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1593. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Et, tandis qu’on admire les muscles, l’esprit n’est, lui, que risible, voire ridicule, en tout cas absurde. […] Et il a voulu que cet homme de lettres fût, sans le vouloir, sans le savoir, une sorte d’assassin malheureux, pour qu’on vît le danger ridicule et formidable des mots.

1594. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Il y avait, sinon dans les premiers écrits de Mme de Staël, du moins dans sa personne, une vivacité alliée à la tristesse, une spirituelle pétulance à côté de la mélancolie, une facilité piquante à saisir vite son propre ridicule et à en faire justice, qui la sauvait de toute fadeur, et qui attestait la vigueur saine du dedans.

1595. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Le ridicule de ce solitaire est un peu chargé, mais la charge finit par devenir pathétique.

1596. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

La salle du Vieux-Colombier où nous voici rassemblés n’était encore en 1913 qu’une salle d’œuvre ou de patronage : l’Athénée Saint-Germain, où s’exerçaient de ridicules amateurs.

1597. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

. : « Prosaïque est un mot nouveau qu’autrefois je trouvais ridicule, écrit Stendhal dans son livre : De l’Amour, en 1823, car rien de plus froid que nos poésies ; s’il y a quelque chaleur en France depuis cinquante ans, c’est assurément dans la prose. » Mais ce que j’essaie d’expliquer presque scientifiquement, les poètes l’accomplissent avec une merveilleuse inconscience.

1598. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Il est juste de reconnaître que la philosophie positive s’est beaucoup améliorée dans ces derniers temps : elle s’est affranchie des utopies ridicules qui la déconsidéraient aux yeux des bons esprits ; elle a rejeté, d’une part, sa religion humanitaire, de l’autre sa politique dictatoriale, legs du saint-simonisme dont elle n’avait que faire, et elle s’est réduite à sa véritable idée, la généralisation des données scientifiques fournies par les sciences positives.

1599. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

On n’accepte pas, on tourne même volontiers en ridicule l’idée d’une finalité externe, en vertu de laquelle les êtres vivants seraient coordonnés les uns aux autres : il est absurde, dit-on, de supposer que l’herbe ait été faite pour la vache, l’agneau pour le loup.

1600. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Aucun de mes correspondants n’a trouvé ridicule notre orientation raisonnée vers le mysticisme.

1601. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

D’autre part, bien des intangibles vérités ne sont saisissables que par leurs contrastes qui sont, dans la vie, les douleurs, les misères, les ridicules. […] qu’il chante aussi Claudine, car il ne faut pas se piquer de ridicule fidélité, ou bien Rose, Rosette à qui il redit en son style les vers à Cassandre, de Ronsard, ou telle ballade de Villon : Que c’était donc chose légère, Ce cœur joli, ce cœur, bergère, Dont si gaîment tu faisais don ; Vois, ce n’est plus qu’une amusette,            Rose, Rosette,            À l’abandon. […] Tout est ridicule, même le salut.

1602. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Le voici à peu près : « En vérité, Ardschunas, tu es bien ridicule avec la pitié. […] Et, par exemple, je vous demande s’il y a quelque chose, à l’heure qu’il est, de plus ridicule que le motif apparent qui a remué pendant huit ou dix ans notre Europe et soulevé les guerres colossales dont nous avons été les témoins ? […] Tous les grands hommes vus d’un peu près rappellent le mot : Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas.

1603. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

La nature sérieuse de Taine, ennemie de toute frivolité mondaine, sa prédilection pour les individualités énergiques, sa conviction que le progrès régulier et la vraie liberté ne peuvent exister que là où se trouvent de fortes traditions, le respect des droits acquis et l’esprit d’association allié à l’individualisme, tout chez lui concourait à lui faire aimer et admirer l’Angleterre et à le rendre sévère pour un pays enthousiaste et capricieux, où la puissance des habitudes sociales émousse l’originalité des caractères, où le ridicule est plus sévèrement jugé que le vice, où l’on ne sait ni défendre ses droits ni respecter ceux d’autrui, où l’on met le feu à sa maison pour la reconstruire au lieu de la réparer, où le besoin de tranquillité fait préférer la sécurité stérile du despotisme aux agitations fécondes de la liberté. […] Comme l’enfant, il était toujours sincère, et c’était de l’abondance de son cœur que parlait sa bouche ; comme l’enfant, il prenait toutes choses au sérieux, et n’avait pas ce qu’on appelle le sentiment du ridicule, qui n’est le plus souvent qu’une frivolité inintelligente ou une moquerie irrespectueuse ; comme l’enfant, il était souvent gai et jamais railleur, parfois triste et jamais découragé ; comme l’enfant enfin, il comprenait les choses par intuition plus que par analyse, et d’un simple regard pénétrait souvent plus profondément dans la réalité que ne l’aurait fait le critique la plus subtil.

