« On aurait tort, dit un mathématicien philosophe, de ne voir dans cette seconde manière qu’une abréviation convenue, une forme de langage, apparemment plus commode parce qu’elle est plus usitée.
Elle était, ma tante, un esprit réfléchi de femme, nourri, comme je l’ai dit, de hautes lectures, et dont la parole, dans la voix la plus joliment féminine, une parole de philosophe ou de peintre, au milieu des paroles bourgeoises que j’entendais, avait une action sur mon entendement, et l’intriguait et le charmait.
Des romanciers apparaissent, des poètes surgissent, même, sinon des philosophes, du moins des écrivains dont il ne semble pas téméraire d’assurer qu’ils ont une philosophie ; moins de quarante ans après la condamnation prononcée par Taine, un Verhaeren, un Maeterlinck créent des œuvres « capables d’un ascendant universel », lui donnent un démenti superbe, et confirment de leurs noms glorieux la faillite de ses arguments ! […] En voici quelques-uns, au début de cette belle évocation lyrique : « Les sources du printemps. » Ici, aux bords toujours tièdes de la Méditerranée — cette mer immobile et qui semble sous verre, — où durant les mois noirs du reste de l’Europe, il (le printemps) s’est mis à l’abri des neiges et du vent, en un palais de paix, de lumière et d’amour… 170 Convient-il d’envisager Maeterlinck comme un grand philosophe ?
On en fit un proverbe : « C’est une dédicace à la Montauron. » Tout fut à la Montauron, jusqu’aux petits pains au lait… Très philosophe, Corneille, après la déconfiture du financier, retira sa dédicace aussi tranquillement qu’il l’avait écrite. […] Pour éviter cette tristesse de voir les générations neuves se retirer de lui, un grand écrivain n’a que que deux partis à prendre : mourir vers la soixantaine ou devenir, à cet âge, le plus détaché des philosophes. […] » Or, Tibère se meurt, en effet, dans d’atroces souffrances, guetté par son bon neveu Caligula Trasyllus, son médecin et philosophe familier, a la curiosité d’introduire auprès du vieillard cette petite vierge étrange qui sait, affirme-t-elle, des paroles de salut et des baumes guérisseurs.
Peut-être l’étude des philosophes allemands lui fut-elle facilitée par le séjour à Berlin. […] Il étudie les philosophes et sa rêverie est sans cesse hantée de leurs systèmes. « Je vague, dit-il, à jamais innocent, Par les grands parcs ésotériques De l’Armide métaphysique. […] Et s’il se laisse aller, suivant la coutume établie parmi les poètes, à écrire au sujet de ses amours, du moins a-t-il grand soin de le faire sans la moindre emphase, avec du cynisme plutôt, ou plutôt encore avec le souvenir de ce qu’ont dit les philosophes quant à la passion de l’Amour, Schopenhauer principalement et d’autres aussi, dont ce ne fut pas l’effort principal de poétiser tout cela.
Les critiques allemands, dans des occasions semblables, aiment à partir de la philosophie ; leur examen et leur discussion de l’œuvre poétique sont tels que leur commentaire explicatif n’est intelligible qu’aux philosophes de l’école à laquelle ils appartiennent : quant aux autres lecteurs, l’explication est pour eux beaucoup plus obscure que l’ouvrage qu’elle veut éclaircir.
« Sieyès a vécu plusieurs années dans l’intimité de Diderot et de la plupart des philosophes du xviiie siècle.
Tout philosophe qu’on peut être, et quelque raisonnement qu’on se fasse, cette continuité d’exigences, de prétentions, d’importances, de vanités d’acteurs, vous agace à la fin jusqu’à l’impatience.
Son ambition la plus caressée à cette heure vespérale de sa vie, c’est l’avènement d’un César philosophe, d’un « nouveau Marc-Aurèle entouré de Frontons et de Junius Rusticus ». […] La forme générale de cette tête de philosophe au front fuyant n’est pas ridicule, mais il n’y en a pas de moins imposante ni de moins fière.
