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1522. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Les adverbes qui viennent des noms de qualité se comparent, justement, plus justement, très ou fort justement, le plus justement, bien, mieux, le mieux, mal, pis, le pis, plus mal, très mal, fort mal, &c. […] Mal nécessaire. […] C’est le son obscur de l’e muet de l’article simple le, & le changement assez commun en notre langue de l en u, comme mal, maux ; cheval, chevaux : altus, haut ; alnus, aulne (arbre) alna, aune (mesure) alter, autre, qui ont fait dire au au lieu de à le, ou de al. […] Tout ce que dit M. l’abbé Regnier pour faire voir que nous avons des datifs, me paroît bien mal assorti avec tant d’observations judicieuses qui sont répandues dans sa Grammaire. […] Et nous quoiqu’instruits des maux que le péché originel a introduits dans le monde. comme nous avons trouvé ce nom tout établi, nous l’avons conservé, quoiqu’il ne réveille pas aujourd’hui parmi nous la même idée de perfection, d’ordre & d’élégance.

1523. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Oui, nous dit-elle, mais à souper bien mal, car nous n’avons qu’un morceau de petit salé et de fromage de gruyère que mon mari et son garçon mangent le soir pour reprendre des forces aux bras. […] Ne nous refusez pas, cela nous ferait de la peine ; vous ne voulez pas laisser une amertume dans le pays où vous êtes venues chercher de bons souvenirs. » Madame D*** retenait mal ses larmes. […] Nous ne voulions pas lui faire de mal, au contraire : mais il était étonné que quelqu’un vînt troubler la solitude de son nid depuis cinq ou six ans qu’on n’avait plus entendu le sabot de votre cheval. […] Elles ne ressemblaient pas à des cours, mais à une forêt d’arbres de haute futaie et à de vieux vergers mal défrichés qui avaient laissé des troncs séculaires sur leurs ruines.

1524. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Il n’y a rien de plus grand en notre langue que ces pages finales des Tragiques, malheureusement un peu troubles et mêlées, par la faute de l’auteur qui n’a pas daigné nettoyer son chef-d’œuvre, et retirer les pièces manquées et mal venues. […] Le fond de l’esprit mondain, c’est de se séparer, avec tout ce qui le touche ou lui sert, de ce qui n’est pas le monde ; c’est d’établir, par-dessus la vulgaire distinction du vrai et du faux, du bien et du mal, un nouveau principe de distinction à l’aide duquel tout se jugera et se classera : ce principe est l’idée des convenances, qui crée un genre nouveau de beauté, la distinction ; une chose, un acte qui présentent une sorte de perfection supérieure dans la conformité aux convenances, sont distingues. […] Voilà comment l’influence de la société sur la littérature française-fut mêlée de bien et de mal. […] Il bégaie et n’a jamais pu prononcer son nom : car par malheur l’r et le c sont les deux lettres qu’il prononce le plus mal. » Ses distractions, sa naïveté qui prêtait aux mystifications, ont fait la joie de son siècle, et lui ont fait une légende.

1525. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Voltaire a dit beaucoup plus de mal de ses tragédies qu’il n’eût souffert qu’on en dît ; se trop critiquer touche à s’estimer trop. Combien j’aime mieux la sincérité de Corneille se rendant justice dans le bien et se faisant justice dans le mal ! […] du sublime dans le ridicule ; cette naïveté même, une des séductions de ce beau génie, qui lui fait mettre sa Mélite sur le même rang que ses chefs-d’œuvre, et trahit ainsi, jusque dans une connaissance si précise de son art, une si singulière illusion sur ses œuvres ; tant de maladresse dans une si grande habileté ; des défauts si peu soupçonnés par lui et si mal surveillés, parmi des qualités supérieures dont il paraît avoir une conscience si claire : tous ces contrastes ont de quoi confondre d’abord, et Corneille n’est guère moins étonnant par sa hauteur que par l’impuissance de s’y soutenir. […] Les circonstances extérieures y aidèrent ; mais le mal venait d’une fausse vue, et sous ce rapport Corneille est un grand exemple de ce que dit Descartes, qu’un homme est moins supérieur aux autres hommes par l’esprit que par l’emploi qu’il en fait.

