Pour nous, font-ils, qui avons eu le courage de lire l’œuvre de Brunetto Latini, nous ne pouvons y voir qu’une triste et froide série de leçons morales, enchâssée dans une allégorie sans but et sans charme. […] Le langage des Marionnettes, avant même qu’on l’ait compris, forme à ces pan pan un accompagnement mystérieux de cris, d’exclamations… Il est donc facile de comprendre qu’ici l’aspect matériel éclipse le moral… Par conséquent, montrer ce que disent les Marionnettes sans faire voir ce qu’elles font, est un problème difficile, redoutable même… » Malgré cela, Duranty fît paraître ses petites pièces sous le titre : Théâtre des Marionnettes du jardin des Tuileries.
L’état civil de chacun est fixé ; le type est décrit au physique et dans son caractère moral ; enfin sa conduite dans les divers incidents du roman est arrêtée… Quand les personnages sont créés et vivent, il faut les baptiser, M. […] Une institution, un régime, tout en s’améliorant à un certain point de vue par la réalisation et la croissance, en devenant plus forts et plus aptes à vivre, deviennent aussi moins purs et descendent facilement à un niveau moral inférieur.
Moral et pas… bête. […] La conclusion de cette histoire trop véridique est que, dans l’ordre moral, il ne naît point de monstres : Dieu n’en fait pas ; — mais les hommes en font beaucoup […] Rien ne trouble plus profondément notre être moral que de découvrir les défaillances de ceux qui personnifient pour nous le bien et l’honneur, qu’ils soient nos parents, des amis ou nos maîtres.
Peindre les souffrances morales, c’est autrement malaisé… Et voulez-vous que je vous dise : le moindre roman psychologique me touche plus que tout votre Homère… Oui, je lis avec plus de plaisir Adolphe que l’Iliade.
Francis Jammes refuse toute hypocrisie, comme l’y engagent ses opinions morales et littéraires. […] Des ruines, et de toute sorte : ruines morales et intellectuelles ; les âmes ne sont pas moins dévastées qu’une bourgade en décombres du Nord de la France. […] Mais oui ; disons-le, et au risque d’exciter le scandale, comme autrefois les « deux morales » ont irrité nos grands-pères.
. — Au bout d’un temps fort long, après beaucoup de correspondances ainsi vérifiées, les hommes de certaines races et de certaines civilisations, les Européens modernes par exemple, ont fini par croire qu’il en est ainsi dans tous les cas, que telle est la constitution des choses, que toute la nature est régie par des lois, que tout son cours est uniforme, qu’en tout temps et en tout lieu, dans le monde moral et dans le monde physique, tout caractère donné a des conditions dont la présence entraîne sa présence.
. — Manuels moraux, chansons, fabliaux, chansons de Geste. — Éclat, frivolité et vide de cette culture française. — Barbarie et ignorances de cette civilisation féodale. — La chanson de Geste de Richard Cœur de Lion, et les voyages de sir John de Mandeville. — Pauvreté de la littérature importée et implantée en Angleterre. — Pourquoi elle n’a point abouti sur le continent ni en Angleterre.
. — Lemm finit par en prendre son parti ; du reste, il se faisait vieux ; à la longue, il s’endurcit au moral, comme ses doigts s’étaient endurcis avec l’âge ; seul avec sa vieille cuisinière, qu’il avait tirée d’un hospice (car il ne s’était jamais marié), il végétait à O…, dans une petite maison voisine de celle de madame Kalitine.
Hugo devait demeurer fidèle au caractère primitif de son idée ; qu’ayant aperçu dans sa conscience la lutte possible de la corruption contre la pureté, la défaite momentanée de la vertu inhabile par le vice expérimenté, et, comme complément moral de ces douloureuses alternatives, le crime châtié par la main qu’il implorait, il devait demander au cœur, mais au cœur seulement, la lumière dont il voulait éclairer cette idée.
