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397. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

… Ne faudrait-il pas mettre la main sur le collet de son génie, et qui l’oserait ? […] Philarète Chasles, qui était critique, mais aussi professeur, avait assez d’esprit pourtant pour oser être libre en jugeant Goethe2, mais il n’a exprimé sur lui que l’admiration la plus plate et la plus servile.

398. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

ose bien dire Eyma. […] Je ne lui reproche pas de nous dire, par exemple, que Jefferson était un impie et de n’oser l’en défendre, mais de le couvrir cependant, en lui attribuant des idées très élevées en morale et très saines (p. 18 du IIe vol.).

399. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

De galanterie, elle n’en avait jamais eu, quand toutes les femmes osaient en compter par centaines. […] Les préoccupations modernes et ce que j’ose appeler la fausse indulgence de ce temps, cette espèce d’étendue qui peut voir tout, mais qui ne doit pas accepter tout, ont, sinon fêlé, au moins rayé cette glace de Venise dans laquelle devrait nous apparaître Madame de Créqui, cette femme qui avait mis à tremper un esprit à la La Rochefoucauld dans les eaux attendrissantes et vivifiantes des pensées chrétiennes, probablement pour qu’il ne se pétrifiât pas de douleur, de misanthropie et de mépris !

400. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Écrasé par le sujet auquel il avait osé mettre la main, l’historien n’en avait pas moins écrit son nom à la suite du nom de Bossuet, et les rayons du nom flamboyant se projetaient sur le nom fait pour rester obscur. […] encore une fois, on cherche l’obscurité du commencement inhérente à toute destinée, dans ces premières années de la vie de Bossuet, — racontées par son nouveau biographe avec le détail le plus circonstancié, et, j’ose dire, le plus épuisé maintenant, — on ne la trouve pas !

401. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Après Rabelais, après Callot, après Voltaire, après le xviiie  siècle, nul n’aurait osé, puisqu’il faut dire le mot, croire au diable, et Chateaubriand, on s’en souvient, eut besoin de toutes les magies de sa païenne rhétorique pour faire accepter le démon à l’imagination retiédie d’une époque cadavéreuse d’athéïsme, qui croyait que c’était bien assez de revenir vers Dieu ! […] Mais où les hommes supérieurs voient et concluent, les hommes superficiels n’osent pas seulement regarder.

402. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Le panthéiste qui a osé écrire de lui-même ; Et je sens bien qu’en moi lentement s’élabore La cristallisation d’un Dieu ! […] Inconséquent à tout quand il s’agit de Dieu, dédiant à Dieu son livre, dans une pose naïve de gladiateur enfant, au milieu du cirque de l’athéisme contemporain qui le nie de toutes parts, déiste d’un déisme involontaire et fatal, à travers lequel l’idée chrétienne coule, sans qu’il s’en doute peut-être, comme le sang dans la chair humaine ; déiste malgré lui, qui eût fait effacer à Bossuet sa phrase célèbre : « Le déisme n’est qu’un athéisme déguisé », voilà, en quelques mots, ce poète nouveau, à son début, qui lave les sottises de son esprit dans l’émotion de sa poésie, ce jouvenceau de vingt-trois ans qui s’en vient orgueilleusement demander à la Critique de l’égorger, si elle l’ose… et celle-ci, comme vous le voyez, ne l’égorge pas !

403. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Mais moi, par exemple, qui n’ai point de reconnaissance à garder envers la mémoire de Mme de Girardin, moi qui n’ai pas été reçu chez elle et qui n’ai pas bu dans les verres à champagne de ses soupers cette décoction de lotus qui fait oublier la Critique, j’oserai très bien écrire qu’en somme Mme de Girardin, cette Philaminte, mais sans le bourgeois, le cuistre et le grammatical de la Philaminte de Molière, Mme de Girardin, l’auteur des Deux amours, du Lorgnon, de La Canne de M. de Balzac, et dont les deux meilleures chosettes, La Joie fait peur et Le Chapeau d’un horloger, sont des comédies de paravent, ne fut guère qu’un talent de salon qui ne s’élevait pas beaucoup plus haut que les corniches. […] Il s’en va avec la beauté et la jeunesse, laissant aux femmes qui ont vécu par lui les yeux pleins de ces larmes qui tacheraient l’honneur de la vieillesse, si on osait les essuyer avec des cheveux blancs !

404. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Il l’a roulée dans ce haillon… Fanatique de démocratie, fanatique d’orgueil de lui-même, sous prétexte de respect et d’admiration pour la grandeur des facultés humaines que tous les philosophes prennent pour la grandeur de leur personne, Laurent Pichat n’a pas craint de mettre la poésie de son âme dans ce qui aurait dû la tuer, et il a osé dire à l’Imagination que le temps est venu de se taire devant la raison triomphante ! […] Des rapides isards l’ombre au loin se découpe ; Mais ils n’osent venir boire à ta froide coupe.

405. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

… Le chevalier de Tréfléan, le curé Hercoët, le médecin matérialiste Michon, la mère de Maurice, la mère, cette sublime ordinaire, à laquelle j’ose demander, au nom de l’art, quelque chose de plus que la même manière de toujours se dévouer et de toujours mourir en pardonnant, ne les avons-nous pas tous rencontrés et coudoyés, non pas seulement dans la vie, mais aussi dans la littérature, et sur un pavé de littérature plus haut que celui sur lequel M.  […] Il n’osait prononcer l’un et se sentait trop faible pour relever l’autre. » Cela n’est pas mâché, comme vous voyez, et on sait que nous ne sommes pas prude, mais nous demandons humblement, soit un peu de poésie, soit un peu de passion, pour faire passer ces franquettes d’expression qui, à froid, et dites comme cela, sont insupportables.

406. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Bientôt il n’ose plus le regarder qu’avec un respect idolâtre. […] L’homme, dans cet état, ressemble à un enfant timide, qui n’ose faire un pas sans les lisières qui le soutiennent.

407. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

On ose dire qu’une pareille institution serait utile à l’État et au prince. L’officier en deviendrait plus grand, le soldat même n’oserait plus se croire avili dans son obscurité ; il saurait que pour aspirer à la renommée, il suffit d’être brave, et qu’elle n’est plus, comme les honneurs, le patrimoine exclusif de celui qui a de la fortune et des aïeux.

408. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Ses cheveux étaient d’un blond cendré : elle était très mignonne, très timide et très blanche ; une voix nette, juste et flûtée, mais qui n’osait se développer. […] Soyez le bienvenu, dit alors le lépreux en se retournant tout à coup, et restez, si vous l’osez, après m’avoir regardé. […] Je craindrais de les souiller, et je n’oserais plus les offrir. […] Lors même que nous nous rapprochions pour prier Dieu, nous évitions réciproquement de nous regarder, de peur que le spectacle de nos maux ne troublât nos méditations, et nos regards n’osaient plus se réunir que dans le ciel. […] Je n’osais pas lui rendre les mêmes services, et je l’avais même priée de ne jamais entrer dans ma chambre ; mais qui peut mettre des bornes à l’affection d’une sœur ?

409. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 80-81

On les achete d’abord par curiosité, on les lit avec empressement ; l’honnête homme n’ose convenir qu’il les a lus, & chacun finit par les payer du mépris qu’ils méritent.

410. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Venevault, Boizot, Bachelier et Francisque Millet » p. 222

Il vit le Mercure de Pierre et celui de Boizot, l’un changeant en pierre Aglaure, l’autre conversant avec Argus, et il dit : À effacer avec la langue pour avoir osé peindre des dieux sans en avoir d’idée ; et Mercure l’embrassa.

411. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 214-216

Mais si l’on se sent enflammer D’un feu dont l’ardeur est extrême, Et qu’on n’ose pas l’exprimer, Qu’on est sot alors que l’on aime !

412. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 316-318

[Nos Romans modernes, fruit du libertinage de l'esprit & de la corruption des mœurs, n'avoient pas encore osé paroître.]

413. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

pour oser, de gaieté de cœur, s’attaquer à Molière ! […] Cependant notre jeune homme n’ose pas résister longtemps à la volonté du roi, son maître. […] — Elle n’ose pas oser, on voit qu’elle comprend, ou tout au moins qu’elle devine. […] — Tromper mon père, je n’oserais, mais tromper Thaïs !  […] On dit tout, et par suite on ose tout.

414. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 388-389

Il auroit dû résister à leurs sollicitations & à celles de Palaprat, qui se joignit à eux ; car nous osons assurer que la Piece que nous avons lue en manuscrit, a beaucoup perdu par ces retranchemens, quoique le Public l’ait toujours goûtée, sans s’appercevoir de ce qui y manque.

415. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 513-514

Il auroit dû sur-tout mettre plus en évidence l'ineptie des raisonnemens de nos Philosophes matérialistes, de ces esprits aussi vains qu'inconséquens, qui osent se dire les bienfaiteurs du genre humain, lorsqu'ils s'efforcent de le dégrader, en cherchant à le dépouiller de la plus précieuse de ses prérogatives.

416. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Il n’ose pas affirmer que Victor Hugo ait « démarqué » le drame de Bulwer, mais il l’insinue seulement. […] Et à cet égard j’ose dire que si quelqu’un, dans notre langue, a donné le modèle d’une poésie démocratique et révolutionnaire, c’est lui. […] Renan ne l’oserait pas lui-même, et nous encore bien moins, qui manquons pour cela de la science et de la compétence nécessaires. […] C’est le même manque encore de netteté ou de fermeté que j’ose reprocher aux conclusions de M.  […] Elle n’est que naturelle, — et c’est pour cela même, si je l’ose dire, qu’elle n’est ni divine ni surtout humaine.

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