Lundi 3 février 1862 Délassons-nous un peu à parler de M. de Pontmartin ; ce n’est pas un sujet difficile. J’ai eu, il y a quelque temps, maille à partir avec lui ; je ne viens pas réveiller la querelle, mais il m’est difficile d’éviter de parler d’un écrivain qui se fait lire du public et que nous rencontrons à chaque moment. […] Le Lamennais que nous rencontrions chez M. d’Ortigue, et qui semblait m’avoir tout à fait pardonné, je dois le dire, certains articles polémiques sévères, causait à ravir, parlait art, musique, immortalité de l’âme, et ne sentait pas du tout le fumier. […] Est-il donc besoin de rappeler ces choses à l’écrivain qui se présente en redresseur de tous ses confrères ; et est-ce au moment où le critique élève la voix pour parler de haut, qu’il lui est permis à ce point de détonner ? […] Quand il parle de ce qu’il sait bien et de ce qu’il ne se croit pas tenu d’anathématiser au nom d’un principe, — des romans de Charles de Bernard, des nouvelles de M.
Je faillis me prendre ; je crois qu’elle le vit : le chevalier le vit aussi, du moins il m’en parla, et de manière à ne pas me décourager. […] Hume, huit jours auparavant ; voici cette lettre où elle donnait son avis à cœur ouvert sur l’homme qui va la soupçonner de duplicité et de traîtrise ; on y voit comment elle pensait et parlait de lui en arrière de lui27 : « A Paris, 16 juin 1762. […] Ce fils paraît lui avoir causé quelque peine, car elle prend soin de noter un changement avantageux qu’elle croirait, dit-elle, remarquer en lui, « si elle n’avait interdit à l’espérance aussi bien qu’à la crainte tout accès dans son cœur ; mais ces deux passions, ajoute-t-elle, amollissent trop le courage, et on les doit bannir autant qu’il est possible, lorsqu’on s’engage dans quelque entreprise importante. » Elle parle d’une « mélancolie profonde et trop justement fondée, suivie de la rougeole et d’un long état de langueur, qui l’ont concentrée en elle-même » et l’ont empêchée d’écrire. […] Je ne vous en parle qu’à la dernière extrémité ; mais, sachant à peu près ce que vous aviez, je juge que vous en devez manquer. […] Le silence auquel nous sommes forcés vous nuit plus que toute chose. » Ainsi à chaque ami elle a dit sa vérité avec franchise, la vérité entière et la moins agréable à entendre ; à chacun elle a bien parlé de l’absent ; elle l’a défendu ; elle a blâmé en face, elle loue en arrière.
Je prie qu’on ne confonde pas du tout ce plat volume de 1820, pure spéculation et fabrication de librairie, avec les deux volumes de 1809, les seuls qui méritent confiance, et dont je veux parler. […] Je ne parle pas des déjeuners du dimanche de l’abbé Morellet, qui ne vinrent, je crois, qu’un peu plus tard. […] Sa conversation n’était jamais au-dessus ni au-dessous de ceux à qui elle parlait ; elle avait la mesure, la proportion, la justesse. […] Nous n’en avons pas seulement pour garant Mlle de Lespinasse, mais les moins sujets à s’engouer parmi les contemporains ; l’abbé Galiani, par exemple, qui, apprenant à Naples la mort de M. de Mora, écrivait à Mme d’Épinay (18 juin 1774) : « Je n’ose parler de Mora. […] Mais eux, les voyageurs, ils n’avaient rien vu ni remarqué de ces petits accidents : c’est que Mme de Staël avait parlé pendant tout ce temps-là, et qu’elle parlait des Lettres de Mlle de Lespinasse, et de ce M. de Guibert, qui avait été sa première flamme.
