Dans une visite qu’il fit à son frère Joseph, à Lausanne, vers 93 ou 94, il lui porta le manuscrit : « Mon frère, dit-il, était mon parrain et mon protecteur ; il me loua de la nouvelle occupation que je m’étais donnée et garda le brouillon, qu’il mit en ordre après mon départ. […] Un jour il arriva à pied devant Turin ; la sentinelle l’arrêta à la porte, et, sur la vue de son visage, on le fit conduire entre deux fusiliers chez le gouverneur, qui l’envoya à l’hôpital ; de là on prit le parti de le diriger sur la Cité d’Aoste, où il résida par ordre. […] De ce point obscur et imperceptible où il m’a fixé, je concours à sa gloire, puisque j’y suis dans l’ordre. […] elle agit sur moi avec tant d’empire, que je suis porté à croire que cet amour de l’ordre fait partie de notre essence… » Peu s’en fallait, si l’ami s’en était mêlé davantage, que le Lépreux ne fût devenu un Vicaire savoyard catholique et, non moins que l’autre, éloquent. […] Il admire, comme on le peut penser, les ouvrages de son illustre frère, et, en toute tolérance, sans ombre de dogmatisme, il semble les adopter naturellement comme l’ordre d’idées le plus simple du monde ; il trouve que le plus beau livre du comte Joseph est celui de l’Église gallicane.
Les quatre ordres de moines mendiants, créés alors, sont comme une immense armée aux ordres du Saint-Père ; la religion monte, pour ainsi dire, sur le trône de France avec saint Louis. […] Il n’est pas difficile de retrouver l’onction et parfois le patelinage ecclésiastique chez des hommes qui, élevés au séminaire et destinés à entrer dans les ordres, ont abandonné cette carrière. […] Bossuet, dans ses Oraisons funèbres, représente comme des ennemis du Tout-Puissant, comme des rebelles à l’autorité divine, tous ceux-qui en Angleterre ont ébranlé et renversé le trône des Stuarts, tous ceux qui en France ont, au temps de la Fronde, réclamé tumultueusement des libertés ; Dieu apparaît ainsi comme le garant de l’ordre social, comme le protecteur particulier de la royauté de droit divin. […] Il faut relever le caractère spécial qu’a revêtu alors le catholicisme ; quelle secte, quel ordre y dominait ; quel saint, quel grand homme du passé y était pris pour modèle ; quelle face du dogme y était exposée en plein jour et quelle laissée dans l’ombre ; si la première place y était donnée à l’Ancien ou au Nouveau Testament ; s’il s’adressait de préférence au peuple ou bien à telle ou telle classe privilégiée ; s’il voulait parler à la raison, au cœur, à l’imagination, aux sens ; quels étaient les ; sujets de controverse où il se complaisait, etc.
Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. […] Membre de l’ordre de la noblesse, et ayant cru devoir suivre les premières démarches du corps auquel il appartenait, il ne rencontra Mirabeau à l’Assemblée qu’après la réunion des trois ordres. […] Ce qui les perdra irrémédiablement, c’est d’avoir peur des hommes, et de transporter toujours les petites répugnances et les frêles attraits d’un autre ordre de choses dans celui où ce qu’il y a de plus fort ne l’est pas encore assez ; où ils seraient très forts eux-mêmes, qu’ils auraient encore besoin, pour l’opinion, de s’entourer de gens forts. […] Il n’y a de ressource à cet ordre de choses que l’imbécillité de son caractère, la timidité de son âme et les courtes dimensions de sa tête7.
