Revenons aux choses simplement agréables et indifférentes, à ce qui est du ressort de la pure littérature. […] C’est toujours un profit que d’aimer, et, s’il faut aimer une nation, je ne vois pas laquelle on préférerait aux Français. » Se retrouvant à Paris en 1815, il prend fait et cause pour l’essai constitutionnel des Cent-Jours, se fait, en pur volontaire, le second de Benjamin Constant, devient un champion officieux du gouvernement dans le Moniteur, et, sur ce point brûlant du libéralisme impérial, se sépare avec éclat de ses autres amis politiques. […] Mais je continue de donner la description tout agréable : « C’est dans une soirée d’automne, lorsque les lumières qui brillent de toutes parts décèlent les maisons modestes des cultivateurs, cachées sous des treilles ou des groupes d’arbres fruitiers et d’oliviers ; lorsque des flambeaux de paille errant sur tous les sentiers font remarquer les paysans qui vont gaiement se réunir chez leurs voisins et passer les veillées ensemble ; lorsque les croupes arrondies des montagnes, que les oliviers semblent velouter, se dessinent dans le ciel le plus pur, c’est alors que le spectacle des collines rappelle les idées les plus romanesques.
Fromentin applique, en effet, aux figures le même mode d’expression qu’il a porté dans ses tableaux naturels ; au lieu de s’en tenir à la description pure des traits, du teint, des cheveux et de chaque partie de la personne, à ces signalements minutieux et saillants, qui, à force de tout montrer, nous empêchent parfois de voir et de nous faire une juste idée de l’ensemble, M. […] Olivier d’Orsel son ami est, au contraire, un amoureux pur, un homme qui, quand il suit une piste féminine, s’y attache uniquement, et qui ne se consolerait pas de la manquer. D’un autre côté, Augustin, l’ancien précepteur, jeune lui-même, établi à Paris où il lutte contre les difficultés d’un début, est un auteur pur, un publiciste acharné, un ambitieux d’idées et de principes.
Ce n’est point pourtant un bonapartiste pur sang que M. […] Pouvait-elle se douter que cette palette du plus pur, du plus réputé classique et du plus lauréat des poètes d’alors, paraîtrait bientôt pâle, effacée et insuffisante de couleur ? […] Il n’est pas non plus un pur classique en littérature, ni encore moins un romantique décidé ; il est ballotté entre les deux.
Pline le Jeune, parlant d’un vieux et aimable rhéteur, Isée, qui avait un prodigieux talent de parole et d’amplification, une élégance et une pureté de diction réputée attique, ajoute : « Il a plus de soixante ans, et il n’en est encore qu’à s’exercer au sein des écoles ; c’est dans cette classe d’hommes qu’on trouve le plus de simplicité, de sincérité et de bonté pure ; car, nous autres, qui passons notre vie au barreau et dans les contestations réelles, nous y apprenons, bon gré, mal gré, beaucoup de malice32. » Gresset, même dans le temps de ses plus grandes malices, fut toujours un peu un homme de cette nature, un scholasticus comme Pline le dit en bonne part du rhéteur Isée, et comme Voltaire l’a dit moins bénignement de lui dans ces vers si connus : Gresset doué du double privilége D’être au collége un bel-esprit mondain, Et dans le monde un homme de collége. […] Desfontaines, plus judicieux, concluait, après bien des éloges : « Ce sont de jolis riens qui ne conduisent à rien. » A les relire aujourd’hui, en effet, presque tous ces vers de Gresset ne nous offrent plus guère qu’une interminable enfilade de rimes entre-croisées dans lesquelles chaque mot ne marche qu’invariablement escorté de son épithète : pur babil, ramage, une sorte de loquacité poétique qui prouve de la facilité plutôt que de la verve, facilitas potius quam facultas. […] Ce qui avait été badinage aimable en sa primeur ne fut plus, en se répétant, que babiole et pure fadaise.
Le but du monde, c’est l’idée ; mais je ne connais pas un cas où l’idée se soit produite sans matière ; je ne connais pas d’esprit pur ni d’œuvre d’esprit pur. […] Cette rencontre en une même compagnie de toutes les opinions et de tous les genres d’esprit vous plaira : ici le rire charmant de la comédie, le roman pur et tendre, la poésie au puissant coup d’aile ou au rythme harmonieux ; là, toute la finesse de l’observation morale, l’analyse la plus exquise des ouvrages de l’esprit, le sens profond de l’histoire.
