Ils ne reviennent point de leur sentiment ; et l’objection leur paroît frivole, en ce que la ruine de Troye est suffisamment assurée par la mort d’Hector qu’Homere représente par tout, comme la seule ressource des troyens. […] Il faut donc que le poëte représente la vertu et le vice sous des traits qui justifient notre goût et notre aversion ; et ne fût-ce que pour l’intérêt de plaire, il doit être presque aussi fidéle à la bonne morale, que s’il n’avoit dessein que d’instruire. C’est en effet la louange que l’on a donné à Homere ; on pretend qu’il a toujours proposé le bon pour bon ; et le mauvais pour mauvais ; mais je ne trouve pas que cette louange lui soit dûe bien légitimement, et il me paroît au contraire, qu’il porte souvent des jugemens faux des actions qu’il représente. […] La vengeance et l’orgueil étoient en honneur ; il les y a laissées ; et son siécle n’étoit point choqué de les voir représenter sous des traits qui confirmoient son jugement. […] J’avoue donc que le bouclier d’Achille m’a paru défectueux par plus d’un endroit ; les objets que Vulcain y représente n’ont aucun rapport au poëme, et ils ne conviennent ni à Achille pour qui on le fait, ni à Thétis qui le demande, ni à Vulcain même qui en est l’ouvrier ; les objets y sont tellement multipliés, qu’à peine imagine-t-on que le bouclier les pût contenir distinctement ; les figures représentées agissent et changent de situation, comme si elles étoient vivantes, ce qui fait un prodige puérile.
L’autre tableau représente un marché de femmes qui attendent des acheteurs. […] La couleur en est terne et vulgaire, et le fantastique ne gît que dans la manière dont la scène est représentée. […] Eh bien, il se peut que le tableau représente un ver à soie femelle ou une chenille écrasée par un enfant. […] — Cherchez, je vous prie. — Cela représente un monsieur surprenant un album libertin dans les mains de deux jeunes filles rougissantes. […] La vie ancienne représentait beaucoup ; elle était faite surtout pour le plaisir des yeux, et ce paganisme journalier a merveilleusement servi les arts.
Océanos, dans la mythologie primitive, ne représentait point la Mer universelle, comme son nom pourrait le faire croire. […] D’autres peintures de vases archaïques le représentent avec deux ailes, l’une blanche et l’autre brune ; son pétase est moitié blanc, moitié noir ; son visage est également mi-parti, clair à droite et foncé à gauche. […] Que représente Prométhée ? […] L’un représente le Titan rongé par l’aigle, au seuil d’un temple païen qui s’écroule ; l’autre, plus hardi encore, le montre crucifié verticalement aux branches d’un grand chêne. […] La légende imposait d’ailleurs à Eschyle cette paix entre le ciel et la terre représentée par son glorieux défenseur.
Allons plus loin : ces efforts successifs n’étaient pas précisément la réalisation progressive d’un idéal, puisque aucune idée, forgée par anticipation, ne pouvait représenter un ensemble d’acquisitions dont chacune, en se créant, créerait son idée à elle ; et pourtant la diversité des efforts se résumerait bien en quelque chose d’unique : un élan, qui avait donné des sociétés closes parce qu’il ne pouvait plus entraîner la matière, mais que va ensuite chercher et reprendre, à défaut de l’espèce, telle ou telle individualité privilégiée. […] La première, très générale, consiste à se représenter le mouvement comme la diminution graduelle d’un intervalle entre la position du mobile, (lui est une immobilité, et son terme supposé atteint, qui est immobilité aussi, alors que les positions ne sont que des vues de l’esprit sur le mouvement indivisible : d’où l’impossibilité de rétablir la mobilité vraie, c’est-à-dire ici les aspirations et les pressions qui constituent indirectement ou directement l’obligation. […] Plus de délégation à un nombre restreint de soldats chargés de représenter la nation. […] Si l’on veut une figuration schématique, simplifiée et stylisée, des conflits d’aujourd’hui, on devra d’abord se représenter les nations comme des populations purement agricoles. […] Parce que le luxe coûte plus cher que le simple agrément, et le plaisir que le bien-être, on se représente la croissance progressive de je ne sais quel désir correspondant.
