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586. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Je n’ai pas du tout approuvé, dans l’Éloge du baron boucher-Desnoyers, graveur, cet encadrement trop fleuri, cette scène de début dans un jardin : « Plusieurs personnes se trouvaient réunies chez M.  […] Desnoyers était belle et sereine, etc. » Tout l’Éloge est ainsi mis en scène ; M.  […] Mais l’Éloge de Simart, le dernier de ceux qu’Halévy a eu à prononcer, est des meilleurs ; j’y noterais à peine un ou deux endroits pour le trop de mise en scène ou la fausse élégance de l’expression ; l’analyse des travaux de l’artiste y occupe une juste place, et toute cette partie est traitée avec bien du sérieux, et cependant avec animation et vie : « Simart, au reste, ne courait pas après la popularité ; il l’attendait, non comme l’homme de la fable attendait la Fortune, mais debout et laborieux.

587. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Le jeu de scène maintenant classique à l’Académie nationale de musique en lequel, au final de la Walkyrie, Wotan fascine de son regard impérieux et sévère Brünhild épuisée avant de l’ensevelir d’un baiser dans une hypnose flamboyante, puis reculant pas à pas, appelle d’un très long regard le sommeil punisseur ; ce jeu de scène, disons-nous, est exact, cohérent, d’une vérité de technique surprenante, mais apocryphe. […] Si, des écrivains, des artistes proprement dits, nous passons aux professionnels du théâtre, nous accorderons dix-huit mois de service hospitalier à l’un de nos meilleurs « metteurs en scène » actuels, M. 

588. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Il s’agit du Juif errant d’Eugène Sue : « Prise en soi, la scène du pôle nord entre le Juif errant et la Voix de Dieu produit un effet de religieuse terreur. […] Nous apprenons qu’après Molière « trois écrivains bourgeois, Marivaux, Gresset, Piron, dont l’âme n’était tissue que de délicatesse, de fierté, de noblesse, de pensées honnêtes, avaient épuré et divinisé la scène comique ». […] Après cela, je ne vois pas pourquoi tel morceau de Regnard, de Marivaux, de Piron, ne serait point de la poésie aussi bien qu’une scène de Shakespeare, un chant de Dante ou une ode de Victor Hugo ; et pour ceux qui la goûtent par-dessus tout, cette poésie proprement française est, en effet, la meilleure.

589. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Il n’est rien de plus haut, de scène écrite en phrases plus nobles, plus pénétrantes en tout cœur, que cet incident final d’Humiliés, où Natacha, ayant consommé son martyre et consenti à ce que son faible amant la quittât, succombe enfin à ses forces brisées, et cependant encore éprise, dit amèrement et comme en rêve, la honte et la délicieuse humiliation de son attachement. […] Et ce manque de simplicité, qui est peut-être le signe distinctif le plus sûr entre la psychologie réaliste et l’imaginaire, existe encore dans tous les personnages et toutes les scènes des livres de Dostoïewski. […] Ainsi ces romans sont imbus de condoléance, depuis la scène où une petite enfant raconte à des parents endurcis pour leur fille, l’histoire de l’abandon de sa mère jusqu’à tous les actes évangélique de l’idiot, jusqu’à l’inoubliable entrevue de Raskolnikoff et de Sonia, irrités tous deux l’un contre l’autre, chargés des pires souillures et égaux dans le douloureux abandon de tout orgueil, qui tombent agenouillés l’un devant l’autre et pleurent sur leur souffrance et sur celle qui, diffuse dans la nuit du monde, fait sourdre de toute chair en toute terre, le même murmure de lamentations, et la même pluie lente de larmes.

590. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Huysmans l’expédie en quelques phrases et consacre ses chapitres non plus au récit d’une série d’événements, mais à la description d’une situation, d’une scène, procède non par narrations successives avec de courtes haltes, mais par de larges tableaux reliés de brèves indications d’action ; et, comme tous les écrivains de cette école  avec de profondes différences personnelles  il possède un vocabulaire étendu et un style riche en tournures, apte, par des procédés divers, à rendre l’aspect extérieur des choses, à reproduire les spectacles, les parfums, les sens, toutes les causes diverses et compliquées de nos sensations, de façon à les renouveler dans l’esprit du lecteur par la voie détournée des mots. […] Parmi les innombrables tableaux de Paris, les croquis et les scènes dont regorgent les romans de M.  […] S’il met en scène des personnages que leur manque de culture rend incapables d’observations minutieuses, dont les yeux rudimentaires ne savent point voir ; il intervient, décrit en personne, sensation par sensation, les tableaux que ces obtus spectateurs contemplent, et marque ensuite en réaliste exact le peu d’intérêt qu’éveille chez eux ce spectacle inaperçu.

591. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Il y a dans un roman contemporain une scène frappante : un enfant, apprenti dans une usine, est accusé d’un vol.  […] Je conseillerai donc, si l’on veut apporter quelque récit à l’appui d’un conseil ou pour preuve d’une thèse, de n’entreprendre point de faire parler les animaux et les arbres, et de n’imaginer rien qui soit hors des conditions de la vie commune : que la fable soit un conte, une anecdote, enfin une petite scène du monde réel ; cela aura plus d’intérêt et un tour plus moderne.

592. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Une construction très solide, qui fait ressortir la thèse, qui dresse les situations comme des arguments et nécessite le dénouement par une pressante logique, un dialogue éclatant d’esprit, trop ingénieux parfois et trop pétillant, mais d’une singulière précision dramatique, d’incroyables tours d’adresse pour éviter les difficultés en paraissant les aborder de front, autant de romanesque qu’il en faut pour amorcer ou désarmer le public, des brutalités voulues et mesurées, et, par un contraste piquant, les plus rigides conclusions préparées par les plus scabreuses situations ; au milieu de tout cela, des coins de scènes qui donnent la sensation immédiate de la vie, des parties de caractères, qui éclairent fortement certaines profondeurs de l’âme contemporaine : voilà l’impression mêlée et puissante que donnent les comédies de M.  […] Et de plus, une sorte de tristesse philosophique imprègne certaines scènes, où la désillusion pessimiste apparaît à la suite de la ruine de la volonté.

593. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Le goût avait déjà distribué aux arts, aux sciences, à la chaire, au barreau, à l’histoire, à la morale, à la poésie, à la scène comique, à la scène tragique, le ton, le style convenables à chacune de ces parties.

594. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Je sais ce que c’est que la poésie de Byron ou de Crabbe, par exemple, mais je ne sais pas, ou plutôt je sais trop ce que c’est que la poésie antique, — la poésie orientale, — la poésie indienne, obtenues à l’aide du procédé moderne par des hommes qui ne sont ni des Anciens, ni des Orientaux, ni des Indiens, et qui jouent littérairement d’une façon plus ou moins sérieuse, c’est-à-dire plus ou moins comique, la scène de M.  […] C’est un masque de talent (je le veux bien), mais un masque qui n’a que deux costumes à son usage, — les acteurs de la pensée sont moins riches que ceux de la scène, — le costume antique et le costume indien.

595. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Socrate dans chaque scène prêche la morale ; et le dénouement, c’est la ciguë. […] Au second discours, la scène change.

596. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « epigraph »

La Critique de l’École des femmes, scène viii.

597. (1883) Le roman naturaliste

Daudet est chez nous presque le seul romancier qui sache mettre les enfants en scène et les faire parler ? […] » Tantôt, la parenthèse ou l’exclamation viennent continuer la pensée du personnage en scène, à qui M.  […] Il y a des romanciers qui sont venus au roman par le théâtre ; et, ceux-là, dans tout un long récit qu’ils écrivent, n’y eût-il qu’une scène, une seule scène de passion, elle sera « dramatique » je veux dire disposée selon les lois de l’optique du théâtre. […] La phrase faite, et le paragraphe construit, il reste à charpenter les grandes scènes. […] Et, puisqu’aussi bien M. de Goncourt mettait une comédienne en scène, on s’attendait qu’il l’étudiât.