Or, dans Fontenelle, cette partie d’esprit pur et de bel esprit sans aucun reste de chaleur composa tout l’homme. […] Les Lettres diverses de M. le chevalier d’Her***, que Fontenelle publia en 1683, dans le même temps que ses Dialogues, sont du Benserade tout pur, et elles semblaient faites exprès pour donner gain de cause à ses ennemis. […] Pour quelques traits vraiment jolis et fins qu’on rencontre dans ces lettres, on en trouverait par centaines qui seraient du pur Mascarille ; et par exemple : « L’amour est le revenu de la beauté, et qui voit la beauté sans amour lui retient son revenu d’une manière qui crie vengeance. » Après cet amour qui est proprement le revenu et la rente de la beauté, vient tout un détail de l’acquittement en style de notaire : « Vous savez que, quand on paye, on est bien aise d’en tirer quittance ou de prendre acte comme on a payé.
Il s’exerce à parler à son peuple d’Auxerre un langage clair, pur et lucide ; et l’on se figure, en effet, quel pouvait être le caractère doux, abondant et moral de ces homélies, prononcées d’une voix un peu faible par le bon évêque Amyot. […] Aux yeux des purs et austères partisans de la gravité dans la psalmodie, cela répare un peu ses fautes. […] Jean-Jacques Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre profitèrent beaucoup d’Amyot ; Rousseau enfant n’avait pas de lecture plus favorite que Plutarque, et il s’y abreuvait par Amyot aux sources de la plus pure et de la moins genevoise des langues.
Pourtant il a pour la nature romaine pure et antérieure à toute action chrétienne, pour la nature romaine stoïque, une prédilection qu’il ne dissimulera pas. […] Tout ce passage est du Bossuet pur. […] Il ne soigne point son style, qui est bien plus spirituel, et quelquefois même nerveux, qu’il n’est pur.
On constatera de nouveau, après avoir analysé de la sorte un certain nombre d’œuvres d’art, qu’aucune ne présente une émotion que l’on puisse qualifier positivement de peine ou de plaisir : il n’est pas de livre qui donne, sauf par un retour sur soi, un sentiment de souffrance véritable, de désespoir, de chagrin, d’infortune positifs ; ni de peinture qui procure de la satisfaction, un encouragement, de l’espoir intéressé et vif, sauf dans la mesure ou un pur exercice corporel ou intellectuel, donne du plaisir. Les émotions esthétiques sont en général comprises entre ces limites, avec une tendance cependant à se rapprocher de la joie, qui est une émotion d’excitation presque pure et sans images naissantes. […] En étendant ce point de vue à toutes les œuvres du genre didactique, il conviendra de considérer le plus attentivement les parties ou l’auteur, quittant la constatation pure et simple des faits, s’adonne à la spéculation, à l’hypothèse, à la métaphysique, c’est-à-dire au raisonnement passionné.
Ses préceptes brillant d’une lumiere pure, Semblent être puisés au sein de la nature. […] On commençoit à préférer le clinquant à l’or pur ; on rejettoit les pensées que la nature dicte pour courir après celles que l’art suggére. […] & ne prenant que la fleur de la plus pure antiquité, on feroit un ouvrage exquis.”
Sainte-Beuve, il donna ce qui suit : [1863] Elle a le front haut et fier, fait pour le diadème ; les cheveux, d’un blond cendré, relevés en arrière, découvrent de côté des tempes larges et pures, et se rassemblent, se renouent en masse ondoyante sur un cou plein et élégant. […] C’est un ciel d’Italie tout d’azur, avec un horizon net et arrêté ; pas un nuage, pas une vapeur : le bleu pur et les lignes certaines.
Qu’est-ce en effet que ce Lorenzo « dont la jeunesse a été pure comme l’or ; qui avait le cœur et les mains tranquilles ; qui n’avait qu’à laisser le soleil se lever et se coucher pour voir fleurir autour de lui toutes les espérances humaines, qui était bon, et qui, pour son malheur, a voulu être grand ? […] Tant qu’il y aura une France et une poésie française, les flammes de Musset vivront comme vivent les flammes de Sapho. — À ces quatre Nuits célèbres, n’oublions pas d’ajouter un Souvenir qui s’y rattache étroitement, un retour à la forêt de Fontainebleau, qui est d’une émouvante et pure beauté, et, ce qui est rare chez lui, d’une grande douceur.
