Comme ils sont naturellement penseurs et méditatifs, ils placent leurs idées abstraites, et les développements et les définitions dont leurs têtes sont occupées, dans les scènes les plus passionnées ; et les héros, et les femmes, et les anciens, et les modernes tiennent tous quelquefois le langage, d’un philosophe allemand. […] Peut-être fallait-il faire dire aux anciens ce qu’on voulait apprendre aux modernes, et rappeler le passé comme servant d’allégorie pour le présent. […] Leurs historiens, à la tête desquels il faut mettre Schiller et Müller, sont aussi distingués qu’on peut l’être en écrivant l’histoire moderne.
C’étaient des traductions d’ouvrages étrangers, des recueils de chants populaires ou d’anciennes poésies, des études d’histoire littéraire, des voyages : toute l’Europe, pour ainsi dire, de la Grèce à l’Écosse, et toutes les œuvres modernes, des troubadours à Byron, investirent l’idéal classique et le dépossédèrent714. […] Bonaparte, par les épiques promenades de ses armées, offre à Gros des sujets modernes : Abonkir, Jaffa, Eylau, les Pyramides ; et sons la contrainte de la réalité prochaine, le peintre est conduit à caractériser les types ethniques, à s’inquiéter d’une couleur locale. […] Chants populaires de la Grèce moderne, 2 vol. in-8. 1825.
M. de Maistre peint quelque part la science moderne « les bras chargés de livres et d’instruments de toute espèce, pâle de veilles et de travaux, se traînant souillée d’encre et toute pantelante sur le chemin de la vérité, en baissant vers la terre son front sillonné d’algèbre ». […] C’est le caractère et la gloire de la science moderne d’arriver aux plus hauts résultats par la plus scrupuleuse expérimentation et d’atteindre les lois les plus élevées de la nature, la main posée sur ses appareils. […] Toute cette dépense de force intellectuelle n’est pas perdue, si ces controverses ont fourni un atome à l’édifice de la pensée moderne.
En effet, si par exemple lorsque je rencontre dans Platon la distinction de l’âme et du corps, je développe ses arguments au point d’en tirer tout ce qu’ils peuvent contenir, et si je traite à fond cette question, je n’ai plus aucune curiosité de savoir ce qu’en ont pensé Descartes et les modernes. […] Je néglige tout ce qu’il a écrit sur la philosophie moderne, ses livres sur Locke, sur Kant, sur l’école écossaise, qui sont des travaux de controverse philosophique plutôt que de critique historique, mais qui n’en ont pas moins contribué à répandre parmi nous la connaissance des écoles modernes.
La superstition en faveur de l’antiquité nous fait supposer que les anciens se sont toujours exprimés de la manière la plus heureuse ; notre ignorance tourne au profit du modèle et au détriment de la copie : le traducteur nous paraît toujours, non au-dessous de l’idée que l’original nous donne de lui-même, mais au-dessous de celle que nous en avons : et pour rendre la contradiction entière, nous admirons en même temps cette foule de latinistes modernes, dont la plupart, insipides dans leur propre langue, nous en imposent dans une langue qui n’est plus ; tant il est vrai qu’en fait de langues, comme en fait d’auteurs, tout ce qui est mort a grand droit à nos hommages. […] Nous n’ignorons pas que des littérateurs modernes qui se piquaient d’esprit philosophique, et qui en ont montré quelquefois, ont soutenu l’opinion contraire ; absurdité qu’on a, suivant l’usage, très injustement reprochée à l’esprit philosophique, qui était bien éloigné de la dicter. […] De toutes les langues modernes cultivées par les gens de lettres, l’italienne est la plus variée, la plus flexible, la plus susceptible des formes qu’on veut lui donner ; aussi n’est-elle pas moins riche en bonnes traductions qu’en excellente musique vocale, qui n’est elle-même qu’une espèce de traduction.
C’est Spinoza agrandi par Aristote, et debout sur cette pyramide de sciences que l’expérience moderne construit depuis trois cents ans. […] Il prouvait qu’il y avait trois époques historiques, « ni plus, ni moins », celle de l’infini, celle du fini, et celle de leur rapport ; puis monté sur un char attelé de quatre systèmes, et traversant l’empyrée philosophique, partout, en Orient, en Grèce, au moyen âge, aux temps modernes, il distribuait en quatre compartiments les doctrines qu’il connaissait et les doctrines qu’il ne connaissait pas39. […] Je prends pour doctrine « cette philosophie qui commence avec Socrate et Platon, que l’Évangile a répandue dans le monde, que Descartes a mise sous les formes sévères du génie moderne, qui a été au dix-septième siècle une des gloires et des forces de la patrie, qui a péri avec la grandeur nationale, et qu’au commencement de celui-ci M.
