Telle est son œuvre littéraire dans sa vraie définition. […] Il était plein de bons mots, de reparties et de franchise ; il parlait avec feu, mais seulement dans les sujets qui lui tenaient à cœur, c’est-à-dire sur les matières littéraires. […] Le grand sens royal de l’un avait apprécié le bon sens littéraire de l’autre, et il en était résulté un véritable accord de puissances. […] Prenons les choses littéraires telles qu’elles nous sont venues aujourd’hui, dans leur morcellement et leur confusion ; isolés et faibles que nous sommes, acceptons-les avec tout leur poids, avec les fautes de tous, en y comprenant nos propres fautes aussi et nos écarts dans le passé. […] Car il y a la race des hommes qui, lorsqu’ils découvrent autour d’eux un vice, une sottise, ou littéraire ou morale, gardent le secret et ne songent qu’à s’en servir et à en profiter doucement dans la vie par des flatteries intéressées ou des alliances ; c’est le grand nombre.
Mais je ne sache pas que la condamnation judiciaire qui l’a frappé ait supprimé le livre ; je ne sache pas qu’elle puisse l’ôter des mains qui l’ont acheté et de la mémoire de ceux qui l’ont lu ; je ne sache pas, enfin, que cette condamnation doive empêcher la Critique littéraire de rendre son jugement aussi, non sur la chose jugée, qu’il faut toujours respecter pour les raisons sociales les plus hautes, mais sur les mérites intellectuels d’un poète au début de la vie4 et aux premiers accents d’un talent qui chantera très ferme plus tard, si j’en crois la puissance de cette jeune poitrine. […] Le livre est entraînant, et c’est peut-être ce qui l’a fait trouver dangereux… Je crois qu’on peut dire à la décharge du poète de La Chanson des Gueux, qu’il n’a pensé qu’à son effet littéraire. […] Moralement, puisqu’on est assez inconséquent pour nous parler de morale à propos d’un livre de poésies dans un temps d’immoralité littéraire comme il n’en a, certes ! […] Je dis que la Critique — la Critique littéraire, bien entendu, et non la Critique morale, qui n’a que faire ici, — peut prendre ce livre et l’écailler comme on écaille un poisson, et le racler du fil de son couteau et en retrancher, couche par couche, tout ce qui déshonore littérairement une telle œuvre, c’est-à-dire le gongorisme effréné, l’atroce mauvais goût, les bassesses ignobles et malheureusement volontaires d’expression, l’haleine des pires bouches, enfin tous les défauts dont l’auteur a fait comme à plaisir d’immondes vices, il restera et on trouvera, sous tout cela et malgré tout cela, un énorme noyau de poésie, résistant et indestructible, qui brillera de sa propre lueur dans l’histoire littéraire d’un siècle qui a des poètes comme Hugo, Vigny, Musset, Baudelaire et Lamartine, le plus grand de tous ! […] d’un parti pris aussi mesquin que celui de la volonté d’un gringalet littéraire qui s’est inoculé dans les veines une goutte d’impiété pour faire son petit effet contre Dieu.
En même temps son goût littéraire achève de s’affirmer. […] Victor Hugo aura été ce personnage représentatif au plus haut chef, un héros littéraire incomparable. […] Aucun homme n’a représenté à un degré supérieur les hautes vertus du grand artiste littéraire. […] Comment se sont formées ces espèces littéraires ? […] Taine a renouvelé la critique littéraire par l’application de cette vérité.
Paul Levengard, encore un peu trop vassal pour sa direction littéraire de Charles Baudelaire, les prémices d’une très réelle habileté rythmique et une sûre cadence du vers que possèdent à ce degré peu de débutants. […] Une autre, du Prélude, est consacrée à la glorification de Baudelaire : deux bons patrons à invoquer avant de courir les hasards de la vie littéraire.
[L’Année littéraire (7 juin 1887).] […] [La Vie littéraire (1891).]
