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1098. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Le peintre de la Turquie d’Asie veut bien nous communiquer, pour notre futur roman (Manette Salomon), les lettres qu’il a écrites à sa femme ; et voici celle-ci, qui apporte un paquet de ces longues grandes lettres, rendues presque vénérables par une dizaine de timbres. […] * * * — La description matérielle des choses et des lieux n’est point dans le roman, telle que nous la comprenons, la description pour la description. […] * * * — La province dépasse le Roman. Jamais le Roman n’inventera la femme d’un commandant de gendarmerie mettant en vers les sermons du vicaire. […] Rien de donné par elles au roman des coulisses.

1099. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Elle était alors dans tout l’éclat de sa réputation, et ses interminables romans au plus fort de leur vogue. […] Il s’étale impudemment dans certaines parties ignobles du roman de Rabelais. […] Il va sans dire qu’il n’a pas la portée que lui prête l’auteur du roman. […] Et le roman de cette riante, espiègle et charmante Silvia du Jeu de l’amour et du hasard, ce serait l’histoire de la tout indulgente, tout humaine et un peu nonchalante Araminte des Fausses Confidences ? […] Qui donc a dit qu’il n’était pas impossible que Marianne eût inspiré les romans de Richardson ?

1100. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Enfin au xixe  siècle, après la reprise du sentiment religieux et du sens artistique qui produit l’explosion romantique, voici que jusqu’à une date très rapprochée de nous, l’esprit critique et expérimental devient le principal ressort de l’âme française, et se traduit littérairement par l’abondante floraison du roman et du théâtre réalistes, par l’étonnant développement de l’histoire et de la critique, par un effort enfin universel et sensible pour soumettre l’inspiration de l’écrivain aux lois de la méthode scientifique.

1101. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Goût de l’amour dès l’enfance, avant même de se douter de ce qu’est l’amour ; sentiment un peu sanglotant de la nature ; aspiration à se dévouer sans relâche, avec un secret contentement de souffrir pour son dévouement ; félicité de la meurtrissure sentimentale, optimisme extraordinairement vivace, abrité du scepticisme comme par une ouate de mélancolie douce… Ajoutez à ces dons naturels la vie la plus romanesque, romanesque jusqu’à l’invraisemblable, une gageure du destin tenue et gagnée contre les caprices de l’imagination : l’héritage sacrifié à la foi religieuse, les voyages tragiques, la guerre, la tempête, la séduction, l’abandon, le théâtre avec le succès d’abord, et bientôt la perte de la voix, la misère, la mort de l’enfant adoré, de quoi défrayer vingt romans conçus avec quelque économie.

1102. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

. — Le Roman de Louis XI, ballades françaises, 3e série (1899). — Les Idylles antiques, ballades françaises, 4e série (1900).

1103. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Paul Fort : Le Roman de Louis XI.

1104. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

De sorte qu’un paysan est assis dans sa chaise, lisant un vieux roman, pendant que les autres travaillent pour lui et tirent tout son argent. » Quelle que soit la condition, le même orgueil subsiste. […] Sans doute, la plupart des lecteurs ne verront dans cette théorie que le roman d’un fou. […] — Je viens, de la part de Son Altesse Impériale, vous prier de venir ce soir chez elle avec votre roman. — Quel roman ? […] Ses lectures aboutissent naturellement à la demi-vision de l’artiste, à la mise en scène, au roman qui ranime le passé. […] Quand ce thème philosophique rencontre un personnage capable de le porter jusqu’au bout et de l’exprimer tout entier, le roman est de premier ordre ; c’est ainsi que M. 

1105. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Dans les Précieuses ridicules et dans les Femmes savantes, Molière atout simplement pris dans la vie des personnages qui imitaient le roman et le théâtre de la génération précédente. […] Les principaux personnages y ont, avec précision et même un certain relief, la même physionomie que dans le roman. […]  » Soit ; mais cette demi-ligne, pour représenter tout une dernière partie, très importante du roman (et peu importe que cette dernière partie soit longue ou courte matériellement), cette demi-ligne est un peu insuffisante. […] Ils semblent seulement vouloir nous dire : « Vous savez ; ne vous y trompez point : nous avons lu le roman de Balzac jusqu’au bout. […] Vous vous rappelez Renan parlant des romans avec le dédain en quelque sorte ingénu qui était en lui pour tout ce qui n’était pas littérature d’idées.

