Jamais le sentiment mystérieux de l’âme des choses et de la vertu matinale de la nature, jamais la poétique et sauvage puissance qu’elle fait éprouver qui s’y replonge et s’y abandonne éperdument, n’a été exprimée chez nous avec une telle âpreté de saveur, avec un tel grandiose et une précision si parfaite d’images.
Quitter les campagnes des mânes heureux pour revenir dans ce monde, c’était passer d’un état parfait à un état qui l’était moins ; c’était rentrer dans le cercle, renaître pour mourir, voir ce qu’on avait vu.
De là toute institution qui sert à purifier l’âme, à en écarter le trouble et les dissonances, à y faire naître la vertu, est, par cette qualité même, propice à la plus belle musique, ou à l’imitation la plus parfaite du beau.
Si vous voulez observer cette opération, regardez le promoteur et le modèle de toute la grande culture contemporaine, Gœthe, qui, avant d’écrire son Iphigénie, emploie des journées à dessiner les plus parfaites statues, et qui, enfin, les yeux remplis par les nobles formes du paysage antique, et l’esprit pénétré des beautés harmonieuses de la vie antique, parvient à reproduire si exactement en lui-même les habitudes et les penchants de l’imagination grecque, qu’il donne une sœur presque jumelle à l’Antigone de Sophocle et aux déesses de Phidias. […] Cette seconde idée, à son tour, dépend d’une troisième plus générale encore, celle de la perfection morale, telle qu’elle se rencontre dans le Dieu parfait, juge impeccable, rigoureux surveillant des âmes, devant qui toute âme est pécheresse, digne de supplice, incapable de vertu et de salut, sinon par la crise de conscience qu’il provoque et la rénovation du cœur qu’il produit. […] Si le sentiment d’obéissance a pour racine l’instinct de la discipline, la sociabilité et l’honneur, vous trouverez comme en France la parfaite organisation militaire, la belle hiérarchie administrative, le manque d’esprit public avec les saccades du patriotisme, la prompte docilité du sujet avec les impatiences du révolutionnaire, les courbettes du courtisan avec les résistances du galant homme, l’agrément délicat de la conversation et du monde avec les tracasseries du foyer et de la famille, l’égalité des époux et l’imperfection du mariage sous la contrainte nécessaire de la loi. […] D’ailleurs, il y a cela de particulier dans cette civilisation, qu’outre son développement spontané, elle offre une déviation forcée, qu’elle a subi la dernière et la plus efficace de toutes les conquêtes, et que les trois données d’où elle est sortie, la race, le climat, l’invasion normande, peuvent être observées dans les monuments avec une précision parfaite ; si bien, qu’on étudie dans cette histoire les deux plus puissants moteurs des transformations humaines, je veux dire la nature et la contrainte, et qu’on peut les étudier sans incertitude ni lacune, dans une suite de monuments authentiques et entiers.
Toutes ces circonstances impriment à la marche de la nature un équilibre parfait et un caractère de majestueuse simplicité. » II « Au point du jour, le ciel est le plus souvent sans nuages. […] Elles se répandirent d’abord comme un reflet sur la Perse et la Chine ; elles sanctifièrent Zoroastre et Confucius, et les législateurs du pays des pyramides ; de là elles passèrent en Grèce, où l’imagination les colora de ses brillants mensonges adoptés par les Romains ; puis l’incarnation chrétienne les sentit renaître et les pratiqua en morale parfaite et en ascétismes pieux. […] Jamais l’humanité n’a rien rêvé d’aussi vaste et d’aussi parfait ! […] Elle n’est ni infinie, ni indivisible, ni parfaite.
Dans son orgueil, enfin, il puise la force de supporter, avec une tenue parfaite, les longues tortures d’un cancer de l’estomac… « Puisqu’il faut vous parler de moi, sachez donc qu’il n’y a pas de martyre comparable au mien. […] L’horreur de l’universel cloaque de lâcheté, de sottise et d’impudicité qui est le monde ne lui laissait de refuges que ces étroits et secrets paradis d’entier renoncement et de pureté parfaite qui sont les couvents ; entendez les couvents intransigeants des carmélites ou des trappistes. […] Et Sapho — avec les différences que vous sentez et qui sont toutes à l’avantage de Daudet — est simplement la Manon Lescaut de ce siècle : c’est notre version, à nous gens d’à présent, de l’éternelle aventure des captifs de la chair ; version parfaite et définitive, d’une signification si générale et d’une couleur si particulière ! […] Enfin, le poème d’Émile Pouvillon est tout pénétré d’évangélisme, de partialité pour les petits, de défiance à l’égard de la société bourgeoise et des « autorités constituées », de doutes sur le bienfait de la civilisation industrielle, et de cette idée que le chef-d’œuvre de l’homme, ce qu’il y a de plus beau et de meilleur au monde, c’est la foi et la bonté parfaite dans une âme simple.