1526. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Couturier (Henri l’Oiseleur), dont la voix de baryton s’accommode mal d’une partie vocale destinée à une basse véritable. […] Louis Besson… Le moment peut être mal choisi pour Lohengrin, mais soit ; ce qu’est Lohengrin, du pur Weber… Dans le Petit Bulletin du 8 avril, M.  […] Personne ne pourrait, plus savamment que lui, commenter Wagner et disputer des théories controversées ; cependant il préfère laisser la parole au maître lui-même, et se contente de répondre, en une courte préface, aux ignorants et aux perfides : « Voici ce que Wagner a écrit, ce qu’il a dit, ce « qu’il a pensé. » Il est pénible de constater à quel point le public est mal renseigné sur Wagner. […] Mais son infaillible instinct d’artiste et de poète lui a fait comprendre que la question de la destinée humaine, le désir d’une existence renouvelée, réparatrice de tous nos maux, la soif de la vérité, de la justice et de l’amour, étaient les grandes, les principales sources de poésie.

1527. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Jean Nesmy, les Égarés, qui a conquis le public en traçant une analyse impitoyable du mal dont souffre, au moment présent, toute une partie des éducateurs français : l’internationalisme. […] Ces coutumes leur assuraient la durée en les défendant elles-mêmes contre la fièvre des ascensions sociales trop rapides, tandis que de nos jours les plus dangereuses lois d’orgueil poussent l’individu à sortir de sa sphère, à dédaigner son milieu, à tendre vers un échelon qu’il est mal préparé à occuper dignement. […] Obligé de souligner le mal, de le peindre, de s’en servir comme d’un élément, suivant son but quand même et conformant son œuvre au secret idéal qu’il porte en son imagination de poète, il a fait du grand art et, sans pose ni artifice, de l’art fier et réconfortant. […] Et, précisément à l’heure où les Déracinés de Barrès dénonçaient le mal de l’exode du sol familial vers la grande ville, le Pays natal disait l’action réconfortante opérée sur une âme par le retour au foyer après les redoutables aventures parisiennes.

1528. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

De ces tentatives sont nées une science nouvelle et une nouvelle école : la science a reçu le nom assez mal choisi d’Esthétique11 ; l’école, plus malheureuse encore dans sa dénomination, s’est appelée le Romantisme. […] D’abord le mal lui-même a produit quelque bien : l’indifférence a fait naître l’impartialité, au moins pour les doctrines littéraires. […] Le grand mal c’est que nos critiques regardent leur œuvre comme un libre jeu de la fantaisie, et non comme un devoir. […] De là non seulement le mauvais nous inonde ; ce n’est là qu’un mal secondaire, le temps fait justice du mauvais ; mais le bon périt dans son germe, étouffé par l’indifférence.

1529. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

S’ils avaient pu faire du mal à Dieu, ils l’auraient fait. […] C’est une jeune fille comme il peut y en avoir dans tous les mondes, mal élevée comme on peut l’être dans tous les mondes, et dont on oublie, et qui oublie elle-même, son mauvais ton, à mesure que la vie la prend, la vie telle qu’elle est faite, sérieuse et quelquefois tragique… Il n’y a pas, à proprement parler, de bourgeois et de bourgeoisie là-dedans. […] L’analyse est ce qu’elle est, — plus ou moins bien faite, mais elle n’est cruelle que pour celui qui la fait mal… Or, M. de Goncourt et M.  […] La Faustin, quoique d’un tout autre ton que La Fille Élisa, ce roman de La Faustin, qui aurait pu être beau et profond, porte çà et là les traces de ce mal du temps qui devient une contagion, et qu’ils ont appelé « le Naturalisme », pour ne pas lui donner son nom propre, qui serait une malpropreté… C’est la première fois, par parenthèse, que ces Grossiers, qui aiment et qui recherchent les mots abjects, ont reculé devant celui qui nommerait bien leur système.

1530. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

  Ne serait-ce pas alors que le bossu fait l’effet d’un homme qui se tient mal ? […] Sans doute c’est un art qui exagère et pourtant on le définit très mal quand on lui assigne pour but une exagération, car il y a des caricatures plus ressemblantes que des portraits, des caricatures où l’exagération est à peine sensible, et inversement on peut exagérer à outrance sans obtenir un véritable effet de caricature. […] Je ne sais pourtant si elle n’a pas été résolue un jour devant moi, dans la rue, par un simple cocher, qui traitait de « mal lavé » le client nègre assis dans sa voiture. Mal lavé !