1106. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Au bas de la planche de Lawreince : Le Roman dangereux, sous la femme étendue sur le lit de repos, je vois écrit par une encre contemporaine de Manuel : la duchesse de Berry. […] Il est dans le moment toqué de conchyologie qu’il veut fourrer dans un roman, et il va travailler à ramasser dans la glaise toutes sortes de coquilles antédiluviennes, passant des quatre heures en plein soleil, avec son panier, son marteau et son ciseau à froid, et accompagné de son fils, un petit blondin aux cheveux de la nuance du chanvre, le ventre couvert d’un tablier de cuir, qui en fait comme un Amour en sapeur. […] Il nous conte, du plus grand sérieux du monde, qu’il éprouve un certain ennui de finir son roman, tant il est attaché à ses personnages… Au milieu du développement de son ennui, un coup de sifflet dans la falaise : c’est Mme Feydeau qui arrive avec un pliant, toute charmante en sa fleur de beauté, et délicieusement coiffée d’une de ces coiffures du Directoire, qui ont l’air d’en faire une fille de Mme Tallien. […] Ce soir nous avons vu, pour la première fois, « l’homme masqué », une figure du paladin du biceps, qui nous est restée, ainsi qu’une apparition du Chevalier noir, dans le chapitre d’un roman de Walter Scott. […] Une description prise dans le même temps de l’Arène athlétique, et que je retrouve dans le cahier documentaire de nos Romans futurs, qui n’ont point été faits, hélas !

1107. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Les événements n’y sont pas nécessaires comme dans l’histoire, et la moralité n’en a rien de plus imposant que celle d’un roman. […] Plusieurs ne sont que d’agréables héros de roman ; on les voit volontiers une fois, mais on n’a pas envie de les revoir. […] « Qu’est-ce qu’un roman mis en action et en vers ? 

1108. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

L’épopée a pu être fondue dans le drame, et le résultat, c’est cette merveilleuse nouveauté littéraire qui est en même temps une puissance sociale, le roman. L’épique, le lyrique et le dramatique amalgamés, le roman est ce bronze. […] C’était lui qui disait : Il n’est chasse que de vieux chiens et châsse que de vieux saints ; et quoiqu’il n’aimât pas les nouveaux venus de la sainteté, il était l’ami de saint François de Sales, sur le conseil duquel il fit des romans.

1109. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Deux chambres basses où l’on montait par un escalier de bois, des meubles rares et éraillés, restes de l’antique opulence, quelques livres sur des tablettes suspendues à côté de la cheminée, une table où les vers de la fille et les romans de la mère, corrigés pour l’impression, révélaient assez les travaux assidus des deux femmes ; au fond de l’appartement, un petit cabinet de travail où Delphine se retirait du bruit pour écouter l’inspiration, voilà tout. […] XXIX Il se passa de longues années avant que j’eusse l’occasion de la revoir ; elle avait rempli ces années de bonheur, de vers et de célébrité : des volumes de poésie, des romans de caractère, des articles de critique de mœurs qui rappelaient Addison ou Sterne ; des tragédies bibliques, où le souvenir d’Esther et d’Athalie lui avait rendu quelque retentissement lointain de la déclamation de Racine ; des comédies, où la main d’une femme adoucissait l’inoffensive malice de l’intention ; enfin des Lettres parisiennes, son chef-d’œuvre en prose, véritables pages du Spectateur anglais, retrouvées avec toute leur originalité sur un autre sol : tout cela avait consacré en quelques années le nom du poète et de l’écrivain. […] Elle étudiait pour cela Balzac, ce Molière intarissable du roman.

1110. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Il fut un temps où les directeurs de journaux proscrivaient dans les romans jusqu’aux mots de maîtresse et d’adultère ; et, au Gymnase, un vaudeville de M.  […] Faites-leur lire l’Histoire des Voyages ou les Lettres édifiantes ; abonnez-les aux bibliothèques paroissiales ; mais écartez d’elles tout livre qui a l’Art ou la passion pour but ; vers, romans, pièces de théâtre, le meilleur n’en vaut rien pour elles. N’avons-nous pas vu récemment un écrivain religieux d’un grand zèle tenter « s’il ne serait pas possible de composer un roman avec des personnages, des sentiments et un langage chrétiens3 » ?

1111. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

C’est en général dans les premiers temps littéraires d’un peuple, lorsque les croyances ne sont pas attiédies, et lorsque l’invasion du roman n’a pas encore eu lieu, que paraissent les épopées vraiment dignes de ce nom. […] Ce qui est vrai pour la musique et la peinture l’est bien davantage pour la poésie qui est l’art le moins palpable, celui dont les secrets sont les plus nombreux et les plus intimes, celui enfin qui a le grand désavantage sur les autres arts de n’avoir pas une langue à part et d’être obligé de s’exprimer avec les mêmes signes qu’un exploit d’huissier, ou qu’un roman vertueux qui fait pleurer les marchandes de modes. […] Victor Hugo, dans tous les genres, et ce grand roman historique de Cinq-Mars, qui eût suffi pour faire la réputation de M. 

