Ici comme ailleurs, de Foe, ainsi que Swift, est un homme d’action ; l’effet le touche et non le bruit ; il compose Robinson pour avertir les impies, comme Swift écrivait la vie du dernier pendu pour faire peur aux voleurs. « Cette histoire, dit la préface, est racontée pour instruire les autres par un exemple, et aussi pour justifier et honorer la sagesse de la Providence. » Dans ce monde positif et religieux, parmi ces bourgeois politiques et puritains, la pratique est de telle importance qu’elle réduit l’art à n’être que son instrument. […] » Il est attendri et vaincu, il descend de cette hauteur immense où les mœurs aristocratiques l’ont placé, et désormais, jour par jour, les lettres de l’heureuse enfant racontent les préparatifs de leur mariage. […] Vous racontez à la fin de Clarisse la punition de tous les méchants, grands ou petits, sans en épargner un seul ; le lecteur rit, dit que les choses se passent autrement dans le monde, et vous invite à insérer ici, comme Arnolphe, la peinture « des chaudières où les âmes mal vivantes vont bouillir en enfer. » Nous ne sommes point si sots que vous le pensez. […] Pareillement Sterne écrit quatre volumes pour raconter la naissance de son héros. […] Son compagnon racontait qu’il avait voulu absolument arriver du pied droit, et que, n’ayant pas réussi, il avait recommencé avec une attention profonde, comptant un à un tous ses pas.
Renan nous raconte toutes ces horreurs sans rien perdre de son aménité souriante. […] Il nous raconte tout cela dans Graindorge, journal de bord de cette traversée. […] Il ne raconte plus. […] les jolies histoires que racontait ce père, assis sur la margelle de ce puits ! […] L’accent de cette confession est si sincère que l’on partage les angoisses qui nous sont ici racontées.
Traîner son ennui, raconter à tout venant ses peines de cœur, gémir sur ses amours malheureuses, pleurer dans les forêts ou sur le bord des lacs, maudire la vie, aspirer au néant, — seuls des attardés pouvaient remplir leurs vers de ces sentiments faibles et lâches. […] Quand Lamartine raconte qu’il emportait un crayon et du papier, pour composer ses poèmes en présence des spectacles qui l’inspiraient, il a l’air de s’étonner lui-même d’une telle attitude et il la note comme exceptionnelle et glorieuse. […] Évanoui, il entend des voix qui racontent son histoire, et qui disent que son expiation n’est pas finie. […] « Monsieur Patru aimait à raconter qu’étant un jour chez le secrétaire perpétuel de l’Académie française, il le trouva arpentant son cabinet comme un forcené. […] Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie.
Si l’écrivain ne voit pas ce qu’il décrit, ce qu’il raconte, paysages et figures, mouvements et gestes, comment aurait-il du style, c’est-à-dire, en somme, de l’originalité ? […] Jules Claretie a noté, à propos de Ziem, que presque tous les peintres « écrivent bien » ; c’est inévitable : ils racontent ce qu’ils voient et cherchent un à un les mots qui traduisent leur vision, comme ils feraient des couleurs, ayant à peindre. […] Il a prononcé à cet égard un mot décisif et qu’il faut retenir : « Je demande pardon pour ces métaphores, écrit-il ; on a l’air d’arranger des phrases, et l’on ne fait que raconter ses sensations. » Et qu’il ait, pour mieux « raconter ses sensations », obéi aux influences d’alentour ; qu’il ait profité des leçons et des exemples de Gautier et de Flaubert, de Sain-Victor et peut-être même des Goncourt, rien de plus naturel, et d’ailleurs rien de plus légitime. […] Il n’y a de livres que ceux où un écrivain s’est raconté lui-même en racontant les mœurs de ses contemporains, leurs rêves, leurs vanités, leurs amours et leurs folies. […] On ne devrait jamais raconter que ce que l’on a vu, soi, de ses yeux propres, bien lucidement.
On raconte l’histoire d’un brahmane, terrifié d’avoir fait route, sans le savoir, avec un tchandala, ne sachant comment effacer promptement une souillure si grave, et se répandant, tout égaré, en imprécations terribles. […] Je pense aussi à ce vieux hobereau, dont les Goncourt nous ont raconté qu’il ne communiait jamais que dans sa propre chapelle, avec des hosties timbrées à ses armes. […] Mais voici que l’on nous offre sa Vie, racontée par Frédéric Harrison, et soudain tout s’éclaire ; la grotte mystérieuse s’illumine et resplendit. […] Ruskin, en effet, ne fut jamais très maître de l’enchaînement de ses idées : un mot, une image l’aiguillaient vers un souvenir, et il racontait soit un voyage en Italie, soit une ascension dans les Alpes. […] Vous me raconterez ce qui vous passera par la tête et je n’aurai pas même la consolation, pour prix de votre absence, de connaître vos véritables aventures !