Léon Laya, renouvellent avec fraîcheur et dans un tour bien moderne ce thème, si cher à l’ancienne comédie depuis et même avant Les Adelphes de Térence, de deux pères ou oncles, l’un sévère, l’autre indulgent, et qui, par ce régime contraire auquel ils soumettent leurs fils ou leurs neveux, arrivent en leur personne à un résultat opposé qui juge la méthode et donne en définitive gain de cause à l’indulgence. […] Mais cette morale n’est pas précisément celle qui répond au but indiqué par l’arrêté ; elle est à l’adresse des pères plus encore que des enfants, et ce ne serait en bonne logique qu’une juste conséquence si un fils aimable, morigéné le matin par son père pour quelques dissipations, et assistant le soir avec lui à la représentation des Jeunes Gens, lui disait, de ce ton de familiarité qu’autorisent les mœurs modernes : “Eh bien, qui de nous deux, ce matin, avait raison ?
Henri Rochefort, Émile Bergerat, Alphonse Allais, Étienne Grosclaude n’ont point d’analogues dans l’antiquité, et j’ose dire qu’ils n’ont, dans les temps modernes, que de vagues précurseurs : Swift, si vous voulez, et un peu Rabelais pour l’ironie méthodique du fond ; Cyrano et les grotesques du XVIIe siècle pour le comique du vocabulaire… Encore est-ce une concession que je vous fais. […] Les Gaietés de l’année, par Grosclaude, 3e année Librairie moderne.
Ces solutions satisfont aux problèmes constants que lui semble soulever la vie moderne. […] Sa critique est d’une sincérité grave qui convainquit, et elle parut toute nouvelle et forte parce qu’elle exprimait avec un dogmatisme professoral des préférences assez modernes.
La situation de l’homme moderne, au milieu des secousses et des perpétuelles transformations sociales, est celle d’un acrobate obligé de se maintenir en équilibre sur une boule en mouvement. […] Laforgue rêve d’écrire « l’histoire, le journal d’un Parisien de 1880 qui souffre, doute et arrive au néant et cela, dans le décor parisien, les couchants, la Seine, les averses, les pavés gras, les Jablochkoff, et cela, dans une langue fouillée et moderne, sans souci des codes du goût, sans crainte du cru, du forcené, des dévergondages cosmologiques du grotesque, etc. ».
Les auteurs modernes, au contraire, spéculent et discourent beaucoup. […] N’étant point du métier, lorsque j’ai nommé Hippocrate et Galien parmi les anciens, Sydenham et Bœrhaave parmi les modernes, j’ai dit tout ce que je savais.
La couleur les a aveuglés, et ils ne peuvent plus voir et suivre en arrière l’austère filiation du romantisme, cette expression de la société moderne. […] Sur le pupitre vert placé devant lui sa main tient encore la lettre perfide : « Citoyen, il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance. » L’eau de la baignoire est rougie de sang, le papier est sanglant ; à terre gît un grand couteau de cuisine trempé de sang ; sur un misérable support de planches qui composait le mobilier de travail de l’infatigable journaliste, on lit : « A Marat, David. » Tous ces détails sont historiques et réels, comme un roman de Balzac ; le drame est là, vivant dans toute sa lamentable horreur, et par un tour de force étrange qui fait de cette peinture le chef-d’œuvre de David et une des grandes curiosités de l’art moderne, elle n’a rien de trivial ni d’ignoble.
Ce n’est pas sans raison que j’écris ce mot « ennui », en l’employant dans son sens moderne. […] Pour le sonnet donc, tu as Pétrarque et quelques modernes Italiens. […] Ils pénétrèrent, fécondèrent l’ombre humaine ; et naquit le monde moderne. […] Il est bien certain qu’il a créé le drame moderne qui n’a pas encore cessé d’être notre drame. […] Émile Goudeau a inventé une espèce de poésie moderne.
De la science moderne, glorieusement représentée par un Taine et par un Renan, à la religiosité moderne, représentée par M. […] Et il ajoutait : les fondateurs de l’esprit moderne sont des philologues. […] Pour être acquis par des oscillations successives, les résultats de la science moderne n’en sont pas moins précieux. […] En effet, le Français moderne, condamné à la laideur, est, aussi condamné à la misère. […] Tel est le questionnaire auquel devait répondre le second volume du Régime moderne.
Par exemple, croiriez-vous qu’il représente dans le théâtre moderne la moralité ? […] La France est un vieux pays, mais la société française moderne est très jeune ; elle date de soixante-dix ans à peine. […] » Et cet autre sur l’inquiétude moderne : « C’est un âge singulier que celui où nous vivons. […] Qu’est-ce que le plus grand poète de l’Italie moderne, le noble et malheureux Leopardi ? […] Je ne puis dire que cette découverte de nos modernes auteurs soit fausse.
À la querelle un peu puérile des Jobelins et des Uranistes avait succédé la querelle des Anciens et des Modernes. On était tout moderne autour de Mme de Lambert. […] Il faut faire encore honneur à Marivaux d’avoir introduit le premier dans le roman moderne l’analyse de l’amour. […] Seulement, au lieu de l’antique mythologie, c’est l’histoire moderne, c’est l’histoire contemporaine qui dessine le cadre de l’action. […] Le genre noble de la tragédie classique, par une évolution qu’on peut suivre à la trace, est devenu le genre plus familier du roman moderne.