1112. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

[NdA] Voici cet incroyable portrait du laquais, digne du Roman comique de Scarron ou d’un tableau d’auberge hollandaise. […] Quand on dit C’est une jeunesse qui se divertit, c’est comme si on disait : Cela se divertit parce que cela est jeune. » — On a depuis fait droit jusqu’à un certain point à cette réclamation ;  Paul-Louis Courier a remis en honneur ces vieilles locutions populaires, et Mme Sand, dans ses jolis romans rustiques, dit couramment une jeunesse, il est vrai que dans le beau style, on s’en prive toujours.

1113. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

la plupart de ses jugements littéraires d’alors, courus et touchés à peine, sont restés charmants : — et sur Xavier de Maistre et son frère, si différents, mais semblables en un point, et en général sur les écrivains de Savoie, fins, sagaces et jamais lourds, et desquels on peut dire que « la finesse italienne a passé par là » ; — et sur Mme de Souza, le romancier aux aimables nuances, qui excelle à cent pages d’amour délicat, mais chez qui « cette délicatesse est compensée par l’absence de tout trait fort et profond : le premier volume de ses romans amuse beaucoup, le quatrième lasse toujours » ; — et sur Mme de Staël, contre laquelle il lance des paroles d’un pronostic, effrayant ; et sur Mme de Genlis, qui a trouvé moyen, avec infiniment d’esprit, de faire entrer l’ennui dans ses livres, car l’hypocrisie de salon les glace ; et sur M. de Jouy, à qui il accorde un peu trop en faveur de son Sylla et de ses vers tragiques dignes de la prose ; et sur Andrieux, dont on essaya un moment de faire l’arbitre du goût ; il écrivait de ce dernier en janvier 1823 : « M.  […] Delécluze ouÉtienne, qui a passé sa vie à se croire classique et à défendre plus ou moins l’orthodoxie en littérature ou en art, serait, à cette heure-ci, rejeté de tous les classiques, s’il y en avait encore, et au nom même de ce qu’il a professé : je ne lui vois d’asile et de refuge à espérer que in partibus infidelium, parmi ceux qu’il a tant conspués, et qui l’accueillent volontiers, qui lui font place, en faveur d’un joli roman naturel, de quelques dessins vrais et frappants, de quelques descriptions fidèles et qui ont le cachet de leur date : Mademoiselle de Liron, son chef-d’œuvre, l’Atelier de David, et quelques pages et portraits des Souvenirs.

1114. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Philosophie, musique, roman, comédie, peinture, médecine, amours, luxe et misère, noblesse et roture, tout cela vit ensemble, rit ensemble ; et quand ces intelligences barbues et ces plâtres vivants habillés de satin sont partis, il reste ici pendant deux jours une odeur de punch, de cigare, de patchouli et de paradoxe, à asphyxier les bourgeois. […] En regard de ses boxeurs, je me plairais à mettre un Mariage dans le grand monde, tous ces beaux fronts inclinés devant l’élégant ministre qui les prêche en cravate blanche, ou encore ces deux dames qui se promènent dans West-End, le valet de pied derrière, à distance, tenant sous le bras les volumes du roman nouveau qu’elles viennent d’acheter : c’est du plus haut ton.

1115. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Dans ce fameux et trop célèbre roman des Mystères de Paris, quand Eugène Sue s’apercevait qu’il avait trop plongé son lecteur dans la boue et dans l’horrible, vite il ramenait sa grisette gentille et rieuse et faisait chanter les oiseaux de Rigolette. […] Entre les modernes, l’une a lu et préfère à tout Lamartine et, comme la vigne de l’Évangile « entourée de haies », à laquelle elle se compare, elle s’est gardée de la contagion des romans ravageurs et troublants.

1116. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

A la cour, quelques salons, quelques ruelles de beaux-esprits étaient déjà de mode ; mais rien n’y germait encore de grand et d’original, et l’on y vivait à satiété sur les romans espagnols, sur les sonnets et les pastorales d’Italie. […] Il y en a cinq ou six dans cette contrariété. » Ces réminiscences un peu fades de pastorales et de romans sont naturelles sous son pinceau, et font agréablement ressortir tant de descriptions fraîches et neuves qui n’appartiennent qu’à elle : « Je suis venue ici (à Livry) achever les beaux jours, et dire adieu aux feuilles : elles sont encore toutes aux arbres, elles n’ont fait que changer de couleur ; au lieu d’être vertes, elles sont aurore, et de tant de sortes d’aurore que cela compose un brocard d’or riche et magnifique, que nous voulons trouver plus beau que du vert, quand ce ne seroit que pour changer. » Et quand elle est aux Rochers : « Je serois fort heureuse dans ces bois, si j’avois une feuille qui chantât : ah !

1117. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

L’antiquité a-t-elle des romans à opposer à Cyrus et à Clélie ? […] Il y a même des genres de poésie que les Latins n’ont pas connus, comme « ces poèmes en prose que nous appelons romans ».

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