Avant-propos Aujourd’hui que l’Œuvre des deux frères est terminé — l’un étant mort depuis des années, l’autre se trouvant trop vieux pour entreprendre à nouveau un travail d’imagination ou même un travail d’histoire de longue haleine, — il a paru intéressant au survivant de réunir, dans un volume, les préfaces et les manifestes littéraires, jetés en tête des diverses éditions de leurs livres. […] C’est faire apprécier au lecteur l’ensemble de toutes les tentatives, dans lesquelles les auteurs se sont essayé à voir avec des yeux autres que ceux de tout le monde ; à mettre en relief les grâces et l’originalité des arts mis au ban par les Académies et les Instituts ; à découvrir le caractère (la beauté) d’un paysage de la banlieue de Paris ; — à apporter à une figure d’imagination la vie vraie, donnée par dix ans d’observations sur un être vivant (Renée Mauperin, Germinie Lacerteux) ; à ne plus faire éternellement tourner le roman autour d’une amourette ; à hausser le roman moderne à une sérieuse étude de l’amitié fraternelle, (Les Frères Zemganno) ou à une psychologie de la religiosité chez la femme (Madame Gervaisais) ; — à introduire au théâtre une langue littéraire parlée ; — à utiliser en histoire des matériaux historiques, restés sans emploi avant eux, (les lettres autographes, les tableaux, les gravures, l’objet mobilier) ; — tentatives enfin, où les deux frères ont cherché à faire du neuf, ont fait leurs efforts pour doter les diverses branches de la littérature de quelque chose, que n’avaient point songé à trouver leurs prédécesseurs.
Revue littéraire et philosophique21 1er décembre 1834. […] Quant à Eucher, ses lettres ou traités sur la Louange du Désert et sur le Mépris du Monde forment d’aimables et pieux conseils, qui caractérisent à merveille la situation des âmes à cette époque, et ce mélange d’élégance littéraire, un peu païenne, avec une morale austère. […] Damiron s’interdit peut-être un peu trop dans sa manière actuelle, plus scientifique et plus sobre qu’autrefois, les développements et applications historiques ou littéraires dont le bon Dugald Stewart orne et quelquefois recouvre son chemin ; mais nulle lecture n’est plus saine à l’âme, plus doucement pénétrante et persuasive, plus satisfaisante à tout esprit honnête et reposé que ce volume de M.
En voici de littéraires : « Paul de Kock éclabousse la modestie et la pudeur pour faire rire. » « Tacite est merveilleux dans l’antithèse, lorsqu’il n’y est pas ridicule. » En voici de morales : « Peu aiment beaucoup ; beaucoup aiment peu. » « Un despote n’a pas d’amis. » « L’époux qui frappe sa compagne mérite-t-il le nom d’époux ? […] Vous avez tous connu de ces abbés lauréats, sensibles aux prix académiques et aux récompenses officielles ; enclins à respecter, en littérature comme ailleurs, les jugements qui se formulent par voie d’autorité ; d’un amour-propre littéraire à la fois très éveillé et très ingénu, et où se révèle un fond de docilité chrétienne, de soumission aux puissances constituées, car toutes, et même celles que signalent les palmes vertes, émanent en quelque sorte de Dieu lui-même. […] Il y a grande apparence que nous avons tous, nous qui écrivons, une vanité littéraire pour le moins égale à la sienne.
Et ce désir n’est pas charitable, et le genre littéraire qui en dérive est le plus méprisable des genres littéraires. […] Les seconds, de toute leur vie, ne liront que leur journal, en en choisissant un où l’on ne fera jamais de critique littéraire ; de quoi il ne faut pas les blâmer, car on est bien plus sot en contrariant sa nature qu’en la suivant Voilà les trois catégories.
Maturin n’est guère connu en France comme un écrivain littéraire. […] En 1778, il se forma une société littéraire à Édimbourg. […] Il s’est toujours proposé la poésie pour elle-même, il n’a pas connu l’industrie littéraire. […] Comment s’est-il dérobé aux lois générales de l’histoire littéraire ? […] Sand, nous croyons devoir subordonner la question sociale à la question littéraire.
Belles-Lettres, Langues savantes, Philosophie, Mathématiques, Théologie, Critique, Histoire sacrée & profane, ecclésiastique & littéraire, tout a été de son ressort, & voilà pourquoi il n’a fait qu’effleurer chacune de ces parties. […] Ajoutons qu’ils ont souvent copié l’Auteur, qu’ils se sont efforcés de déprimer ; & quand ils ne l’ont pas copié, ce n’a été que pour s’égarer, ou montrer une partialité puisée dans le Dictionnaire historique, littéraire & critique, qu’ils ont également décrié.