Je n’ai point à raconter cette querelle qui paraîtrait singulièrement dénuée d’intérêt. […] Or, ce roman très simple se raconte en trois mots. […] Il a passé sa vie à raconter cette chose inouïe la misère d’un jeune homme ! […] Vous racontez que vous avez été beaucoup aimé des femmes, et c’est cette circonstance qui m’a éclairé sur votre véritable vocation. […] C’est l’affaire d’un homme de génie de raconter l’histoire des progrès de la bêtise européenne dus à l’extraordinaire diffusion de la lumière maçonnique dans ce dernier siècle.
Sa tâche était de raconter et d’enseigner, et, pour cette raison, elle devait être exacte. […] Il ne fait pas exprimer par le monde extérieur une disposition d’esprit, mais lui fait raconter une histoire ; ce monde change d’aspect suivant le caractère du fait qui s’y déroule ; il accompagne, comme un orchestre, tous les faits qui se passent à un endroit. […] Oui, c’est vrai : la science ne raconte rien d’une vie après la mort, de concerts de harpes dans le paradis, et de la transformation de cancres et de bécasses hystériques en anges vêtus de blanc, aux ailes irisées. […] L’homme sain peut raconter ce qu’il pense, et son récit a un commencement et une fin. […] « Le délicieux Mallarmé », raconte M.
Malheureusement la langue française a perdu une partie de sa richesse, et je ne puis pas raconter le traitement que M. d’Espinchal fit à son page et à sa femme. […] Les trois quarts des faits échappent à cette façon de raconter. […] Sortant de l’histoire particulière qu’il raconte, il embrasse l’histoire universelle qu’il ne raconte pas. […] Celui-ci alla vers son corps d’armée, raconta l’affaire, et là-dessus les soldats s’irritèrent et voulurent beaucoup de mal à Cléarque. […] Hérodote raconte que les habitants d’une ville de Sicile adorèrent un jeune homme pour sa beauté et le mirent au rang des dieux.
Il n’y a pas le plus petit bout de Périclès ni de Lascaris dans tout ce qu’il voit et raconte ; ses lettres ressemblent terriblement à des pages d’Edmond About. […] … Chef d’un détachement, il raconte à son frère ses battues dans les bois : pourra-t-il atteindre une des deux bandes qu’il poursuit, l’une forte de six hommes et l’autre de quinze : « Demain sera un grand jour pour moi. […] — Tout cela, d’ailleurs, est gaiement dit, avec légèreté, entrain ; c’est alerte ; il met à raconter les choses la même action et le même geste qu’à les faire.
Mais, pour bien comprendre Horace, ce La Fontaine lyrique des Latins, il faut d’abord vous raconter sa vie dans les plus intimes détails, car les œuvres d’Horace et sa vie c’est une même chose. […] Il raconte lui-même dans une de ses satires comment le rapprochement eut lieu. […] L’historien romain Suétone raconte que, de son temps, c’est-à-dire sous l’empereur Trajan, on montrait encore avec vénération, près du petit bois de chênes verts de Tibur (Tivoli), la petite maison de plaisance qu’Horace avait habitée.
J’ai raconté plus haut qu’un excès de délicatesse m’avait toujours éloigné de la maison Braschi, dans l’appréhension que l’on pût s’imaginer que je la fréquentais pour faciliter mon avancement. […] Je me précipitai à ses pieds ; je les baignai de larmes ; je lui racontai tout ce qu’il m’en coûtait pour le revoir, et combien je souhaitais de rester à ses côtés pour le servir, l’assister et partager son sort. […] On raconte que deux cardinaux du parti de Bellisomi, et deux autres de la faction Mattei, tous de l’âge du nouvel élu, et qui pour la plupart aspiraient à la papauté, se liguèrent et s’efforcèrent de gagner leurs collègues, afin de former un nombre de suffrages contraires à Chiaramonti dans le scrutin du jour suivant.
I On connaît le passage du Phédon où Socrate raconte qu’Apollon lui ayant prescrit de se livrer à la poésie, il pense que, pour être vraiment poète, il fallait « faire des mythes, non pas seulement des discours, ποιείν μύθουϛ άλλ’ ού λόγουϛ. » Le vrai poète est en effet, comme on l’a dit avec raison, un créateur de mythes, c’est-à-dire qu’il représente à l’imagination des actions et des faits sous une forme sensible, et qu’il traduit ainsi en actions et en images même les idées. […] Il y a de l’éloquence dans ces vers où Caïn raconte comment il est né, comment Eve, au sortir de l’Éden, les flancs et les pieds nus, s’enfonçant dans l’âpre solitude, l’enfanta : Mourante échevelée, elle succombe enfin, Et dans un cri d’horreur enfante sur la ronce Ta victime, Jahvèh ! […] Le poète nous raconte l’histoire d’un lion qui, renfermé dans une cage et désespérant de la liberté, préféra se laisser mourir de faim : Ô cœur toujours en proie à la rébellion, Qui tournes, haletant, dans la cage du monde, Lâche, que ne fais-tu comme a fait ce lion ?