En ces années finales de la Restauration, il y avait un effort dans l’ordre de l’esprit, un essor marqué qui s’essayait en bien des genres. […] Là où il est sur son terrain, dans l’ordre de sa vocation, et véritablement maître, c’est quand, à propos du Manuscrit de 1814 du baron Fain (25 avril 1830), il parle des choses de la guerre, de l’art et du génie qui y président : Dans une belle opération de guerre, il y a une partie de savoir et de calcul qui n’est pénétrée que par quelques esprits ; mais il y en a une autre qui produit dans toutes les imaginations l’émotion du beau, et qui est toute en spectacle. […] Il ne se tournera point contre un résultat auquel il a contribué de tous ses moyens ; et ce serait travailler contre le nouvel ordre de choses que d’accuser avec amertume l’administration actuelle des embarras inévitables d’une position aussi difficile que la sienne. […] Encore une fois, tout cela serait charmant et d’une singularité pleine de grâce dans un jeune et brillant militaire qui veut qu’on soit avant tout avec lui de la religion des braves ; mais, transposé dans l’ordre de la discussion politique et dans un système qui professait une entière liberté de presse, cela criait et jurait à chaque pas. […] Carrel n’approuvait pas cette manifestation ; il en donne les raisons en homme mûr : « L’ordre n’a peut-être rien à en craindre, comme cela a paru aujourd’hui, dit-il ; mais, pour qu’une chose soit raisonnable, il ne suffit pas qu’elle ne soit point dangereuse. » Il parle de cette démonstration de jeunes gens (dont nous étions nous-même) avec cette autorité qu’a un homme qui a risqué sa tête et qui apprécie son passé : Bien souvent, dit-il, entre hommes de bonne foi et qui avions couru comme eux la chance de porter nos têtes en place de Grève, nous nous sommes entretenus d’eux depuis huit ans, et, si nos souvenirs ne nous trompent point, c’était bien plutôt pour déplorer leur inutile trépas, que pour en glorifier notre cause.
Il lui donne d’excellents conseils littéraires sur la méthode à suivre dans une semblable entreprise, mais il ne tarde pas à y mêler des conseils plus généraux et d’un autre ordre ; par exemple : « Pendant la guerre des parlements et des évêques, les gens raisonnables ont beau jeu, et vous aurez le loisir de farcir l’Encyclopédie de vérités qu’on n’eût pas osé dire il y a vingt ans ; quand les pédants se battent, les philosophes triomphent. » Les tracasseries commencent. […] Il a deux curés à ses ordres, et il en jouit : « J’ai deux curés dont je suis assez content. Je ruine l’un, je fais l’aumône à l’autre. » Et encore : « Mes curés reçoivent mes ordres, et les prédicants genevois n’osent me regarder en face. » Une furieuse tempête s’élève à Paris contre les encyclopédistes ; d’Alembert quitte décidément l’entreprise ; Palissot va mettre sur la scène les philosophes ; mais Voltaire qui, dès son entrée en possession, a fait bâtir un petit théâtre à Tourney, et qui y fait jouer la comédie pour narguer Genève et Rousseau, s’écrie dans son exaltation et son triomphe : « Si quelqu’un est en souci de savoir ce que je fais dans mes chaumières, et s’il me dit : Que fais-tu là, maraud ? […] C’était assez pour que les chefs de l’ordre, ceux même qui n’avaient nul grief personnel contre lui, se crussent dispensés à son égard, dans l’occasion, de tout procédé et de toute justice. […] Si de Brosses accorde beaucoup trop à Voltaire quand il l’appelle le plus grand coloriste du monde, il touche très juste en observant qu’il applique indifféremment la même manière à tous les ordres de sujets.
Il dit qu’il a vu les hommes sous les diverses religions rester les mêmes et obéir à leurs intérêts, à leurs passions : il ne se demande pas si les hommes ne s’y abandonneraient pas bien davantage en étant absolument destitués de cet ordre de lois. […] Ce respect et cette intelligence qu’il n’a point de la chose religieuse et sacrée, Volney ne l’aura pas davantage dans l’ordre littéraire : il est savant, il est érudit, mais de ce côté non plus il n’a pas le culte, il n’a pas le sentiment respectueux et délicat. […] Plus on la lit, plus on la médite, et plus on s’aperçoit de la vérité de cette assertion ; en sorte que, considérant combien la conduite des nations et des gouvernements, dans des circonstances analogues, se ressemble, et combien la série de ces circonstances suit un ordre généalogique ressemblant, je suis de plus en plus porté à croire que les affaires humaines sont gouvernées par un mouvement automatique et machinal, dont le moteur réside dans l’organisation physique de l’espèce. […] Le gouvernement s’adressait à lui pour établir un ordre méthodique de questions à l’usage des autres voyageurs ou des agents qu’il entretenait dans les divers pays. […] Les projets sont à mon ordre, je ne suis plus au leur.