Lorsqu’au début de son règne Henri II, avec Catherine de Médicis, fit sa première entrée solennelle à Lyon en septembre 1548, la petite colonie des Florentins voulut donner à la reine le régal de la Calandra, représentée par des comédiens qu’on avait mandés exprès d’au delà des monts. […] Pétrarque, en son langage, a fait sa seule affection approcher à la gloire de celui qui a représenté toutes les passions, coutumes, façons et natures de tous les hommes, qui est Homère. » Quel éloge de Pétrarque ! […] En un mot, dans toute sa plaidoirie, Apollon s’attache à représenter Amour dans son excellence et sa clairvoyance, Amour en son âge d’or et avant la chute pour ainsi dire, Amour avant Folie. […] On trouverait d’ailleurs dans ce même volume d’Odes, d’Olivier de Magny, au livre IV, quelques pièces, d’un tout autre ton, ardentes, respectueuses, où il se dit amoureux d’une Loyse (page 131, 143) ; dans une ode à Du Bellay (page 133), il décrit les grâces et perfections d’une maîtresse qui, entre autres mérites, a celui de faire des vers aussi bien que Saint-Gelais, ce qui ne saurait s’appliquer qu’à un petit nombre ; il parle, en une chanson (page 137), d’une beauté qui unit dans ses regards Mars à Vénus, ce qui peut s’entendre de notre guerrière ; enfin, dans une pièce à Maurice Sève, où il se représente comme ayant quitté Lyon et absent de s’amie depuis un mois, il s’écrie (page 149) : Rivages, monts, arbres et plaines, Rivières, rochers et fontaines, Antres, forêts, herbes et prez, Voisins du séjour de la belle, Et vous petits jardins secrets, Je me meurs pour l’absence d’Elle, Et vous vous égayez auprez !
Les papes, humainement considérés, sont une dualité dans un même homme : comme pontifes, ils représentent un principe religieux aussi durable que la foi qui s’attache à leur mission surnaturelle ; comme souverains, ils représentent un prince électif possédant de droit immémorial la ville et l’État romain au centre de l’Italie. […] Croyez plutôt que ce sera une éternelle tentation, une éternelle excitation, un éternel prétexte à des hostilités contre l’Italie représentée par le Piémont offensif au lieu d’être représentée par une confédération inoffensive, multiple et majestueuse de l’Italie tout entière, liguée seulement pour sa propre indépendance !
Peut-être ce goût pour les portraits tient-il en moi à mon imagination plastique et pittoresque, qui a besoin de se représenter fortement la physionomie des choses et des hommes pendant qu’elle lit le récit des événements où ces hommes sont en scène dans le livre. […] On suit le personnage, on le pressent, on le devine, on se passionne pour ou contre lui, selon qu’on participe soi-même par l’admiration ou par l’horreur à l’héroïsme, au fanatisme, au crime ou à la vertu de l’homme historique ; on vit de sa vie ou l’on meurt de sa mort par l’imagination émue pour ou contre lui ; il disparaît, et l’historien alors reparaît lui ; et, semblable au chœur antique, cet historien prend la parole, prononce un jugement moral, court, nerveux, impartial, favorable ou implacable sur le personnage qu’il vient de représenter à vos yeux. […] C’est ainsi qu’ayant à représenter dès le début la Révolution qui va s’ouvrir, je choisis un homme, Mirabeau, et je personnifie en lui toute la Révolution. […] « Cette Assemblée avait été la plus imposante réunion d’hommes qui eût jamais représenté non pas la France, mais le genre humain.
Alors dans la littérature et dans les arts il y eut une sorte de vénération extraordinaire pour La Science, sorte de divinité vague, que chacun se représentait à sa façon, mais que tous adoraient en commun. […] Ce qui est étrange, c’est que M. de Goncourt se réclame du xviiie siècle ; s’il ne représente point son temps, il ne tient pas non plus d’une époque spirituelle, galante et vivante comme celle de Voltaire. […] Camille Mauclair a écrit une curieuse étude où il représente l’auteur de Madame Bovary comme un esprit chrétien qui s’impose une perpétuelle contrainte. […] Les mots de charité et d’humanité ne retentissent plus que dans les discours politiques, parce qu’ils ne représentent plus rien pour personne.
Chacun des traits simples de notre plan représente une différence de niveau, plusieurs marches ; on sait que l’orchestre s’abaisse par degrés depuis les violons jusqu’aux trombones et timbales : la tête d’un homme debout au fond de l’orchestre, près des timbales, arrive au niveau du pied des altos, qui est lui-même de quelques marches plus bas que les violons. Les traits doubles de ce plan représentent les pupitres. […] Charles Nuitter, sera représenté à Paris au mois d’avril prochain. […] De ces drames, le hollandais fut représenté l’année dernière, avec éclat et succès, à l’opéra américain ; Siegfried, si je ne me trompe, n’a jamais été présenté au public de New York.
