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299. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Maintenant que le conteur a fini de rire, on peut causer. Car on ne rit pas du tout, on ne plaisante pas un instant avec le Démon de l’Absurde.

300. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Seulement, cette brise de l’esprit finit par ne plus rafraîchir son âme, quoiqu’elle y fit toujours ces plis charmants qui sont des rires ou des sourires. « On la croit sèche, — dit Sainte-Beuve, cité par M. de Saint-Aulaire, — et elle ne l’est point. […] Une des reines du xviiie  siècle, douée de tous les dons aimables par lesquels on était reine alors, une Titus femelle, les délices du genre humain, comme disait d’elle une de ses amies, une des plus éblouissantes soupeuses de cette époque où le souper était « une des quatre fins de l’homme et où l’on oubliait les trois autres », un des esprits les plus teintés de ce rouge audacieux que les femmes mettaient sur leurs joues pour qu’on vint l’essuyer, se plaint, à travers les rires de tout le monde et même des siens, d’un ennui que ne connaît personne, de cet inexorable ennui dont parle quelque part Bossuet, que certainement elle ne lisait pas !

301. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

dans ce temps de démocratie où les Saints du peuple devraient être au moins respectés par tous ceux qui n’ont la bouche ou la plume pleine que de ce nom de peuple, parions que Benoit Labre, né d’ouvriers (ces rois actuels qui ont détrôné les autres), fera rire le siècle de toutes ses vilaines dents, et que ce nom même de Labre, d’assez piètre physionomie, j’en conviens ! […] Vous ne vous répondrez peut-être pas, mais vous aurez constaté le phénomène dans cette humanité qui doit mourir, mais qui, en attendant qu’elle meure, goûte un charme amer dans le spectacle de sa misère, et trouve dans la contemplation d’un vieux pauvre ou d’une vieille pauvresse la plus longue de ses rêveries… Cette fascination de la pauvreté qui agit sur nous tous, pas de doute que Benoît Labre ne l’ait ressentie ; mais si vous ajoutez à cette poésie naturelle la poésie de l’amour de Dieu, du Dieu né dans l’étable de Bethléem et qui a enseigné le renoncement aux joies matérielles de la vie, vous aurez une vie très particulière et très belle, et qui, même sans la foi chrétienne qui seule peut l’expliquer, doit couper le rire sur les lèvres superficielles et sottes des moqueurs.

302. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Tant de larmes versées, tant de soupirs, tant de prières perdues la faisaient rire. […] (Les puissances démoniaques aiment à rire.) […] Droit à son cœur dresse ta viré, Et ne faux point ce beau coup-là, Afin qu’elle ne puisse rire. […] que ces éternels modernistes prêtent à rire ! […] Fouquet qui aimait et admirait La Fontaine rit de l’épigramme, et le poète put désormais faire à sa guise, tout en gardant la pension.

303. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jhouney, Alber (1860-1926) »

Il a appris l’art des saintes colères est le secret de ne point rire, même de soi.

304. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 168-169

Elle a paru depuis peu sur le Théatre, où elle a fait rire un moment les désœuvrés, & bâiller les gens raisonnables.

305. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 274

Un fou du moins peut rire, & sait nous égayer.

306. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 421-422

Nostradamus vient, paroît à la Cour ; il y est comblé d’honneurs & de bienfaits ; ensuite il s’en retourne jouir, dans sa solitude, des fruits de la crédulité publique, dont il dut souvent rire en lui-même.

307. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mithouard, Adrien (1864-1929) »

L’antinomie humaine que symbolisent les époux larmes et rires, le doute et la foi, la prière et le blasphème, se lèvent face à face, pour les éternelles épousailles, au chœur d’une cathédrale d’un double style contrarié, avec, sur leurs lèvres, le oui jamais prononcé.

308. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Celle-ci provoque ma pitié, puisqu’elle s’étale, et la repousse, puisqu’elle rit ; et c’est pourquoi elle me déconcerte. […] Si seulement son rire était cruel ! […] Son rire absout la Douleur, et cela est un crime, et c’est de cela, décidément, que je lui en veux. […] Paul Arène : Riez ! Bou, bou, riez !

309. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Un troupeau gracieux de belles courtisanes S’ébat et rit dans la forêt de mon âme. […] Je veux rire, je veux rire. […] Je veux rire, je veux rire. […] Je veux rire, je veux rire. […] Ce serait à mourir de rire si ce n’était bête à faire pleurer.

310. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

— Et il rit encore ! […] Il y en avait qui, coiffées d’une sorte de casque siamois à ornements d’or, riaient en frappant l’une contre l’autre de petites cymbales argentées. […] Quel est cet homme au gros rire, aux larmes faciles, à l’amitié toujours prête, à l’accent expansif de ton compatriote du Midi ? […] (Le monsieur s’éloigne en se tordant de rire ; Vivier le regarde dédaigneusement et poursuit son chemin.) […] Vous voulez rire ; on vous a trompé.

311. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Un jour que Boindin, très raisonnable dans le tête-à-tête, mais paradoxal en public, en était venu, dans je ne sais quelle discussion, à soutenir comme vraisemblable la pluralité des dieux, Duclos tout d’un coup se mit à rire, et comme Boindin, lancé en pleine éloquence, lui en demandait la raison, Duclos pour toute réponse lui dit que c’était qu’en soutenant cette pluralité des dieux, il lui avait rappelé l’avare qui est plus prodigue qu’un autre quand une fois il se met en frais : « Il n’est chère que de vilain ». Et chacun de rire. […] Parlant, je crois, de quelque souper chez le président Hénault, qui faisait les honneurs de chez lui en mangeant beaucoup, le prince de Ligne nous dit : « Marmontel l’a secondé à merveille ; Duclos pas mal, avec sa sécheresse et son sel ordinaire ; sel de mer à la vérité, sel amer, mais qui vaut mieux que le sel attique dont on parle toujours et où je ne trouve jamais le mot pour rire. » Les portraits des gens de lettres qui terminent le fragment trop court des Mémoires de Duclos, et où l’on voit passer Fréret, Terrasson, Du Marsais, La Motte, forment un des meilleurs et des plus agréables chapitres de notre histoire littéraire.

312. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Après les heures qu’elle employait auprès de son estimable gouvernante Mme de Sonsfeld, personne de mérite qu’un coup du ciel lui donna pour remplacer l’abominable Leti, ses meilleurs moments, ses seuls bons moments étaient ceux qu’elle passait avec son frère, et si la raillerie, la satire, le rire aux dépens du prochain les occupaient trop souvent, il faut bien penser que c’était une revanche très permise à des natures supérieures entourées d’êtres grossiers, abjects ou méchants qui les opprimaient. […] Il raille fort piquamment sur le sujet de ce dernier, et je vous avoue, mon cher frère, que je n’ai pu m’empêcher de rire en lisant l’article ; car il est tourné si comiquement qu’on ne saurait garder son sérieux. Elle était donc gagnée quand même par ce tour charmant, spirituel, amusant, qui reconquit plus tard Frédéric ; elle fit comme la postérité, elle rit et elle fut désarmée.

313. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Tout cela est bien conduit ; un air d’hilarité mal contenue qu’il remarque de temps en temps sur les visages de la foule tempère à peine l’effroi croissant de l’accusé ; mais lorsque, invité par le magistrat à soulever le manteau qui recouvre le cadavre des victimes, il se trouve n’avoir transpercé que des outres pleines de vin, — des outres qui étaient, il est vrai, enchantées ce soir-là, — un rire frénétique, inextinguible, éclate et monte jusqu’aux cieux. […] La ville d’Hypate célébrait tous les ans, par quelque farce ou mystification pareille, la fête du dieu du Rire. […] Mais, au lieu de rire et de secouer gaiement sa grossière enveloppe, il est pris dans un autre réseau plus subtil ; il se laisse conduire à des initiations redoutables, à la suite desquelles il est admis dans le collège des Pastophores, se faisant gloire désormais de montrer à tous sa tête rasée à large tonsure : circonstance curieuse à titre de témoignage : mais ce n’est plus là l’Apulée qu’il nous faut.

314. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Et M. de Rémusat, mûr dès la jeunesse, et Ampère, mobile d’humeur,« changeant comme avril » et Albert Stapfer, l’élève de Guizot, passé plus tard à Carrel ; et Sautelet au visage jeune, au front dépouillé qui attendait la balle mortelle ; et Duvergier de Hauranne, esprit net, perçant, ardent alors à toute question littéraire (je suis toujours tenté de lui demander grâce en politique au nom des amitiés de ce temps-là) ; et Artaud, jeune professeur destitué et promettant un littérateur ; et Guizard plus intelligent et plus discutant que disert, et Vitet dont le nom dit tout, et l’ironique et bon Dittmer, le demi-auteur des Soirées de Neuilly, si supérieur à Cavé ; et Dubois, du Globe si excité, si excitant, qui a commencé tant d’idées et qui, en causant, n’a jamais su finir une phrase ; et Paul-Louis Courier, aux cheveux négligés, qui apparaissait par instants comme un Grec sauvage et un chevrier de l’Attique, — large rire, rictus de satyre, et qui avait du miel aux lèvres ; — et Mérimée, dont M.  […] que de rires et de colères, et de prises de bec, selon son principe que « rien n’est si agréable que de se dire (entre amis) de bonnes injures !  […] » Puis s’arrêtant tout à coup : « Il y aurait là cinquante mille fenêtres que je m’en précipiterais d’un coup, en témoignage de ce que j’avance. » En laissant échapper ces dernières paroles, il appuyait la main tantôt sur l’épaule de M. de Laval, tantôt sur celle de Lord Kinnaird et du duc de Rohan, qui, ainsi que les autres assistants, ne pouvaient se tenir de rire, hilarité à laquelle le bon Ballanche se laissa bientôt aller lui-même. » Voilà un portrait d’ami pris sur nature et qui sort tout : vivant d’un croquis, ou d’un procès-verbal tracé évidemment le soir même.

315. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

» Michel a beau plaisanter ; il a l’air de rire, mais il avance bien peu. […] Mais ce n’est pas le rire que j’aime, c’est le sourire. Vous ne sauriez pas rire : je ne le sais guère non plus.

316. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Philosophie, musique, roman, comédie, peinture, médecine, amours, luxe et misère, noblesse et roture, tout cela vit ensemble, rit ensemble ; et quand ces intelligences barbues et ces plâtres vivants habillés de satin sont partis, il reste ici pendant deux jours une odeur de punch, de cigare, de patchouli et de paradoxe, à asphyxier les bourgeois. […] Le Diable à Londres ne fait pas rire comme le Diable à Paris. […] Il est passé, le temps des amours légères et des espérances, et aussi des crayons légers ; parmi ceux qui me reviennent à l’esprit en ce moment, il en est un plus agréable encore et plus riant que tous les autres : c’est, dans un album des Mélodies de Mme Gavarni, l’un des dessins intitulé Chanson et le jeune adolescent qui la personnifie ; grâce, gaieté, fraîcheur, lumière, tout ce qui rit à la vie est dans ce dessin-là.

317. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

» Ce n’est pas sans sourire que le spirituel auteur aboutit à cette conclusion un peu récréative ; mais, qu’il rie ou non, il n’en est pas moins certain, d’après l’ensemble de sa critique et de sa pratique en bien des cas, qu’il paraît, en effet, placer toute la poésie, tout le génie, dans le tempérament. […] Je pourrais rire à mon tour, et dire à M. […] On y peut rire tant qu’on veut et prendre son plaisir, mais il ne faut pas avoir tellement l’air d’admirer.

318. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Ce qui y circule et l’anime, c’est le génie d’Adèle, génie aimable, gai, mobile, ailé comme l’oiseau, capricieux et naturel, timide et sensible, vermeil de pudeur, fidèle, passant du rire aux larmes, plein de chaleur et d’enfance. […] … Cependant si, après sa première campagne, il revient du tumulte des camps, avide de gloire, et pourtant satisfait, dans votre paisible demeure ; s’il est encore doux et facile pour vos anciens domestiques, soigneux et gai avec vos vieux amis ; si son regard serein, son rire encore enfant, sa tendresse attentive et soumise vous font sentir qu’il se plaît près de vous… oh ! […] Tant de malheur peut-il fondre à plaisir, Quand le matin rit dans la vapeur blanche, Quand le rayon qui mourait sur la branche Est en passant si tiède à ressaisir ?

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