Après tout ce que j’ai dit des femmes du xviiie siècle, il y aurait une trop grande lacune si je ne parlais de Mme Geoffrin, l’une des plus célèbres et dont l’influence a été le plus grande. […] Elle parlait si agréablement des choses qu’elle ne savait pas, que personne ne désirait qu’elle les sût mieux ; et quand son ignorance était trop visible, elle s’en tirait par des plaisanteries qui déconcertaient les pédants qui avaient voulu l’humilier. […] Le siècle s’ennuyait à la fin d’être contenu par elle et conduit à la lisière, il voulait parler de tout à haute voix et à cœur joie. […] En toute rencontre, il parle d’elle comme de la raison même. […] Morellet lui-même, quand il parle d’elle, est non pas un excellent peintre, mais un parfait analyste ; la main qui écrit est bien un peu lourde, mais la plume est nette et fine.
Somaize, dans Le Grand Dictionnaire des précieuses, ne dit pas autre chose : « Pour de la beauté, quoique l’on soit assez instruit qu’elle en a ce qu’il en faut pour donner de l’amour, il faut pourtant avouer que son esprit est plus charmant que son visage, et que beaucoup échapperaient de ses fers s’ils ne faisaient que la voir. » Mais, dès qu’elle parlait, on était pris et ravi : c’était son esprit qui achevait sa beauté et qui lui donnait toute son expression et sa puissance. […] Quand on les retrouve s’écrivant de nouveau, ils sont décidément vieux, très vieux l’un et l’autre, et leur plus grand plaisir est de parler du passé avec regret ou de badiner de la vieillesse avec agrément. […] En sortant de là, les interlocuteurs continuent de parler d’elle et de se redire ses diverses qualités aimables. […] — Savez-vous bien, me dit un plaisant à qui je viens de faire lire ce même passage en latin, qu’à la manière dont parle votre abbé d’Olivet, je vais conclure qu’au xviie siècle Mme de La Fayette et Mlle de Lenclos, par leur fonction d’oracles du goût dans le monde, ont été les deux premiers vicaires de Boileau ? — C’est en des termes plus ou moins approchants que tous les derniers contemporains de Ninon parlent d’elle.
Ils dévorèrent tout, mais les manuscrits leur échappèrent… Ils avaient été légués parle noble duc à son cousin, l’évêque de Metz, Saint-Simon comme lui, quand un ordre du Roi Louis XV et contresigné Choiseul confisqua ces manuscrits, comme Papiers d’État, au nom de cette raison d’État qui a le droit de rester mystérieuse et dont elle a souvent abusé. […] … Vous faites des coups d’État a la Richelieu, et vous voulez, comme lui, vous montrer évêque par des pièces qui, en ce genre, seraient enviées des maîtres… C’est un trait, que la manière dont vous parlez à votre troupeau de votre absence ; mais, il faut vous le dire, vous savez trop, à la fin, et vous ajoutez à la brutalité de l’étonnement ! […] Elle peut être CONTENTE de ma conduite ici, ce me sera un bonheur véritablement sensible, parce qu’il n’y a rien que je désire davantage que l’estime et l’amitié de Votre Éminence, que j’HONORE, et pour ne pas parler plus librement, avec le respect le plus fidèle. » Et c’est le style ! […] Il devait donc savoir ce qu’il faisait quand il parlait en ses dépêches comme il y parlait à Dubois ! […] Ni Boulainvillers, ni Dubost, ni Montesquieu lui-même, ni personne, n’a parlé de la monarchie française avec cette sûreté et cette clarté de connaissances qui donnent à ces deux pièces de procédure, à ces deux Mémoires d’occasion, l’éternelle solidité de l’Histoire.
À partir de cette époque, Hurter a eu le loisir d’achever une Histoire de la Papauté au Moyen Âge très favorable au catholicisme et que Saint-Chéron se mit aussitôt en devoir, ou, pour mieux parler, en dévotion de traduire. […] eh bien, voici comme l’Allemagne parle du catholicisme d’Innocent III, de Grégoire VII ! […] Qu’on ne parle pas de la charité du pasteur quand il s’agit d’une condescendance indigne de l’autorité suprême ! […] Depuis combien de temps ne parlait-on pas d’unité ? […] On voit que nous voulons parler de la prise de Constantinople.