Lewes la représente « comme la masse des ondes stationnaires formées par les ondes individuelles des vibrations nerveuses. » « Les ondes stationnaires, dit-il, jouent un grand rôle dans les spéculations des physiciens modernes. […] Nous pouvons ensuite les décomposer en « six centres, trois pour chaque division. » Dans le premier groupe, nous pouvons mettre les sensations, les perceptions et les idées, qui représentent l’activité intellectuelle. Dans le second groupe nous pouvons mettre les sensations, les instincts, ou appétits, et les émotions qui représentent l’activité morale. […] Le puissant esprit de Thucydide était-il représenté par un Milésias idiot et un Stéphanos stupide ?
Ils n’ont eux-mêmes d’autre « relation » avec ce qu’ils expriment, et avec nous, que de le représenter dans sa « relation » avec la nature de l’esprit humain. […] Un autre et non moindre avantage de cette manière de concevoir la science est de nous la représenter comme animée d’un mouvement qui modifie d’âge en âge, — et on pourrait dire de génération en génération, — le système de rapports qu’elle est. […] Dans un tableau d’Hogarth, qui fait partie de la série de son Mariage à la mode, et qui représente un laboratoire ou un capharnaüm d’apothicaire, on voit un appareil d’une complication singulière et presque menaçante ; on s’approche pour l’étudier ; et on s’aperçoit, ou du moins on croit s’apercevoir, car il ne faut répondre ici de rien, que cet appareil si savant, dont on ne peut s’empêcher d’admirer l’inventeur, n’a d’autre usage que de servir à déboucher les bouteilles. […] V En attendant, ce que je voudrais que l’on eût vu dans la présente étude, c’est qu’il y a une « Métaphysique positiviste » ; que cette métaphysique n’est pas dans le positivisme une superfétation de la doctrine ; et que, si ces deux mots de « Métaphysique » et de « Positivisme » se contredisent, les idées qu’ils expriment ou les choses qu’ils représentent ne laissent pourtant pas de se concilier.
J’avoue que le Roi Lear me semble être une de celles qui étaient le moins faites pour être représentées… Remercions M.
Tiercelin, nous ne comprenons guère « pourquoi ils n’ont été représentés ni à l’Odéon, ni à la Comédie-Française ».
Celui qui représente l’incendie éteint et l’édifice consumé, lui est bien inférieur.
Fromentin lui même, quoiqu’il affirme « qu’avec le burnouss saharien ou le mach’la de Syrie on ne représentera jamais que des Bédouins », et non d’antiques Hébreux, ne peut s’empêcher quand il voit les Arabes sous un beau jour et quelque noble tribu en marche, quelque noble chef donnant audience ou exerçant dignement l’hospitalité, d’être frappé avant toute réflexion et de faire un rapprochement instantané, involontaire, avec cette antique civilisation patriarcale ; sa sensation de peintre vient, bon gré, mal gré, à la traverse de sa doctrine classique par trop respectueuse. […] A cette dernière limite si triste et si indécise, qui représente comme des limbes intermédiaires, aux formes languissantes, il éprouve cependant encore une sensation exquise, d’une nature particulière, et qu’il excelle à exprimer : c’est celle du silence. […] Il communique à l’âme un équilibre que tu ne connais pas, toi qui as toujours vécu dans le tumulte ; loin de l’accabler, il la dispose aux pensées légères ; on croit qu’il représente l’absence du bruit, comme l’obscurité résulte de l’absence de la lumière : c’est une erreur.
Collé, selon lui, « était un grand enfant qui ne se prenait nullement au sérieux (page 4) » et plus loin (p. 32), il nous le montre « possédant à un haut point la science de la vie » et connaissant à fond les hommes ; tantôt Collé est « un esprit doux et placide (p. 2) », tantôt il a « la nature mobile et inquiète (p. 4). » Collé nous est représenté comme faisant des fanfaronnades, comme suivant la mode, comme ayant un rire doux, plein de mièvrerie ! […] Maté et rangé d’assez bonne heure, il avait trouvé dans sa femme une maîtresse, une amie, une épouse ; il la consultait sur tous ses écrits, et on sourit de se représenter Mme Collé donnant jusqu’au bout des avis à son mari sur certains détails dans les sujets habituels de sa muse libertine. […] » Le jeune homme, comme tous les jeunes gens de son temps, tenait d’abord pour Rousseau ; Collé veut le guérir de cette admiration, et il lui fait de Rousseau un portrait noirci, où l’auteur de l’Émile, de l’Héloïse, est représenté comme un Satan d’orgueil, un pur charlatan.