— B…, toujours traité en enfant gâté, dont la volonté et les caprices sont des ordres, ne quittait guère le foyer paternel, où il prenait des habitudes d’oisiveté et de paresse. — N’ayant eu pour le soutenir ni l’affection, ni les conseils de sa mère ; mal surveillé, mal dirigé par un père trop faible qui, toujours en admiration devant son fils, lui passait tous ses caprices, excusait toutes ses fantaisies, à dix-huit ans B… était sceptique et frondeur, ne croyant ni à Dieu ni à diable. — Il était homme à ne reculer devant rien, à n’être arrêté par aucun scrupule. — Aveuglé par son amour paternel, C… ne suivit pas les progrès incessants du mal, cette gangrène morale qui s’empare du cerveau d’abord pour descendre ensuite au cœur. — Il faut que jeunesse se passe. » Voilà le genre. […] On suppose que dans la formation des langues l’ordre d’apparition des mots a été inverse de l’ordre de disparition constaté dans certaines maladies, les mots précis ayant été trouvés ou fixés les derniers, quand les esprits ont été capables d’idées nettes bien délimitées, tandis que les mots abstraits, appris d’abord, tels grands mots de la religion, de la philosophie, de la politique, restent dans les lobes, et témoignent jusqu’à la dernière heure de la puérilité d’une intelligence. […] Dans l’autre cas, au contraire, le paysage écrit n’est pas une description, mais une construction de logique élémentaire ; les mots échouent à prendre des postures nouvelles, qu’aucune réalité intérieure ne détermine ; ils se présentent nécessairement dans l’ordre familier où la mémoire les a reçus : ainsi depuis cinq siècles les poètes français inférieurs chantent, avec les mêmes phrases nulles, le printemps virgilien. […] Dans l’un ou l’autre ordre, le principe est de cultiver la mémoire verbale aux dépens de la mémoire visuelle.
Génie et escarboucle, double réflexion, double réfraction, même phénomène dans l’ordre moral et dans l’ordre physique. […] Ordre au printemps de se modérer. […] Le bon goût est une précaution prise par le bon ordre. […] Ce trouble, tous les esprits du premier ordre l’ont.
Lebrun a parlé de La Ciguë, de Gabrielle, de la comédie en vers et du rang qu’il convient de lui maintenir dans l’ordre de l’art. […] Les paroles qu’il a prononcées sur l’exécrable forfait du 1456, sur ces tentatives sauvages « et d’autant plus irritées et féroces que la main qui les réprime est plus puissante et qu’elle présente plus de garanties à l’ordre français et européen », paroles qui correspondaient à d’autres, non moins énergiques, sorties du cœur de M.
DAGUESSEAU, [Henri - François] Chancelier de France, Commandeur des Ordres du Roi, né à Limoges en 1668, mort en 1751 ; un de ces hommes qui font l’honneur de leur siecle, de leur Nation, de l’humanité, & dont le culte, s’il nous est permis de nous servir de cette expression, ne peut qu’augmenter par la succession des temps. […] Dans les premiers, il avoit puisé l’analyse & la justesse ; dans les seconds, l’éloquence & la sublimité ; dans l’Histoire, l’ordre & la simplicité de la marche ; dans les Poëtes, la vivacité des images, la hardiesse des expressions ; cette riche abondance, & principalement cette harmonie secrete du discours, qui, comme il le disoit lui-même, sans avoir la servitude de la Poésie, en conserve souvent toute la douceur & toutes les graces.
Dans la première & troisième division, on a suivi l’ordre des temps ; &, dans la seconde, celui des matières. Il a fallu nécessairement abandonner ici l’ordre chronologique, pour éviter la répétition ennuyeuse des mêmes disputes ; pour ne les pas voir prises & reprises, & souvent effleurées ; pour avoir un but fixe, & ne pas faire un cahos de tant d’objets différens.
La colonne Vendôme avait été renversée par ordre de la Commune. […] Les définitions, comme on voit, doivent suivre non pas l’ordre de l’usage de moins en moins fréquent des sens, mais l’ordre logique de leur développement. […] L’histoire, autant que possible, éclairera et confirmera l’ordre logique. […] Voilà l’ordre logique, rationnel, et en même temps l’ordre historique. […] Guizot est, comme chacun sait, un généralisateur du premier ordre.
