Pour tout le reste, on peut être de bonne composition, et dans le cas présent ce n’était que justice.
Il s’efforce de justifier les emportemens de son style par l’autorité de l’Ecriture & des Saints Peres : mais on peut dire avec justice que cette Dissertation ne prouve autre chose, sinon qu’il est des esprits, pour ainsi dire, ambidextres, prêts au pour & au contre, & qui ont le talent d’en imposer un moment, par cette métamorphose que Juvénal leur reproche, Qui nigra in candida vertunt.
Nous l'avons dit ailleurs, & nous croyons devoir le répéter ici en faveur des Esprits foibles ou peu réfléchis : l'accusation de malignité ne peut tomber avec justice que sur le Censeur caustique qui s'exerce à mortifier l'amour-propre des Auteurs, sans se proposer d'autre but que celui de mortifier ; le nôtre a été constamment d'instruire & de corriger, s'il étoit possible.
Aussi tout est ténèbres dans leur origine : vous y voyez à la fois de grands vices et de grandes vertus, une grossière ignorance et des coups de lumière, des notions vagues de justice et de gouvernement, un mélange confus de mœurs et de langage : ces peuples n’ont passé ni par cet état où les bonnes mœurs font les lois, ni par cet autre où les bonnes lois font les mœurs.
Il mérite votre protection et la même justice que vous avez accordée à ses confrères, et j’ose la solliciter pour lui. […] Il faudrait presque aussi souvent faire justice des avocats que des parties. […] Jamais cela ne sera, et nous espérons que vous ferez bonne et prompte justice de ces prétentions aussi ridicules qu’elles sont injustes. […] Le Tourneur la justice que vous lui devez. […] Puisque l’étude et la pratique de la justice ont été le travail de votre vie, soyez juste.
Que si maintenant, nous relisant nous-même comme nous venons forcément de le faire, nous avions à confesser notre propre impression et à faire entendre un aveu, nous dirions que, dans la suite de ces articles critiques et dans leur mode de justice distributive (s’il nous est permis d’employer un tel mot), il est certains manques de proportions et de gradations que nous regrettons de n’avoir pu mieux rajuster.
Un Auteur qui ne cherche que le bien, quand il croit l'avoir trouvé, s'inquiete peu de la gloire ; ce qui ne dispense aucun de ses Lecteurs de lui rendre la justice qu'il mérite.
L’esprit de réhabilitation, qui est une des justices et peut-être une des faiblesses de ce temps-ci, a essayé de relever les adversaires d’Homère du ridicule qui s’attache à leurs noms. […] Des allusions fort peu voilées firent justice du Clovis ressuscité pour mourir encore, et des théories du Discours au roi. […] Il a eu et mérité la fortune très rare, après avoir passé par la vogue, de trouver la justice. […] La justice veut qu’on partage les fautes des écrivains du dix-huitième siècle entre eux et leur temps, et qu’on soit indulgent même pour ce qui leur est personnel.
Il n’en est pas de même, Monsieur, des réclamations qui portent avec elles une apparence de justice, & sont accompagnées des égards, indispensables dans toutes les occasions, & dus à tout Littérateur. […] Rendez-vous donc plus de justice à vous-même. […] En attendant que cette nouvelle Edition soit publique, je vais transcrire ici une Note du Discours Préliminaire, capable seule de ramener à la justice & à la vérité, les Esprits que l’Auteur du prétendu Problême auroit pu tromper. […] la personnalité y est substituée à la raison directe, l’injure mise à la place de la justification, un faux air de dédain opposé à la justice du reproche.
Hugo est en décroissance, qu’il s’affaiblit, se détériore, manqueraient de sens ou de justice. […] En somme, nulle Critique vraie, car la Critique vraie, c’est la justice, et la justice se compose également de sévérité dans la sympathie et de sympathie dans la sévérité. […] En effet, c’est dans Le Sultan Mourad que cet idéal des monstres heureux, ce Caligula du soleil qui a autant de crimes sur la conscience que d’escarboucles sur son caftan, rachète son âme devant la justice de Dieu pour avoir chassé les mouches de la plaie ouverte d’un cochon.