L’illustration littéraire du dix-huitième siècle est principalement due à ses écrivains en prose. […] L’homme sans talent littéraire aurait trouvé ces expressions que nous admirons, si le malheur avait profondément agité son âme. […] M. de Buffon s’est complu dans l’art d’écrire, et l’a porté très loin ; mais quoiqu’il fût du dix-huitième siècle, il n’a point dépassé le cercle des succès littéraires : il ne veut faire, avec de beaux mots, qu’un bel ouvrage ; il ne demande aux hommes que leur approbation : il ne cherche point à les influencer, à les remuer jusqu’au fond de leur âme ; la parole est son but autant que son instrument ; il n’atteint donc pas au plus haut point de l’éloquence. […] L’homme de lettres, alors qu’il vit dans un pays où le patriotisme des citoyens ne peut jamais être qu’un sentiment stérile, est, pour ainsi dire, obligé de se supposer des passions pour les peindre, de s’exciter à l’émotion pour en saisir les effets, de se modifier pour écrire, et de se placer, s’il se peut, en dehors de lui-même pour examiner quel parti littéraire il peut tirer de ses opinions et de ses sentiments.
Il fut grammairien autant que poète ; il se donna pour mission de réformer la langue et le vers, et d’enseigner aux poètes à manier ces deux outils du travail littéraire. […] Mais ici se découvre un autre principe, que .Malherbe extrait de ce qu’il estime être la fonction littéraire de la langue : il veut qu’on satisfasse à la raison, ainsi qu’à l’usage ; et l’usage même tire son autorité de la raison. […] Il a eu certaines idées, parfois singulièrement étroites, sur la décence de l’expression : mais ses scrupules sont plus mondains que littéraires. […] Or, au temps même où il travaillait ses strophes éloquentes, un des plus négligents faiseurs de vers qu’il y ait eu, un des plus grossiers adeptes de la théorie du naturel facile, un barbouilleur qu’on ose à peine nommer un écrivain, et qui, dans les rares moments où les doctrines littéraires le préoccupaient, ne jurait que par Ronsard ; Alexandre Hardy, fournissait à l’esprit classique cette forme nécessaire que Malherbe ne savait pas découvrir, et fondait la tragédie.
Carlyle, dans son Histoire de la Révolution française, — si prodigieusement difficile à traduire, de l’aveu même de Philarète Chasles, ce Français-Anglais par la plume, le seul homme peut-être qui fût capable de triompher des difficultés de la langue et du génie de Carlyle, et qui essaya un jour, mais se fatigua et rentra bientôt dans son vagabondage et son lazzaronisme littéraires, — Carlyle est, en histoire (ce qu’on n’avait jamais vu !) […] Un autre petit homme dans l’Histoire avait, comme Carlyle, écrit précisément celle de la Révolution française, n’ayant souci de rien que de se montrer révolutionnaire dans cette histoire, — le long de laquelle il passa à travers toutes les opinions, comme le singe de la Fable à travers son cerceau, avec les souplesses d’un esprit que le scepticisme rend plus souple encore ; — Thiers, qui grimpe sur toutes les idées comme il en dégringole, avec la même facilité, n’est que l’écureuil de la Politique et de l’Histoire ; mais quelle que soit l’alacrité des mouvements de l’écureuil, son genre historique, sobre de couleur, n’en a pas moins la gravité, il faut bien dire le mot, d’un homme qui est souvent un Prud’homme littéraire. […] Cela fut presque un scandale, avec le bégueulisme littéraire du temps et l’endroit où pareille chose fut publiée… Ce fut, si je ne me trompe, et je ne crois point me tromper, dans la Revue des Deux-Mondes, cette pédante des pédantes, que se fit la première importation de Carlyle, si peu pédant, lui ! […] Philarète Chasles, le chercheur de truffes littéraires, avait découvert Carlyle et lui faisait politesse.
Rien donc d’étonnant à cette précipitation des esprits vers le roman, cette forme actuellement populaire de la pensée littéraire du dix-neuvième siècle, mais rien d’étonnant non plus à son avilissement par sa popularité… Il en arrivera du roman (et dans un avenir très-prochain) ce qui est arrivé de la tragédie. […] Autrefois, tout ce qui se croyait une destinée littéraire dans le cerveau faisait sa tragédie, identiquement comme aujourd’hui on fait son roman ou son volume de contes, car le conte, c’est le roman en raccourci… Malheureusement, les popularités ne sont jamais bien longues, et l’amour des foules est mortel. […] Hector Malot tout ce qui appartient à notre époque et ce qui passera avec elle, toutes les choses qui sont le domaine commun pour qui plante sa plume dans un sujet moderne, et les lectures contemporaines et la langue générale des romans actuels, que resterait-il à ce communiste littéraire qui vit sur l’apport social bien plus que sur son propre talent ? […] — au milieu de tout le monde littéraire qu’il rappelle ?