Qui résistera à vos paroles et ne sera pas obéissant à tous vos ordres, qu’il meure ! […] Je doute que cet ordre de citoyens eût jamais le temps ni la capacité de s’instruire. […] Voltaire proteste : « J’ai lu une grande partie de l’Ordre essentiel des Sociétés. […] Le gouvernement voulait réformer l’ordre et non pas le chasser. […] En conséquence, la loi « réglera la matière, l’ordre et la forme des études ».
La cause, le moyen et l’effet sont, dans l’ordre général de l’univers, ce que le père, la mère et les enfants sont dans l’ordre domestique de la famille, le pouvoir, le ministre, le sujet dans l’ordre politique de l’État. […] On ne pensait pas, on regardait l’empereur agir, quand on n’agissait pas sous ses ordres. […] Enfin, ils aspiraient à devenir le clergé scientifique du nouvel ordre social. […] Élevez-vous à des idées plus sublimes, et faites tout pour l’ordre général. […] Peut-être un ordre de choses nouveau doit-il s’élever en France !
Enfin il a ce qu’il désire, il est cité à l’ordre du jour de l’armée : il est porté pour la croix. […] Le maréchal Valée le porte et l’appuie ; il cite son nom à l’ordre du jour de l’armée. […] Cependant, dans le rapport, on ne dit que les belles choses ; les autres sont rejetées dans l’ombre et comme non avenues : « En arrivant, j’ai dû faire mon rapport et des états de proposition pour mes officiers, récompenser mes zouaves et leur adresser des compliments dans un bel ordre du jour, nommer quelques sergents, quelques caporaux, quelques soldats de première classe. […] Mon affaire était immanquable ; les Arabes le disent hautement. » Il en veut au général Changarnier, dont un ordre des plus impératifs l’a retenu alors et l’a forcé de rentrer : « Que Dieu lui pardonne ! […] Ne demandons pas aux hommes de ne pas être des hommes ; demandons-leur plutôt d’être le plus hommes possible, c’est-à-dire actifs, courageux, ardents et dévoués chacun dans leur ordre et dans leur ligne.
Ampère était religieux, qu’il était croyant au christianisme, comme d’autres illustres savants du premier ordre, les Newton, les Leibniz, les Haller, les Euler, les Jussieu. […] Ampère l’éprouva : en moins de deux ou trois années, il se trouva lancé bien loin de l’ordre d’idées où il croyait s’être réfugié pour toujours. […] Quoi qu’il en soit, en s’efforçant constamment de classer les faits de l’intelligence selon l’ordre naturel, M. […] Chez les esprits de cet ordre et pour les cerveaux de haut génie, la nature a, dans plus d’un cas, combiné et proportionné l’organisation. […] Jamais esprit de cet ordre ne songea moins à ce qu’il y a de personnel dans la gloire.
Il s’enivre, paresseusement et sans choix, de lectures qui donnent le vertige à ses yeux et à son imagination ; il devient incapable d’aucun emploi honnête et sérieux de ses mains ; il s’évade de Genève sans avoir d’autre but que de fuir tout ordre réglé et tout travail utile d’une société laborieuse ; il veut de sa vie réelle faire un roman d’aventures semblables aux romans dont il est saturé. […] Ce fut l’origine de sa colère contre les rangs supérieurs de l’ordre social, tant cultivés par lui jusque-là ; il a la franchise un peu basse de l’avouer : « La justice et l’inutilité de mes plaintes, dit-il, me laissèrent dans l’âme un germe d’indignation contre nos sottes institutions civiles, où le bien public et la véritable justice sont toujours sacrifiés à je ne sais quel ordre apparent, destructif en effet de tout ordre. […] L’ordre réel eût été, sans doute, que le secrétaire domestique se substituât orgueilleusement dans son rang et dans ses fonctions à l’ambassadeur, et que Rousseau mangeât à la table des rois, tandis que les officiers de l’ambassadeur dîneraient humblement à l’hôtel de l’ambassade de France ? […] La saine démocratie, qui est l’ordre par excellence, parce qu’elle est la justice et la charité entre les choses, a heureusement d’autres fondements que ces vengeances intéressées des petits contre les grands. […] La France devient sa complice, et les fondements de l’ordre social sont ébranlés comme par un tremblement de logique dans la tête des hommes et dans le cœur des femmes.
