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417. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

C’est à Prosper Mérimée que Daly a dédié son mémoire, et Mérimée était très digne d’un tel hommage. […] Quoi qu’il en soit, du reste, du goût que je suppose en Mérimée pour la netteté d’acier du talent de Daly, nous croyons, nous, après avoir lu son mémoire, la question assez pénétrée de lumière pour n’en être plus une désormais. […] Dans l’impossibilité où nous sommes de nous plonger dans le technique et le détail de son mémoire sans rompre le faisceau étroit de nos attributions littéraires, nous parlerons du moins de l’homme, qui mérite si bien une page dans l’histoire de la littérature contemporaine, puisque, par le style, il y entre, et qu’il y confine par les arts.

418. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Paul de Rémusat, qui a voulu grandir la mémoire de son père, sentiment honorable mais peu critique, pour que ce drame sortît du demi-jour des confidences et vint hardiment prendre rang d’œuvre littéraire au grand soleil, parfois cuisant, de la publicité. […] Il a adoré cette idole cassée, et s’il n’était pas trop comique de comparer le tranquille, le parlementaire et convenable Charles de Rémusat, à cette dessalée et turbulente Héloïse, on dirait qu’intellectuellement il est la seconde Héloïse d’Abélard, l’Héloïse de sa mémoire ! […] Elle n’honorera point sa mémoire.

419. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Le prince de Ligne aurait voulu que M. de Meilhan, dans l’émigration, écrivît ses mémoires : Écrivez, lui disait-il, des souvenirs, des mémoires de votre jeunesse, ministériels, et de Cour et de société ; — vos brouilleries et vos raccommodements de Rheinsberg, la vie privée et militaire du prince Henri, ses valets de chambre comédiens français, ses houzards matelots, ses chambellans philosophes ; et puis les zaporogues et les évêques du prince Potemkim, et ensuite vos conversations avec le prince de Kaunitz ; — ce sera un ouvirage charmant. […] Dans une trentaine de pages qui seraient aussi bien un fragment de mémoires historiques, il montre comment cette Révolution est née sans qu’on le voulût, et avec quel zèle imprudent on y poussait dans les hautes sphères qui devaient le plus terriblement s’en ressentir. […] Il poursuit ses raisonnements au sujet de la perte de sa bibliothèque, et démontre par des applications sa pensée : « À mesure que l’esprit humain avance, une multitude d’ouvrages disparaît. » Le président estime que nous n’avions pas en France, à sa date, de bons historiens : Un historien ne peut avoir de gloire durable que lorsqu’il approfondit la moralité de l’homme, et développe avec sagacité et impartialité les modifications que lui ont fait subir les institutions civiles et religieuses : alors il devient intéressant pour toutes les nations et pour tous les siècles… Ce n’est pas dans nos histoires qu’on apprend à connaître les Français, mais dans un petit nombre de mémoires particuliers, et je maintiens que l’homme qui a lu attentivement Mme de Sévigné est plus instruit des mœurs du siècle de Louis XIV et de la Cour de ce monarque, que celui qui a lu cent volumes d’histoire de ce temps, et même le célèbre ouvrage de Voltaire. […] Il faut voir comme, dans les prétendus Mémoires d’Anne de Gonzague, elle goûte l’épisode romanesque de la comtesse de Moret que M. de Meilhan avait ajouté à la seconde édition ; elle y revient sans cesse : cette vie à deux, toute d’union, d’amitié et de sacrifice, au milieu de la forêt des Ardennes, dans une profonde solitude, lui paraît réaliser l’idéal du parfait bonheur et lui arrache des larmes : « Quel dommage, s’écrie-t-elle, que ce ne soient là que des songes ! 

420. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Nous allons essayer, après tant d’autres, de repasser, nous aussi, sur les traits de ce caractère et de cette figure digne de mémoire et qui mérite la gravure. […] Elle fut fort avant dans les intrigues de Cour ; nommée dame du palais de la reine quelques années après le mariage du roi, on la voit, dans les Mémoires de M. de Luynes, de tous les soupers, des chasses, des voyages à Choisy, à la Muette, avec les trois sœurs favorites (de Nesle). […] Le marquis d’Argenson a noté le fait dans ses Mémoires, avec la crudité qui lui est propre : « 20 novembre 1750. — La nouvelle duchesse de Luxembourg a résolu de tenir une bonne maison cet hiver à Paris, et pour cela il faut des beaux esprits. […] Si les Mémoires de M. de Talleyrand ne sont pas un leurre et une vaine promesse, il lui reste à parler d’elle, lui le dernier de tous, et, avec le prince de Ligne, le meilleur juge. […] (Voir le joli Fragment des Mémoires de la duchesse de Brancas.)

421. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Henri Martin, doyen de la Faculté de Rennes, et qui était alors à la Faculté des Lettres de Caen, pelotait, comme on dit, en attendant partie, et publiait dans le Recueil de l’Académie normande tout un mémoire sur le poète évêque Bertaut (1840). […] Joseph Dessaix, en faisant réimprimer le poème de Peletier intitulé la Savoye, dans les Mémoires de la Société d’histoire de Ghambéry (1856), en a préconisé de tout point l’auteur. […] On a pu voir qu’il y a eu beaucoup de hasard et de fantaisie dans cette quantité de notices, mémoires et tentatives de résurrection sur des points isolés. […] Une chose a été dite et bien dite par un Ancien ; on l’a dans la mémoire, on la répète si l’on est un pur écho, on y fait allusion si l’on est un homme d’esprit ; tout homme qui a la tête meublée de ces beaux mots des Anciens, qui s’en souvient en pensant et en parlant, et qui tient à en faire ressouvenir les autres, est un classique. […] Au lieu de cela, faute d’un grand poète comme Homère ou comme le puissant rhapsode qui de loin nous donne l’idée d’un Homère, faute d’un poète supérieur qui pût, sinon fixer la langue, du moins la montrer et l’attester à jamais par une œuvre vivante, et solenniser ce noble et simple genre en l’attachant dans la mémoire des hommes avec des clous d’airain et de diamant, on alla à la dérive, selon le cours des temps et la dégénérescence des choses ; on en vint par degrés au dégoût et au mépris pour un genre usé qui tombait dans un romanesque affadissant ; puis l’oubli arriva.

422. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Il y a pourtant en érudition, comme partout ailleurs, l’invention, le goût, l’esprit, et, sous l’appareil des doctes mémoires et l’enchâssement des textes, c’est là qu’il faut aller d’abord pour savoir à quoi bon ? […] La première partie de son livre, le premier mémoire, qui traite des Annales des Pontifes ou grandes Annales, a véritablement pour objet de rendre aux premiers siècles de Rome et à son histoire au temps des rois et des premiers consuls une authenticité que les travaux de Niebuhr et de cette école audacieuse avaient pu ébranler dans beaucoup d’esprits. […] D’abord on écrivait peu ; ensuite les souvenirs qu’avaient pu conserver les mémoires des pontifes et les autres monuments publics ou particuliers, ont presque tous péri dans l’incendie de Rome…, pleraque interiere. […] Si les Nouvelles ecclésiastiques (jansénistes), qui commencent à l’année 1728 et qui n’expirent qu’après 1800, ne donnent que la triste histoire d’une opinion, ou plutôt, à cette époque, d’une maladie opiniâtre, étroite, fanatique, et comme d’un nerf convulsif de l’esprit humain, les Mémoires de Trévoux, dont les portions qui confinent le plus au xviie  siècle offrent un fonds mélangé d’instruction et de goût, le vrai monument de la littérature des jésuites en français, et qui, ainsi qu’il sied à ce corps obéissant et dévoué à son seul esprit, n’a porté à la renommée le nom singulier d’aucun membre196. […] Je suis tenté vainement de citer le nom de Tournemine comme se rattachant le plus en tête à la rédaction des Mémoires de Trévoux ; Tournemine a-t-il obtenu ou gardé quelque chose qui ressemble à de la gloire ?

423. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Contentons-nous d’en atteindre le bienfait, en quelque sorte, dans les Mémoires de Mme de La Rochejaquelein, produit littéraire heureux de cet esprit de conciliation et de sympathie, fruit charmant né, pour ainsi dire, de cette greffe des deux France. Ces Mémoires, qui parurent à la première Restauration et qui en promulguaient assurément les titres les plus glorieux, n’avaient d’ailleurs (est-il besoin de le dire ?) […] Il existe un manuscrit des Mémoires dans lequel on lit (j’ai pu m’en assurer) des détails intéressants que l’imprimé ne reproduit pas toujours. […] Réimprimant en 1829 son ancienne brochure Des Communes et de l’Aristocratie, il s’était félicité d’en retrancher ce qui tenait aux controverses antérieures des partis : « Il y a un grand contentement, disait-il, à supprimer les vivacités d’une vieille polémique, à se censurer soi-même ; à se trouver en harmonie avec des hommes honorables dont autrefois on était plus ou moins divisé ; à se sentir plus toléré et plus tolérant ; à reconnaître qu’autour de soi tout est plus calme dans les opinions et les souvenirs. » Ce passage dut plus d’une fois lui revenir en mémoire, ce me semble, avec le regret de penser qu’il ne se rapportait pas également à d’autres, et qu’à mesure que les choses étaient réellement plus calmes, les esprits des amis entre eux devenaient précisément plus aigris. […] sLe prince de Talmont, on le voit par les Mémoires imprimés, était celui de tous les chefs qui, par ses antécédents et son caractère, se trouvait le moins en accord avec ces mœurs simples, frugales, chrétiennes, et avec cette espèce d’égalité fédérale des gentilshommes vendéens.

424. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Diderot nous a très bien rendu pourtant l’apologue du Coucou, du Rossignol et de l’Âne, et on le peut lire dans ses Œuvres ; mais, en fait d’apologue de Galiani, j’aime mieux rappeler celui que je trouve rapporté dans les Mémoires de l’abbé Morellet et qui est célèbref. […] « Il est bon à faire des mémoires, des journaux, des dictionnaires, ajoutait-il, à occuper les libraires et les imprimeurs, à amuser les oisifs ; mais il ne vaut rien pour gouverner. » Un homme d’État, selon lui, ne devait pas seulement connaître à fond les matières spéciales, mais aussi connaître la matière par excellence sur laquelle il a à opérer, c’est-à-dire le cœur humain. […] II, 3e édit., p. 426), en rappelle un autre, qu’il dit rapporté dans les Mémoires de l’abbé Morellet. Nous avouons humblement n’avoir pu le découvrir dans ces Mémoires (Paris, 1821, 2 vol. in-8o). » — Eh bien ! répondrai-je dans la même forme et avec le même appareil, si vous ouvrez les Mémoires de l’abbé Morellet (Paris, 1821, 2 vol. in-8º), à la page 131 et suiv. du tome I, vous lisez précisément tout au long et en très gros caractères le conte même que j’ai cité.

425. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Dans l’admirable Mémoire ou Lettre justificative adressée à son père, le ton est tout oratoire et atteint par moments à la haute éloquence. […] J’ai parlé des accents pathétiques par lesquels il tâche d’émouvoir son père à la fin de son Mémoire ; mais on s’en ferait une trop vague idée si je ne citais textuellement cette page à la fois si éloquente et si réelle, si exacte de peinture et si déchirante : Cet état contre-nature auquel je suis asservi, écrit ce fils captif à celui qui s’intitulait l’Ami des hommes, mine les restes de mon être. […] L’amant était encore tout vivant et tout délirant en lui ; le père était tout occupé de l’enfant qui venait de naître et qui vécut peu ; le prisonnier multipliait ses réclamations, ses apologies, ses mémoires, dans la vue de ressaisir sa liberté, et, en attendant, l’homme d’étude se livrait à toutes les lectures qui lui étaient possibles, à la traduction et à la composition de divers ouvrages, dont on voudrait à jamais anéantir deux ou trois, pour l’honneur de l’amour, pour la dignité du malheur et celle du génie. […] Un petit Mémoire de l’abbé Valart, habile grammairien, m’en a donné l’idée et m’a servi. […] Ce Mémoire est plus que suffisant pour te mettre en état de montrer toi-même le français par principes à ta fille.

426. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

» Une fois même, poussé à un état d’exaspération plus violent que de coutume, il s’écria : « Tout est perdu ; le roi et la reine y périront, et vous le verrez : la populace battra leurs cadavres. » — Il remarqua, ajoute M. de La Marck, l’horreur que me causait cette expression. « Oui, oui, répéta-t-il, on battra leurs cadavres ; vous ne comprenez pas assez les dangers de leur position ; il faudrait cependant les leur faire connaître. » Après les journées des 5 et 6 octobre qui amenèrent le roi et la reine captifs à Paris, journées auxquelles, malgré d’odieuses calomnies, il ne prit aucune part que pour les déplorer et s’en indigner, Mirabeau, sentant que la monarchie ainsi avilie aurait eu besoin de se relever aussitôt par quelque grand acte, dressa un mémoire qu’on peut lire à la date du 15 octobre 1789. Ce mémoire présentait tout un plan de conduite, hardi, monarchique, et nullement contre-révolutionnaire. […] Le mémoire du 15 octobre fut remis par le comte de La Marck à Monsieur (depuis Louis XVIII), dans l’espérance qu’il en parlerait à la reine : « Vous vous trompez, dit Monsieur au comte de La Marck, en croyant qu’il soit au pouvoir de la reine de déterminer le roi dans une question aussi grave. » Et insistant sur la faiblesse et l’indécision du roi, qui était au-delà de tout ce qu’on pouvait dire : « Pour vous faire une idée de son caractère, poursuivit Monsieur, imaginez des boules d’ivoire huilées, que vous vous efforceriez vainement de retenir ensemble. » C’est alors que Mirabeau tenta sincèrement de se rapprocher de La Fayette, qui, depuis les journées d’Octobre et par suite de la présence du roi à Paris, était le dictateur véritable. […] Dans ses Mémoires, où l’homme d’esprit, l’homme de tenue et de bon ton a recouvert les fautes du personnage politique, il est convenu lui-même de quelques-uns de ces torts : « La Fayette, dit-il, eut des torts avec Mirabeau, dont l’immoralité le choquait ; quelque plaisir qu’il trouvât à sa conversation, et malgré beaucoup d’admiration pour de sublimes talents, il ne pouvait s’empêcher de lui témoigner une mésestime qui le blessait. » Il est bon que ceux qui mettent la main aux affaires publiques et aux choses qui concernent le salut des peuples le sachent bien, les hommes en face de qui ils se rencontrent, et qui souvent sont le plus faits pour être pris en considération, ne sont pas précisément des vierges, et il n’est pas de plus grande étroitesse d’esprit que de l’être soi-même à leur égard plus qu’il ne convient. […] Cette correspondance était à peine entamée qu’il en mettait soigneusement de côté les pages, et il les adressait à M. de La Marck (15 juillet 1790) avec ces mots : « Voilà, mon cher comte, deux paquets que vous ne remettrez qu’à moi, quelque chose qu’il arrive, et qu’en cas de mort vous communiquerez à qui prendra assez d’intérêt à ma mémoire pour la défendre.

427. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Aimé Martin, a rendu à sa mémoire plus d’un service ; il a complété sur quantité de points l’édition des Œuvres de celui qu’il admirait par-dessus tout : pourtant il a poussé le zèle et l’enthousiasme jusqu’à tracer de lui un portrait romanesque et une de ces biographies impossibles qui mettent tout d’abord en garde un lecteur de bon sens. […] Retiré chez le curé de Ville-d’Avray, il met en ordre ses observations et ses souvenirs de voyage ; il rédige ses mémoires sur la Hollande., la Prusse, la Saxe, la Pologne et la Russie ; son plan s’étend à mesure qu’il s’y applique. […] Il suppose que le gouvernement lui doit réparation et indemnité pour ses aventures de Pologne et pour ses diverses entreprises avortées, même pour les mémoires qu’il a adressés à plusieurs ministères sans qu’on les lui demandât. […] Vous vous faites illusion, monsieur : le roi ne vous doit rien pour ce que vous avez fait en Pologne, ni pour vos mémoires, parce que vous n’avez point agi par son ordre. […] Vos mémoires, quelque utiles qu’ils puissent être, ne sont point un titre pour demander des grâces du roi comme une chose due.

428. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

L’homme bienveillant qui est en lui est sans doute moins gêné par des mémoires qu’on ne peut plus blesser, que par des sensibilités vivantes qu’il est si facile d’offenser. […] Plus tard, il envia à Ali pacha un lion magnifique, qu’il dit dans ses Mémoires avoir été, avec un ou deux paysages et autant de femmes, une des cinq à six choses absolument belles qu’il eût jamais vues. […] Il ne se fût pas livré au plaisir d’allonger un coup de griffe posthume à une grande mémoire. […] Trelawney, le Trelawney des Mémoires de lord Byron et de notre imagination prévenue, dans l’écrivain quelconque qui a tenu la plume et qui a osé signer du nom de Trelawney les Recollections. […] pour accuser d’avarice le Byron qui a donné à pur don ses lettres et ses Mémoires à Thomas Moore, et les restes de sa fortune, les dernières gouttes du sang de sa fortune comme les dernières gouttes du sang de ses veines, à la cause des Grecs.

429. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Il nous a confié ses fragments de mémoires, ses carnets, ses notules, ses récits de voyages, ses cahiers de mathématique, au parchemin graissé et noirci par une compulsation continue, et où la littérature écrite à rebours se mêle aux X, enfin les feuilles volantes qui livrent des épisodes de son existence. […] Préface de la première édition (1881)54 En ce temps, où les choses, dont le poète latin a signalé la mélancolique vie latente, sont associées si largement par la description littéraire moderne, à l’histoire de l’Humanité, pourquoi n’écrirait-on pas les mémoires des choses, au milieu desquelles s’est écoulée une existence d’homme ?

430. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

M. l’abbé d’Artigni a inséré dans ses mémoires une Chronique scandaleuse des sçavans : mais, outre que cette chronique ne remplit que deux ou trois articles, qu’elle n’est qu’un amas de faits rebattus qui déshonorent, à pure perte, la mémoire de quelques gens de lettres, la plupart obscurs, l’idée de cet auteur n’a rien de commun avec la nôtre.

431. (1925) Portraits et souvenirs

Villiers de l’Isle-Adam fut un noble écrivain et ce ne sera que justice d’honorer sa mémoire. […] Son œuvre, sa mémoire n’ont que des admirateurs et des amis. […] C’est contribuer à la persistance d’une renommée dans les mémoires trop facilement surchargées et trop aisément oublieuses. […] Son vers sonore, brillant et ailé, chante, luit, palpite en ma mémoire. […] Il s’excusa sur sa mauvaise mémoire.

432. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Que de beaux rêves ne faisais-je pas, la nuit, sur mon oreiller, quand j’avais déposé la plume après une scène dont les vers sonores retentissaient après coup dans ma mémoire ! […] Sa voix, concentrée comme celle du deuil sur un sépulcre, laissa tomber ces vers, qui étaient dans la mémoire de tout le monde et que tout le monde entendit pour la première fois. […] des bienfaits de Dieu je perdrais la mémoire ? […] Il remit à madame de Maintenon un Mémoire aussi solidement raisonné que bien écrit. […] « Madame de Maintenon, qui fit instruire l’auteur du Mémoire de ce qui s’était passé, lui fit dire en même temps de ne la pas venir voir jusqu’à nouvel ordre.

433. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Les Décades ou le Prince du grand Italien sont écrits d’un autre style ; ils sont d’une autre valeur et d’une autre portée que les Mémoires de l’adroit serviteur du Téméraire et de Louis XI. […] Son talent n’est qu’un accident, comme celui de Villon ; et non seulement ce n’est pas de lui que procéderont nos historiens classiques, mais c’est à peine si l’on peut voir en lui le précurseur de ces auteurs de Mémoires qui vont bientôt devenir si nombreux dans l’histoire de notre littérature. […] IX. — Philippe de Commynes [Château de Commynes, 1447 ; † 1511, château d’Argenton] 1º Les Sources. — Lenglet du Fresnoy, dans son édition des Mémoires, 1747 ; — Mlle Dupont, « Notice », en tête de son édition des Mémoires, Paris, 1840 ; — Kervyn de Lettenhove, Lettres et négociations de Philippe de Commynes, Bruxelles, 1867, 1874 ; — Chantelauze, « Notice », en tête de son édition des Mémoires, Paris, 1880 ; — Fierville, Documents inédits sur Philippe de Commynes, Paris, 1881. […] Mémoires, IV, 6 ; et VII, 9]. — On peut même dire qu’ils sont par endroits d’un philosophe [Cf.  […] 3º L’Œuvre. — Ses « négociations » mises à part, l’œuvre de Commynes se réduit à ses Mémoires, qu’il n’a pas eu le temps d’achever et qui s’arrêtent en 1498.

434. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps Par M.  […] Guizot, et à le déduire tel qu’il ressort à nos yeux de ses Mémoires mêmes. […] quand on publie ses Mémoires de son vivant, on s’expose à un jugement complet de son vivant ; on le réclame ; car ne demander qu’un simple jugement littéraire en venant présenter au public toute sa personne, toute sa vie, ce serait par trop diminuer le droit du lecteur et rabaisser sa juridiction. […] ce ne serait pas un écrivain aujourd’hui, et, qui plus est, ce ne serait pas un peintre que celui à qui nous devons, sans sortir de ces Mémoires, tant d’ingénieux portraits, tant de fines esquisses, ces figures de Casimir Berier, de Laffitte, de M. 

435. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Aujourd’hui je comprends bien ce que vous voulez appeler la responsabilité délicate qui vous est échue : il s’agit de choisir, d’élaguer, de remplir le vœu dernier d’un poëte, en n’admettant rien qui soit de nature à nuire à sa mémoire ou à affaiblir l’idée qu’on veut donner de son talent. […] Amarante, fleur éclatante Comme un panache de guerrier, Rivale, en ta rougeur constante, Du vert feuillage du laurier ; Toi dont le velours magnifique, Toi dont la pourpre honorifique Proclame aux yeux la royauté, Ô fleur de mémoire durable, Signe de gloire inaltérable, Symbole d’immortalité, Tout sentiment vrai qui défie L’effort du malheur ou des ans, Dans ta fleur se personnifie, Pour échapper aux jours présents : Pour parer leur pieuse enceinte, L’amour pur et l’amitié sainte Disent par toi : — Fidélité ! […] D’autres y passeront sans y marquer leur place ; La mémoire de l’homme est l’oublieuse glace D’où les ombres s’en vont avec rapidité. Le dernier vers pourtant est faible ; le poëte a manqué son dernier trait, celui qui s’enfonce et reste dans la mémoire.

436. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

À entendre le concert de louanges qui l’entouraient de son vivant et qui consacrèrent sa mémoire au lendemain de sa mort, quand il fut tué à vingt-six ans en chargeant l’ennemi à Crefeld, on serait tenté de le croire parfait, trop parfait. […] J’aimerais que, dans les explications qu’on donne de Virgile, on fit désormais ce rapprochement, qu’on rattachât ces noms fraternels de l’histoire et de la poésie ; qu’on liât entre eux ces deux mémoires pour en faire une plus vivante immortalité. […] Chéruel, Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet ; 2 vol., 1862. […] Chabanon a écrit un mot qui est la critique de Grandisson et des romans trop vertueux : « Depuis Aristote tout le monde a senti et répété que l’humanité dépeinte devient plus intéressante par ses faiblesses mêmes. » (Lettre de Chabanon à Mme de La Briche après la lecture des Mémoires manuscrits de cette ; dame). — Si quelqu’un a jamais paru propre à faire mentir ce mot, ç’a été le comte de Gisors.

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