1531. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Attendez ; voici un de ces soupers et un de leurs personnages : « Madame Panache était une petite et fort vieille créature avec des lippes et des yeux éraillés à faire mal à ceux qui la regardaient, une espèce de gueuse qui s’était introduite à la cour sur le pied d’une manière de folle, qui était tantôt au souper du roi, tantôt au dîner de Monseigneur et de madame la Dauphine, où chacun se divertissait de la mettre en colère, et qui chantait pouille aux gens à ces dîners-là pour faire rire, mais quelquefois fort sérieusement et avec des injures qui embarrassaient et divertissaient encore plus les princes et les princesses, qui lui emplissaient ses poches de viandes et de ragoûts, dont la sauce découlait tout du long de ses jupes ; les autres lui donnaient une pistole ou un écu, les autres des chiquenaudes et des croquignoles dont elle entrait en furie ; parce qu’avec des yeux pleins de chassie, elle ne voyait pas au bout de son nez, ni qui l’avait frappée, et c’était le passe-temps de la cour. » Aujourd’hui l’homme qui s’amuserait d’un tel passe-temps passerait probablement pour un goujat de bas étage, et je ne raconterai pas ici ceux qu’on prit avec la princesse d’Harcourt. […] J’étais tenté de ne me plus soucier de rien. » Il est clair qu’un homme aussi mal pensant ne pouvait être employé. […] Écoutez ce style : « Je dis au roi que je n’avais pas pu vivre davantage dans sa disgrâce, sans me hasarder à chercher à apprendre par où j’y étais tombé... ; qu’ayant été quatre ans durant de tous les voyages de Marly, la privation m’en avait été une marque qui m’avait été très-sensible, et par la disgrâce et par la privation de ces temps longs de l’honneur de lui faire ma cour... ; que j’avais grand soin de ne parler mal de personne ; que pour Sa Majesté j’aimerais mieux être mort (en le regardant avec feu entre deux yeux). Je lui parlai aussi de la longue absence que j’avais faite, de douleur de me trouver mal avec lui, d’où je pris occasion de me répandre moins en respects qu’en choses affectueuses sur mon attachement à sa personne et mon désir de lui plaire en tout, que je poussai avec une sorte de familiarité et d’épanchement… Je le suppliai même de daigner me faire avertir s’il lui revenait quelque chose de moi qui pût lui déplaire, qu’il en saurait aussitôt la vérité, ou pour pardonner à mon ignorance, ou pour mon instruction, ou pour voir si je n’étais pas en faute. » On parlait au roi comme à un Dieu, comme à un père, comme à une maîtresse ; lorsqu’un homme d’esprit attrapait ce style, il était difficile de le renvoyer chez lui.

1532. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

On serait presque tenté de croire que ce qui suit est un petit apologue de son invention, qu’il débite à l’usage du ministre : Vous ne serez pas fâché, écrivait-il de Vienne à Chamillart, de connaître quelque chose du caractère de messieurs les princes de Bade et de Savoie, et vous en jugerez sur ce que je leur ai ouï dire de celui des autres généraux : — Les uns, disent-ils, parvenus aux dignités à force d’années et de patience, se trouvant un commandement inespéré, et qu’ils doivent plutôt à leur bonne constitution qu’à leur génie ou à leurs actions, sont plus que contents de ne rien faire de mal. — D’autres, plus heureux par des succès qu’ils doivent uniquement à la valeur des troupes, aux fautes de leurs ennemis, enfin à leur seule fortune, ne veulent plus la commettre, quelque avantage qu’on leur fasse voir dans des mouvements qui pourraient détruire un ennemi déjà en désordre, sans les trop engager. — Mais une troisième espèce d’hommes, assez rare à la vérité, compte de n’avoir rien fait tant qu’il reste quelque chose à faire, profitant de la terreur qui aveugle presque toujours le vaincu, à tel point que les plus grosses rivières, les meilleurs bastions ne lui paraissent plus un rempart. […] Il prenait tout le premier sa part à la peine en ne quittant presque pas la tranchée. « Il n’est pas nécessaire, lui disaient les ingénieurs, qu’un maréchal de France y soit si souvent. » — « Non, répondait-il, mais avouez que cela ne fait pas mal. » Je passe avec eux (avec les soldats) une partie de la nuit, écrivait-il au ministre ; nous buvons un peu de brandevin ensemble : je leur fais des contes, je leur dis qu’il n’y a que les Français qui sachent prendre les villes l’hiver. […] si vous me permettez de sortir un peu du sérieux qui convient quand on a l’honneur d’écrire à son ministre, j’aurai l’honneur de vous dire que vous vous y prenez très mal.

