Et je prendrai tout d’abord pour exemple cette Anthologie même qui paraît aujourd’hui traduite au complet : il y a certes du mélange dans ce nombre si considérable d’épigrammes ; mais, en général, et à n’en prendre que la meilleure partie, tous les érudits gens de goût en ont fait leur régal ; Grotius les a traduites, d’après le recueil de Planude, en vers latins élégants ; les poètes de tout pays s’en sont inspirés, et souvent une seule goutte de cette liqueur exquise, tombée dans leur coupe, a suffi pour aiguiser le breuvage. […] Sous un ciel clair où les nuages blancs semblent des éclats de marbre, au milieu d’une mer semée d’îles, s’étend ce petit pays, hérissé de montagnes et de rochers sculptés, coupé de ruisseaux, pénétré de golfes sinueux, bordé de côtes anguleuses, de promontoires aux arêtes vives. […] Matthew Arnold, précédemment cité dans le courant de cet article, est le fils du célèbre docteur, et s’est placé lui-même au premier rang parmi les critiques littéraires de son pays.
Il y a des mots qui sont vivants comme des hommes, redoutables comme des conquérants, absolus comme des despotes, impitoyables comme le bourreau ; enfin il y a des mots qui pullulent, qui, une fois prononcés, sont aussitôt dans toutes les bouches… « Il est d’autres mots qui, pris dans une mauvaise acception, énervent, glacent, paralysent les plus forts, les plus ardents, les plus utiles, les plus éminents, tous ceux enfin sur qui ils tombent, mots plus funestes au pays qui ne les repousse pas que la perte d’une bataille ou d’une province… 70» Je ne demande rien de plus, et, cela dit et réservé, je conçois, j’admets volontiers que dans un pays aguerri au feu des discussions, chez un peuple de bon sens solide, raisonneur, calculateur, entendant ses intérêts, d’oreille peu chatouilleuse, qui ne prend pas la mouche à tout propos, une grande part de ce qui n’est qu’imaginaire dans le danger d’une presse libre disparaisse et s’évanouisse ; que les inconvénients puissent même s’y contre-balancer de manière à laisser prévaloir grandement les avantages. On connaît des pays comme ceux-là.
J’acquérais ainsi l’habitude du travail, de la maturité dans mes idées ; je m’étais déjà exercé sur divers objets, j’avais vu différents pays, beaucoup d’hommes et de choses ; j’avais donc, dès cette époque, des opinions arrêtées sur les intérêts et les devoirs des hommes, sur la morale, sur l’administration, sur la politique. […] Son Voyage à la Guyane vient bien après le Voyage à l’Ile de France de Bernardin de Saint-Pierre (publié en 1773), et avant celui de Chateaubriand au pays des Natchez. […] Malouet, explorant le pays, fut fort surpris de rencontrer dans un îlot, au milieu de l’Oyapock, un invalide du temps de Louis xiv, blessé à la bataille de Malplaquet, et qui avait 110 ans en 1777.
