisinent ?
Nous le déclarons d’avance, notre intention est d’exposer notre sentiment, & nous n’avons prétendu qu’éviter des répétitions, en retranchant ces manieres de parler, il nous paroît, il nous semble, à notre avis. […] N’étoit-ce pas pervertir tous les caracteres, ôter aux ames leur vigueur & leur énergie, aux esprits leurs principes & leurs lumieres, au sentiment son usage & ses objets légitimes, aux préjugés les plus respectables leur empire & leurs avantages ? […] Ce sont des Philosophes qui déclament contre l’imagination & la Poésie, qui réduisent le mérite des Vers au seul mérite de la pensée, qui ont substitué, dans le style, l’emphase au naturel, l’enflure au sentiment, l’entortillage à la clarté, la glace au pathétique….
Tant mieux pour nous et pour le livre que ce sentiment y soit seul ! Les livres des femmes tirent leur distinction, quand ils en ont, bien plus des sentiments que des idées, et ces sentiments s’y entassent et s’y mêlent un peu comme dans leurs âmes.
Il y a là une fièvre de sang dont on s’étonne, jusqu’à l’horreur, de voir frissonner cette nature sensible, comme disent les badauds ou les Tartuffes de sentiment (qu’ils choisissent !) […] , était de ces êtres à sentiment qui, dans un moment donné, peuvent devenir atroces. […] Dans un temps où un si grand nombre de femmes devinrent des hommes sous la foudre des sentiments publics, ce garçon d’entre les cris et les larmes, d’entre les enthousiasmes et les terreurs, fut certainement bien moins un homme que Théroigne de Méricourt, par exemple, ou telle autre chevaucheuse de canon sur la route de Versailles.
Son livre actuel, sous son titre imposant de l’Être social 46, n’était primitivement qu’une réponse à la question de savoir « quelles sont les raisons de la différence qui peut exister dans les opinions et les sentiments moraux des différentes parties de la société ». […] Armand Hayem a du moins sur eux l’avantage d’être jeune, et, malgré le scepticisme qui n’a pas encore passé de ses idées dans ses sentiments, d’avoir les enthousiasmes de la jeunesse. […] l’auteur de l’Être social n’est pas un rhéteur, une âme vide de rhéteur ; c’est, au contraire, une âme pleine d’illusions généreuses, quand il faudrait être, pour peu qu’on ait à juger l’anarchie des opinions et des sentiments moraux de cette babélique époque, un moraliste sans pitié.
Mais certes ils ne sont point des hommes de sentiment ; et rien ne leur est plus étranger que ces dispositions à la mélancolie dont les entretient Mme de Staël, ou que la poésie du christianisme, si même on ne doit dire qu’elles les trouvent : les unes, résolument hostiles, et l’autre contre-fanatisés. […] Le sentiment de la diversité des lieux est inséparable du sentiment de la diversité des époques ; et tous les deux, en s’unissant, constituent la couleur locale. […] S’ils ont assoupli, et en quelque sorte brisé l’alexandrin classique, c’est que l’alexandrin était pour la pensée, mais surtout pour le sentiment, une enveloppe ou une armure, dont la rigidité se ployait mal aux exigences de ce que le sentiment et la pensée ont de plus personnel. […] Mais ici le bon sens se révolte ; le sens commun reprend ses droits ; le sentiment de la fonction sociale de la littérature et de l’art se réveille. […] Quel ordre de pensées et de sentiments a-t-il développé dans le monde ?
Au milieu même de ses plaintes les plus tendres et de ses mélancoliques élégies, la sobriété mettra le cachet ; pas une parole n’excédera le sentiment, et le stoïcien invincible se retrouvera au fond, jusque dans les amertumes les plus épanchées. […] Tel est le point de vue de Leopardi, le pôle fixe auquel il rapporte désormais tous ses jugements et ses sentiments. […] Il résulterait de ces témoignages poétiques que Leopardi n’a connu de ce sentiment orageux que la première, la plus pure, la plus douloureuse moitié, mais aussi la plus divine, et qu’il n’a jamais été mis à l’épreuve d’un entier bonheur. […] Mais, lorsqu’elle est noble et généreuse, elle trouve une amère consolation dans le sentiment même de sa lutte sans espoir et de sa stoïque résistance au sein des choses. […] Mes sentiments envers la destinée ont été et sont toujours ceux que j’ai exprimés dans Bruto minore.
Ne vaudrait-il pas mieux faire tout par devoir, par raison, par charité, et rien par sentiment ? […] Mais il a de l’esprit, des sentiments, assez d’instruction : il est bien né. […] Penses-y cependant : regarde autour de toi pour voir si quelque autre n’obtiendrait pas de toi un autre sentiment. N’as-tu pas lu quelques romans, et n’as-tu jamais partagé le sentiment de quelque héroïne ? […] C’est au milieu des sentiments d’une affection exaltée par la reconnaissance, qu’Émilie découvre les désordres de Joséphine.
. — Le sentiment de la campagne est naturel en Angleterre. — Thompson. […] Mais comme le sentiment vrai perce à travers la forme scolastique ! […] Il est emphatique et phraseur, compose des tirades sur le sentiment, invective contre le siècle, apostrophe la Vertu, la Raison, la Vérité et les divinités abstraites qu’on grave en taille-douce sur les frontispices. […] Trente ans avant Rousseau, Thompson avait exprimé tous les sentiments de Rousseau, presque dans le même style. […] Et cependant le sentiment est neuf et sincère.