Pour évoquer le martyre intellectuel et moral d’une génération française, un jeune Français moins extraordinaire ne valait-il pas mieux ? […] Celui qui, par un motif patriotique, religieux et même moral, se permet, dans les faits qu’il étudie, dans les conclusions qu’il tire, la plus petite dissimulation, l’altération la plus légère, n’est pas digne d’avoir sa place dans le grand laboratoire où la probité est un titre d’admission plus indispensable que l’habileté. » Au lieu de la science, disons l’histoire : ces paroles augustes gardent leur qualité d’axiomes. […] Or, il s’agit de sociologie, en l’espèce ; et l’on voudrait, au lieu d’évaluations un peu vagues, des chiffres, des statistiques ; l’on voudrait, il me semble, pour cette thèse, un traité, l’un de ces mémoires que les membres de l’Académie des sciences morales et politiques lisent à leurs confrères, ou à quelques-uns de leurs confrères, dans le secret d’une docte et noble séance.
C’est fort mélancolique et probablement fort moral, mais aussi fort déprimant.
c’est tiré des singulières Poésies : « Les perturbations, les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l’ordre physique ou moral, l’esprit de négation, les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les asservissements, les imaginations creusantes, les romans, ce qui est inattendu, ce qu’il ne faut pas faire, les singularités chimiques du vautour mystérieux qui guette la charogne de quelque illusion morte, les expériences précoces et avortées, les obscurités à carapace de punaise, la monomanie terrible de l’orgueil, l’inoculation des stupeurs profondes, les oraisons funèbres, les envies, les trahisons, les tyrannies, les impiétés, les irritations, les acrimonies, les incartades agressives, la démence, le spleen, les épouvantements raisonnés, les inquiétudes étranges, que le lecteur préférerait ne pas éprouver, les grimaces, les névroses, les filières sanglantes par lesquelles on fait passer la logique aux abois, les exagérations, l’absence de sincérité, les scies, les platitudes, le sombre, le lugubre, les enfantements pires que les meurtres, les passions, le clan des romanciers de cour d’assises, les tragédies, les odes, les mélodrames, les extrêmes présentés à perpétuité, la raison impunément sifflée, les odeurs de poule mouillée, les affadissements, les grenouilles, les poulpes, les requins, le simoun des déserts, ce qui est somnambule, louche, nocturne, somnifère, noctambule, visqueux, phoque parlant, équivoque, poitrinaire, spasmodique, aphrodisiaque, anémique, borgne, hermaphrodite, bâtard, albinos, pédéraste, phénomène d’aquarium et femme à barbe, les heures soûles du découragement taciturne, les fantaisies, les âcretés, les monstres, les syllogismes démoralisateurs, les ordures, ce qui ne réfléchit pas comme l’enfant, la désolation, ce mancenillier intellectuel, les chancres parfumés, les cuisses des camélias, la culpabilité d’un écrivain qui roule sur la pente du néant et se méprise lui-même avec des cris joyeux, les remords, les hypocrisies, les perspectives vagues qui vous broient dans leurs engrenages imperceptibles, les crachats sérieux sur les axiomes sacrés, la vermine et ses chatouillements insinuants, les préfaces insensées comme celles de Cromwell, de Mademoiselle de Maupin et de Dumas fils, les caducités, les impuissances, les blasphèmes, les asphyxies, les étouffements, les rages, — devant ces charniers immondes, que je rougis de nommer, il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe souverainement. » Maldoror (ou Lautréamont) semble s’être jugé lui-même en se faisant apostropher ainsi par son énigmatique Crapaud : « Ton esprit est tellement malade qu’il ne s’en aperçoit pas, et que tu crois être dans ton naturel chaque fois qu’il sort de ta bouche des paroles insensées, quoique pleines d’une infernale grandeur. » Tristan Corbière Laforgue, au courant d’une lecture, crayonna sur Corbière des notes qui, non rédigées, sont tout de même définitives ; parmi : « Bohème de l’Océan — picaresque et falot — cassant, concis, cinglant le vers à la cravache — strident comme le cri des mouettes et comme elles jamais las — sans esthétisme — pas de la poésie et pas du vers, à peine de la littérature — sensuel, il ne montre jamais la chair — voyou et byronien — toujours le mot net — il n’est un autre artiste en vers plus dégagé que lui du langage poétique — il a un métier sans intérêt plastique — l’intérêt, l’effet est dans le cinglé, la pointe-sèche, le calembour, la fringance, le haché romantique — il veut être indéfinissable, incatalogable, pas être aimé, pas être haï ; bref, déclassé detoutes les latitudes, de toutes les mœurs, en deçà et au-delà des Pyrénées. » Ceci est sans doute la vérité : Corbière fut toute sa vie dominé et mené par le démon de la contradiction.