1533. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Imaginez-vous une tradition, suivie depuis le commencement du monde jusqu’à présent, des maux que la fausseté peut avoir faits. […] Il ne choisissait pas mal ses points d’attache. […] Bruguière (c’était son nom) est bien négligent, bien lent, bien froid pour la mémoire de son oncle ; il a des éclipsés et des absences qu’il passe on ne sait où, en retraite ou ailleurs ; le congréganiste revient de là en assez piteux état, les yeux malades, et comme un homme « qui n’a pas gagné ce mal d’œil à lire les ouvrages de son oncle. » Il faut lui arracher les papiers un à un et le stimuler sans cesse.

1534. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Il y a, Messieurs, reconnaissons-le, une grande bonne volonté de nos jours : chacun s’entend, se rapproche, se cotise pour faire le bien, pour soulager les maux et en diminuer la somme. […] Mais ce serait mal répondre au caractère d’une telle loi, à la nature des idées qu’elle fait naître et qu’elle remue, que de ne pas dire quelques mots de l’état des choses qui l’a rendue nécessaire et des intérêts élevés auxquels elle pourvoit. […] est-ce un mal ?

1535. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il parle souvent de ce dernier passage, tout en étant d’avis qu’il faut le couler le plus insensiblement qu’il se peut : « Si je fais un long discours sur la mort, après avoir dit que la méditation en était fâcheuse, c’est qu’il est comme impossible de ne faire pas quelque réflexion sur une chose si naturelle ; il y aurait même de la mollesse à n’oser jamais y penser… — Du reste, il faut aller insensiblement où tant d’honnêtes gens sont allés devant nous, et où nous serons suivis de tant d’autres. » Il professe la théorie du divertissement, ou du moins il ne semble en rien en blâmer l’usage : « Pour vivre heureux, il faut faire peu de réflexion sur la vie, mais sortir souvent comme hors de soi ; et, parmi les plaisirs que fournissent les choses étrangères, se dérober la connaissance de ses propres maux. » Il se plaint par moments du trop ou du trop peu de l’homme, ou plutôt il s’en étonne comme d’une bizarrerie, mais sans en gémir avec la tendresse et l’anxiété qu’y mettra l’auteur des Pensées. Cette fois-ci il le dit en vers et dans un sonnet dont voici la fin : Un mélange incertain d’esprit et de matière Nous fait vivre avec trop ou trop peu de lumière Pour savoir justement et nos biens et nos maux. […] C’est ici qu’un peu plus de zèle et d’ardeur n’aurait pas été mal placé.

1536. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Rousseau a jugé, avec assez de sévérité, la société de ce temps, et ce ton que Claire d’Orbe ne représente pas mal, quoi qu’il en dise. […] Vinet ; mais ce serait mal conclure de telles pages que d’y trop attacher l’éloge, même l’éloge du fond. […] c’est la fuite des choses, Le souvenir des maux qu’on ne peut réparer, Qui m’évoquent chez vous quand la Nuit vient errer Sur le large horizon parmi l’or ou les roses !

1537. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Ce qu’on fit, en somme, ne fut pas si mal fait, puisque c’est ce qu’on admira universellement, ce que les esprits les plus éminents approuvèrent, et ce sur quoi on a vécu deux siècles. […] Si l’on peut dire qu’il revint à la charge et se logea toujours plus ou moins au sein de sa foi, c’était là une manière, après tout, d’être assez mal logé et mal à l’aise ; et Pascal ne lui laissa, jour et nuit, ni paix ni trêve. […] Diane montre pour les maux des humains toute la pitié qui est compatible avec son essence divine ; mais il y a néanmoins dans ses paroles je ne sais quelle empreinte d’une sérénité céleste… Il faudra bien convenir ici que les Anciens ont quelquefois deviné les sentiments chrétiens, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus aimant, de plus pur et de plus sublime dans l’âme. » En adhérant aux observations exquises de l’excellent critique, j’avouerai pourtant qu’une chose m’a frappé, au contraire, en lisant ce morceau, en assistant à cette intervention compatissante de la plus chaste des divinités : c’est combien on est loin encore du christianisme, je veux dire du Dieu fait homme et mort pour tous.