1604. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Elle nous apprend le peu que pèsent les plus riches dons du génie humain — l’audace, le calcul, la capacité de gouverner les peuples, l’art de vaincre les nations en bataille rangée — quand on est aux prises avec ces difficultés domestiques où il est si malaisé d’échapper au ridicule. […] Les bottes des gendarmes aux trousses d’une femme de lettres, c’est un tableau de comédie dont le ridicule échappa au vainqueur d’Austerlitz.

1605. (1896) Écrivains étrangers. Première série

L’éternité de l’amour est une illusion ridicule : L’homme ne peut promettre que des actions et non pas des sentiments. […] C’est ce qui lui a permis de donner aux personnages de ses contes une vie si intense et si singulière : il les aimait d’autant plus qu’il était plus frappé de leurs vices et de leurs ridicules ; de telle sorte qu’il pouvait nous les faire aimer sans nous rien cacher de ce qu’ils étaient.

1606. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

« Il faut faire sentir à chaque ligne l’influence de la cour de Rome, des billets de confession, de la révocation de l’Édit de Nantes, du ridicule mariage de Louis XIV avec madame de Maintenon, etc.

1607. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Le goût de la parure qui distingue le palicare et qui se montre avec tant d’innocence dans la jeune Grecque, n’est pas la pompeuse vanité du barbare, la sotte prétention de la bourgeoise, bouffie de son ridicule orgueil de parvenue ; c’est le sentiment pur et fin de naïfs jouvenceaux, se sentant fils légitimes de vrais inventeurs de la beauté. » (Saint-Paul, par Ernest Renan, p. 202.) — Un de mes amis, qui a longtemps voyagé en Grèce, me raconte que souvent les conducteurs de chevaux et les guides cueillent une belle plante, la portent délicatement à la main toute la journée, la posent à l’abri le soir au moment de la couchée et la reprennent le lendemain pour s’en délecter encore.

1608. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

« On a dans le monde », a-t-il osé dire, « et même dans les livres, l’habitude de se moquer des prétentions à la jeunesse de ceux qui ont dépassé cet âge heureux de l’inexpérience et de la sottise, et on a raison, quand la forme de ces prétentions est ridicule. […] Soyons plutôt reconnaissants aux poètes de valoir mieux dans leurs livres qu’ils ne valent dans leur existence de chaque jour, et pardonnons-leur, au nom des fêtes d’imagination qu’ils nous donnent en se les donnant, et leurs vanités et leurs ridicules et leurs communes erreurs.

1609. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Les gestes du nageur paraîtraient aussi ineptes et ridicules à celui qui oublierait qu’il y a de l’eau, que cette eau soutient le nageur, et que les mouvements de l’homme, la résistance du liquide, le courant du fleuve, doivent être pris ensemble comme un tout indivisé.

1610. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

VI. M. Alexandre Dumas Fils Lorsqu’un homme de lettres a remué son époque au degré où l’a fait M. Alexandre Dumas fils ; lorsque dans ses romans, et à force de pénétrer profondément dans le vif et les entrailles de cette époque, il a créé des types devenus du premier coup populaires, que dans ses comédies il a transformé le moule du théâtre et marqué cet art difficile d’une ineffaçable empreinte, que dans ses brochures et ses préfaces il a jeté son mot, et un mot indépendant, sur vingt questions vitales de la société, — ce n’est pas dans un chapitre de livre que l’on peut avoir la prétention de résumer toute cette œuvre, d’étreindre toute cette esthétique, de ramasser toute cette psychologie… C’est assez dire que je ne dessinerai pas ici un portrait en pied de M. Dumas.

1611. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Mais Fauriel, dans une suite de questions très-fermement posées, lui demandait : « Les dogmes extravagants, les fables ridicules n’appartiennent-ils pas à l’esprit plus qu’à la forme d’une religion, ou du moins ne peuvent-ils pas agir sur cet esprit et le corrompre sans le secours d’aucune forme extérieure ; et dès lors n’y a-t-il pas lieu à réformation dans un cas inverse à celui admis exclusivement par l’auteur ?

1612. (1940) Quatre études pp. -154

C’était encore une chose qui ne pouvait plus durer ; cette éloquence vaine, ces diatribes autour des pots de bière, ces discours qu’on rentrait dès qu’on avait quitté les bancs de la brasserie, étaient ridicules : si les Germains voulaient mériter vraiment leur liberté avec leur unité, il importait d’agir.

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