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962. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

La femme allemande, dans sa simplicité, dans son éternelle facilité à croire, la femme allemande, née plus séduite que les autres femmes, et qui se rencontre aussi bien dans les ridicules romans d’Auguste Lafontaine que dans les romans et les drames du grand Goethe, voilà en une seule toutes les femmes de Goethe, dont Paul de Saint-Victor a fait, lui, des femmes différentes, en exécutant sur le motif monotone de Goethe de ces prodigieuses variations à faire prendre le change aux plus habiles et leur faire croire que Goethe a mis dans ses femmes ce que lui, Saint-Victor, seul, y a vu !

963. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Mais ce qui n’a que l’importance du ridicule en littérature, en religion devient criminel.

964. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Comme Le Sage, comme Johnstone, ses devanciers et ses maîtres, il a toujours un de ses yeux embusqué sur les vices et les ridicules de son temps, et voilà surtout ce qui nous intéresse en lui ; car nous ne tenons pas infiniment à cette manière de battre et de couper le jeu de cartes du roman que le xviiie  siècle croyait ingénieuse et que ses plus grands esprits — comme Swift, par exemple, — ne dédaignèrent pas.

965. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

C’est ainsi que dans ce chef-d’œuvre de sincérité, disent les grands critiques Sainte-Beuve, Gustave Planche et Dumas, le grotesque, l’incroyable et le ridicule, s’ajoutent agréablement au crapuleux !

966. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Flaubert, qui doit être, sauf erreur, un incrédule, nous montre à travers un curé ridicule et stupide, rencontre au spectacle, où son mari la mène pour la distraire, ce jeune homme aimé et désiré autrefois ; et alors tous deux, ayant cessé d’être novices, se reprennent tout à coup l’un à l’autre avec la fureur du regret de ne s’être pas saisis plus tôt !

967. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

On sait que les Odes funambulesques et les Occidentales sont d’inoffensives satires des hommes et des ridicules du jour dans les dernières années du règne de Louis-Philippe et pendant le second Empire. […] L’amour de la patrie est un sentiment qu’il est odieux de ne pas éprouver et ridicule d’exprimer d’une certaine façon. […] Les poètes descripteurs de la fin du xviie  siècle avaient, parmi leurs ridicules et leur médiocrité, un certain goût du pittoresque, inspiré de J-J. […] Je crois bien qu’après tout on ne saurait mieux trouver, pour caractériser ce charme, que le mot de morbidesse, devenu malheureusement aussi banal que celui de mélancolie et plus ridicule encore : c’est étonnant, la quantité de mots usés qu’on n’ose plus employer de notre temps ! […] Mais ne nous donnons pas le ridicule de moraliser quand les grands-prêtres s’égayent.

968. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Ne craignez pas le ridicule. […] Et comme ils sont ridicules aujourd’hui qu’ils ont vieilli, et que leurs habits ne sont plus de mode ! […] Il ne fut jamais ridicule parce qu’il ne réclama jamais que ce qui lui appartenait. Ce qui est à la fois odieux et ridicule, c’est un envahisseur qui recule ou un usurpateur qui échoue. […] Conserver jusqu’à la vieillesse un cœur jeune est, diton, chose difficile et presque ridicule.

969. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Il faudra, quelque jour, analyser ce bizarre plaisir que nous éprouvons tous, nous autres médiocres, dès que nous pouvons surprendre en flagrant délit d’erreur, de petitesse ou de ridicule, les hommes privilégiés dont nous sommes forcés d’acclamer le génie ou d’applaudir le talent. […] S’ils n’avaient conquis d’emblée l’admiration des Français et des Arabes, ils eussent été quasiment ridicules, avec leur accoutrement de mamamouchis. […] Maintenant, cette ridicule exclamation se répand dans les salons où jacassent les snobinettes. […] C’est là, sur les bords du Tarn, au pied des riants coteaux du Tescou, parmi des marguilliers, des presbytères et des couvents, que ses yeux s’ouvrirent à la clarté du jour et que son regard s’aiguisa doucement à saisir, sans malice, les ridicules, les tics, toutes les menues misères des petites gens. […] Sentez-vous bien toute la quantité de ridicule que ces trois syllabes, aux yeux de certaines gens, contiennent ?

970. (1905) Propos littéraires. Troisième série

La sévérité n’est ridicule que quand elle est à base d’impuissance. […] Quant aux « œuvres » de Rouget de Lisle, elles sont si faibles, surtout si éloignées de notre goût actuel et si susceptibles, à cause de cela, de paraître un peu ridicules, que M.  […] Oui, mais, comme expression, il était diablement ridicule. […] Molière rend Alceste ridicule ; Alceste est un honnête homme ; donc Molière est un coquin, et Le Misanthrope une mauvaise comédie. […] Sans doute, les femmes, à l’ordinaire, n’ont pas le sentiment du ridicule, et c’est bien heureux, car si elles l’avaient, elles ne nous aimeraient point.

971. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

L’homme n’est pas encore un être servi par des organes, et si Molière semble parfois se souvenir d’eux, c’est surtout à titre de ridicule, comme d’un élément de rire. […] S’il n’a pas précisément le sens du pittoresque il a une qualité toute voisine, le sens d’un ridicule qui n’est pas comique, qui n’est pas convenu, qui perd la perspective, qui est un accident individuel. […] Mais plaint-il l’Âne que tout à l’heure il va nous montrer ridicule auprès du Petit Chien ? […] C’est leur caractère, à presque tous : ils ont des ambitions, qui sont peut-être généreuses, mais qui sont aussi ridicules ; ils prennent un grand élan pour enfoncer des portes ouvertes. […] Ce qui fait cette petite feuille si ridicule, c’est qu’elle se croit l’organe d’une École, en un temps où ce mot n’a plus de signification.

972. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Sur la sottise et le ridicule des bourgeois « dirigeants », des censitaires, il éclate intarissablement en moqueries étincelantes, et, sur leurs vices et leur malfaisance, en flamboyantes imprécations. […] Toute espèce de haine me semble totalement ridicule, sauf une qui est totalement abominable : la haine du bien. […] Joseph est toujours ridicule, quoi qu’il fasse : jugez quand il se confesse !

973. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Mais pour lui ces erreurs ne sont que ridicules et sans conséquence. […] Barrès néglige délibérément l’intelligence souveraine ; il ne montre que les jeux, et c’est pour les tourner en ridicule. […] Alors… le mot de patrie ne pourrait avoir pour eux qu’un sens odieux ou ridicule. […] La farouche monadologie littéraire d’aujourd’hui est un peu ridicule, et l’originalité ne se décrète pas. […] Il donne de bons ridicules à son Jérôme Servet, mais son Jean-Paul Johanet n’a pas non plus un rôle bien brillant.

974. (1887) Essais sur l’école romantique

Ses vers ne parleront qu’à ceux qui voudront les entendre ; ils seront froids et ridicules pour ceux qui se boucheront les oreilles. […] Au temps des Précieuses ridicules, s’est-il rien dit de plus précieux ? […] Quand elle a voulu faire de la satire amère, comme c’est la prétention de son drame bourgeois, quel ridicule a-t-elle atteint, quel vice a-t-elle effrayé, quelle hypocrisie a-t-elle démasquée ? […] Mais, vues de trop près, dans le livre même, elles choquent le lecteur délicat par cette gourme de détails faux, exagérés, ridicules, où sont noyés les traits naturels. […] Le vent de l’émigration a cessé de souffler ; les polémistes et les poètes de l’autel et du trône sont tombés dans le ridicule.

975. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

La police littéraire n’ira plus leur remontrer qu’ils violent les saines critiques de l’art, qu’ils ne connaissent point le bon style ; enfin elle ne prendra pas avec tous indistinctement un ton solennel qui peut tout au plus convenir envers un bien petit nombre de livres, et elle se gardera de tomber dans le ridicule en parlant protase, épitase et péripétie à un livre qui n’est pas et ne peut pas être une œuvre d’art dans la véritable portée de ce mot. […] Janin a des droits d’une autre sorte encore à être jugé avec quelque sang-froid ; car après avoir été souvent exposé à des ovations frisant de très près le ridicule, il s’est vu arracher du pavois par des mains qui n’étaient pas courtoises, et qui lui ont fait subir des avanies contre lesquelles le bon goût, non moins que les égards dus aux lettres et même aux écrivains par les écrivains, protestaient également. […] Janin ont été entachées de beaucoup de ridicule, et ce n’est pas lui qui apportait la plus forte part dans ce triste pique-nique. […] Les chapeaux pointus, les longues barbes, les grands cheveux, poètes, romanciers philosophes, tous les turbulents du parti devinrent les objets ridicules de l’animadversion générale, tandis que quelques têtes empanachées, sans avoir besoin de chercher des trous pour asiles, se virent plus honorées qu’elles n’étaient lorsque, guidant de tumultueuses armées, elles faisaient la loi partout.

976. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Adieu, mille fois bonne, mille fois chère, mille fois aimée. » La moquerie pourtant et le sentiment du ridicule ne font jamais faute longtemps avec lui ; tout ce qui y prête et qui passe à sa portée est vite saisi. […] Mais, à tout prendre, elle est plus aimable et beaucoup moins ridicule que les dix-neuf vingtièmes de ses semblables… On parle toujours beaucoup en Allemagne de J. […] Si une fois le hasard pouvait nous réunir à l’hôtel de la Chine, dût Schabaham175, qui est au fond une bonne femme, et Mme Suard, qui est plus ridicule et n’est pas si bonne, nous ennuyer quelquefois ! […] Je perds dix heures de la journée à la cour, où l’on me déteste, tant parce qu’on me sait démocrate que parce que j’ai relevé les ridicules de tout le monde, ce qui les a convaincus que j’étais un homme sans principes182. […] Il revoit sa famille, ses tantes et ses cousines, qui le traitent comme un très-jeune homme sans conséquence ; il les laisse dire et les raille ; il raille les Lausannois comme il a fait les Brunswickois ; il ne ménage pas à la rencontre les émigrés français qu’il trouve installés partout comme chez eux : aucun de leurs ridicules ne lui échappe, et il n’a pas de peine à se garantir de leurs opinions.

977. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Un excès ridicule d’ornementation a remplacé la richesse et la pureté des lignes… Chantons la vapeur ! […] Elle l’isole, mais elle l’émancipe et le lance hardiment dans l’océan des idées, en lui laissant l’honneur du courage, et le péril du ridicule. […] On passerait encore par-dessus ces prétentions ridicules, si la peinture de M.  […] Le réalisme ne fait pas que côtoyer le ridicule, il y vogue à pleines voiles, et c’est ce qui les désespère. […] Ce serait de n’en conserver que le peintre à son chevalet et d’en supprimer impitoyablement le modèle d’abord, quoique grassement et solidement peint, et ensuite tous les accessoires, qui ne servent qu’à le rendre ridicule.

978. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Nous autres, gens de Paris, qui ne voyons la campagne que par intervalles, à la campagne nous sommes ce quelque chose de ridicule : un citadin en villégiature. […] Lamartine est le seul dont on puisse dire sans ridicule qu’il a porté une lyre. […] Elsbeth épouse par résignation, pour la raison d’État, le prince de Mantoue, qui est ridicule et sot. […] Au xviie  siècle, Chapelain écrivait La Pucelle, et il était, vous le savez, un très grand poète, tant que son poème n’était pas encore publié ; mais, du jour qu’il était publié, il ne fut plus qu’un poète très ridicule. […] Et ce n’est pas ridicule du tout, et cela a vraiment un caractère épique.

979. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Dans cette pièce qui a dû être recommencée vingt fois et où le labeur n’a engendré que l’impiété et le ridicule, il n’y a pas de poésie, mais il y a du nombre, car la poésie veut du surnaturel et de l’âme, et, dans ces vers d’un matérialiste, on n’entend qu’enclume, bruit et métal ; seulement les coups sont frappés avec une fermeté d’accord qui indique le bras d’un Cyclope, même lorsque son œil est crevé, et il l’est ! […] Même dans les pièces de Zimzizimi ou du Sultan Mourad, où l’auteur se fait oriental avec une ampleur qui maigrit terriblement le grand Gœthe et réduit les poésies du Divan à un petit écrin d’anneaux, l’idée moderne, cette tyrannie de la pensée du poète, finit par arriver, amenant un ridicule qui, comme tout ce qui vient de M. 

980. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Dans quel océan de minuties, de tracasseries poussées jusqu’aux coups de poings « et de griffes » ; dans quel abîme de petitesses et de ridicules, dans quelles chicanes inextricables de cérémonial et d’étiquette la noblesse était tombée, c’est ce qu’un mandarin chinois pourrait seul comprendre. […] Un jour, impatienté, il dit de deux évêques : « Ces deux animaux mitrés. » Quand la Choin entra en faveur, « M. de Luxembourg, qui avait le nez fin, l’écuma », et pour Clermont, son amant, « il se fit honneur de le ramasser. » Ailleurs, il « s’espace » sur Dangeau, « singe du roi, chamarré de ridicules, avec une fadeur naturelle, entée sur la bassesse du courtisan, et recrépie de l’orgueil du seigneur postiche. » Un peu plus haut, il s’agit de Monaco, « souveraineté d’une roche, de laquelle on peut pour ainsi dire cracher hors de ses étroites limites. » Ces familiarités annoncent l’artiste qui se moque de tout quand il faut peindre, et fait litière des bienséances sous son talent.

981. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Le plus rébarbatif de tous, M. de Bonald, a dit : « Je crois que la poésie érotique est finie chez nous, et que, dans une société avancée, on sentira le ridicule d’entretenir le public de faiblesses qu’un homme en âge de raison ne confie pas même à son ami.

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