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509. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Le petit ouvrage qu’il publia en 1845, intitulé : l’Esprit des institutions militaires, et dont le maréchal Bugeaud disait que tout officier en devait avoir un exemplaire dans son porte-manteau, me le montra tel que ses amis me l’avaient fait entrevoir, mais avec une supériorité de vues et de lumières, une netteté d’exposition, une imagination même et une couleur de parole, tout un ensemble de qualités auxquelles bien peu certes auraient atteint parmi les maréchaux de l’Empire. […] Le coup d’œil de Marmont à Marengo, au moment le plus critique, le feu qu’il dirigea à propos sur la colonne autrichienne, et qui donna comme le signal à la charge soudaine de Kellermann, nous le montrent général d’artillerie consommé, et aussi résolu qu’ingénieux. […] Pendant l’armistice qui partage en deux cette campagne et dans les semaines qui précèdent la bataille de Leipzig, Marmont est continuellement rapproché de Napoléon, qui l’appelle, le consulte, admet la discussion sur les plans à suivre et passe outre, emporté par un mouvement plus fort d’impatience ardente et de passion : Son esprit supérieur lui a certainement alors montré les avantages d’un système de temporisation, mais un foyer intérieur le brûlait ; un instinct aveugle l’entraînait quelquefois contre l’évidence, parlait plus haut et commandait. […] Et moi, je crois qu’il faut dire, en embrassant toute la condition humaine : « Il est mieux qu’il ait vécu pour montrer ce que peut le malheur, la force des circonstances, une certaine fatalité s’attachant, s’acharnant à plus d’une reprise à une belle vie, un cœur généreux ressentant l’outrage sans en être abattu, sans en être aigri, et finalement une belle intelligence trouvant en elle des ressources pour s’en nourrir et des résultats avec lesquels elle se présente aujourd’hui, en définitive, devant la postérité. » 1.

510. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

C’est plaisir pour nous d’aborder et d’étudier le grand homme d’après ces documents nouveaux et complets qui nous le montrent à ses origines et à tous les degrés de sa fortune. […] Il m’y aidera, si j’ose dire, lui-même, car plus d’une de ses paroles, par lesquelles il juge les autres, peut, en se retournant sur lui, montrer où fut le trop de passion et la dureté. […] Aussitôt le prince de Condé arrêté (1er septembre 1616), tout change d’aspect ; la foule des courtisans, qui désertait le Louvre, s’y porte à l’instant ; chacun vient pour se montrer et faire acte de fidélité : Tel le faisait sincèrement, dit Richelieu, tel avec intention et désir tout contraire ; mais il n’y en avait pas un qui n’approuvât ce que Sa Majesté avait fait ; beaucoup même témoignaient envier la fortune du sieur de Thémines, qui avait eu le bonheur d’être employé en cette entreprise ; mais, en effet, la Cour était si corrompue pour lors, qu’à peine s’en fût-il trouvé un autre capable de sauver l’État par sa fidélité et son courage. […] Sully, jaloux et chagrin, s’en montrait fort scandalisé.

511. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard en a montré le développement et, comme on dirait en Allemagne, l’évolution dans l’histoire de notre littérature ; sans avoir jamais eu, à notre connaissance, le moindre commerce avec la philosophie de Hegel, M.  […] Au lieu de les considérer comme des imitateurs, fidèles à un type convenu, je voudrais qu’on les montrât surtout comme des inventeurs qui n’avaient pas eu de modèles, si originaux qu’on n’a pu les imiter, et qu’ils ont emporté avec eux non-seulement leur génie, mais la forme même dans laquelle ils l’avaient exprimé. […] Nisard a si bien pénétré le vrai caractère de notre génie dramatique : c’est on cherchant dans le drame, non la vérité extérieure ou la vérité de costume, mais la vérité morale, idéale, éternelle, qu’il nous a montré combien ce théâtre est beau. […] Bossuet est la plus grande imagination que nous ayons dans notre littérature, c’est une imagination biblique, homérique, grande, fière, simple, naïve, hardie, ayant toutes les qualités sans un seul défaut, et dans cet écrivain si surprenant, le premier de la France sans aucun doute, et qui n’a peut-être de rival dans toutes les littératures du monde que Platon, vous vous oubliez à nous faire admirer son bon sens, à nous montrer les limites de ses pensées, à lui faire un mérite de ces limites mêmes !

512. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

— Des faits nombreux montrent combien les relations mutuelles des êtres organisés et les obstacles réciproques à la multiplication des espèces qui ont à lutter les unes contre les autres en une même contrée sont complexes et imprévus. […] Or, Azara et Rengger ont montré qu’une certaine Mouche, très commune en cette contrée, dépose ses œufs dans le nombril de ces animaux nouveau-nés et les fait périr. […] Je suis tenté de donner encore un exemple pour montrer comment les plantes et les animaux les moins élevés dans l’échelle naturelle sont reliés ensemble par un réseau de relations complexes. J’aurai plus loin l’occasion de montrer que le Lobelia fulgens exotique n’étant jamais visité par des insectes en certaine partie de l’Angleterre, il résulte de sa structure particulière qu’il ne peut jamais produire de graines.

513. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Les bêtes non plus, parce qu’elles ne font aussi attention qu’à une seule chose, et quand une autre les en détourne, elles s’y tournent tout entières… Mais les rieurs ne considérant les choses qu’avec légèreté et s’en laissant détourner facilement, pour nous montrer que ces gens-là sont intermédiaires entre l’homme et la bête, on a imaginé les satyres rieurs… » Classification profonde ! […] C’est Bonald, le grand Bonald, à présent dédaigné, mais qui un jour reprendra d’autorité, si le monde n’est pas irrémédiablement assotti, le respect immense qu’on lui doit ; c’est Bonald qui définissait superbement l’homme : « Une intelligence servie par des organes. » Eh bien, Henri Heine a montré plus superbement encore que Bonald lui-même ne l’avait dit, que l’intelligence pouvait se passer même des organes ! Il a montré que Reine trahie et abandonnée, elle pouvait, à elle seule, faire toute la besogne, et que la besogne était encore mieux faite, par ses royales mains, que par les mains de ses serviteurs. […] Scarron, qui tirait la langue à la Douleur, comme ces polissons de lazzaroni montrent leur derrière au Vésuve, a ri toute sa vie et n’a pleuré qu’une fois et une seule larme, qu’il a enchâssée, comme une perle, dans son épitaphe… Scarron, le rieur comme un satyre ou comme un singe, Scarron, le cynique cul-de-jatte, qui dansait sur sa jatte, ce clown de l’esprit dans un corps brûlé et fricassé par tous les moxas de l’incendie, n’existe plus dans la mémoire des hommes que par les souffrances qu’il a endurées en riant.

514. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Parti simple soldat, Amédée Rothstein fut promu sous-lieutenant, puis cité à l’ordre de l’armée pour avoir « montré une fougue et un sang-froid remarquables, qui ont fait l’admiration des officiers d’infanterie et de ses hommes », enfin nommé chevalier de la Légion d’honneur pour «  s’être particulièrement distingué le 25 septembre 1916 en sortant le premier des tranchées et en entraînant vigoureusement ses hommes, ce qui a contribué à donner un élan superbe à la première vague d’assaut ».‌ […] Telles quelles, ces dix pages, où il écoute le peuple juif parler, montrent son idée fixe, son obsession des souffrances et des espoirs d’Israël, et son regard tourné vers la Palestine. […] Après ils pourront travailler, s’il leur plaît, à l’œuvre supra et internationale, mais d’abord il fallait montrer par le fait qu’on n’est pas au dessous de l’idéal national… (Lettres communiquées.)‌ […] Un long cortège d’exemples vient de nous montrer Israël qui s’applique dans cette guerre à prouver sa gratitude envers la France.

515. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Je voudrais montrer que derrière des objections des uns, les railleries des autres, il y a, invisible et présente, une certaine métaphysique inconsciente d’elle-même — inconsciente et par conséquent inconsistante, inconsciente et par conséquent incapable de se remodeler sans cesse, comme doit le faire une philosophie digne de ce nom, sur l’observation et l’expérience —, que d’ailleurs cette métaphysique est naturelle, qu’elle tient en tout cas à un pli contracté depuis longtemps par l’esprit humain, qu’ainsi s’expliquent sa persistance et sa popularité. […] La supputation des probabilités, à laquelle on fait appel, nous montrerait que c’est impossible, parce qu’une scène où des personnes déterminées prennent des attitudes déterminées est chose unique en son genre, parce que les lignes d’un visage humain sont déjà uniques en leur genre, et que par conséquent chaque personnage — à plus forte raison la scène qui les réunit — est décomposable en une infinité d’éléments indépendants pour nous les uns des autres : de sorte qu’il faudrait un nombre de coïncidences infini pour que le hasard fît de la scène de fantaisie la reproduction d’une scène réelle 7 : en d’autres termes, il est mathématiquement impossible qu’un tableau sorti de l’imagination du peintre dessine, tel qu’il a eu lieu, un incident de la bataille. […] J’ai montré ailleurs qu’elle se contredit elle-même dès qu’on la prend au mot. […] Or, une étude plus approfondie des diverses aphasies montrerait précisément l’impossibilité d’assimiler les souvenirs à des clichés ou à des phonogrammes déposés dans le cerveau : à mon sens, le cerveau ne conserve pas les représentations ou images du passé ; il emmagasine simplement des habitudes motrices.

516. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Mérimée le vit, Fauriel avait sur sa table un ouvrage qu’il lui montra. […] Mme Récamier, l’ayant reçue, la montra aussitôt et la lut autour d’elle. […] J’ai dit le bien et montré le beau côté : je tiens aussi à ne pas dissimuler le revers. […] Y avait-il donc déjà en français un tel essai systématique pour qu’on se montrât si exigeant et si intraitable du premier coup ? […] D’autres, depuis, se sont montrés encore plus durs que lui pour Auguste, à qui l’on fait maintenant un crime d’avoir été un politique profond et d’avoir donné quarante années de paix au monde.

517. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Je viens de vous le montrer par l’exemple du moyen-âge, tout grossier et imparfait qu’ait été ce moyen-âge. […] sans doute, mais par la même raison que je viens de montrer qu’il en faut une au peuple, et non par une autre raison. […] Augustin termine un sermon sur le mariage par montrer aux femmes que le vrai mariage est celui qu’elles doivent contracter dans la céleste Jérusalem. […] Je dirai ici, du mariage, qu’il est absurde et inique de conserver dans vos codes le serment d’obéissance de la femme, quand vous ne pouvez plus lui montrer le prix de cette obéissance. […] Ils les montrent à leurs élèves dans leurs amphithéâtres, et disent : « L’homme qui avait ce cerveau a obéi à sa nature ; il était déterminé fatalement au crime. » Bien, Docteurs !

518. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Il en est quelques-uns que j’ai gardés pour la bonne bouche et qui montrent que, si positivement dénuée d’idéal que soit une société, son instinct l’avertit qu’il n’est point de vraie élégance hors du commerce des Muses et que c’est d’elles que l’esprit reçoit son vernis suprême. […] Les poètes eussent dû se montrer reconnaissants vis-à-vis de ces deux bienfaitrices et les tenir en particulière estime, mais on se piquait alors de « rosserie » et la « goujaterie » était assez bien portée.

519. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

L’auteur n’osoit se montrer. […] Celles de la cour de Philippe-le-Bel, qui se piquoient de montrer de l’esprit & des talens, prirent la défense de leur sexe.

520. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

S’il considère la nature humaine en général, il en fait cette peinture si connue et si étonnante : « La première chose qui s’offre à l’homme, quand il se regarde, c’est son corps, etc. » Et ailleurs : « L’homme n’est qu’un roseau pensant, etc. » Nous demandons si, dans tout cela, Pascal s’est montré un faible penseur ? […] Ce n’était pas par défaut de génie, sans doute, que ce Pascal, qui, comme nous l’avons montré, connaissait si bien le vice des lois dans le sens absolu, disait dans le sens relatif : « Que l’on a bien fait de distinguer les hommes par les qualités extérieures !

521. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

Des emplois, ou trop élevez ou trop bas, une éducation qui semble éloigner l’homme de génie de s’appliquer aux choses pour lesquelles il est né, rien ne sçauroit l’empêcher de montrer du moins qu’elle étoit sa destinée, quand même il ne la remplit pas. […] Tous ces grands hommes ont montré que c’est la nature, et non pas l’éducation, qui fait les poëtes.

522. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Avec les gens simples et sans vanité, comme Mustel, comme le Genevois Duval, Taubenheim et Ducis, il était tel que ses ouvrages le montrent, tel que nous le voyons dans ses promenades au mont Valérien avec Rousseau, quand il reçut de lui, comme on l’a dit heureusement, le manteau d’Élie, tel enfin que l’aimait sa vieille bonne Marie Talbot ; mais il ne fallait qu’un certain vent venu du monde pour réveiller ses âcretés et ses humeurs. […] Saint-Martin, dans sa discussion publique avec Garat, se montra bien supérieur en modération et en arguments à Bernardin dans les aigres disputes que celui-ci soutint ou engagea contre Volney, Cabanis, Morellet, Suard et Parny, à l’Institut. […] Il y est montré dans une essentielle discussion que « Milton a copié les amours d’Adam et d’Ève sur les amours de la terre, quoiqu’il en ait magnifiquement embelli les couleurs ; mais il n’avait trempé tout au plus qu’à moitié son pinceau dans la vérité. » Le grand succès de vente des Études mit l’auteur à même d’acheter une petite maison rue de la Reine-Blanche, à l’extrémité de son faubourg. […] Qu’il est bien, par exemple, de nous montrer, à la fin d’une scène joyeuse, Virginie à qui ces jeux de Paul (d’aller au-devant des lames sur les récifs et de se sauver devant leurs grandes volutes écumeuses et mugissantes jusque sur la grève) font pousser des cris de peur ! […] Nulle part il n’a montré aussi vivement que dans ces deux ouvrages, et dans la Chaumière surtout, qui, après Paul et Virginie, approche le plus, comme a dit Chénier, de la perfection continue, ce tour de pensée et d’imagination antique, oriental, allant naturellement à l’apologue, à la similitude, qui enferme volontiers un sens d’Ésope sous une expression de Platon, dans un parfum de Sadi.

523. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Le Tasse reconnaît lui-même plus tard, dans deux passages de ses œuvres, écrits hors des États de Ferrare (huitième et dixième volume de ses lettres), que le duc de Ferrare, dans cette circonstance, lui montra l’affection « non d’un maître, mais d’un frère et d’un père ». […] L’indifférence que ce prince montra bientôt après à l’éloignement ou au retour du poète confirme cette supposition ; rien jusqu’à cette époque ne révéla que de l’affection et de la pitié dans le cœur d’Alphonse pour le Tasse. […] J’ai pensé enfin qu’il serait bon de montrer ainsi au duc que, si j’avais péché autrefois par trop d’ombrages et de défiance, je me livrais maintenant à lui avec un abandon sans réserve. » Comment concilier cet aveu avec les aspirations éthérées et désintéressées d’une passion aussi exclusive et aussi immatérielle qu’un noble amour ? […] Je vous supplie de m’écrire un mot de consolation que je puisse montrer à cet infortuné génie. […] Heureux d’avoir rencontré un pareil hôte, je lui dis que je serais charmé de profiter de son offre le plus tôt possible ; à ces mots, il me montra sa maison.

524. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Nos guides nous les montraient du doigt, et criaient : Balbek ! […] Il faudrait la force réunie de soixante mille hommes de notre temps pour soulever seulement cette pierre ; et les plates-formes des temples de Balbek en montrent de plus colossales encore, élevées à vingt-cinq ou trente pieds du sol, pour porter des colonnades proportionnées à ces bases ! […] Sur cette immense plate-forme, l’extrémité des grands temples se montrait à nous, détachée de l’horizon bleu et rosé, en couleur d’or. […] C’était un beau vieillard aux cheveux et à la barbe d’argent, à la physionomie grave et douce, à la parole noble, suave et cadencée, tout-à-fait semblable à l’idée du prêtre dans le poème ou dans le roman, et digne en tout de montrer sa figure de paix, de résignation et de charité dans cette scène solennelle de ruines et de méditation. […] Ce golfe était à vingt lieues de nous, mais la transparence de l’air nous le montrait comme à nos pieds et nous distinguions même deux navires à la voile qui, suspendus entre le bleu du ciel et celui de la mer, et diminués par la distance, ressemblaient à deux cygnes planant dans notre horizon.

525. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Pour montrer à quelle hauteur Wagner a porté l’art de la musique, il est nécessaire de considérer l’état de dégradation où il est tombé dans notre théâtre moderne. […] Nous n’insisterons pas plus longtemps sur la technique de l’art wagnérien ; et nous allons la montrer appliquée au drame de Parsifal en suivant comme ordre dans notre étude l’observation des différentes espèces de mimique, que Wagner a indiquées. […] Ces deux personnages, en effet, montrent dans leur action un progrès continu. […] Nous avons montré dans le premier acte cette émotion intérieure que l’innocent éprouvait devant la passion du Gral, cette douleur compatissante qui le frappait au cœur. […] On a vu plus haut quels principes de mimique Wagner avait établis dans ses œuvres théoriques ; l’étude du drame vient de nous les montrer appliqués.

526. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Le peintre ardent des Orientales, le magnifique et le puissant de la Légende des Siècles, qui faisait ruisseler la couleur par si larges touches, n’a plus maintenant, pour peindre ce qu’il voit ou ce qu’il veut montrer, qu’un hachis de hachures pointues… Voyez son pendu, dans ce premier volume de l’Homme qui rit, cette description qui dure le temps d’une dissertation, et qui n’est, après tout, qu’un cul-de-lampe extravasé, malgré sa visée d’être un tableau net et terrible ! […] L’impossible est aussi dans Gwynplaine, dans cet homme qui ne rit que parce qu’on lui a taillé au couteau un rire dans la face, et qui, dit l’auteur, faisait contagieusement rire, à se tordre, les foules rassemblées, dès l’instant seul qu’il se montrait. […] Je le traite en artiste fort, en homme qui doit savoir la nature humaine et la faire vibrer à commandement quand il lui plaît ; mais qui, malheureusement, n’a montré dans son Homme qui rit ni art, ni âme, ni nature humaine ! […] Le faire entendre, c’était tout simple, mais il trouve plus ingénieux, et vraiment cela l’est, mais cela l’est trop, de le montrer à Lantenac, ce tocsin, qui sonne à vingt endroits différents dans le paysage, par l’agitation de la corde de la cloche, se détachant, grêle, sur la lumière, dans la cage à jour des clochers, et cela à des distances où il est encore plus difficile de voir que d’entendre ! […] S’ils avaient pensé à montrer dans leurs œuvres l’hydre de la Convention française, ils l’auraient ressuscitée dans une de ces journées terribles qui avaient leur monstrueuse beauté, et ils ne se seraient pas contentés de la nomenclature des noms de ses membres, avec des étiquettes tirées des mots qu’ils dirent et dont plus de moitié sont des platitudes et le reste des déclamations !

527. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Marcel Prévost pour nous montrer ces perverses sans provoquer de répulsion. […] C’est alors qu’ils reconnaîtront que mieux vaut laisser un homme aveugle toute sa vie que lui montrer le ciel et la terre quand on ne peut les lui montrer qu’un seul jour. […] Pour lui l’artiste doit avant tout aimer la vie et nous montrer qu’elle est belle. […] Deux courtes citations, pour montrer la variété de note et la largeur de la voie où est entré ce naturaliste. […] On eût dû le conserver l’armée, pour le montrer en exemple aux jeunes soldats.

528. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Taine nous a montré dans son héros une volonté uniquement et une sensibilité. […] Imiter la nature, c’est donc montrer des individus qui agissent, qui gesticulent, qui parlent, et l’artiste les montrera d’autant mieux qu’il s’effacera davantage. […] Cet objet n’est pas décrit, il est montré, dans sa solidité, dans son relief, j’allais dire dans ses trois dimensions. […] Mais le poète le sait : il ne suffit pas de voir pour montrer. […] S’il le dissimule, il risque d’être superficiel et de ne pas montrer les causes profondes.

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