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638. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Dassoucy se contentait, on l’a vu, de l’ordinaire de Molière et de ses compagnons. […] Molière, sentant bien que la représentation semblait au roi une déception, demanda à jouer une de ses farces ordinaires, qu’on n’attendait pas, et il enleva gaiement et de verve Le Docteur amoureux. […] On a souvent dit que Molière avait été cruellement, brutalement attaqué, mais on n’a point cité d’ordinaire les attaques et les injures. […] Les infortunes conjugales de Molière forment d’ailleurs le fond ordinaire des pièces dirigées contre l’auteur de L’École des maris. […] Trissotin et un autre qui divertit beaucoup. » Les pièces de Molière n’obtenaient guère d’ordinaire leur succès qu’à la longue.

639. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Ne bornez jamais vos scenes à cette éternelle déclamation, à ce récitatif monotone, bien inférieur à la déclamation ordinaire. […] Celle des autres morceaux est, pour l’ordinaire, dure & contrainte : nul enthousiasme, nul essor. […] C’est de quoi Despréaux s’est moqué avec sa sagacité ordinaire. […] En un mot, le sentiment le plus ordinaire, & presque le seul que nous inspire Corneille, c’est l’admiration. […] L’habitude de voir ces Pieces a fait disparaître ce défaut qui n’est pas, d’ailleurs, celui d’un homme ordinaire.

640. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Les systèmes ne sont d’ordinaire que l’image même de celui qui les construit. […] Dès qu’elle me vit, elle jura comme à son ordinaire, en demandant qui j’étais. […] Lord Herbert, avec son imprudence ordinaire, accepta cette mission et partit accompagné du comte Scarnafigi. […] Dieu sait cependant si d’ordinaire les magiciens sont des maîtres impérieux. […] Avez-vous remarqué la différence de caractère qui sépare l’activité des journées qui précèdent un départ de l’activité de la plus misérable de nos journées ordinaires ?

641. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Dujardin ne fait jamais à la netteté de sa pensée aucun de ces sacrifices auxquels les poètes se résignent d’ordinaire si volontiers. […] Les existences mouvementées de l’ambitieux s’achèvent d’ordinaire parmi la paix des sinécures ; tout l’intervalle, quel qu’il ait pu être, refleurit dans les potiches, en fleurs un peu amères. […] C’était un homme de talent et d’un talent peu ordinaire, un esprit supérieur ; il ne doit pas être oublié : on peut encore lire ses romans, goûter plus d’une page de ses vers et, pendant longtemps, ses critiques d’art fourniront des idées, une méthode et des principes. […] On appelle réaliste le romancier qui ne travaille que d’après l’observation minutieuse des faits de la vie ordinaire, mais un romancier qui ne serait que réaliste ne serait que la moitié d’un romancier, ou moins : on le vit bien lorsque le réalisme fut manié par le déplorable Champfleury. […] Quand on a goûté à ce vin on ne veut plus boire l’ordinaire vinasse des bas littérateurs.

642. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Si la conversation offrait un trait dont on pût faire profit, il le confiait au papier ; si une pensée ou même une expression plus heureuse que l’ordinaire se levait dans son esprit, il avait soin de l’écrire ; quand deux vers lui venaient, il les mettait de côté pour les insérer à l’occasion. […] C’est tantôt une image heureuse qui résume une phrase entière ; tantôt une série de vers où vont s’alignant les oppositions symétriques ; ce sont deux mots ordinaires qu’un étrange accouplement met en relief ; c’est un rhythme imitatif qui complète l’impression de l’esprit par l’émotion des sens ; ce sont les comparaisons les plus élégantes, les épithètes les plus pittoresques ; c’est le style le plus serré et le plus orné. […] IV Il y a pourtant un poëte dans Pope, et, pour le découvrir, il n’y a qu’à le lire par petits morceaux ; si l’ensemble est d’ordinaire ennuyeux ou choquant, le détail est admirable. […] D’autre part, ce n’est pas un viveur ordinaire.

643. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Au dernier siècle, quand de jeunes Français allaient à Rome où le cardinal de Bernis résida comme ambassadeur de France à dater de 1769, et où il ne mourut qu’en 1794, un de leurs premiers désirs, c’était de lui être présentés, et une des premières choses qu’ils trouvaient d’ordinaire à lui dire, c’était de le remercier du plaisir que leur avaient fait ses jolis vers ; ils s’étonnaient ensuite que le prélat ne répondît point à ce compliment comme ils auraient voulu, et qu’il gardât toute son amabilité et toute sa grâce pour d’autres sujets de conversation. […] Il est ordinaire que les grandes entreprises soient traversées.

644. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Rapporteur ordinaire du comité, ce fut lui qu’on chargea de soutenir la discussion et de répondre à tout devant l’Assemblée. […] Et si vous trouvez cette explication aussi loyale et aussi sensible que je désire qu’elle le soit en effet, dites-moi bien vite que vous ne pensez plus à la fin de votre lettre échappée à un juste moment d’humeur, et que vous serez plus fidèle à mon assignation ordinaire demain qu’à nos assignats.

645. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

La famille Unwin se composait du père, de Mme Unwin, plus âgée que Cowper de sept ans, et qui devint pour lui comme une mère, du fils dont je viens de parler et d’une fille : Ce sont les plus aimables gens qu’on puisse imaginer, écrivait Cowper à un de ses amis dès les premiers temps de cette relation ; ils sont tout à fait sociables, et en même temps aussi affranchis que possible de toutes ces civilités cérémonieuses, ordinaires au monde comme il faut de province. […] Mme Unwin était une excellente marcheuse, et Cowper et elle faisaient d’ordinaire quatre milles (plus d’une lieue) avant de rentrer au logis.

646. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Costar, qui aura des miennes par le premier ordinaire. […] C’est Bayle ici qui badine, et qui tire à ce propos sa leçon ordinaire de modération et de tolérance.

647. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Les raisons qui furent données dans cette occasion, et celles, en général, qui se produisirent dans d’autres discussions particulières, Pellisson nous les déduit d’ordinaire en de petits discours indirects imités de ceux de Tite-Live, et qui n’en semblent pas moins à leur place. […] Je sais bien qu’il y avait les grands jours classiques où Racine célébrait solennellement Corneille, où l’on recevait La Bruyère ; mais l’ordinaire de l’Académie, c’était la lecture d’un poème de Perrault, d’une dissertation de Charpentier, d’une idylle de Fontenelle, et bientôt d’une fable ou d’une traduction en vers de La Motte.

648. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Il appréhendait que « ces discours qui avaient charmé dans sa bouche n’eussent pas le même succès quand ils seraient sur le papier. » Legendre, qui avait eu l’idée de les rédiger, est forcé de convenir que le prélat avait raison : « J’ai de lui des sermons qui avaient charmé quand il les avait prononcés et qui réellement ne m’ont paru, en les lisant, que des pièces assez ordinaires. » Les fameuses Conférences restèrent donc à l’état de pure renommée et de souvenir ; si glorieuses qu’elles fussent pour le prélat, elles avaient cessé du jour où il avait pensé que l’effet était produit et son nom remis suffisamment en honneur. […] L’un et l’autre s’acquittèrent assez mal de leur tâche : « Le prélat n’en fut point fâché, remarque à ce sujet Legendre, qui a bien son grain de causticité ; il aimait à briller aux dépens d’autrui ; c’était assez sa coutume de faire agiter devant lui des problèmes de toute sorte, afin d’avoir le plaisir de donner à ce qu’on avait dit, et qu’il ne manquait point de résumer exactement, un tour si fin, si délicat, que l’on admirait dans sa bouche ce qui avait paru plat dans celle des autres. » On aime d’ordinaire ce qu’on fait bien : le prélat aimait à jouer aux arbitrages.

649. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

On a trop peu de lettres ou de notes écrites de Mme d’Albanv ; on en possède assez toutefois pour bien se la représenter dans l’habitude et le train ordinaire de ses sentiments et de ses pensées. […] Elle a de beaux yeux et de belles dents, mais je pense qu’elle ne peut guère avoir eu jamais plus de beauté qu’il ne lui en reste, excepté la jeunesse. — Elle est polie et facile de manières, mais Allemande et ordinaire.

650. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Il obtint même en ces années le titre et la charge de gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi, qui lui donnait de droit un pied au Louvre. […] Le maire était pris d’ordinaire parmi les nobles de haute qualité, « parmi les plus vaillants et capables seigneurs du pays. » Il montait à cheval selon les occurrences, ayant une compagnie dressée pour pourvoir aux désordres en temps de paix et de guerre.

651. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

« Adieu, mes frères et sœurs, pensez à la jeune Française et aimez-la ; — j’offre tous mes baise-mains et respects fidèles à ma bonne maman. » Tout cela n’est pas extraordinaire, dira-t-on, de la part d’une jeune fille qui quitte pour la première fois sa mère ; mais c’est précisément parce que c’est ordinaire et naturel que c’est bien. […] L’appartement du comte de Provence étant plus commode, on s’y réunit d’ordinaire.

652. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Adieu, mon cher frère ; c’est vous en dire assez sur ce sujet triste. » Il écrivait encore à son frère le lendemain 23, après avoir vu le nouveau général arrivé de la veille au soir : « Je vous ai déjà écrit, par l’ordinaire, sur l’arrivée de M. le maréchal de Villeroy ; je vous répéterai que je m’y mettrai jusqu’au cou pour contribuer au rétablissement de la réputation des armées des deux couronnes en Italie. […] L’admiration presque excessive et légendaire qu’on a pour le Catinat final est fondée sur cette idée qui, pour être vulgaire, n’en est pas plus fausse, que d’ordinaire « les honneurs changent les mœurs. ».

653. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

On s’intéresse à la première communion d’un Chateaubriand, mais peu à celle de tout autre qui n’a été qu’un homme distingué ordinaire. […] Il est difficile, en général, à une femme de se créer sa palette ; elle accepte d’ordinaire celle de son temps.

654. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Je ne sais quel est son projet dans ce moment : nous vivions fort bien ensemble, et même, depuis quelque temps, on me faisait compliment de mes attentions pour lui et sa femme ; il a imaginé de chercher l’intimité, et, pour s’y introduire, il a écrit (c’est son expédient ordinaire dans les grandes affaires, quoique jusqu’ici il y ait assez mal réussi) ; sa lettre est adressée à un homme de sa maison, mais en même temps il lui a indiqué un homme en qui j’ai confiance, pour me la montrer. […] On pourra sourire de quelques détails qui sentent la maman. — Ayez plus soin de vos dents, on dit que vous les négligez. — Mettez un corset, crainte, comme on dit en allemand, d’élargir et de paraître déjà la taille d’une femme sans l’être. — Le monter à cheval gâte le teint, et votre taille à la longue s’en ressentira et paraîtra encore plus. — Les premières lettres sont remplies de ces prescriptions qui tiennent au corps, à la santé, et qui ont des conséquences morales aussi pour les personnes en évidence et dont toute la vie se passe en public : « Je vous prie, ne vous laissez pas aller à la négligence ; à votre âge cela ne convient pas, à votre place encore moins ; cela attire après soi la malpropreté, la négligence et l’indifférence même dans tout le reste de vos actions, et cela ferait votre mal ; c’est la raison pourquoi je vous tourmente, et je ne saurais assez prévenir les moindres circonstances qui pourraient vous entraîner dans les défauts où toute la famille royale de France est tombée depuis longues années64 ; ils sont bons, vertueux pour eux-mêmes, mais nullement faits pour paraître, donner le ton, ou pour s’amuser honnêtement, ce qui a été la cause ordinaire des égarements de leurs chefs qui, ne trouvant aucune ressource chez eux, ont cru devoir en chercher au dehors et ailleurs.

655. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Necker, « il ne disait rien et regardait le plafond, suivant son habitude » ; et l’on a cru remarquer en effet que d’ordinaire l’horizontalité de son front était en raison directe de l’incertitude de son esprit90. […] L’abbé, après m’avoir embrassé, vit là un auditoire intéressant : il attaqua l’amiral sur l’ouverture de l’Escaut, qui était la grande querelle du moment entre l’Autriche et la Hollande ; il nous fit un résumé des droits, des prétentions respectives, des traités et contre-traités, et conclut juste, à son ordinaire, que la France avait intérêt à soutenir la Hollande dans cette contestation.

656. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Et voilà que, dès 1837, le calme presque universel s’établissait ; et, pour réduire la question aux limites de notre sujet, voilà que littérairement, ce calme social d’apparence propice n’enfantait rien et ne faisait que mettre à nu le peu de courant ; que de guerre lasse, et à force de tourner sur soi-même, on se reportait d’un zèle oiseux vers le passé, non pas seulement le haut et grand passé, mais celui de toute espèce et de toute qualité, et l’on déjeunait des restes épicés de Crébillon fils comme pour mieux goûter le Racine ; voilà que les générations survenantes, d’ordinaire enthousiastes de quelque nouvelle et grande chimère et en quête d’un héroïque fantôme, entraient bonnement dans la file à l’endroit le plus proche sans s’informer ; que sans tradition ni suite, avec la facilité de l’indifférence, elles se prenaient à je ne sais quelles vieilles cocardes reblanchies, et, en morale comme dans l’art, aux premiers lambeaux de rubans ou de doctrines, aux us et coutumes de carnaval ou de carême. […] En ce xviiie  siècle qu’on ne donne pas d’ordinaire pour une époque de grande pureté morale (tant s’en faut !)

657. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Le mot ordinaire est trop faible, il a bien fallu le laisser là. […] Le pasteur était à côté, Et récitait à l’ordinaire Maintes dévotes oraison.

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