Cette identité place entre les hommes de ces deux pays un caractère commun qui les fera toujours se prendre l’un à l’autre et se reconnaître ; ils se croiront mutuellement chez eux quand ils voyageront l’un chez l’autre ; ils échangeront avec un plaisir réciproque la plénitude de leurs pensées et toute la discussion de leurs intérêts, tandis qu’une barrière insurmontable est élevée entre les peuples de différent langage qui ne peuvent prononcer un mot sans s’avertir qu’ils n’appartiennent pas à la même patrie ; entre qui toute transmission de pensée est un travail pénible, et non une jouissance ; qui ne parviennent jamais à s’entendre parfaitement, et pour qui le résultat de la conversation, après s’être fatigués de leurs efforts impuissants, est de se trouver mutuellement ridicules. Dans toutes les parties de l’Amérique que j’ai parcourues, je n’ai pas trouvé un seul Anglais qui ne se trouvât Américain, pas un seul Français qui ne se trouvât étranger. » Après l’inclination et l’habitude, il relève l’intérêt, cet autre mobile tout-puissant, surtout dans un pays nouveau où « la grande affaire est incontestablement d’accroître sa fortune. » Et comment ne seraient-elles point encore de Talleyrand ces réflexions morales si justement conques, exprimées si nettement, sur l’égalité et la multiplicité des cultes, dont il a été témoin, sur cet esprit de religion qui, bien que sincère, est surtout un sentiment d’habitude et qui se neutralise dans ses diversités mêmes, subordonné qu’il est chez tous (sauf de rares exceptions) à l’ardeur dominante du moment, à la poursuite des moyens d’accroître promptement son bien-être ? […] « Que l’on considère ces cités populeuses d’Anglais, d’Allemands, de Hollandais, d’irlandais, et aussi d’habitants indigènes, ces bourgades lointaines, si distantes les unes des autres ; ces vastes contrées incultes, traversées plutôt qu’habitées par des hommes qui ne sont d’aucun pays : quel lien commun concevoir au milieu de toutes ces disparités ?
Ainsi, dans ce premier retour de Louis XVIII, dans ce voyage de Calais à Compiègne, il montre le pays oubliant volontiers ses droits au milieu de l’attendrissement, et se donnant tout entier, tandis que les politiques à Paris stipulent et marchandent encore : Il (Louis XVIII) sentit, au tressaillement universel et spontané de sa patrie, qu’il était maître de ce peuple, et qu’on ne lui marchanderait pas sérieusement le règne à Paris. Il était évident pour lui et pour tous que si le pays confiant et versatile eût été seul en face de son roi, le roi aurait dicté arbitrairement et sans obstacle les conditions du nouveau pacte entre le trône et le pays ; l’empereur Alexandre stipulait pour la liberté plus que la liberté, à ce moment, ne stipulait pour elle-même.
Il sort bientôt du cercle étroit que lui prescrit le dogme, pour entrer dans les régions immenses que lui ouvre l’opinion. » Le jeune homme, nourri dans la tradition et dans la pratique religieuse, paraît préoccupé des querelles et des dissensions théologiques qui agitaient encore à ce moment plusieurs classes de la société : « Un enthousiaste, dit-il spirituellement, ne cherche point dans les ouvrages divins ce qu’il faut croire, mais ce qu’il croit ; il n’y démêle point ce qui s’y trouve, mais ce qu’il y cherche… Les livres sacrés sont comme un pays où les hommes de tous les partis vont comme au pillage, où ils s’attaquent souvent avec les mêmes armes et livrent bien des combats d’où tous croient sortir également victorieux69. » On devine, à la manière dont il parle du « judicieux abbé Fleury », qu’il n’est disposé à donner dans aucun extrême en fait de doctrine ecclésiastique, de même qu’on le trouve très en garde contre les écrits de Rousseau. […] En 1778, il fut élu assesseur d’Aix, c’est-à-dire l’un des quatre administrateurs électifs du pays. […] Cela était vrai surtout de la Provence, de la Nation provençale comme on disait, chez laquelle le roi n’était admis à faire les lois qu’à titre d’héritier des comtes souverains du pays.
Quand il parle de poésie proprement dite, il lui manque, je le crains, quelque chose : « Celui qui veut comprendre le poète, a dit Goethe, doit aller dans le pays du poète. » M. Guizot a trop vécu dans d’autres pays que celui-là : mais Corneille, mais Shakespeare, c’est encore l’histoire, et il est bon d’écouter un esprit aussi éminent et aussi ferme que M. […] Nous osons rappeler, au milieu des portions florissantes et triomphantes de la nation industrielle et militaire, qu’il y a aussi un pays moral, littéraire ; et, sans trop imaginer les moyens de le rétablir et de le réconforter, nous désirons que de plus habiles que nous y songent.