On le destina à être d’église, et dès l’âge de neuf ans on obtint pour lui du roi un brevet d’abbaye, — d’une petite abbaye de l’ordre de Cîteaux, Baugerais près Loches. […] Marolles, qui joindra plus tard (1627) à ce premier bénéfice l’abbaye de Villeloin, plus considérable, et qui en prit occasion de recevoir l’ordre de prêtrise moins par vocation que par convenance (les bulles y mettant cette condition), fut lié avec quelques-uns de messieurs de Port-Royal, fort sévères sur ce genre d’abus et de d’irrégularités ; mais, tout en se prévalant de leur amitié et en la leur rendant par de bonnes paroles et des témoignages publics d’intérêt, il ne fut touché en aucun temps de scrupules sur la manière dont il était entré dans les bénéfices et dans le sacerdoce ; il avait le christianisme assez large et coulant, et n’était rien moins que rigoriste, soit pour la doctrine, soit pour les mœurs : se contentant de vivre en honnête homme, comme on disait alors. […] Se livrant avant tout à son goût favori, il avait inventorié les titres de ses abbayes, avait transcrit les plus considérables, et les avait rangés par ordre chronologique. […] Le règlement qu’il présente à l’adoption de l’archevêque de Tours est plus extérieur qu’intérieur, plus économique que moral ; il ne prétend que remettre le bon ordre administratif et la décence dans la communauté, auprès de laquelle il est destiné à résider le plus habituellement : pas autre chose.
Ainsi encore, à propos des attaques dernières dont Les Époques de la nature furent l’occasion, et de je ne sais quel manuscrit de Boulanger qu’on l’accusait d’avoir pillé : « Il vaut mieux, disait-il, laisser ces mauvaises gens dans l’incertitude, et comme je garderai un silence absolu, nous aurons le plaisir de voir leurs manœuvres à découvert… Il faut laisser la calomnie retomber sur elle-même. » À M. de Tressan qui s’était, un jour, ému et mis en peine pour lui, il répondait : « Ce serait la première fois que la critique aurait pu m’émouvoir ; je n’ai jamais répondu à aucune, et je garderai le même silence sur celle-ci. » Ainsi pensait-il, et il ne se laissait pas détourner un seul jour du grand monument qu’il édifiait avec ordre et lenteur, et dont chaque partie se dévoilait, successivement à des dates régulières et longtemps à l’avance assignées. […] N’oublions pas qu’un excellent témoin qui l’avait vu à Montbard dans les dernières années, Mallet du Pan, a dit : « Buffon vit absolument en philosophe ; il est juste sans être généreux, et toute sa conduite est calquée sur la raison ; il aime l’ordre, il en met partout. » Pour en revenir à ses jugements littéraires, après Voltaire poète, Buffon ne paraît guère estimer qu’un autre poète en son temps, Pindare-Le Brun, comme il l’appelle, celui qui l’a si noblement célébré lui-même et en qui il reconnaît avec impartialité le pinceau du génie. […] M. de Faujas, par amitié pour moi et pour vous, mon cher fils, a bien voulu vous porter mes ordres, auxquels il faut vous conformer. […] En suivant à la lettre de tels ordres, le fils de Buffon ne courut risque ni d’avoir à rougir de l’éclat de celle qui portait son nom, ni encore moins de paraître en profiter66.
Il est presque plaisant aujourd’hui d’assister aux étonnements de De Maistre, d’entendre ses exclamations d’homme scandalisé, ses cris d’effroi comme si tout l’ordre politique était bouleversé, quand il voit en 1812 le prince royal de Suède acquérir auprès des souverains des droits dont il lui sera tenu compte. […] Cet esprit perçant, élevé, reste trop absolument l’homme de la politique sacrée, d’un ordre de choses qui avait la prétention d’être établi une fois pour toutes et de ne plus avoir à se renouveler. Un jour douze cents Espagnols incorporés dans la grande armée désertent et arrivent au camp russe gelés, affamés ; on les traite en amis, on les caserne par ordre de l’empereur de Russie, et dans les plaines de Czarko-Zélo, le ministre d’Espagne en résidence à Pétersbourg leur fait prêter serment à leur souverain Ferdinand VII, à la Constitution et au Roi, c’est la formule : le ministre d’Espagne, dans un discours très chaud, célèbre le prix inestimable de la liberté civile. […] Le roi de France porte son ordre.