Comme ce jeune Jérusalem dont il nous parle quelque part, et sans lequel (j’en demande bien pardon à Goethe !) […] Il y a des philosophies qui sont presque, des poésies sans rhythme, il y a des métaphysiques qui ont un côté idéal, grandiose, religieux, et ce n’est pas pour rien sans doute qu’on parle des ailes d’or de la pensée de Platon. […] Dans ces Aveux d’un poète si familiers et si nobles, si élevés et si intimes, Heine, qui nous a dit tout, parce qu’il a le don du langage avec lequel on peut tout dire, nous parle de son mariage catholique à Saint-Sulpice et des vertus chrétiennes de la femme qu’il a épousée. […] Voltaire surgit naturellement à la pensée dès qu’on parle de Henri Heine ; car, de tout le xixe siècle, — si différent du xviiie , — Heine est l’esprit qui ressemble le plus à Voltaire. […] Aussi passa-t-il quatre-vingts ans à se droguer, vivant de café, de médecines et de clystères, dont il parlait souvent, comme Scarron, et dont il tirait des effets d’une bonhomie ou d’une hypocrisie comique… Mais ces maux qui ne tuèrent pas Voltaire, tandis que Henri Heine est mort des siens, sont aussi différents des maux de Heine que sa pâle poésie est différente de la poésie du grand poète allemand, lequel reste supérieur à Voltaire autant par la beauté de son génie poétique que par la sincérité tragique de ses douleurs.
Renan, qui parle, dans ses Études d’histoire religieuse, de tous ceux qui s’avisèrent les premiers de lever comme une catapulte le misérable fétu de leur critique contre les religions et leurs symboles, et qui nomme des médiocrités comme Boulanger, Dupuis, Emeric David, Petit-Radel, M. […] pour nous parler de l’idéal ailleurs que dans un roman), la religion pose par sa base sur le sol mouvant des choses humaines et participe à ce qu’elles ont d’instable et de défectueux » ; et plus bas : « Éternellement sacrées dans leur esprit, les religions ne peuvent l’être également dans leurs formes… » Selon M. […] il faut s’arrêter dans les nuances dont on parle tant ! […] Renan n’a point inventée, et qu’il a commencé par appliquer à la théorie du langage, est cette méthode connue des Études religieuses dont nous parlons pour la première et dernière fois. […] Dorénavant, quand nous parlerons de M.
Certainement, il n’y a en France qu’un seul homme qui ait pu parler ainsi d’un autre homme : c’est M. […] Écoutez-le parler de la tristesse de la poésie légère. Écoutez-le parler de Pascal, sur lequel il semble qu’on ait tout dit, et dont il dit, lui : « Il avait la peur. […] Lisez son grand fragment sur la Médiocrité, dont j’ai parlé déjà, et qu’il haïssait… Elle l’aura fait souffrir, sans doute. […] Mais nulle part de foi féconde et de grande poésie, quand enfin, sur le tard, deux religieux, le Père Pitra et le Père Lacordaire, retrouvèrent l’accent qu’il faut avoir quand on se mêle de parler des Saints.
Dès les premiers volumes, il prêta aux critiques et aux objections, l’abbé Prévost, qui avait été bénédictin et qui faisait alors un journal, parla de l’ouvrage et substitua un autre plan à celui qu’on avait adopté : il aurait voulu un choix dans les auteurs et dans les matières ; qu’on mît à l’écart les écrivains ecclésiastiques, les controversistes ; qu’on ne dît pas tout sur chacun. […] Le Lion empereur, entendant le Loup faire éclat de la séduction de sa femme, lui parle en homme de sens : Ysengrin, lui dit-il, laissez tomber cela. […] Brun, l’Ours, ne se montre pas content de la manière un peu légère dont le Lion a parlé. […] Grâce à cette diversion et au parti qu’en tire Grinbert le Blaireau, les affaires de Renart se raccommodent devant l’assemblée, si bien que le Connil, le timide Lapin, ose se mettre en avant, parler à son tour en sa faveur et se porter pour sa caution avec l’Âne. […] Il en a fait ces admirables petits drames, qui vont parfois jusqu’à la grandeur : mais son talent et son génie, ç’a été surtout de s’y être mis lui-même, de n’y avoir vu qu’un cadre à parler de l’amitié, de la campagne, de la solitude, du sommeil, de tous ces charmes qu’il sentait si bien : « Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?