Pas une larme ne coula sur sa tombe ; les services qu’il avait rendus à son pays étaient depuis longtemps oubliés. […] Aujourd’hui on peut se demander si son amour de l’ordre, et sa ferme volonté d’introduire d’utiles réformes dans son pays, ne furent pas les motifs réels de la haine que lui vouèrent ses contemporains. […] Trop doux, généreux et clément, il était, à ce qu’il paraît, préoccupé d’imiter notre Henri IV, le glorieux roi du moment ; ce qui devra sembler assez hors de propos en un tel pays et quatre-vingts ans avant Pierre le Grand.
« Je ne connais pas de pays, dit Tocqueville, où il règne moins d’indépendance d’esprit et moins de véritable liberté de discussion qu’en Amérique. […] Sans doute il est étrange de dire qu’un gouvernement périt parce qu’il est trop fort, car il est évident qu’au moment où il a succombé il était le plus faible ; mais c’est l’extrême concentration qui a permis de l’attaquer avec avantage sur un point unique, comme on s’empare d’un pays en prenant sa capitale. […] Sans doute, lorsqu’une question particulière est soulevée, le publiciste doit lui donner une solution pratique et proposer des moyens proportionnés aux conjonctures ; mais dans la science il doit se borner aux principes : c’est à cette condition qu’il peut espérer de vivre au-delà d’un temps et d’un pays particulier.
On y apprendra comment l’amour de l’égalité devient la ruine de l’égalité même, s’il ne sait pas se renfermer dans ses vraies limites, si, non contents d’être égaux comme citoyens, nous voulons l’être comme fils et comme pères, comme jeunes et comme vieux, comme sujets et comme magistrats ; on apprendra encore combien l’obéissance à la loi est nécessaire dans un pays où la loi est faite par les citoyens eux-mêmes, comment la modération est le salut de tous les gouvernements, mais surtout des gouvernements populaires, enfin combien la probité est indispensable aux magistrats dans ces sortes de gouvernement. […] Ainsi le principe de la liberté appartient en propre à Montesquieu, au moins dans notre pays. […] Enfin, dans une histoire littéraire, je ne voudrais pas oublier qu’il est en quelque sorte l’auteur du renouvellement littéraire de notre pays.
[Le Pays, 8 décembre 1858.] […] [Le Pays, 13 février 1861.] […] Reconnu presque comme un artiste de génie, dans un pays où le talent, à tort ou à raison, rend imposants ceux qui prêtent le plus au sourire, Michelet a, surtout en ces derniers temps, fidèlement porté à sa boutonnière une fleur de gaieté qu’y plaçaient les autres et qui fleurissait d’un peu de ridicule son talent.
Et pour ne parler que de notre pays, Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Musset, Sainte-Beuve, Théophile Gautier, sont des prosateurs presque identiques en valeur à ce qu’ils sont comme poètes ; et Alfred de Vigny, qui est de cette constellation poétique éclose dans le ciel de feu de 1830, doit être nommé, non après eux, mais avec eux… Seulement, comme quelques-uns d’entre eux, Vigny n’a pas eu tout à coup le double génie et n’a pas trouvé dans son âme les deux aptitudes entrelacées comme deux sœurs dans le même berceau. […] C’est un livre pâle d’un Walter Scott du faubourg Saint-Germain, pays qui n’a ni originalité ni montagnes, mais beaucoup d’élégance et fort peu d’énergie ; c’est enfin de l’histoire de France en vignettes, gracieusement dessinées même quand le sujet de la vignette est terrible, très digne donc en tout de l’album des jeunes filles qui se mariaient, dans ce temps-là, à Saint-Thomas d’Aquin. […] Œuvres complètes ; Journal d’un poète (Pays, 15 mai 1860 ; Nain Jaune, 24 janvier 1867).
