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658. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

La cause d’erreur peut-être la plus considérable, c’est ce mot de raison, qu’on voit revenir presque à chaque page du poème. […] De l’imagination pas un mot, ou, s’il y pense, ce n’est que pour l’emmailloter de préceptes, à la rendre incapable de bouger. […] il n’a que ce mot à la bouche. […] Dans le style, c’est l’équivalence du mot à l’idée : dans la conception, l’équivalence de l’idée à l’objet. […] En réduisant la raison au respect de la nature, Boileau ne perd pas de vue, autant qu’il semble, le sens ordinaire et familier du mot.

659. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

La Bruyère n’est pas un esprit profond ; il n’a pas un point de vue original et personnel d’où il regarde les actions humaines, En un mot, il n’a pas de système. […] Ce don qu’il a de trouver le geste, le mot qui contiennent tout un homme, résument toute une situation, c’est le don essentiel du romancier naturaliste ou encore, si l’on veut, de l’auteur dramatique. […] Avec l’antithèse, il prodigue l’ironie où il est maître : il se plaît à dérouter le lecteur par l’exposition flegmatique de la pensée contraire à celle qu’il veut enfoncer, jusqu’à ce qu’un mot, un tout petit mot parfois, tout à la fin du morceau, donne la clef du reste, et nous découvre qu’il faut renverser tous les termes. […] Non : Fénelon nous ramène à Ronsard, ou plutôt à Du Bartas, presque à l’écolier limousin : il rêve d’inutiles synonymes, des composés de forme grecque ou latine, toute une fabrication artificielle de mots littéraires. […] Néanmoins le mot essentiel est dit : ce prélat « admire » Molière et le trouve « grand ».

660. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Tous les deux, par exemple, se distinguent par leur concision, et comme Perse, se sont appliqués à renfermer dans leurs vers « plus de sens que de mots ». […] J’appelle masculine une rime qui porte un accent sur la dernière syllabe ; féminine, lorsque cet accent tombe sur la pénultième syllabe d’un mot. […] On dit qu’à l’exemple de Molière, il consultait souvent sa vieille nourrice, et qu’il s’appliquait à ne se servir que de mots familiers à tous ses compatriotes, gentilshommes ou paysans. […] Lucien, qui était philosophe de profession, homme d’esprit, Grec, et par conséquent beau diseur, perdit la tête parce qu’un pédant s’était avisé de lui reprocher un mot comme n’étant pas d’une bonne grécité. […] Il y a entre eux un peu de contrainte et de froid ; puis un mot piquant échappe, et on y répond.

661. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

En un mot, je tue le temps. […] En un mot, son amour me donna une si grande envie de me moquer de lui que je ne l’épargnai pas. […] Chemin faisant, Mirabeau avertit en deux mots la marquise de se contenir et de se régler sur ce qu’elle entendra. […] Tout cela est bien loin de l’amour mot que je n’entends jamais prostituer sans regret… » 3. Le mot est pris d’Addison.

662. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Les oreilles italiennes ne sont point allarmées comme les nôtres du son effronté de certains mots. […] Il ne suffisoit pas de traduire Milton mot à mot ; il falloit lui donner cet intérêt que M. […] Le faux bel esprit y regne bien souvent, la pensée ne roule quelquefois que sur un jeu de mots ; enfin les idées les plus ingénieuses y sont ressassées jusqu’au dégoût. […] Mais un de ses défauts les plus remarquables, est son goût pour les jeux de mots. […] en 1754. renferment quelques bonnes plaisanteries & beaucoup plus de froides railleries & de bons mots sans sel.

663. (1903) Le problème de l’avenir latin

Terribles et puérils en un mot. […] La transformation de la Gaule à partir de la conquête est, en un mot, totale.‌ […] Il ne doit pas y avoir d’équivoque sur ce mot de « barbarie ». […] Autrement dit, il faut choisir entre le mot et la chose. […] Un mot !

664. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Mais pensons-nous alors, le plus souvent, à autre chose qu’à des mots ? […] Qu’est-ce, en un mot, qui nous est proprement demandé ? […] C’est qu’il faut s’entendre sur la signification des mots « émotion », « sentiment », « sensibilité ». […] Nous parlons, en un mot, de ce qui caractérise principalement la morale des philosophes grecs. […] Règle et règlement, rectitude et régularité, sont des mots qui désignent la ligne droite.

665. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Il prodiguera les vues originales, les pensées profondes, les mots d’esprit, les traits touchants : il sèmera dans son œuvre de quoi faire un chef-d’œuvre : et le lecteur, ne sachant pas où on le mène, égaré, rebuté, étourdi, aveuglé, n’y comprendra rien, bâillera, et jettera le volume : car tous les hommes ne sont pas d’humeur à refaire le livre qu’ils lisent. […] Les idées sont susceptibles d’une infinité de valeurs, comme les mots d’une infinité de sens : la place qu’on leur donne exclut toutes les valeurs possibles, sauf une seule qu’elle réalise ; elles n’existent vraiment que quand elles sont ainsi localisées. […] « J’aimerais autant qu’on me dît que je me suis servi de mots anciens ; et comme si les mêmes pensées ne formaient pas un autre corps de discours par une disposition différente, aussi bien que les mêmes mots forment d’autres pensées par leur différente disposition. » Ainsi pensait Pascal, et tout son siècle avec lui. […] Descartes part d’un mot de saint Augustin : Je pense, donc je suis, et ne prouve que de vieilles vérités, l’existence de Dieu, celle du monde extérieur, l’immortalité de l’âme.

666. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Tout ce que l’auteur ajoute aux mots de l’interprète, comme il dit, est excellent. […] Le discours des jeunes gens est assez raisonnable, mais il y a un mot qui ne convient qu’à des étourdis, c’est celui du vers 4 : Assurément il radotait. […] Mot important. […] Le premier mot de sa réplique annonce un sage : V. 13. […] A la vérité, ce mot est un peu dur ; mais il l’est beaucoup moins que le propos de ces jeunes gens : Assurément il radotait.

667. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Il en est qui sont obscurs naturellement, spontanément, très loyalement, sans artifice ; qui sont capables, ce qui est une chose encore que je n’ai jamais comprise, d’exprimer par des mots, de mettre sur le papier, une pensée qui n’est pas devenue nette dans leur esprit ; pour qui la parole ou l’écriture n’est pas un instrument d’analyse ; pour qui la parole ou l’écriture n’est pas une épreuve qui force à se rendre compte de ce qu’on pense ; qui, en un mot, peuvent exprimer ce qu’ils ne conçoivent pas. […] Ils ont pensé en clair, d’abord, comme tout le monde, puis, par des substitutions patientes de mots impropres aux mots justes, de tournures bizarres aux tours simples, d’inversions aux tours directs, ils ont obscurci progressivement leur texte. […] Ils disent — le mot, assure-t-on, est authentique — : « Mon livre est fait ; je n’ai plus qu’à l’enténébrer un peu ».

668. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

I Je viens de lire ces deux volumes, y cherchant… ce qui n’y est pas, et j’en sors, comme on sort de la mer, avec des gouttes d’eau salée dans les yeux ; car c’est une mer de mots que ces deux volumes : des mots, des mots, des mots ! […] Il est verbeux, mais avec des flots de mots qui sautent et qui tressautent ; car il est pétulant et piétinant, et même monotone dans sa pétulance, parce que son mouvement de phrase, il ne le change pas, mais le répète.

669. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Ces invocations pour accuser, ou se défendre, furent les premières orationes, mot qui chez les Latins est resté pour signifier accusation ou défense ; on peut voir à ce sujet plusieurs beaux passages de Plaute et de Térence, et deux mots de la loi des douze tables : furto orare, et pacto orare (et non point adorare, selon la leçon de Juste Lipse), pour agere, excipere. […] Ces jugements inflexibles étaient nécessaires dans des temps où les héros plaçaient dans la force la raison et le bon droit, où ils justifiaient le mot ingénieux de Plaute : pactum non pactum, non pactum pactum . […] Les Carthaginois se trouvèrent dans le premier cas : le traité qu’ils avaient fait avec les Romains leur avait assuré la conservation de leur vie, de leurs biens et de leur cité ; par ce dernier mot ils entendaient la ville matérielle, les édifices, urbs dans la langue latine ; mais comme les Romains s’étaient servis dans le traité du mot civitas, qui veut dire la réunion des citoyens, la société, ils s’indignèrent que les Carthaginois refusassent d’abandonner le rivage de la mer pour habiter désormais dans les terres, ils les déclarèrent rebelles, prirent leur ville, et la mirent en cendres ; en suivant ainsi le droit héroïque, ils ne crurent point avoir fait une guerre injuste.

670. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

En un mot, tant que le monde va et dure, il ne saurait être destitué de la vie et de l’amour. […] Le témoin véridique, de qui le mot m’est venu, n’en avait entendu que la lettre, et n’en saisissait ni le poétique ni le figuratif. […] L’écrit intitulé Guerre et Proscription finit par ces mots : « Dumouriez, réconcilié avec les girondins, eut le commandement de l’armée de La Fayette. […] C’est, après tout, le vieux mot du poëte : Video meliora proboque, deteriora sequor. […] On voit, dans ces récits de conversations, à quel degré La Fayette a le propos historique, le mot juste de la circonstance et comme la réplique à la scène.

671. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Elle transforme les mots en faits. […] S’il s’agit de mots, comme dans les définitions de noms, tout son effort est de ramener les mots aux expériences primitives, c’est-à-dire aux faits qui leur servent d’éléments. […] J’ai transformé des mots en d’autres mots ; j’ai piétiné sur place. […] Ils ont donné la préférence aux mots sur les faits. […] Il y a là un grand mot, celui de cause.

672. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Le mot digne indique que nous approuvons l’action d’honorer. […] Elle transforme les mots en faits. […] S’il s’agit de mots, comme dans les définitions de noms, tout son effort est de ramener les mots aux expériences primitives, c’est-à-dire aux faits qui leur servent d’éléments. […] J’ai transformé des mots en d’autres mots ; j’ai piétiné sur place. […] Ils ont donné la préférence aux mots sur les faits.

673. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Le prélat tient fort à ce mot. […] C’est trop peu de regretter la désuétude de quelques mots expressifs des siècles précédents ; il demande l’introduction de mots nouveaux. […] Fénelon charge l’Académie française de fabriquer des mots de ce titre. […] Fénelon n’estimait pas que ce fût assez d’introduire des mots nouveaux. […] Or, par quoi périssent les langues, sinon par l’abus des mots nouveaux, et par les rapprochements de mots usuels qui n’ont pas coutume d’aller ensemble ?

674. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Necker, que le fait devient très-sensible ; ils travaillent trop leur phrase, ils en pèsent trop tous les mots, c’est trop bien. […] Il n’avait rien publié, lorsqu’en 1826 il eut l’idée de dire son mot sur le salon de Genève, sur l’exposition de peinture. […] Un mot de lui, jeté en un moment de colère, a cruellement appris à Charles qu’il est un enfant trouvé. […] Prévère ouvre la Bible et y lit ces mots comme texte du discours qu’il va prêcher : Quiconque reçoit ce petit enfant en mon nom, il me reçoit. […] Serait-ce jamais le cas au mot de Cicéron du fond de sa Cilicie : Urbem, urbem, mi Rufe, cole, et in istâ luce vive ?

675. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

En un mot Ciceron fut à Rome ce que Démosthènes avoit été à Athènes. […] Mais un véritable Ange de lumiere lui apparut, & lui dit le mot du logogryphe. […]  ; joignez ces trois lettres & vous ferez le mot Cor, & c’est ce que Dieu vous demande, &c. […] Ne prétendez pas réussir en nous flattant l’oreille par un bel étalage de fins mots. […] On distingue deux sortes d’éloquence, celle des choses & celle des mots : elles sont toujours inséparables dans ses écrits.

676. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

En un mot, c’est la responsabilité non de leur œuvre personnelle, mais du résultat final de cette œuvre qu’ils renvoient au destin. […] Toute la philosophie de l’historien sur ce grand drame militaire se résume en deux mots, il est vrai, décisifs : « C’est un combat d’hommes libres contre des esclaves ». […] Tous les historiens latins, Salluste et Tacite comme Tite-Live, n’ont qu’un mot pour l’expliquer : la vertu républicaine perdue dans le luxe. […] En un mot, M.  […] En un mot, si l’histoire humaine de la planète a été jusqu’ici surtout le règne de la fatalité, l’avènement d’une démocratie éclairée tend à en faire de plus en plus le règne de la liberté.

677. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Ils deviennent, selon le mot de Mallet du Pan, des cosmopolites malgré eux. […] Le mot de Buffon en serait renversé, l’homme c’est le style. […] Un bien grand mot ! […] Un homme politique radical a lancé, en 1924, le mot de Français moyen. […] L’idéalisme de Vigny, ne prenons pas cela pour un mot conventionnel.

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