« Fidèle, — dit-il, — à son douloureux programme, l’auteur des Fleurs du mal a dû, en parfait comédien, façonner son esprit à tous les sophismes comme à toutes les corruptions. » Ceci est positif. […] Qu’ont fait depuis trente ans Lamartine, Hugo, de Vigny, Sainte-Beuve, Théophile Gautier, qu’écrire en des œuvres fragmentaires, limitées, l’histoire de l’âme humaine, qu’exprimer dans une forme de plus en plus serrée et de plus en plus parfaite, impressions, rêves, aspirations, regrets, depuis la passion la plus vive jusqu’à la rêverie la plus vague ? […] Nous sommes tellement accoutumés à être lâchement encensés ; on nous a tant de fois répété à tous, grands ou petits, poètes, artistes, bourgeois, que nous sommes les plus vertueux, les plus parfaits, les plus délicats, qu’un poète qui vient nous secouer dans notre satisfaction hypocrite ou indolente nous fait peur ou nous irrite. […] Elle est souvent parfaite ; parfois aussi il se permet des audaces, des négligences, des violences qu’explique la nature toute spontanée de son inspiration.
(5) Cette nécessité devient encore plus sensible en ayant égard à la parfaite convenance de la philosophie théologique avec la nature propre des recherches sur lesquelles l’esprit humain dans son enfance concentre si éminemment toute son activité. […] Chacun sait, en effet, que, dans nos explications positives, même les plus parfaites, nous n’avons nullement la prétention d’exposer les causes génératrices des phénomènes puisque nous ne ferions jamais alors que reculer la difficulté, mais seulement d’analyser avec exactitude les circonstances de leur production, et de les rattacher les unes aux autres par des relations normales de succession et de similitude. […] D’un autre côté, après avoir, enfin, à force de précautions, atteint cet état parfait de sommeil intellectuel, vous devez vous occuper à contempler les opérations qui s’exécuteront dans votre esprit lorsqu’il ne s’y passera plus rien Nos descendants verront sans doute de telles prétentions transportées un jour sur la scène. […] La philosophie positive serait sans doute plus parfaite s’il pouvait en être ainsi.
Ne nous en plaignons pas ; elle est esclave, et fait Le ménage divin de son maître parfait ; Bénissons-la plutôt, retombés dans la vase, De n’avoir pas brisé tout entier l’humble vase, D’avoir bu dans l’écuelle et de nous avoir pris Tantôt pour le pouvoir, tantôt pour le mépris. […] J’ai toujours envié la mort de ce grand homme, Esprit athénien dans un consul de Rome, Doué de tous les dons parfaits, quoique divers, Fulminant dans sa prose et rêveur dans ses vers, Cicéron en un mot, âme encyclopédique, Digne de gouverner la saine république, Si Rome, riche en maître et pauvre en citoyen, Avait pu supporter l’œil d’un homme de bien !
D’ailleurs, la vie actuelle est le théâtre de cette vie parfaite que le christianisme reléguait par-delà. […] Il le sait, et de là ses joies et ses tristesses : ses tristesses, car, pénétré de l’amour du parfait, il souffre que tant de consciences y demeurent à jamais fermées ; ses joies, car il sait que les ressorts de l’humanité ne s’usent pas, que, pour être assoupies, ses puissances n’en résident pas moins au fond de son être et qu’un jour elles se réveilleront pour étonner de leur fière originalité et de leur indomptable énergie et leurs timides apologistes et leurs insolents contempteurs.