Pour cela, nous n’avons qu’à suivre les voyageurs des deux pays qui à ce moment franchissent la Manche. […] Elles sont nombreuses en ce pays, et c’est sur elles que la doctrine a prise. […] Un étranger qui en ce moment visiterait le pays ne verrait dans cette religion qu’une vapeur suffocante de raisonnements, de controverses et de sermons. […] Au fond, les gens de ce pays ne se soucient pas de la métaphysique ; pour les intéresser, il faut qu’elle se réduise à la psychologie. […] Si j’étais Américain comme je suis Anglais, tant qu’un bataillon étranger aurait le pied sur mon pays, je ne poserais pas mes armes !
Charles Frémine, le plus connu des deux, a, dans ses recueils (Floréal ; Vieux airs et jeunes chansons), consacré çà et là d’excellents vers à son pays.
L'Histoire de ses Voyages est peu intéressante pour le commun des Lecteurs, parce qu'il parcourut peu de pays, & que la découverte des Livres rares, soit imprimés, soit manuscrits, fut son principal objet.
Cette crainte commune du soleil était d’autant plus caractéristique chez Charles Cros que son pays était Fabrezan, près Narbonne, où il naquit le Ier octobre 1842. […] L’auteur affecte la plupart du temps cette allure d’un voyage un peu partout dans ses pays aimés, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne, un peu de France pittoresque et Paris, fréquemment. […] Là, il s’abouche avec des négociants trafiquant vers Aden et Hérat ; c’est dans ce dernier pays qu’il se fixe, non sans encore des pointes en Europe, et cette fois plutôt en France, dans son département. […] Non sans que la nécessaire, j’allais dire la légendaire, la traditionnelle ou si, comme moi, vous préférez, la belle, la noble, l’essentielle mélancolie de ce pays de rêve… et de réalité, n’ait là pris place. […] En outre, je me trouvais dans un pays tout à fait étranger, de langue diamétralement opposée, comme vocabulaire et comme syntaxe, à la mienne, de mœurs différentes et sans doute en dehors, bien entendu, des bienveillances qui m’entouraient, plus ou moins, sinon hostiles, à coup sûr indifférente aux choses de mon pays à moi.
Il feint de mépriser tout ce qu’on peut voir dans ce pays. […] Mais le deuil de la Nature revêt aussi dans ce pays une forme de beauté surprenante. […] Le maître d’école qui est du pays l’affirme. […] Il faisait paître son troupeau dans un pays arrosé par des lacs. […] Enfin il quitta l’Université et le pays.
Nous dirons donc qu’il y a un accord entre l’âpreté de ce pays et de cette race, et l’âpreté voilée du théâtre de Racine. […] Si le pays de soi (par lui-même) avait un peu plus de délicatesse et que les rochers y fussent un peu moins fréquents, on le prendrait pour un vrai pays de Cythère. […] Telle est l’humeur des gens de ce pays : ils portent les passions au dernier excès. […] comme les pays sont prospères, avec beaucoup de misères au fond). […] Il est impossible que tous ces pays, cultivés avec tous les soins imaginables, aient été fort peuplés.
Quoique le xve siècle ait donné tort à Pétrarque, nous comprenons sa défiance envers la langue vulgaire de son pays. […] Faut-il s’étonner qu’un Italien qui prend au sérieux l’idée de la patrie, qui aime et vénère son pays, refuse d’accepter l’arrêt prononcé par le poète français ? […] Si l’Italie est la terre des morts, si la vie s’est retirée de ce beau pays, de ce pays autrefois si puissant, pourquoi donc toute l’Europe va-t-elle respirer l’air des tombeaux ? […] Cependant, malgré son penchant pour la déclamation, il occupe un des premiers rangs parmi les orateurs politiques de notre pays. […] Michelet n’a pas craint de l’appliquer à l’histoire de notre pays.
. — Au pays des épées (1888). — France toujours (1890). — Demi-Tons (1892). — Dans le monde de l’art (1898)