Et revenant quelques jours après sur le même portrait, il dit encore dans un tour charmant : Le portrait de Mme d’Épinay est achevé ; elle est représentée la poitrine à demi nue ; quelques boucles éparses sur sa gorge et sur ses épaules ; les autres retenues avec un cordon bleu qui serre son front ; la bouche entrouverte ; elle respire, et ses yeux sont chargés de langueur. […] On se rappelle peut-être dans le vieux poète Mathurin Régnier une admirable satire (la XIIIe), dans laquelle le poète se représente écoutant derrière une porte les odieux conseils que donne la vieille Macette à une jeune fille dont il est amoureux : Macette, qui se croit seule avec la jeune fille, lui parle ainsi, en des vers que le Tartuffe de Molière ne surpassera pas : Ma fille, Dieu vous garde et vous veuille bénir ! […] Les conversations où il est représenté par Mme d’Épinay sont des plus amusantes et des plus comiques, assaisonnées d’un sel des plus piquants et colorées d’une verve bretonne qui ne se retrouve au même degré dans aucun de ses écrits.
J’avais en une journée cent physionomies diverses, selon la chose dont j’étais affecté : j’étais serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste ; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là… » Et il ajoute, car il nous importe dès l’abord de le bien voir : « J’avais un grand front, des yeux très vifs, d’assez grands traits, la tête tout à fait d’un ancien orateur, une bonhomie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens temps. » Représentons-nous donc Diderot tel qu’il était en effet, selon le témoignage unanime de tous ses contemporains, et non tel que l’ont fait les artistes ses amis, Michel Van Loo et Greuze, qui l’ont plus ou moins manqué, à ce point que la gravure d’après ce dernier le faisait ressembler à Marmontel : « Son front large, découvert et mollement arrondi, portait, nous dit Meister, l’empreinte imposante d’un esprit vaste, lumineux et fécond. » On ajoute que Lavater crut y reconnaître des traces d’un caractère timide, peu entreprenant ; et il y a lieu de remarquer en effet qu’avec l’esprit hardi, Diderot avait le ressort de conduite et d’action un peu faible. […] Cette attitude était tout le contraire de celle de Diderot, qu’on se représente la tête en avant, les bras tendus, la poitrine ouverte, toujours prêt à être hors de lui et a vous embrasser, pour peu que vous lui plaisiez, à la première rencontre. […] Un peintre a représenté Télémaque chez Calypso : la scène se passe à table ; le jeune héros fait le récit de ses aventures, et Calypso lui présente une pêche.
Il y avait à cette époque, en France, une école d’épicuréisme et de scepticisme qui se représentait dans la science par Gassendi et La Mothe Le Vayer ; dans les lettres et dans le monde, par Des Yveteaux, Des Barreaux, et bien d’autres. […] Saint-Évremond, pris en faute et un peu honteux sans doute de sa raillerie à faux, s’empresse de réparer, et il écrit à Ninon une lettre où il la loue comme elle le mérite, et où il nous la représente au naturel dans ce moment de transition et de métamorphose. […] , dans un éloge en latin de Fraguier, nous le représente au moment où il voulut écrire en français et se former au bon goût de notre langue : À cet effet, dit d’Olivet que je traduis, il s’en remit de son éducation à deux muses ; l’une était cette célèbre La Vergne (Mme de La Fayette), tant de fois chantée dans les vers des poètes, et l’autre qu’on a surnommée la moderne Leontium (Ninon).
Ils arrivent à représenter l’homme, ses habitudes, sa nature, ses penchants et ses passions, complètement, sans choix ou presque ainsi. […] Par contre, la séduction du magasin dans le Bonheur, le fouillis de ses soies, l’appétence de ses chalandes et la rouerie de ses vendeurs sont amplifiés pour venger de cette domination, la force de l’homme, portée à l’énorme dans les spéculations de Saccard et les actes de Rougon, représentée invincible dans la chasteté farouche de l’abbé Faujas et de frère Archangias. […] A côté de Pauline, qui représente la moitié saine de la femme, est placée Louise qui en montre le côté délicatement maladif.