/ 1667
513. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

« Quand le soleil a terminé sa course et que les ombres commencent à se répandre sur la terre, les Grecs vont se délasser de leur journée dans leur navire. […] Le guerrier, qui l’épiait caché dans l’ombre, lui traversa le flanc. […] Tes rivaux, triomphant des malheurs de ta vie, Plaçant entre elle et toi les ombres de l’envie, Disputèrent encore à ton dernier regard L’éclat de ce soleil qui se lève si tard. […] Ce dieu monte sur la cime d’un pin du mont Ida pour en descendre sous la forme de murmure et d’ombre sur les yeux de Jupiter. […] On y voit Achille égorgeant les prisonniers troyens en présence des principaux chefs de l’armée des Grecs : l’ombre de Patrocle assiste à cette immolation.

514. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

S’oublier une minute, nouveau Narcisse, dans la contemplation de soi, à l’ombre des fontaines de la Vie, prêter l’oreille au murmure continu de l’Être qui s’égoutte au bord du Temps, c’est permettre à la Nature de nous renvoyer notre image, jusque-là ignorée ; c’est souffrir que notre âme se révèle chantante, alors que le martèlement de nos pas, le long des chemins de l’existence tumultueuse, risquait à jamais d’étouffer ses divines harmoniques. […] Prisonnier de la fameuse Caverne, il ne perçoit que la projection de son ombre sur le mur de Vie et prend son propre fantôme — son symbole — pour le Réel. […] Puis des lacets s’offrent, des circuits s’emparent de la marche, allègent l’effort de la montée ; l’ombre des montagnes s’appesantit sur le touriste assoiffé d’idéal. […] Ce serait comme un visage derrière une vitre : si nous passons rapides il échappe, mais dès que l’attention fixe notre regard sur les ténèbres, la figure bientôt sort de l’ombre et nous parle. […] Semblables à des spectateurs arrêtés au bord d’un océan d’ombre, nous contemplons ravis l’essor prodigieux de fusées lumineuses qui crèvent dans le ciel noir de nos esprits et le transforment une seconde en un grand soleil d’or.

515. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Seul, au milieu de cette vie montante, le grand christ, resté dans l’ombre, mettait la mort, l’agonie de sa chair barbouillée d’ocre, éclaboussée de laque. […] Il se leva sur son séant, regardant par terre, dans les coins d’ombre de la pièce. […] Depuis le jour du meurtre, il a fui comme l’ombre ! […] Les femmes vous suivront désormais comme cette ombre que Schlemihl a eu la sottise d’aliéner. […] On devait y viser quelque peu au bel esprit ; Mérimée ne s’en défend pas, ce qui ne l’empêche pas de nous montrer se profilant déjà dans l’ombre la statue du Commandeur.

516. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Cependant il y a une ombre au tableau d’un artiste aussi choyé des Muses. […] Chacun donne, à sa guise, une chanson équivoque, quelques caricatures, des ombres chinoises même, tout est bienvenu. […] l’ombre ! » s’écria-t-il en tournant autour de la hampe. « Je cherche l’ombre, mais où est l’ombre, l’ombre du drapeau ?  […] Encore des ombres chinoises !

517. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Parfois les ombres des invités se détachaient minces et noires, en écran, devant les lampes, comme ces petites gravures qu’on intercale de place en place dans un abat-jour translucide dont les autres feuillets ne sont que clarté. […] À l’ombre des jeunes filles en fleurs, p. 16 (N.  […] A l’ombre des jeunes filles en fleurs, p. 134. […] À l’ombre des jeunes filles en fleurs, I, 30. […] À l’ombre des jeunes filles en fleurs, I, 17.

518. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine de Boileau »

Et riant, conversant de rien, de toute chose, Retenant la pensée au calme qui repose, On voyait le soleil vers le couchant rougir, Des saules non plantés les ombres s’élargir, Et sous les longs rayons de cette heure plus sûre S’éclairer les vergers en salles de verdure, Jusqu’à ce que, tournant par un dernier coteau, Nous eûmes retrouvé la route du château, Où d’abord, en entrant, la pelouse apparue Nous offrit du plus loin une enfant accourue13, Jeune fille demain en sa tendre saison, Orgueil et cher appui de l’antique maison, Fleur de tout un passé majestueux et grave, Rejeton précieux où plus d’un nom se grave, Qui refait l’espérance et les fraîches couleurs, Qui sait les souvenirs et non pas les douleurs, Et dont, chaque matin, l’heureuse et blonde tête, Après les jours chargés de gloire et de tempête, Porte légèrement tout ce poids des aïeux, Et court sur le gazon, le vent dans ses cheveux.

519. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Bœrne. Lettres écrites de paris pendant les années 1830 et 1831, traduites par M. Guiran. »

Bœrne atteint-il plus juste quand il dit de Bug-Jargal et de Han d’Islande : « C’est tout magnifique, plein d’une chaleur d’été ; mais l’on désire quelquefois l’ombre et la fraîcheur, et elles manquent.

520. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

La malechance posthume le guette, et encore, par-delà le Styx, s’aigrira son ombre.

521. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Sortez, ombres, sortez de la nuit éternelle, Voyez le jour pour le troubler ; Que l’affreux désespoir, que la rage cruelle, Prennent soin de vous rassembler : Avancez, malheureux coupables, Soyez aujourd’hui déchaînés, Goûtez l’unique bien des cœurs infortunés, Ne soyez pas seuls misérables.

522. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Il le considéra comme une ombre qui releveroit l’éclat de sa grande réputation.

523. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Son ombre leur étoit chère ; ils desiroient qu’elle fût vengée.

524. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

La nuit s’approche, les ombres s’épaississent : on entend des troupeaux de bêtes sauvages passer dans les ténèbres ; la terre murmure sous vos pas ; quelques coups de foudre font mugir les déserts ; la forêt s’agite, les arbres tombent, un fleuve inconnu coule devant vous.

525. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

Un peu de refléxion leur auroit fait trouver l’éclaircissement de cette ombre de difficulté, s’ils avoient daigné le chercher.

526. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

Un mot d’explication J’avais espéré, après la ridicule campagne de presse que subirent — et dont profitèrent, peut-être — mes amis intellectuels les jeunes écrivains, j’avais espéré, dis-je, que de nouvelles « actualités » détourneraient la veine des chroniqueurs et laisseraient aux Laborieux un peu de silence et d’ombre pour parfaire de nouveaux et plus définitifs ouvrages ; J’avais compté sans l’éhontée soif de réclame qui pousse les stériles et les impuissants : Déjà le Traité du Verbe — pétard qui fit trop long feu — avait émotionné le public en 86 ; la fin de 87 voit éclore une brochure d’adéquate valeur, L’École décadente, mais aux visées documentaires les plus dangereusement fausses et qui ont surpris la bonne foi de beaucoup.

527. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

Sans être un Hercule, il file aux pieds d’une Omphale qui ne lui permettrait même pas de s’y asseoir, si elle était vivante ; mais nous n’en aurons pas moins probablement l’occasion de nous replier sur ses anciens travaux à propos de quelque édition de ses œuvres, et alors, il aura le jugement auquel il a droit comme Lamennais, Royer-Collard, Ballanche et tant d’autres qui — à quatre pas dans le passé, — semblent déjà s’enfoncer dans l’ombre d’un siècle.

528. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Dégagé par la catastrophe de 1830 non de l’affection et des respects que je portais à la royauté des Bourbons légitimes exilés, mais dégagé par la fausse attitude des légitimistes dans la chambre de toute solidarité avec eux, excepté de la solidarité d’origine commune ; dégagé de la royauté d’Orléans, dont je ne conspirais pas la chute, mais dont je ne plaignais pas les dangers et les expiations ; plus dégagé encore des coalitions anarchiques que les aristocrates, les démocrates, les légitimistes, nouaient dans le parlement, rien ne m’empêchait d’écrire de la Révolution une histoire qui pût froisser, offenser, irriter même par son impartialité toutes ces opinions et profiter au besoin à la moralisation future d’une seconde république que j’entrevoyais dans l’ombre du lointain, comme une dernière ressource du gouvernement en France, après la chute, certaine selon moi, de la royauté d’Orléans. […] C’est sur ce vrai modèle, sorti de l’ombre du rideau du lit conjugal, que j’ai modelé le buste de Danton. […] Ces sortes de figures sinistres doivent rester dans l’ombre des tableaux ; la lumière les jette trop en avant sur la scène.

529. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Elle commence par nous montrer la place où cet événement va se passer, un site, un paysage, une ville, une maison, un palais, un temple, un champ de bataille, une assemblée publique, un peuple en ébullition ou en silence, mêlé ou attentif à un événement : puis elle nous montre un personnage qui arrive sur cette scène pour y figurer au premier plan, son visage, son attitude, sa démarche, sa physionomie calme ou convulsive, son costume même et jusqu’à l’ombre que son corps projette à côté ou derrière lui sur la place ou sur la foule au milieu de laquelle il apparaît. […] Ses cheveux blond-cendré étaient longs et soyeux ; son front haut et un peu bombé venait se joindre aux tempes par ces courbes qui donnent tant de délicatesse et tant de sensibilité à ce siège de la pensée ou de l’âme chez les femmes ; les yeux de ce bleu clair qui rappelle le ciel du Nord ou l’eau du Danube ; le nez aquilin, les narines bien ouvertes et légèrement renflées, où les émotions palpitaient, signe du courage ; une bouche grande, des dents éclatantes, des lèvres autrichiennes, c’est-à-dire saillantes et découpées ; le tour du visage ovale, la physionomie mobile, expressive, passionnée ; sur l’ensemble de ces traits, cet éclat qui ne se peut décrire, qui jaillit du regard, de l’ombre, des reflets du visage, qui l’enveloppe d’un rayonnement semblable à la vapeur chaude et colorée où nagent les objets frappés du soleil : dernière expression de la beauté qui lui donne l’idéal, qui la rend vivante et qui la change en attrait. […] « Dans l’ombre encore, et derrière les chefs de l’Assemblée nationale, un homme presque inconnu commençait à se mouvoir, agité d’une pensée inquiète qui semblait lui interdire le silence et le repos ; il tentait en toute occasion la parole, et s’attaquait indifféremment à tous les orateurs, même à Mirabeau.

530. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Ses mains jointes sont tellement éloquentes par la pression des doigts contre les doigts et par les veines à travers lesquelles on voit circuler le sang brûlant de se répandre pour l’homme, son frère, que, lors même qu’on ne verrait ni le corps, ni les jambes, ni le buste, ni la tête divine, mais que ces mains seules sortiraient de l’ombre, le tableau aurait suffisamment parlé au cœur ; on aurait pleuré, on aurait compris que ces deux mains tendues par l’enthousiasme de l’agonie triomphante étaient assez fortes pour arracher l’aiguillon à la mort et le salut de l’humanité au ciel. — La passion de ces mains est égale à l’objet. […] Un beau champ de blé plein de moissonneurs et de gerbes, et, parmi ces gerbes, une seule debout faisant ombre à deux petits enfants, et leur grand’mère les faisant déjeuner avec du lait ! […] En arrivant j’ai reconnu l’église sous son grand ormeau où j’allais sauter à l’ombre, puis la grande cour et puis la petite avec son puits, la porte à vitres du salon, et, dans ce salon, les grandes belles dames que j’aimais tant à voir ; une à côté d’un capucin en méditation qui fait contraste, chose que je n’avais pas tant remarquée qu’à présent.

531. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Seule dans le bois avec mon père, nous nous sommes assis à l’ombre, parlant de toi. […] Les autres ne sont que des ombres. […] Je me suis assise à l’ombre d’un cerisier, et là, pensant au passé, j’ai pleuré.

532. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Je sais que je ne dis que des à peu près, des probabilités, des contresens, des ombres ; mais tu me pardonneras comme le père pardonne au murmure confus du nouveau-né qui cherche à prononcer son nom ! […] Il a agi, et il s’est caché dans l’éblouissement de sa toute-puissance, dans le mystère, cette ombre de Dieu ! […] L’absence de ce fléau, un mélange de variété et d’immensité, la fraîcheur relative de l’air, les formes diverses et bizarres de la végétation, la majesté de l’ombre et du silence, tous ces éléments combinés donnent de l’attrait à ces solitudes sauvages, que peuplent seuls les arbres et les lianes.

/ 1667