Parler de M. […] Voilà les caractères et les défauts que je pourrais appuyer et démontrer par maint exemple : mais, à côté de cela, on sent l’homme compétent et supérieur quand il parle du fond des sujets ; on s’efforce de le comprendre et de le suivre, et on y parvient avec quelque application. […] Vous devez naturellement supposer que Watt a été nommé pair. — On n’y a pas même pensé. — S’il faut parler net, tant pis pour la pairie que le nom de Watt eût honorée ! […] Je laisse parler M. de La Rive : — « Eh bien, me dit-il dès que je fus entré, je suis sûr que vous avez déjà lu cet article à Genève et que vous me donnez tort ? […] Si l’exemple d’Arago nous preuve que des esprits ingénieux et fins en matière de science ne sont souvent que robustes en littérature, il nous montre aussi qu’il y a une puissance réelle à ne parler que de ce qu’on sait à fond, et qu’il entre tout autre chose que le goût dans cette prise qu’on a sur les hommes.
Vous me parlez, monsieur, de faire un petit voyage sur les bords de mon lac ; je vous en défie… À de nouveaux vers que M. de Meilhan lui envoya une autre fois, Voltaire répondait, en 1761, par une lettre moitié vers, moitié prose : J’ai lu tes vers brillants et ceux de ta Bergère, Ouvrages de l’esprit, embellis par l’amour. […] Ainsi M. de Meilhan loue Turgot ; il prend le parti de Sully contre Colbert ; il célèbre un Sully sentimental outre mesure et de convention ; il parle par moments du luxe dans les termes de l’auteur du Télémaque. […] Il remarque que chacun, moyennant cette monnaie courante, peut parler même de ce qu’il ne sait pas, louer Newton ou Descartes sans avoir la plus légère teinture de géométrie, caractériser Turenne ou Condé sans posséder les éléments de l’art de la guerre. Sous Louis XIV (il ne s’agit pas des oraisons funèbres), on ne se serait cru en droit de parler avec détail du mérite de ces hommes éminents qu’en étant soi-même du métier. En général, c’est un mérite de M. de Meilhan, il ne parle de Louis XIV et de cette époque qu’avec respect et en connaissance de cause ; dans un parallèle entre Louis XIV et Henri IV, il ose, malgré l’engouement de l’opinion, donner la préférence au premier ; il parle de Mme de Maintenon sans l’injurier jamais et, au contraire, en l’admirant.
Petit écolier poli, petit monsieur déjà mondain, ayant besoin, pour s’affectionner aux choses, qu’on lui parlât civilement, il ne rencontra guère que des pédagogues qui le rebutèrent, et il s’habitua à confondre le pédantisme et la discipline. […] Dans un autre voyage et séjour à Forges, bien des années après, on le voit conversant de toutes sortes de sujets, et notamment de l’astrologie judiciaire, dans la chambre de la princesse avec les doctes visiteurs qu’il y rencontre : « C’est ainsi, ajoute-t-il après le résumé d’un de ces entretiens où il a brillé, que nous agitions tous les jours quelque belle question pour le divertissement de celle qui nous ordonnait de parler, et qui se plaisait en cette sorte d’entretiens. » Pendant vingt ans et plus (1623-1645) l’abbé de Marolles fut ainsi l’homme de lettres familier, le latiniste ordinaire, une façon de bibliothécaire de la princesse Marie ; sa curiosité y trouvait son compte. […] Un autre jour, comme on débitait la prodigieuse nouvelle qu’un impie ayant tiré un coup de pistolet sur une enseigne de la Vierge au pont Notre-Dame, l’image s’était mise aussitôt à saigner, la princesse Marie, « dont le naturel doux avait toujours été facile à croire aux miracles », pria Marolles d’aller sur les lieux s’informer de la vérité du fait, dont quantité de personnes étaient venues lui parler, se donnant pour témoins oculaires. […] Tout en envisageant ces dignités ecclésiastiques d’une manière beaucoup trop mondaine, il eut pourtant le bon sens de reconnaître ses limites et de sentir qu’il n’avait rien de la capacité ni de la vocation épiscopale : « Car pour en dire la vérité, bien que je tinsse à honneur d’avoir été proposé pour un état si sublime, si est-ce que, ne m’en trouvant pas digne, je me contentais seulement d’avoir donné sujet d’en parler. » C’était déjà, en effet, beaucoup d’honneur pour lui qu’on eût songé, un moment, à en faire un évêque. […] Taschereau, et sans ce secours unique, sans l’ensemble de notes manuscrites qui y sont jointes, je n’aurais pas eu le moyen, je l’avoue, de me faire une juste idée de Marolles, de l’œuvre de Marolles, si l’οn peut employer le mot sans rire ; je n’en aurais pu parler tout à fait pertinemment.