598. (1922) Gustave Flaubert

Alors scènes violentes. […] Dans ses voyages à Paris, elle lui faisait des scènes scandaleuses. […] La scène du fiacre les terrorise. […] Les scènes militaires à redites fatigueraient en effet si on était en présence d’un roman. […] Cela m’amusera de l’écrire en dialogues, avec des mises en scène très détaillées.

599. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Il y a une scène se passant dans un cabinet de toilette, qui est un transport au théâtre de la vie intime, comme je n’en vois pas faire par aucun des gens de théâtre de l’heure présente. […] En résumé, je ne trouve dans les quatre ou cinq pièces supérieures de Shakespeare, tout à fait hors ligne, que la scène de somnambulisme de lady Macbeth, s’essayant à effacer la tache de sang de sa main, et avant tout la scène du cimetière d’Hamlet, où il atteint le sommet du sublime. […] l’artistique mise en scène de la désolation et du deuil des vivants. […] » Cette froideur s’accentue au second acte, dans la scène pathétique des deux femmes, pendant l’attaque des Tuileries, et finit sur un maigre claquement de mains. […] La scène du barbotage de la toilette, montrant le boucher dans l’homme du monde, avant qu’il ait endossé le plastron de soirée, c’est vraiment pas mal.

600. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 324

Deux ou trois scènes intéressantes dans sa Tragédie de Cléopatre, ne sont pas suffisantes pour lui donner le droit de se plaindre de cet oubli.

601. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Mais ne respire-t-on pas dans toute cette scène comme un air shakespearien ? […] La conversation s’engage, et c’est une vraie scène de médiocre comédie bourgeoise. […] À propos de cette dernière scène du quatrième acte, Voltaire a été, dans ses Commentaires, dupe de l’illusion. […] Je crois aussi que la prose n’est pas bonne pour faire vivre sur la scène une tragédie ou une haute comédie versifiées dans l’original. […] Les réminiscences de Macbeth éclatent dans diverses scènes.

602. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — set » p. 212

La scène est à Constantinople — en 1868.

603. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Avec Flaubert, la physiologie faisait son entrée en scène et allait prendre possession du roman. […] Certaines scènes entre le prince Muffa et Nana sont réellement écœurantes. […] Zola nous fait assister à des scènes bien capables de produire sur les estomacs les plus robustes l’effet d’une dose d’émétique. […] Certes, on avait raison de ne pas vouloir s’en tenir aux Grecs et aux Romains, d’autant qu’ils n’avaient pas représenté à la scène tous les sentiments humains, bien qu’ils n’y fussent pas étrangers dans la vie réelle. […] Dans les Rougon-Maquart, la scène s’ouvre sur un ancien cimetière devenu terrain vague.

604. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Macaigne, Camille (1843-1877) »

Les sujets qu’il traite sont les thèmes éternels et qui toujours seront les plus fertiles en variations lyriques : les promenades à travers les champs et les bois, les charmants épisodes de la vie de famille, quelques scènes de l’antiquité, les jeux de la fantaisie et jusqu’aux discrètes émotions du patriotisme.

605. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol, les caractères généraux de la poésie pastorale ; on a déterminé avec assez de précision quels devaient être le lieu de la scène, le rôle des acteurs, le ton du discours, les qualités du style ; mais l’organisation intérieure, le mécanisme secret, la structure savante et ingénieuse de cette poésie, ont été jusqu’ici peu étudiés. […] Rossignol, ne séparez pas cette forme du fond ; ou, si vous l’oubliez un instant, si vous parvenez à écarter cette molle et suave mélodie pour ne vous attacher qu’à la pensée, vous serez frappé du défaut d’unité dans le lieu et dans le sujet, du vague de la scène, et du caractère bien plus littéraire que réel de ces bergeries.

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