/ 2394
854. (1860) Ceci n’est pas un livre « À M. Henri Tolra » pp. 1-4

Le lecteur moderne est un enfant : il faut lui couper ses romans par feuilletons, pour qu’il consente à prendre sa nourriture intellectuelle.

855. (1925) Dissociations

Aussi les religieux modernes, qui s’en servent comme d’un appât, ont-ils placé le bonheur dans une vie future où il est invérifiable. […] Aussi passa-t-il toutes ses années de liberté à chercher et il trouva du moins le principe de tant d’inventions modernes qu’il faut le ranger, en tant qu’homme de science, parmi les modernes : c’est un esprit contemporain. […] Les Crésus modernes ne ressemblent guère aux anciens. […] Les Américains ont cité en tête des merveilles modernes, le four électrique ! […] Gamme ce qu’on a conservé du vieux Rouen, ce qu’on a supprimé aurait très bien pu s’accommoder à la civilisation moderne.

856. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Et si l’on s’étonnait de voir un magistrat accorder cette importance aux choses militaires, n’a-t-on pas l’exemple de Machiavel, secrétaire de Florence, qui, le premier chez les modernes, a développé les principes de l’art de la guerre ? […] M. de Meilhan avait traduit Tacite : il a fait là une vignette à Tacite, vignette moderne, originale, et d’une vérité poignante. […] Il devançait, en théorie et en espérance romantique, les jeunes modernes d’il y a trente ans.

857. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Roger Bacon, ce moine de génie, aborde les sciences, envisage en face l’autorité et la réduit à ce qu’elle est : « L’autorité n’a pas de valeur, dit-il, si l’on n’en rend compte : elle ne fait rien comprendre, elle fait seulement croire. » Lui, il ne veut plus croire, mais vérifier ; et, arrachant à l’antiquité son titre même, le retournant au profit de l’avenir, il pose ce principe du progrès moderne, que « les plus jeunes sont en réalité les plus vieux ». […] pourquoi pense-t-il de la plupart des architectes modernes les mieux établis et les plus favorisés que ce sont gens qui, pleins des formes du passé, — d’un passé lointain, — et obéissant à une idée préconçue, procèdent dans leur œuvre du dehors au dedans, font d’abord une boîte pour les yeux, un couvercle de grande apparence selon les règles dites du beau, et qui ne songent qu’ensuite et secondairement à ce qui sera à l’intérieur, à ce qui doit s’y loger, y agir, s’y mouvoir et s’en accommoder ? […] ils ont aimé l’uniformité, la régularité en tout temps et en tout lieu ; eux aussi, ils auraient pu dire, comme un illustre préfet moderne : « Il entre toujours les trois quarts au moins d’administration dans ce qu’on appelle architecture », quoiqu’encore dans leurs villas, leurs thermes, leurs basiliques, ces mêmes Romains aient songé principalement, et largement pourvu à la destination, à la commodité présente et à l’usage.

858. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Malgré ces heureux ravitaillements, il est bien clair qu’auprès de la plupart, en cette société moderne, l’école du style, soit académique, soit non académique, perd en crédit, en importance, qu’on l’apprécie moins et qu’on s’en passe ; qu’à voir tant de gens se jeter à l’eau d’abord et apprendre ensuite d’eux-mêmes à nager, on en estime moins les préceptes de la natation, et qu’un moment viendra où (je le répète), sans être pourtant insensible à un certain tour et à un certain éclat d’expression, on ira surtout aux faits, aux idées, aux notions que portera le bien dire ou le style. […] Deschanel aidera à cette œuvre dont l’idée est toute moderne ; il s’est plu à rassembler dans son volume les exemples les plus saillants à l’appui de sa thèse, en même temps que les témoignages et les textes qui la favorisent. […] Et pourtant je sens la force ou plutôt l’agrément des raisons qu’on m’oppose ; je le sens si bien, que je suis tenté parfois de m’y associer et de pousser aussi mon léger soupir ; tout en marchant vers l’avenir, je suis tout prêt cependant, pour peu que j’y songe, à faire, moi aussi, ma dernière complainte au passé en m’écriant : Où est-il le temps où, quand on lisait un livre, eût-on été soi-même un auteur et un homme du métier, on n’y mettait pas tant de raisonnements et de façons ; où l’impression de la lecture venait doucement vous prendre et vous saisir, comme au spectacle la pièce qu’on joue prend et intéresse l’amateur commodément assis dans sa stalle ; où on lisait Anciens et Modernes couché sur son lit de repos comme Horace pendant la canicule, ou étendu sur son sofa comme Gray, en se disant qu’on avait mieux que les joies du Paradis ou de l’Olympe ; le temps où l’on se promenait à l’ombre en lisant, comme ce respectable Hollandais qui ne concevait pas, disait-il, de plus grand bonheur ici-bas à l’âge de cinquante ans que de marcher lentement dans une belle campagne, un livre à la main, et en le fermant quelquefois, sans passion, sans désir, tout à la réflexion de la pensée ; le temps où, comme le Liseur de Meissonier, dans sa chambre solitaire, une après-midi de dimanche, près de la fenêtre ouverte qu’encadre le chèvrefeuille, on lisait un livre unique et chéri ?

859. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Le caractère de ce premier écrit de M. de Barante a donc été d’introduire une vue moderne dans la critique. […] M. de Barante eu l’honneur, en ce grand mouvement historique qui fait encore le lot le plus clair de notre moderne conquête, d’introduire une variété à lui, un vaste échantillon qu’il ne faudrait sans doute pas transposer à d’autres exemples, mais dont il a su rendre l’exception d’autant plus heureuse en soi et plus piquante. […] Les grands désastres de Charles appartiennent en propre à l’histoire de la Suisse, dont ils sont comme le plus glorieux butin, et, par cet aspect, ils ont rencontré naturellement pour narrateur et pour peintre l’admirable Jean de Muller, le plus antique des historiens modernes.

860. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Toutes ces brillantes chevauchées de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier ne nous valurent pas un pouce de terre ; mais elles nous mirent à notre tour en possession de ce trésor des lettres antiques, au partage duquel nous allions bientôt appeler toute l’Europe occidentale dans la langue la plus communicative du monde moderne. […] Il dit plus loin qu’« en suivant et en contrefaisant la veine du noble poète Ovide, il a voulu faire sçavoir à ceux qui n’ont la langue latine, de quelle sorte Ovide escrivoit, et quelle différence peut estre entre les anciens et les modernes. » Où il ne croyait faire voir que des différences, sa traduction trahit l’infériorité des modernes à cette époque.

861. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Bourget, si l’on en juge par la Physiologie de l’amour moderne. […] France, — en observant combien c’est une condition défavorable à ce qu’on pourrait appeler l’éducation métaphysique des facultés affectives, que la nécessité même, pour un homme moderne, d’adhérer de sa mesure à la vie sociale, et, pour un homme de lettres, celle de produire qui est encore moins sympathique. […] France et de son embonpoint, qu’un écrivain trapu et débonnaire, heureux de s’isoler dans l’anachronisme d’une vie spéciale qui ne s’adoucit, au sens moderne, que de ce qu’elle ne peut refuser à l’époque, — l’on observera que cet écrivain, qui est réellement M. 

862. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

D’Estrigaud, dans la Contagion, prétendait personnifier le Roué moderne. […] Décidément ce Satan moderne est un pauvre diable ; il rabâche et il se répète ; ses fourberies montrent la corde et ses trucs ont déjà servi. […] Emile Augier, qui a montré tant de fois un sens si net et si clair de la vie moderne, devient légendaire dès qu’il met le journal en scène.

863. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Enfin, quelle que soit la place qu’on occupe soi-même dans la grande bagarre humaine dont nous faisons tous partie, on ne peut plus méconnaître en lui un philosophe politique du premier ordre, un de ceux qui, en nous éclairant sur l’esprit d’organisation des anciennes sociétés, donnent le plus à penser sur les destinées et la direction future des sociétés modernes. […] Pour lui, il la jugeait plus diversement et plus gaiement : Je ne connais pas, dit-il dans une lettre, de tête aussi complètement pervertie ; c’est l’opération infaillible de la philosophie moderne sur toute femme quelconque ; mais le cœur n’est pas mauvais du tout : à cet égard on lui a fait tort. […] On voit combien tout ceci ne saurait s’appliquer à la France qui n’eut jamais une telle aristocratie patriotique et politique, ni aux sociétés modernes qui n’en souffrent plus.

864. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Beaumarchais y allait plus à cœur ouvert ; et, en même temps, il avait le genre de plaisanterie moderne, ce tour et ce trait aiguisé qu’on aimait à la pensée depuis Voltaire ; il avait la saillie, le pétillement continuel. […] En voilà une qui se présente : une veine franche y jaillit, elle frappe, elle monte, elle amuse ; l’esprit moderne y prend une nouvelle forme, bien piquante, bien folle et bien frondeuse, bien à propos. […] Beaumarchais est le littérateur qui s’est avisé de plus de choses modernes, bonnes ou mauvaises, mais industrieuses à coup sûr et neuves.

865. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Un tel classique a pu être un moment révolutionnaire, il a pu le paraître du moins, mais il ne l’est pas… il n’a renversé ce qui le gênait que pour rétablir l’équilibre “au profit de l’ordre et du beau”… » C’est aussi : « Les écrivains d’un ordre moyen, justes, sensés, élégants, toujours nets, d’une passion noble et d’une force légèrement voilée… écrivains modérés et accomplis… Cette théorie dont Scaliger a donné le premier signal chez les modernes est la théorie latine à proprement parler et elle a été aussi pendant longtemps la théorie française… Le chef-d’œuvre que cette théorie aimait à citer c’est Athalie. » En somme, c’est ici la théorie de l’unité soutenue par Buffon dans le Discours sur le style, et Sainte-Beuve conclut : « Il n’y a pas de recettes pour faire des classiques : ce point doit être enfin reconnu évident. […] Avec Zarathoustra, c’était, mêlée aux inquiétudes modernes, toute la lumière d’Hellas qui venait à nous, ses méthodes, son âme, ses erreurs, sa volupté précise. […] Ils fondèrent le Collège d’Esthétique Moderne ; ils organisèrent des expositions de peinture, des conférences avec une activité un peu fébrile et une bonne volonté qu’on a trop oubliée.

866. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

La faculté de droit n’habite plus un vieux bâtiment gothique, mais elle parle goth sous les superbes arcades de l’édifice moderne qu’on lui a élevé13. […] La Faculté de théologie a réglé les études sur les circonstances présentes ; elles sont tournées vers la controverse avec les protestants, les luthériens, les sociniens, les déistes et la nuée des incrédules modernes. […] Peut-on être un grand poëte et ignorer les langues anciennes et quelques-unes des langues modernes ?

867. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Voyez s’il y a beaucoup de poèmes dans la littérature moderne qui commencent avec ce nombre, cette vigueur de mouvement et cette majesté ! […] Il n’a pas imité Alexandre Soumet (un autre peintre moderne de l’enfer !) […] , joué mieux dans leur bagne, et depuis que la poésie moderne leur a permis de faire de leur boulet qui traîne un bilboquet qui saute, elles n’ont jamais engagé de pareille partie !

868. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Sa manière sert de transition entre la caricature telle que la concevait celui-ci et la caricature plus moderne de Charlet, par exemple, dont j’aurai à parler tout à l’heure. Charlet, qui est de la même époque que Pigal, est l’objet d’une observation analogue : le mot moderne s’applique à la manière et non au temps. […] Je veux parler maintenant de l’un des hommes les plus importants, je ne dirai pas seulement de la caricature, mais encore de l’art moderne, d’un homme qui, tous les matins, divertit la population parisienne, qui, chaque jour, satisfait aux besoins de la gaieté publique et lui donne sa pâture.

869. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Seconde patrie des arts, foyer de notre Occident moderne, vous que la France de 1800 aurait dû délivrer, quels événements et quelles leçons vous avez offerts, au début de ce siècle ! […] C’est là que grandit un poëte né à Cuba, au commencement du siècle, d’un père jurisconsulte et partisan des idées modernes. […] Ne paraîtra-t-elle pas souvent, jusque dans son abondance native, une imitation de notre art moderne, et ne nous rendra-t-elle pas comme une image affaiblie de notre dernier âge poétique ?

870. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Ils sont « modernes », et irrespectueux autant de l’antiquité classique que de l’école littéraire de 1660. […] La science moderne date du xviie  siècle. […] Les sciences ont été d’abord pour lui un élément essentiel de la querelle des anciens et des modernes. […] On sait que Marivaux est un « moderne », ce que je ne songe nullement à lui reprocher ; car non seulement il est permis d’être « moderne », mais il n’est pas mauvais de l’être, quand on est artiste, pour avoir le courage d’être original. […] Il arrive à la vie littéraire au moment d’une grande croisade des « modernes », et il prend parti contre les modernes avec décision.

871. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cladel, Léon (1834-1892) »

Léon Cladel, le nouveau peintre, va, sous la blouse et sous la peau, saisir le vice principal du paysan moderne, qui est, dit-il, l’avarice.

872. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

Malheur aux François modernes que ces sortes de peintures ne toucheroient pas, & qui préféreroient l’art froid de raisonner à cette noble sensibilité, seule capable de former des Héros & des Sages !

873. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 489-492

Est-ce d’abord par le rare discernement qu’il fit paroître, en préférant le mérite des Modernes à celui des Anciens ?

/ 2394