C’est le nom d’un des plus vaillants poètes romantiques, qui n’a pas, lui, rendu son épée a l’Académie française, comme tant d’autres, et qui est toujours l’homme de la première heure, le clairon d’or pur que rien n’a faussé, et qui joue maintenant, dans cette misérable défaite littéraire dont nous sommes les témoins, les airs à outrance du cor de Roland à Roncevaux. […] Armand Pommier, l’auteur de La Dame au manteau rouge, dont il va être question aujourd’hui, n’est pas un débutant littéraire ; mais, sauf erreur, c’est encore un nouveau venu. […] Il en montre trop… du moins… Quand ce qu’il sait par les livres pèsera un peu moins sur sa pensée, peut-être deviendra-t-il un observateur et un inventeur comme il faut l’être, quand on aborde le roman, notre dernière ressource de rajeunissement dans la décrépitude, où nous voilà, de toutes les formes dramatiques et littéraires ! […] alors la Critique, qui a commencé par poser un cas littéraire, s’interrompt, ne voulant pas être plus dupe que le simple lecteur, et dit à l’oripeau couleur de sang : — Passe donc !
La chanson, avant Béranger, n’était pas considérée comme une œuvre littéraire. […] La question morale épuisée, reste la question littéraire. […] Si cette pensée avait besoin d’être démontrée, il nous suffirait d’ouvrir l’histoire littéraire de ces vingt dernières années. […] Il est bien rare qu’elle se concilie avec la pratique de l’industrie littéraire. […] Hugo ne relève plus de la critique littéraire, car la critique n’a plus de conseils à lui donner.
On n’a pas oublié et on n’oubliera point dans l’histoire littéraire du xixe siècle, — côté burlesque — son coup de couteau à Alphonse Karr pour le punir de l’avoir piquée dans ses Guêpes. […] Alfred de Vigny, lui-même, ce cygne, s’abattit un instant, sur cette mare… Avec une vanité littéraire qui ressemblait à de l’hystérie, Mme Louise Colet, ce bas-bleu putipharéen, aux Joseph récalcitrants parmi les faiseurs d’articles — comme Sainte-Beuve, par exemple, qui n’entendit jamais à rien et qui lui jeta, à cette lamproie, son secrétaire, Octave Lacroix, pour s’en débarrasser, Mme Colet avait trop d’impétuosité dans l’amour-propre pour être habile ; mais elle n’en était pas moins intrigante au profit du talent qu’elle croyait avoir ; dévouée, corps et âme, à sa fortune littéraire et à des besoins de publicité dont aucune femme n’eut la rage au même degré qu’elle… Son ambition était d’être poëte, encore plus qu’écrivain…, mais cette femme du pays de la poésie facile, cette Phocéenne plus de Marseille que de Phocée, était, en poésie, à ses compatriotes Barthélémy et Méry, ce qu’un sureau vidé est à des flûtes. […] Je l’ai dit déjà, ce qui les distingue, c’est leur néant comme œuvre, humaine et littéraire ; c’est cet incompréhensible néant dont les passions, qui ont toute honte bue et tout ridicule bu, n’ont jamais pu les faire sortir. […] Évidemment ce n’est plus là de l’histoire littéraire abaissée, mais des mœurs modernes avachies.
Influence littéraire. […] C’est d’abord une influence littéraire. […] Son éducation littéraire. […] Ses idées littéraires. […] Celle d’abord des dogmes littéraires.
Nous pouvons, pour l’étudier, considérer indifféremment une œuvre scientifique, artistique, philosophique ou littéraire. […] Mais il n’en est pas de même pour les œuvres littéraires, sociales ou même philosophiques. […] Nous pouvons prendre successivement une œuvre littéraire, une œuvre scientifique, une œuvre sociale, partout le processus sera le même. […] Les « longueurs » dans les œuvres littéraires en sont une forme fréquente et les plus hauts esprits y sont parfois les plus exposés. […] Maxime du Camp, Souvenirs littéraires, II, 211-213.