Thiers ce qu’elle est en réalité dans nos États modernes, le suprême effort de civilisation d’un peuple pour se transformer en armée et pour se transporter en ordre et en force sur ses champs de bataille. […] On l’en a blâmé, nous l’en louons, et la postérité le louera avec nous de ce laborieux travail de décomposition et de composition des armées modernes. […] Thiers restera dans toutes les langues le plus beau volume de l’histoire moderne d’Espagne et de France. […] C’est le panorama militaire du globe ; seulement l’éternelle fumée du canon y voile trop tous les autres horizons de la civilisation moderne ; c’est l’histoire des armées plutôt que celle des peuples. […] Ces trois choses sont : un fort sentiment de gouvernement, une puissante science de l’administration, une haute glorification de la guerre quand elle est juste ; ces trois choses sont trois nécessités, et, nous ne craignons pas de le dire, trois vertus des civilisations nationales chez les peuples modernes.
Bossuet et la France moderne La France est toujours la fille aînée de l’Église, nul n’en saurait douter. […] J’oserai considérer le rôle de l’Église, dans l’histoire de la France moderne, à un point de vue quelque peu différent du point de vue en honneur, celui de la vérité simplement humaine, et je choisirai pour représenter cette Église, l’une de ses plus grandes gloires : Bossuet. […] C’est d’eux qu’aurait pu et qu’aurait du dater l’histoire de la France moderne, de ces affranchis héroïques, de ces vigoureux croyants « hérétiques », qui surent alors montrer, en dépit des persécutions et des massacres, ce que signifiait la Réforme pour la grandeur des États. […] La conception moderne de l’histoire et de la science sociale, ne permet plus d’ajouter ici aux ingénieuses théories de cette espèce. […] Pour une Saint-Barthélemy, vous avez la longue, l’immense révolution religieuse qu’on appelle Révocation de l’édit de Nantes, cette cruelle comédie de la conversion forcée, puis la tragédie inouïe d’une proscription organisée par tous les moyens bureaucratiques et militaires d’un gouvernement moderne !
Thiers, afin de rétablir, autant qu’il est en nous, les vrais principes de la raison moderne en matière de culte et les vrais sentiments du cœur humain en fait de mort politique. […] Partout, en tout temps, en tout pays, dans l’antiquité comme dans les temps modernes, dans les pays civilisés comme dans les pays sauvages, on le trouve au pied des autels, les uns vénérables, les autres ignobles ou sanguinaires. […] Mais, dans les temps modernes, le créateur d’une religion serait tenu pour un imposteur ; et, entouré de terreur comme Robespierre, ou de gloire comme le jeune Bonaparte, il aboutirait uniquement au ridicule. […] » Or, les vrais besoins du peuple qui venait d’accomplir la plus grande transformation des temps modernes, pour établir la liberté des consciences et l’égalité des croyances personnelles devant les lois et devant Dieu ; ces vrais besoins des peuples étaient-ils de reconstituer aussitôt après, au lieu de la religion volontaire et d’autant plus efficace qu’elle est plus volontaire, une religion d’État garantie à un souverain de la foi par un souverain des armes, investie de privilèges dont chacun était une limite à la liberté des autres cultes ? […] Ces deux livres sont l’histoire navale du monde moderne, depuis l’Armada de Philippe II.
C’est la querelle des anciens et des modernes, qui n’était pas simplement une vaine dispute de préséance entre les illustres du jour et les grands hommes d’autrefois, mais qui impliquait un choix sur le sens où il convient de pousser la jeunesse, et, par elle, l’humanité. […] L’histoire, surtout celle des temps modernes, leur inspira des craintes du même genre ; elle risquait de réveiller des souvenirs fâcheux, de remettre en lumière des faits qu’on eût été réduit à voiler ou à dénaturer et qu’il valait mieux laisser dans une ombre discrète. […] Les plus anciens d’entre nous rapportaient qu’à la veille des nouveaux événements le prix de composition de rhétorique s’était débattu entre deux plaidoyers à la manière de Sénèque l’orateur en faveur de Brutus l’ancien et de Brutus le jeune… Le lauréat fut encouragé par l’intendant, félicité par le gouverneur, couronné par l’archevêque. » Des jeunes gens ainsi encouragés, félicités, couronnés, pour s’être montrés bons avocats des actes les plus farouches qu’ait inspirés aux Romains l’amour de la liberté, étaient tout disposés à transporter dans la société moderne les idées antiques dont ils étaient remplis. […] Après l’épanouissement littéraire contemporain de Louis XIV, des auteurs pris parmi les modernes se glissent au programme. […] Croit-on que cette lente invasion des modernes dans un domaine qui, leur fut si longtemps interdit soit à négliger pour l’historien de la langue et de la littérature ?