Il ne me permit jamais de lui en parler. […] Je racontais a Gray ma vie et mon pays, mais toute sa vie à lui était fermée pour moi ; jamais il ne me parlait de lui, il y avait chez Gray entre à présent et le passé un abîme infranchissable : quand je voulais en approcher, de sombres nuées venaient le couvrir. […] L’aimable Bernois l’avait tout à fait ensorcelé, et Gray ne pouvait parler d’autre chose. […] La dernière fois qu’il est question de Bonstetten dans une lettre de Gray (3 mai 1771), c’est avec un sentiment d’inquiétude bien légitime ; Bonstetten était alors retourné dans son enfer de Berne : Il y a trois jours j’ai reçu une si étrange lettre de Bonstetten, que je ne sais comment vous en rendre compte, et je désire que vous n’en parliez à personne. Il dit qu’il est le plus malheureux des hommes, qu’il est décidé à quitter son pays, c’est-à-dire à venir passer le prochain hiver en Angleterre, qu’il ne peut supporter la morgue de l’aristocratie et l’orgueil, armé des lois ; bref, dans l’expression de son ennui et de sa confusion d’esprit, il va jusqu’à parler de pistolet et de courage, et le tout sans ombre de raison précise à l’appui.
Il n’est rien de tel pour fortifier son jugement et accroître son expérience que d’écouter les esprits supérieurs et de recueillir leurs témoignages quand ils ne s’expriment pas en vue de la foule et pour amuser la galerie, mais quand ils parlent avec netteté et simplicité pour se laisser voir tels qu’ils sont à ceux qui sont dignes de les bien voir. […] Douée de discrétion et de dissimulation, son étonnement était grand en entendant son fiancé lui parler de tout à tort et à travers et à l’étourdie : « Je me taisais et j’écoutais, ce qui me gagna sa confiance, Je me souviens qu’il me dit, entre autres choses, que ce qui lui plaisait le plus en moi, c’était que j’étais sa cousine, et qu’à titre de sa parente il pourrait me parler à cœur ouvert ; en suite de quoi il me dit qu’il était amoureux d’une des filles d’honneur de l’Impératrice, qui avait été renvoyée de la Cour lors du malheur de sa mère, une Mme Lapoukine, qui avait été exilée en Sibérie ; qu’il aurait bien voulu l’épouser, mais qu’il était résigné à m’épouser moi, parce que sa tante le désirait. […] Pendant ce temps-là, le grand-duc, « qui est discret comme un coup de canon », parle au premier venu de tout ce qui lui traverse l’esprit, non pas de ce qu’il pense (car il ne pense pas), mais de tout ce qu’on lui dit et qu’il répète. […] Elle ne ressemblait pas à Frédéric qui se passait de lecture allemande et ne lisait que des ouvrages français ; elle en lisait aussi en russe et trouvait à cette langue adoptive, qu’elle s’appliquait à parler et à prononcer en perfection, « bien de la richesse et des expressions fortes. » Les Annales de Tacite qu’elle lut en 1754 seulement, c’est-à-dire à l’âge de vingt-cinq ans, opérèrent, dans sa tête une singulière révolution, « à laquelle peut-être la disposition chagrine de mon esprit à cette époque, nous dit-elle, ne contribua pas peu : je commençais à voir plus de choses en noir, et à chercher des causes plus profondes et plus calquées sur les intérêts divers, dans les choses qui se présentaient à ma vue. » Elle était alors dans des épreuves et des crises de cœur et de politique d’où elle sortit haute et fière, avec l’âme d’un homme et le caractère d’un empereur déjà. […] Un jour, le général Liéven, la voyant passer à travers un salon, disait à son voisin Poniatowsky : « Voilà une femme pour laquelle un honnête homme pourrait souffrir quelques coups de knout sans regret. » Ce général parlait et sentait comme le poëte : Rien que pour toucher sa mantille, De par tous les saints de Castille, On se ferait rompre les os.