On s’est obstiné à voir en lui l’homme de la préciosité ronflante et de la solennité vide, un poète qui avait fait les Martyrs comme Marmontel a fait les Incas et Fénelon Télémaque, le représentant d’un christianisme d’opéra et d’une épopée de cire, un restaurateur suranné de mythologies chrétiennes, un chanteur monotone du byronisme en prose, qui n’eut pas la force de rester philosophe, ne sut pas être chrétien et ne put dégager sa Muse des langes classiques. […] Ce Don Juan est un livre grandiose, un effrayant troisième Faust, écrit par un poète philosophe, avec du réalisme lyrique, des audaces qui défient l’analyse, une verve inattendue, un satanisme dissolvant et de bon ton, œuvre d’un talent sûr de lui-même, tout à fait nouvelle chez l’auteur familial de la Chanson de l’Enfant. […] L’auteur n’est pas seulement un artiste, c’est un philosophe apitoyé, un penseur qui a souffert, un très pur moraliste que le mensonge social n’a pas dupé et qui ne perd pas de vue l’âme et le cœur à travers les passions et les égoïsmes.
Dans un meilleur moment, il n’eût peut-être fait aucune attention à une affaire aussi peu importante ; mais il avait depuis longtemps une dent contre son fils, et il saisit avec bonheur l’occasion de confondre l’élégant philosophe pétersbourgeois.
Là, se trouvent encore deux kakémonos, l’un de Kano Soken, l’artiste révolutionnaire qui a abandonné l’école de Kano, la peinture sévère des philosophes, des ascètes, pour peindre des courtisanes, et qui nous fait voir une Japonaise, venant d’attacher une pièce de poésie à un cerisier en fleurs.
Charles Maurras, peut être, politiquement, judicieuse ; elle n’a pas plus de sens pour le poète que pour le philosophe.
— Le Monde ne se développe pas par un enchaînement simplement mécanique ; il n’est pas une machine fonctionnant avec une nécessité indifférente ; les philosophes suppriment toute intention dans les choses ; sous prétexte de science, ils excluent toute fin extérieure à la Nature : Aussi devant eux : « Voici l’automate éternel dansant indéfiniment101 !
A quoi pouvait bien ressembler cet Alfred Jarry dont on se contait déjà les hauts faits et dont on se répétait déjà la légende de philosophe pataphvsicien et d’éleveur de hiboux en chambre ?
Villiers fut de son temps au point que tous ses chefs-d’œuvre sont des rêves solidement basés sur la science et sur la métaphysique modernes, comme l’Ève future, comme Tribulat Bonbomet, cette énorme, admirable et tragique bouffonnerie, où vinrent converger, pour en faire la création peut-être la plus originale du siècle, tous les dons du rêveur, de l’ironiste et du philosophe.
Un philosophe disserte contre le vice, un satirique le reprend aigrement, un orateur le combat avec feu ; la comédie l’attaque par des railleries, et elle réussit quelquefois mieux que les plus forts arguments.
Mais toutes les définitions transcendantales qu’en proposent les philosophes ne feront pas qu’il ne soit aussi un métier ; et un métier n’a d’existence que dans la mesure où on le pratique.
Préface Ceci n’est pas un livre : c’est un Cours ; ou plutôt ce n’est que le commencement d’un Cours, celui de Littérature française moderne, — qui a été ouvert au Collège de France le 27 avril 1881, et qui a continué depuis. On n’a pas cru devoir changer ici le cadre de ces leçons, ni les déguiser en chapitres. Il a paru préférable de les laisser, à peu de chose près, telles qu’elles étaient venues. Peut-être eût-il mieux valu en attendre la fin, pour en écrire le commencement. Mais alors je me fusse trouvé si loin de celui-ci, que, même à l’aide de mes notes, j’aurais eu grand’ peine à le ressaisir.
Un disciple du philosophe chinois Sôshû, son éventail tombé à terre, près d’un bol de saké vide, les deux coudes sur un escabeau et les deux mains croisées sous le menton, suit des yeux le vol de deux papillons dans une rêverie qui lui fait regarder la vie humaine comme la vie éphémère de ces insectes d’un jour. […] Ces deux dessins, le philosophe et le peintre de tori-i, ont une parenté extraordinaire avec le beau faire brutal de Daumier et avec ses indications à la fois vigoureuses et comiques du muscle dans ses anatomies.