Il est arrivé seulement que, durant tout ce progrès merveilleux de son style, le poëte a plus particulièrement affecté des sujets de fantaisie ou des peintures extérieures, comme se prêtant davantage à la riche exubérance dont il lui plaisait de prodiguer les torrents, et qu’il a, sauf quelque mélange d’épanchements intimes, laissé dormir cette portion si pure et si profonde dont sa jeune âme avait autrefois donné les plus rares prémices. […] Le poëte n’espère plus, ni ne se révolte plus ; il a tout sondé, il a tout interrogé, depuis le cèdre jusqu’à l’hysope ; il recommence encore bien souvent, mais par irrésistible instinct et pur besoin de se mouvoir.
Quand son entretien solitaire, ses chants dans les bois, ses confidences d’ami à ami, sa misanthropie ou sa folle gaîté d’amant ne lui suffisent pas ; quand il veut sortir de lui-même, du pur lyrisme, du monologue ou du dithyrambe ; quand il a le don des combinaisons singulières, des nœuds de forte étreinte et des péripéties surprenantes, eh bien ! […] De même qu’on nous représente Jupiter avec un double tonneau où il puise, de même le poëte a deux types, le bien et le mal purs ; mais Jupiter mélange les doses, et le poëte ne les mélange pas ; il reste dans l’abstrait, surtout relativement à la perception du mal et du laid, à force de les vouloir individualiser sous un seul type constamment infernal.
Quoiqu’il ait parcouru la plus brillante moitié de sa route, et qu’il ne doive point, selon toute apparence, se surpasser désormais, il n’a pas atteint cet âge où une critique sévère afflige en pure perte ; et, dès qu’elle peut encore lui être utile, elle reste suffisamment légitime. […] « L’Assemblée (constituante) abolit toutes les distinctions honorifiques, toutes les armoiries, jusqu’aux titres insignifiante de monsieur et de madame, locutions de pure courtoisie, si l’on veut, mais qui, réunies à d’autres semblables, rendent plus douces les relations ordinaires de la vie, et entretiennent cette urbanité de mœurs que les Français désignaient par l’expression heureuse de petite morale. » Notez ce mot en passant, MM. de l’Académie ; et vous tous qui étudiez l’histoire, n’oubliez pas que l’Assemblée constituante abolit les titres de monsieur et de madame.
Nos plus chères renommées, nos plus purs champions dans les Assemblées et aux frontières, sont tombés avant le terme. […] Traitée pendant huit années par ce chef intègre, frugal, économe, la République assainie a passé ensuite aux mains non moins pures des Madison, des Monroë, des Jackson : la seule interruption qu’on puisse signaler dans cette continuité de régime tout démocratique se rapporte à la présidence, d’ailleurs bien modérée, de John Quincy Adams, qu’un revirement fortuit de suffrages porta, en 1824, à la première magistrature.
Le siècle va vite ; il se hâte ; je ne sais s’il arrivera bientôt à l’une de ces vallées immenses, à l’un de ces plateaux dominants, où la société s’assoit et s’installe pour une longue halte ; je ne sais même si jamais la société s’assoit, se pose réellement, et si toutes les stations que nous croyons découvrir dans le passé de l’histoire, ne sont pas des effets plus ou moins illusoires de la perspective, de pures apparences qui se construisent ainsi et jouent à nos yeux dans le lointain. […] Scribe et son public, c’est pure connivence.
L’aspect du ciel et de la terre, à toutes les heures du jour et de la nuit, réveille dans notre esprit diverses pensées ; et l’homme qui se laisse aller à ce que la nature lui inspire, éprouve une suite d’impressions toujours pures, toujours élevées, toujours analogues aux grandes idées morales et religieuses qui unissent l’homme avec l’avenir. […] Dans les pays pauvres, et surtout dans les classes moyennes de la société, on a souvent trouvé des mœurs très pures ; mais c’est aux premières classes qu’il appartient de rendre plus remarquables les exemples qu’elles donnent.
C’est par cette réflexion supérieure que La Fontaine, comme Rabelais ou Voltaire, surpasse les purs Gaulois et sort de la foule des simples amuseurs. […] Il trouve sa matière dans les bouges comme dans la salle du Trône, dans l’adoration pure comme dans le plaisir grivois.
» Cette scène, qui saisit l’imagination à la lecture, se réduit à cette pensée : « Vous me demandez, Sire, de déshonorer le nom que mes aïeux m’ont transmis glorieux et pur. » À l’idée des aïeux, de la race, le poète s’est contenté de substituer celle des individus : il a mis les unités à la place du groupe. […] Aussi, à vouloir étreindre le sentiment, pur, dégagé de toute idée, on n’embrasse que le vide.