Je le définirai encore mieux en l’opposant, non pour lui donner le dessous, à cette audace d’invention qui, dans la philosophie, pousse Descartes à vouloir pénétrer le secret du monde moral ; dans la physique, à toucher du doigt la molécule ; qui, dans la logique, fait raisonner Pascal avec Dieu ; dans la politique, inspire à Platon sa république, à Fénelon sa ville de Salente ; dans la métaphysique suggère à Aristote l’idée de compter nos facultés et de parquer nos idées dans des catégories, ou fait imaginer à Leibnitz l’harmonie préétablie.
Le même progrès qui, dans l’ordre moral, a fait passer l’individu du règne des instincts à celui de l’intérét ou du devoir ; dans l’ordre social, de la sauvagerie primitive à l’état d’organisation ; dans l’ordre politique, de l’individualisme presque absolu à la constitution d’un gouvernement le même progrès, dans l’ordre intellectuel, a fait passer du règne de l’attention spontanée au règne de l’attention volontaire.
La Décoration et l’art industriel À l’exposition de 18898 Rien de plus intéressant, dégagées bien entendu de trop hautes et trop larges considérations morales ou sociales, que les expositions universelles internationales.
Ce châtiment moral ne suffisant pas, on décida de chasser de Marseille les plus fougueux Marseillais. […] Un homme, si dénué qu’il puisse être de sens moral, de réflexion et de volonté, ne glisse pas tout seul dans l’infamie.
Quel meilleur moyen, et nous osons le dire, quel moyen plus moral pouvait-il employer pour arriver à ce but, que de mettre en scène un homme plein de droiture, mais poussant à l’extrême le besoin de dire tout ce qu’il pense ; portant aux méchants une haine vigoureuse, mais poursuivant d’une indignation trop chaleureuse certains défauts qui ne méritaient que sa pitié ?
» Au même instant l’idée vient au jeune homme de prendre l’habit de l’esclave ; et voyez l’ingénieux retour du poète comique, ce déguisement si peu moral se fait au nom de la morale. […] — Qu’il n’y a de moral que le vieux répertoire, et plaignez-vous en vile prose, des hardiesses de M.
Exactement, une hypothèse d’histoire naturelle, et de laquelle on a prétendu faire un principe moral et social. […] « Il faut que l’histoire racontée par l’auteur puisse s’adapter à d’autres événements, sans que l’âme avec laquelle ils ont été sentis soit changée. » Ainsi, Notre cœur, de Maupassant : « Il avait agrandi l’anecdote jusqu’à en faire un symbole » ; il vous raconte un drame assez vulgaire et, de ce drame, il dégage « un de ces grands faits moraux qui intéressent tous les cœurs, la profonde souffrance d’aimer plus qu’on n’est aimé ».
Par l’instinct de l’équilibre moral, qui fait que toute créature, à son insu, tend incessamment vers son milieu, le poète fuyait la société de ses pairs qu’il jugeait assurément aussi malades que nous pouvions le trouver lui-même.