1538. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Tandis que Perrault, dans ses Parallèles, se donnera bien du mal pour réduire tous les arts à son système, et les faire marcher tous du même pas dans son idée du progrès indéfini, Boileau, sans parler de peinture ni de sculpture, sans y penser, n’y entendant peut-être pas grand’chose, mais concevant la poésie comme un art, et lui donnant pour but l’imitation de la nature, va au-delà des règles littéraires, et propose vraiment une formule d’où peut sortir une théorie générale des beaux-arts. […] Boileau s’embarrasse parfois entre l’actualité et l’antiquité, et définissant mal leur rapport, établit des règles ou arbitraires ou fausses, qui même nous semblent contradictoires à l’esprit de sa doctrine, et restreignent ou infirment l’excellent principe de l’imitation de la nature. […] Il a mal interprété les œuvres antiques, et préoccupé de l’usage où le goût moderne appliquait le genre pastoral, il a trouvé dans Virgile et dans Théocrite de quoi légitimer une des formes les plus caduques et les plus fausses de la poésie de son temps.

1539. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Un autre mit en roman le siège de Troie, non d’après Homère sans doute, ce témoin mal informé : mais il lisait les mémoires du Crétois Dictys, un des assiégeants, ceux surtout du Phrygien Darès, qui fut dans la ville assiégée ; et c’était là de bons témoins, qui n’ignoraient rien et ne laissaient rien ignorer. […] Faible remède d’un mal qui n’en a point : près de l’Yseult Bretonne, il songe à l’autre Yseult, qui est outre-mer en Cornouailles. […] Mais je ne sais rien de plus curieux que la lamentation des trois cents demoiselles enfermées au château de Male Aventure.

1540. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Et c’est pareillement un coin d’idylle qui fleurit en pleine aridité de la métaphysique amoureuse, quand le poète fait dire à son amant : Je ressemble le paysan Qui jette en terre sa semence, Et il a joie à regarder Comme elle est belle et drue en herbe : Mais avant qu’il en cueille gerbe, Par malheur l’empire et la grève Une male nue, qui crève Quand les épis doivent fleurir : Et fait le grain dedans mourir, Et ravit l’espoir du vilain. […] Le paupérisme, et l’inégalité des biens, la nature du pouvoir royal, l’origine de l’État et des pouvoirs publics, la justice, l’instinct, la nature du mal, l’origine de la société, de la propriété, du mariage, le conflit du clergé séculier et du clergé régulier, des mendiants et de l’Université, l’œuvre de création et de destruction incessantes de la nature, les rapports de la nature et de l’art, la notion de la liberté et son conflit avec le dogme et la prescience divine, l’origine du mal et du péché, l’homme dans la nature, et son désordre dans l’ordre universel, toutes sortes d’observations, de discussions, de démonstrations sur l’arc-en-ciel, les miroirs, les erreurs des sens, les visions, les hallucinations, la sorcellerie et jusque sur certain phénomène de dédoublement de la personnalité, voilà un sommaire aperçu des questions que traite Jean de Meung, outre tous les développements de morale et de satire qui tiennent plus directement à l’action du roman, etje ne sais combien de contes mythologiques extraits d’Ovide ou de Virgile, tels que les amours de Didon et l’histoire de Pygmalion.

1541. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Celle-ci se fait alors toujours aimer, quoique malheureuse, et celui-là se fait toujours haïr, bien que triomphant. » Le public, au moins dans le drame et dans la comédie sérieuse, entend que le bien ou le mal domine clairement dans la composition d’un caractère (et, à vrai dire, il goûte peu les caractères trop complexes). […] Cela leur est tout à fait égal qu’une pièce soit mal faite. […] Il arrive fort souvent que le blagueur de profession, pris à son propre piège, ne distingue plus lui-même ce qui est bien de ce qui est mal, ce qui est juste de ce qui est inique ; il se grise de sa propre parole, il se fausse l’esprit et se dessèche le cœur.

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