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243. (1903) Zola pp. 3-31

Les objets sollicitaient vivement l’œil d’Émile Zola, comme celui d’un peintre. […] Comme les romantiques, il n’avait aucun instrument psychologique ni le moindre souci d’en avoir un, et il disait lui-même ce mot ébouriffant de la part d’un romancier : « Je n’ai pas besoin de psychologie. » Comme les romantiques, il voyait gros, il voyait énorme ; la moindre taupinée était mont à ses yeux ; et il y avait entre les objets et lui comme un mirage qui les enflait, les renflait, les grossissait, les élargissait et les déformait. […] Le romantisme est un appel à la liberté du rêve et une insurrection contre le réel, la « soumission à l’objet » secouée violemment et écartée avec colère. […] Le sens pittoresque est devenu en lui cette couleur grosse et criarde qui fait comme hurler les objets au lieu de les faire chanter, comme disent les peintres, dans une harmonie et comme une symphonie générale selon leurs rapports avec les autres objets qui les entourent. — L’objet matériel animé d’une vie mystérieuse, qui est peut-être l’invention la plus originale des romantiques et d’où est venue toute la poésie symbolique, est devenu chez Zola, souvent, du moins, une véritable caricature lourde, grossière et puérile et la « solennité de l’escalier » d’une maison de la rue de Choiseul a défrayé avec raison la verve facile des petits journaux satiriques. — La simplification de l’homme, réduit à une passion unique et dépouillé de sa richesse sentimentale et de sa variété sensationnelle, est devenue, chez Zola, une simplification plus indigente encore et plus brutale ; chaque homme n’étant plus chez lui qu’un instinct et l’homme descendant, en son œuvre, on a dit jusqu’à la brute et il faut dire beaucoup plus bas, tant s’en fallant que l’animal soit une brute et que chaque animal n’ait qu’un instinct.

244. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

D’ailleurs, que l’on considère ceci : les particularités esthétiques d’une œuvre se composent d’un certain nombre d’émotions, d’images verbales, d’images d’objets, de personnes, d’idées, de concepts, de souvenirs, d’habitudes d’esprit, de résidus de sensations. […] Ces dispositions sensuelles de l’intelligence auront ailleurs pour effet, d’accroître énormément les facultés d’expression de la couleur et, par suite, de ne faire concevoir les objets que représentés se fondant en certaines formes verbales, en un certain style de peinture. […] Enfin, on peut imaginer tels progrès de la science des rapports de la pensée avec le cerveau qui permettront d’étayer l’hypothèse psychologique sur l’organisation mentale d’un artiste, par une hypothèse physiologique sur la conformation de son cerveau ; une supposition de ce genre pourra même être confirmée par l’examen histologique de l’encéphale qui en aura été l’objet. […] Elles vérifieront les lois sur leur objet même et contribueront à faire découvrir celles qui appartiennent au développement propre de l’homme. […] Les idées de Lombroso furent en particulier diffusées en France par Georges Sorel, tout en faisant l’objet de vives critiques de la part de criminologues comme Alexandre Lacassagne, ou Gabriel Tarde, à l’époque de la naissance de l’anthropologie criminelle française.

245. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Ainsi, dans le monde extérieur, il n’y a pas d’objets qui nous soient naturellement donnés. […] Pour le poète symboliste tout objet dans la nature est pathétique. […] Intériorisé dans l’objet de sa pensée Henri de Régnier ne s’en distingue pas. […] Ils divinisent l’objet de leur vision et font surgir de la nature l’âme universelle qui la meut. […] Chaque objet est considéré comme le réceptacle d’une force et d’une activité propre.

246. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

C’était là son objet unique, comme le reconnaîtront ceux de ses lecteurs qui voudront bien feuilleter les premières pages de ce premier volume. […] Il les relut, et il reconnut que, par leur réalité même, elles étaient le point d’appui incontestable et naturel de ses conclusions dans la question rhénane ; que la familiarité de certains détails, que la minutie de certaines peintures, que la personnalité de certaines impressions, étaient une évidence de plus ; que toutes ces choses vraies s’ajouteraient comme des contre-forts à la chose utile ; que, sous un certain rapport, le voyage du rêveur, empreint de caprice, et peut-être pour quelques esprits chagrins entaché de poésie, pourrait nuire à l’autorité du penseur ; mais que, d’un autre côté, en étant plus sévère, on risquait d’être moins efficace ; que l’objet de cette publication, malheureusement trop insuffisante, était de résoudre amicalement une question de haine ; et que, dans tous les cas, du moment où la pensée de l’écrivain, même la plus intime et la plus voilée, serait loyalement livrée aux lecteurs, quel que fût le résultat, lors même qu’ils n’adhéreraient pas aux conclusions du livre, à coup sûr ils croiraient aux convictions de l’auteur. — Ceci déjà serait un grand pas ; l’avenir se chargerait peut-être du reste. […] Devant un si grand objet, qu’importent les petites coquetteries d’arrangeur et les raffinements de toilette littéraire ! […] Ils n’ont d’autre objet la plupart du temps que d’éviter les redites, ou d’épargner à des tiers, à des indifférents, à des inconnus rencontrés, tantôt un blâme, tantôt une indiscrétion, tantôt l’ennui de se reconnaître. […] Comme l’auteur l’explique dès les premières pages de ce livre, il voyage solitaire sans autre objet que de rêver beaucoup et de penser un peu.

247. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Mais, pour l’objet qui nous occupe, un coup d’œil jeté sur l’ensemble des doctrines suffira. […] D’une manière générale, nous estimons qu’un objet qui existe est un objet qui est perçu ou qui pourrait l’être. […] Dieu est amour, et il est objet d’amour : tout l’apport du mysticisme est là. […] Cet amour a-t-il un objet ? […] Mais, pour l’objet qui nous occupe, il nous suffit de considérer ceux qui se sont avancés le plus loin.

248. (1932) Le clavecin de Diderot

La veuve Scarron, objet à dignifier Louis XIV, comme Louis XIV était objet à dignifier Dieu, à travers ce couple, nous suivons la chaîne des asservissements. […] Nul ne risquera de se dire ce que Feuerbach constatait, de toute évidence : Je suis un objet psychologique pour moi-même, mais un objet physiologique pour autrui. […] Et quel objet de désirs. L’objet de désirs, nous y voici revenus, et plutôt deux fois qu’une, puisque la créature, par définition des objets de désirs, grâce à la mise en scène de l’amour vénal et organisé, a trouvé place dans le cadre des désirs. […] Or il me paraît légitime d’accuser de niaise suffisance, en même temps que de boulimie, celui qui confond l’objet avec ce dont l’objet, du fait même de ses nourrissantes vertus, a été, en lui, l’occasion.

249. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Cette curiosité nécessaire, et corrélative à tous les objets qui l’environnent, est la source de son inclination à les imiter. […] Je le considérerai donc ici dans l’objet dont nous nous occupons. […] Eux seuls nous feront distinguer le vrai simple du vrai idéal, double objet des spéculations de l’art. […] Se détournait-il de son objet pour documenter en docteur de Sorbonne sur des points ardus de théologie ? […] De quelque côté que se fussent tournés ses regards, tout leur eût offert des objets d’admiration ?

250. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Ce n’est point en cet objet que convient l’imaginaire et le général : on y veut le réel et le particulier. […] Est-ce avec les yeux du corps, touchés des seuls attributs physiques qu’il saisira, qu’il verra l’idéal des objets incréés ? […] L’esprit se rebute s’il n’est retenu par un enchaînement d’objets divers qui captivent sa légèreté. […] Il faut que de simples et douces images remplacent les objets pompeux ou redoutables de notre méditation. […] Quand le langage décrit, il faut que des expressions d’une justesse précise lui servent à rendre les objets et les images visibles.

251. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article »

Quoique la Géographie ait été le principal objet de ses travaux & la premiere source de la réputation qui lui procura des Eleves de la premiere qualité, & entre autres, le Duc d’Orléans, depuis Régent, il mérite quelque estime pour la partie historique. […] M. de Lisle eut deux fils, Guillaume de Lisle, Membre de l’Académie des Sciences, premier Géographe du Roi, & Nicolas de Lisle, dont les excellens Mémoires sur des objets d’Astronomie & de Mathématique sont recherchés dans les Recueils de l’Académie des Sciences.

252. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Je conçois, dans l’érudit, une vie de cœur très active, et d’autant plus active que l’objet de son érudition offrira moins d’aliment à la sensibilité : ce sont alors comme deux rouages parfaitement indépendants l’un de l’autre. […] Comme c’est l’éducation, la variété des objets d’étude qui font la variété des esprits, tout ce qui tend à faire passer tous les esprits par un moule officiel est préjudiciable au progrès de l’esprit humain. […] L’humanité réalise la perfection en la désirant et en l’espérant, comme la femme imprime, dit-on, à l’enfant qu’elle porte, la ressem-blance des objets qui frappent ses sens. […] Tel objet, après y avoir pendu quelque temps, tombe, et c’est le tour d’un autre. […] Je suis persuadé que les femmes porteraient là leur individualité et réfracteraient l’objet en couleurs nouvelles.

253. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Doyen d’un effet plus piquant pour l’œil semble lui dire de se dépêcher, de peur que l’impression d’un objet venant à détruire l’impression d’un autre, avant que d’avoir embrassé le tout, le charme ne s’évanouisse. […] Dans un de nos entretiens nocturnes, le contraste de ces deux morceaux nous donna, au prince de Gallitzin et à moi, occasion d’agiter quelques questions relatives à l’art, l’une desquelles eut pour objet les groupes et les masses. […] De quelque manière que des objets inanimés soient ordonnés, je ne dirai jamais qu’ils groupent ; mais je dirai qu’ils font masse. De quelque manière que des objets animés soient combinés avec des objets inanimés, je ne dirai jamais qu’ils groupent, mais qu’ils font masse. De quelque manière que des objets inanimés soient disposés les uns à côté des autres, je ne dirai qu’ils groupent que, quand ils sont liés ensemble par quelque fonction commune.

254. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Aucune mission ne les sollicite en particulier, mais ils s’intéressent volontiers à mille objets très disparates. […] L’objet s’interprète sans nul artifice. […] Mais surtout, il aura consacré, en l’art poétique, des objets ordinairement méprisés. […] Il s’éprit des campagnes tourangelles, et comme emblème de son âme, il prit des objets quotidiens et familiers. […] Zola, n’est plus une description ; sous les mots, les objets naissent, tout se reconstruit.

255. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Duperreux, le premier, n’a pas désespéré des Pyrénées ; le premier, il a osé croire que, pour n’être pas dans l’Apennin, ces belles formes n’en étaient pas moins dans la belle nature ; il n’a pas craint de nous retracer tels qu’ils sont des objets qui perdraient peut-être une partie de leur charme en perdant leur singularité ; et, renonçant à la vaine prétention de corriger le beau et d’embellir le vrai, il a laissé au modèle le soin de défendre le portrait. […] Voyageant en Suisse dans le canton de Zurich, il avait remarqué que, dans la plupart des maisons, une piété domestique patriarcale tenait à conserver les images des pères, les portraits de ceux que la famille avait perdus et qui étaient représentés sur leur lit de mort, les yeux fermés, tels qu’ils étaient lorsqu’on les avait vus pour la dernière fois après le dernier soupir : Ces tristes images, ajoutait-il, qui paraîtraient si hideuses à un Français qui ménage son cœur comme un enfant gâté, et qui fuit avec soin tout ce qui pourrait l’émouvoir fortement, sont ici un objet consolant pour des hommes qui savent aimer et ne craignent rien de l’amour, pas même ses peines. […] C’est ainsi qu’en se dirigeant vers le Marboré, après avoir traversé d’affreuses solitudes, et en arrivant à Gavarnie, d’où se découvre presque en entier le grand cirque du fond, au mur demi-circulaire, avec ses rochers à figure de tours, avec ses neiges aux flancs et ses cascades, il dira de cette belle masse, qui est la partie la plus connue du Marboré : Son volume et sa hauteur la feraient croire très voisine de Gavarnie ; mais sa couleur, qui tient de l’azur des hautes régions de l’atmosphère et de l’or de la lumière répandue sur les objets distants, avertit qu’on aura plus d’un vallon à parcourir avant de l’atteindre. […] ce ne fut qu’une sorte d’apparition gigantesque et formidable : le soleil ne brillait pas, une brume dérobait le sommet principal, et l’autre cime moindre, qu’on nomme le Cylindre, cette figure de tour tronquée, plus sombre que le nuage, plus menaçante que le Mont-Perdu lui-même, en usurpait l’apparence et devenait l’objet le plus extraordinaire du tableau. […] Aux questions que lui adressait son correspondant sur l’objet commun de leurs études, sur ses chères Pyrénées, il répond modestement et avec bonhomie (octobre 1823) : « Pardonnez, de grâce, à la paresse d’un homme qui se repose de plus d’un demi-siècle de fatigue, lit encore, mais n’écrit guère, rêve souvent et ne pense plus. » Il revient plus d’une fois sur la perte cruelle de ses manuscrits et sur le regret de n’avoir pu compléter tous ses tableaux.

256. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

L’art d’écrire ne s’était développé que longtemps après le talent d’agir ; la littérature eut donc, chez les Romains, un tout autre caractère, un tout autre objet, que dans les pays où l’imagination se réveille la première. […] Ce qui pouvait obtenir l’estime des patriciens était l’objet de l’émulation générale : on pouvait les haïr ; mais on voulait leur ressembler. […] Les combats de gladiateurs avaient pour objet d’intéresser fortement le peuple romain par l’image de la guerre et le spectacle de la mort ; mais dans ces jeux sanglants, les Romains exigeaient encore que les esclaves sacrifiés à leurs barbares plaisirs, sussent triompher de la douleur, et n’en laissassent échapper aucun témoignage. […] Les Athéniens croyaient aux mêmes dogmes, défendaient aussi leur patrie, aimaient aussi la liberté ; mais ce respect qui agit sur la pensée, qui écarte de l’imagination jusqu’à la possibilité des actions interdites, ce respect qui tient à quelques égards de la superstition de l’amour, les Romains seuls l’éprouvaient pour les objets de leur culte. […] La grandeur de la république romaine était l’unique objet de leurs travaux ; elle réfléchissait sur ses guerriers, sur ses écrivains, sur ses magistrats plus d’éclat qu’aucune gloire isolée n’aurait pu leur en assurer.

257. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Physiquement, le système n’est ouvert qu’à une seule chose ; nous sommes « tout yeux ou tout oreille. » Psychologiquement, tout autre plaisir, toute peine étrangère sont suspendus ; nous sommes entièrement à l’objet que nous poursuivons, les préoccupations objectives étant anesthésiques par nature. […] Et certes, quand on y pense, on ne peut s’empêcher de trouver un peu vaines ces recherches qui ont pour objet de fixer l’essence du bien et du beau. […] Ils procédaient dans cette hypothèse qu’on peut trouver quelque chose d’unique, qui entre, à titre d’ingrédient commun, dans toute la classe des objets nommés beaux. » Mais cela n’est pas ; sans quoi, depuis deux mille ans, ce beau-type aurait été découvert. […] « Les objets que nous appelons sublimes sont, pour la plupart, tels d’aspect et d’apparence qu’ils expriment une grande puissance, énergie ou immensité, et sont par là capables d’élever l’esprit par un sentiment emprunté de puissance. […] L’objet de ce travail étant d’exposer, non de critiquer, je ne m’arrêterai pas à discuter cette doctrine, quelque contestable qu’elle me paraisse à beaucoup d’égards.

258. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

La religion et les mœurs devenaient peu à peu un objet de ridicule. […] Elle a moins d’unité, elle est plus compliquée, elle embrasse plus de personnages, plus de causes, plus d’objets. […] Elles pourraient être ou ne pas être, selon que les objets extérieurs se présenteraient sous tel ou tel aspect. […] De même ses affections pouvaient embrasser tous les objets de la nature ; mais elles n’auraient rien de fixe ni d’assuré. […] Il n’avait pas assez de force pour concevoir un vaste sujet ; son esprit n’était point frappé de l’ensemble des objets.

259. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Passons au véritable objet de cette assemblée. […] Quel riche mêlange d’objets & de couleurs ! […] Quelle immense variété d’objets ! […] Un Drame trop compliqué manque son objet. […] Anseaume, étaient des plus propres à remplir cet objet.

260. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

Une similarité découverte entre des objets qui paraissaient d’abord tout dissemblables cause à l’intelligence le plaisir d’apercevoir l’un dans le multiple. […] Pas d’intelligence sans la conscience, qui est le sujet ; point d’intelligence, d’autre part, sans un objet auquel elle s’applique et qui n’est vraiment objet adéquat que quand il est conçu comme le tout.

261. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

Lorsque j’affirme : « Cette table est blanche, cet homme est blond », l’attitude de mon esprit n’est pas la même que si j’affirme : « Cette table est belle, cet homme est respectable. » Sans doute, dans un cas comme dans l’autre, je juge ; mais la position de l’objet vis-à-vis du sujet n’est pas la même dans les deux jugements. Par le premier j’exprime, autant qu’il est en moi, la nature même de l’objet, — sa réalité. […] Ces hommes, dont elles affirment la valeur, ne sont-ils pas, par définition, non seulement les plus complexes de tous les objets — par suite aussi ceux qui, tout en appartenant à un même genre, sont susceptibles de différer le plus les uns des autres — mais encore les seuls sujets qui, ayant la pleine conscience d’eux-mêmes, sont capables de poser les unes en face des autres leurs individualités ?

262. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Toutes ses impulsions, à lui, lui viennent du dehors ; sa philosophie, et celle de son temps, lui dit que toutes ses idées lui sont venues par ses sens : il est naturel que la nature extérieure, et les sciences qui s’y appliquent, soient l’objet de son étude. […] Le caractère (et non la régularité, la noblesse, la généralité, éléments classiques de la beauté) doit être l’objet de l’imitation, de l’expression littéraires. […] Dans la composition même, c’était encore la littérature qui prévalait : le théâtre fournissait des modèles d’arrangement et un principe de coordination des objets naturels. […] C’est la première fois que nous rencontrons une œuvre littéraire qui compte, et qui ait pour objet les beaux-arts. Diderot fait des tableaux, des statues un objet de littérature, alors qu’antérieurement les arts et la littérature étaient deux mondes fermés, sans communication, et qui n’existaient pas l’un pour l’autre.

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