« De sorte que, lors même que notre science de la nature humaine serait parfaite théoriquement, c’est-à-dire que nous pourrions calculer un caractère, comme nous pouvons calculer l’orbite d’une planète, d’après des data ; cependant, comme on n’a jamais tous les data, ni des data exactement semblables dans les différents cas, nous ne pourrions ni faire sûrement des prédictions, ni établir des propositions universelles. » Mais les généralisations approximatives ont une exactitude suffisante pour la vie pratique : ce qui n’est que probable, quand on l’affirme d’individus pris au hasard, est certain, quand on l’affirme du caractère et de la conduite des masses ; et là est l’utilité de la psychologie68. […] En résumé, deux sortes d’investigations tout aussi nécessaires pour l’étude des phénomènes de l’esprit que pour celle des phénomènes matériels : la première, dont la généralisation de Newton est le type le plus parfait, ramène les faits à des lois et celles-ci à d’autres lois plus générales ; la seconde, dont l’analyse chimique est le type, s’applique non aux successions de phénomènes, mais aux phénomènes complexes eux-mêmes, et les résout en éléments simples, comme cela se fait en chimie pour tout corps composé.
C’est parfait, chanter la vie et l’humanité. […] Que celle-ci soit parfaite, et celui-là admirable, nous jugerons encore l’œuvre vaine, s’il n’y a qu’adaptation prosodique.
Fontainas en même temps que sa virtuosité de parfait ouvrier ès rythmes.
Leconte de Lisle L’Âme nue est un recueil de fort beaux poèmes où il a su exprimer de hautes conceptions en une langue noble et correcte, et prouver qu’il possédait, dans une parfaite concordance, un sens philosophique très averti, uni au sentiment de la nature et à celui du grand art.
Bourdaloue, [Louis] Jésuite, né à Bourges en 1632, mort en 1704 ; le Fondateur de l’Eloquence Chrétienne parmi nous, & le plus parfait modele de cette Eloquence forte, convaincante & rapide, qui entraîne l’esprit & triomphe de la résistance.
Enfin, les Grecs et les Romains, n’étendant guère leurs regards au-delà de la vie, et ne soupçonnant point des plaisirs plus parfaits que ceux de ce monde, n’étaient point portés, comme nous, aux méditations et aux désirs par le caractère de leur culte.
Belle, belle, sublime figure, ils disent même la plus belle, la plus parfaite figure de femme que les modernes aient faite.
Vous n’avez pas dit un mot du roman que j’appellerais volontiers « artistique », et dont le Lys Rouge me semble le parfait et fort illustre modèle. […] Elle est, au fond, très séduisante, très femme, et elle constitue un type gracieux, bien observé, qui n’est pas loin d’être parfait. […] Certes, on aurait tort de considérer Esclave comme un roman, mais c’est une nouvelle qui, un peu moins développée, eût été parfaite. Les livres parfaits se comptent ou plutôt ils ne se comptent guère… Écoutons les femmes disserter sur l’amour et chérissons ces silhouettes gracieuses que dessine Mme de Régnier : elles portent au visage le reflet d’une âme véritable. […] Marcel Boulenger de se soucier du style assez pour nous donner des livres parfaits à ce point de vue et qui permet d’en présager d’autres semblables.
Ainsi soutenu par la minorité des poètes parfaits, par Platon, par l’évidence même, je vais développer l’idée totale de la comédie dans son opposition absolue avec la tragédie. […] Platon a écrit sur la politique deux ouvrages, l’un, intitulé la République, où il expose la théorie du gouvernement idéal ; l’autre, intitulé les Lois, où il détaille la constitution d’un gouvernement moins parfait, approprié à la faiblesse des hommes. […] Mais si une petite cité voisine avait choisi pour elle les institutions parfaites de la République, et que sa conduite fut restée conforme à cet idéal supérieur, quels n’auraient pas été à son aspect les sentiments de ces philosophes étrangers qui voyageaient par toute la terre pour trouver un modèle de législation ? […] Non content de la similitude parfaite de deux frères, Shakespeare y a ajouté celle de deux esclaves, et s’il avait voulu que tous les personnages se ressemblassent, son art nous l’eût fait encore accepter. […] Le poète nous présente, il est vrai, tout ce qu’il y a de plus extraordinaire ou même de plus incroyable ; il se permet souvent, dès l’entrée, une grande invraisemblance, telle que la parfaite conformité de deux figures ; mais il faut que tous les incidents qui dérivent de cette première donnée, en paraissent la suite nécessaire.
Au dehors le clergé a eu les deux brochures très-honorables, et d’un ton parfait, de M. de Ravignan et de l’abbé Dupanloup.