Après eux, et d’après le même principe de plus ou moins pure spiritualité dans l’œuvre, viennent les poètes épiques, c’est-à-dire les poètes qui racontent, parce que leurs poèmes s’adressent principalement à une faculté secondaire de l’esprit humain : l’intérêt pour les aventures de la vie héroïque ou nationale. […] XXII Après la poésie qui chante, ou lyrique, après la poésie qui pense, ou philosophique, la poésie qui raconte, ou la poésie épique, est le chef-d’œuvre de l’esprit humain. […] Les ermites étonnés l’entourent et l’interrogent ; elle leur raconte ses malheurs ; ils lui prédisent le retour de sa félicité.
Racine le fils, sur le récit de son père, raconte ainsi cette révolution de palais, qui devait donner tant de gloire et tant d’amertume ensuite à son père : « Ces lectures se faisaient chez Mme de Montespan. […] Dans la première scène Esther raconte à sa confidente Élise comment Assuérus l’a choisie pour épouse, sans connaître sa race, à la place d’une première épouse ennemie des Juifs et disgraciée pour son orgueil. […] Il raconte à Esther le plan du massacre des Juifs conçu par le ministre Aman.
Michelet peut trier de petits faits sur le volet des commérages et raconter des anecdotes (hélas ! […] Mme de Staël raconte quelque part que pendant la révolution française, et précisément sous cette Convention que M. […] Le livre qu’il publie aujourd’hui sous le titre d’Histoire de la Révolution la raconte bien moins qu’il ne la déifie, et c’est par là que ce livre ressort et se détache de tous les livres contemporains sur le même sujet.
Elles sont à la gauloise, sans cérémonie aucune, à des amis avec qui il pense tout haut et à qui il raconte ses affaires, celles de la Faculté, les nouvelles de la ville, les curiosités du monde savant, les livres qui s’impriment, les meurtres et assassinats qui se commettent, les exécutions, les faits de tout genre tels qu’ils le frappent et qu’ils lui arrivent : « Vous voyez que je n’y mets aucun soin de style et d’ornement, dit-il, et que je n’y emploie ni Phœbus ni Balzac. » Le premier mot qui lui vient, français ou latin, est celui qu’il écrit ; c’est souvent un gros mot, et quelquefois un bon mot ; mais cela vibre toujours et a de l’accent. […] Dans cette visite à Saint-Denis, Gui Patin, en même temps qu’il laisse voir des restes de simplicité, maintient à ses propres yeux sa supériorité d’homme et de mari, en souriant de sa femme qui écoute et croit tout ce qu’on lui raconte de particularités et de bagatelles sur les derniers princes ensevelis.
Villars fit partir de Paris, à l’avance, un grand train conforme à son nouvel état de représentant du plus magnifique des rois : trois carrosses à huit chevaux, quatre chariots attelés de même, cinq ou six charrettes chargées de meubles, six pages, quatre gentilshommes, avec grand nombre de domestiques ; mais comme il avait su allier toute cette pompe avec un esprit d’exacte économie, il ne put s’empêcher de s’en vanter tout haut et de le raconter au roi et à tous : Il demanda à Sa Majesté (ce sont les mémoires qui parlent) ce qu’elle pensait que pouvait coûter la conduite d’un tel équipage de Paris à Vienne. […] On les vendit, l’un portant l’autre, à Ulm, cent cinquante livres : par conséquent, le gain sur les chevaux défraya le reste du voyage. » Le roi loua fort le bon esprit et le bon ordre de Viliars… Aussi n’est-ce point d’avoir raconté au roi la chose, qu’on peut blâmer Villars ; il répondait par là d’avance à plus d’une accusation, et montrait que, sous son faste et son apparente profusion, il savait calculer juste.
c’est trop fort, respectable serait assez. » Et il me raconta alors des particularités singulières, telles qu’on ne les savait bien que dans la famille des Débats, sur cet homme original, timide, fier, ennemi de tout joug, même conjugal, amoureux avant tout de sa liberté, jaloux de la reprendre au moment de la perdre, et qu’une circonstance fatale de jeunesse avait dû rendre plus réservé encore et plus retiré. […] L’illustre De Candolle, dans ses Mémoires et Souvenirs récemment publiés, raconte qu’allant en Angleterre, en 1816, il avait des lettres de recommandation pour sir Charles Blagden, secrétaire de la Société royale.
La scène est racontée par le menu et de manière à Rendre la supercherie plus piquante. […] L’un d’eux, dans une romance, après avoir raconté l’histoire avec quelque variante, s’est écrié : « Ô infâme nécessité !
Il n’a pas d’hostilité contre les personnes ; il n’en est que plus écrasant dans ce qu’il raconte. […] Ce qui est rare, c’est que Mme de Motteville n’est de rien dans tout ce qu’elle raconte, et qu’elle n’a fait qu’écrire ce qu’elle a vu et entendu, au lieu que tous les faiseurs de Mémoires sont toujours de quelque parti. » C’est là un jugement net et accompli.