Ils lui parlèrent de moi comme d’un jeune homme qui donnait de belles espérances à la poésie, au royalisme, et qui n’était point enrôlé dans le parti opposé à la religion. […] On me traita de profane, on sourit et on parla d’autre chose. […] On ne peut détacher le regard du portrait ; on croit entendre sa voix douce et prévenante qui vous parle ; il n’a rien à cacher ; son timbre, juste et franc, sonne la sincérité avec le mot. […] Nullement pressé d’avancement, je lui écrivais sans jamais lui parler de mon ambition. […] Étant en congé dans ce moment à Paris, j’essayai de lui en parler, mais il refusa de me répondre et je compris qu’il ne voulait pas qu’un seul mot de lui pût aggraver les torts de son ancien ami.
Dans ce voyage d’Italie, l’art italien lui échappe : elle raisonne froidement, rapidement sur la peinture et la sculpture ; mais vraiment de Brosses et Dupaty638 en parlaient mieux. […] Elle juge les événements du point de vue de son amour-propre : le régime où elle pourrait parler librement, qui enverrait ses hommes d’État chez elle, qui ferait de son salon un Conseil officieux, n’aurait sans doute pas trop de mal à la gagner. […] Parle premier, l’existence de deux chambres est érigée en dogme : avec le troisième s’introduit dans le régime parlementaire un esprit fâcheux, par lequel la classe bourgeoise déviera la Révolution à son profit, et, substituant au privilège de la naissance le privilège de la fortune, fera de la haine ou de la peur de la démocratie la première maxime d’une politique égoïste. […] Elle pose ainsi les principes d’un goût nouveau, conforme aux nouveaux états de sensibilité dont nous avons parlé. […] Avec sa lucide intelligence, elle parle des Anglais et des Allemands comme personne encore n’en avait parlé chez nous ; elle laisse à leurs œuvres la coupe et l’aspect étrangers.
Je crois que personne n’a mieux parlé de l’année terrible que MM. […] Je ne parlerai plus que des Vieux100, ce fin chef-d’œuvre. […] Parlez-moi des grands artistes outranciers qui manquent décidément de goût par quelque côté et qui abondent follement dans leur sens ! Parlez-moi des monstres et des phénomènes ! […] Je ne parle ici que des Contes de M.
Il est encore plus éloigné d’employer, pour la flatter et la séduire, le jargon de la dévotion ; ce n’est point par habitude qu’il le parle, mais avec dessein, et selon qu’il lui est utile, et jamais quand il ne servirait qu’à le rendre très ridicule. […] Bien manger, c’est ne point faire fi des présents de Dieu qui « donne la pâture aux petits des oiseaux » ; bien manger, c’est déjà presque une façon de louer la Providence. « Les dévots, dit La Bruyère, ne connaissent de crimes que l’incontinence, parlons plus précisément, que le bruit ou les dehors de l’incontinence. […] Nous voyons un peu après, par les discours de Dorine, qu’il parle volontiers de son nom et de sa noblesse. […] Elle croit l’embarrasser et se sauver de lui en l’obligeant à ne parler qu’en dévot. C’est donc en dévot qu’il parlera.