. — Il se faisait justice, impétueusement, impérieusement, lui-même, avec l’épée, comme sous Henri IV. […] Plus austère, plus fier, plus roide que ses contemporains, un peu antique comme Tacite, on apercevait en lui, avec le défenseur de l’aristocratie brisée, l’interprète de la justice foulée, et, sous les ressentiments du passé, les menaces de l’avenir. […] Ainsi fut bâclée cette sanglante affaire, et immédiatement après signée, scellée, enregistrée parmi les sanglots suffoqués. » L’homme qui écrit ainsi palpite et frémit tout entier comme un prisonnier devant des cannibales ; le mot y est : « Bureau d’anthropophages. » Mais l’effet est plus sublime encore, quand le cri de la justice violentée est accru par la furieuse clameur de la souffrance personnelle. […] Rien de tout cela n’étonne quand on se souvient qu’après la condamnation de Fénelon, un jour, disputant avec le duc de Charost sur Fénelon et Rancé, il cria : « Au moins mon héros n’est pas un repris de justice. » M. de Charost suffoquait.
L’auteur n’a jamais fait réimprimer son premier écrit, auquel il ne rend peut-être pas toute la justice qui lui est due ; il en a repris depuis et rectifié plusieurs des idées principales dans le mémoire sur la Formation territoriale et politique de la France, lu à l’Académie des Sciences morales en 1838. […] Antonio Perez, jeté en prison, retenu captif durant onze années, traité avec des alternatives de ménagement et de rigueur, selon ce qu’on craignit ou qu’on espéra de ses aveux ; puis, quand on le crut dessaisi de tous papiers et de tous gages, livré à la justice secrète de Castille, poursuivi pour un acte dans lequel il n’avait été que l’exécuteur d’un ordre royal, mis à la torture, Perez parvint, à force d’adresse, et par le dévouement de sa femme 81, à s’échapper en Aragon ; et là, devant un libre tribunal, le duel s’engagea à la face du soleil, entre le sujet sacrifié et le monarque. Les Aragonais, qui prirent parti pour l’opprimé et qui le soutinrent, ainsi que leur droit de justice souveraine, par une révolte à main armée, y perdirent leurs institutions et les dernières garanties de leur indépendance.
Le paupérisme, et l’inégalité des biens, la nature du pouvoir royal, l’origine de l’État et des pouvoirs publics, la justice, l’instinct, la nature du mal, l’origine de la société, de la propriété, du mariage, le conflit du clergé séculier et du clergé régulier, des mendiants et de l’Université, l’œuvre de création et de destruction incessantes de la nature, les rapports de la nature et de l’art, la notion de la liberté et son conflit avec le dogme et la prescience divine, l’origine du mal et du péché, l’homme dans la nature, et son désordre dans l’ordre universel, toutes sortes d’observations, de discussions, de démonstrations sur l’arc-en-ciel, les miroirs, les erreurs des sens, les visions, les hallucinations, la sorcellerie et jusque sur certain phénomène de dédoublement de la personnalité, voilà un sommaire aperçu des questions que traite Jean de Meung, outre tous les développements de morale et de satire qui tiennent plus directement à l’action du roman, etje ne sais combien de contes mythologiques extraits d’Ovide ou de Virgile, tels que les amours de Didon et l’histoire de Pygmalion. […] Un manque essentiel de respect, l’instinct de défiance et de médisance contre les puissants, contre les gens en place, contre ceux surtout qui détiennent une part de la richesse publique ou qui ont mission d’administrer la justice, contre ceux aussi, baillis ou prévôts, dont le menu peuple souffre plus parce qu’ils sont plus près de lui, voilà un autre trait de l’humeur bourgeoise ; et par là encore la seconde partie du Roman de la Rose est d’inspiration bourgeoise. […] Fatigués de la barbarie primitive, où la lutte de tous contre tous est l’état naturel, où chacun ne prend et ne garde que selon sa force actuelle, les hommes ont constitué l’État, le pouvoir civil, gardien de la propriété et de la justice ; le roi n’est leur maître que pour leur service et leur sûreté : c’est le gendarme de Taine : Un grand vilain entre eux élurent Le plus ossu de tant qu’ils furent, Le plus corsu et le plus grand : Si le firent prince et seigneur.
Il démontrera que les lois ne représentent pas la justice, mais la coutume, afin qu’on n’ait point le désir turbulent de les changer. […] Il affirme la justice et l’humanité : par une horreur intime de la souffrance physique, son instinct écarte toutes les cruautés ; mais sa réflexion adhère à son instinct, et c’est toute son intelligence avec tous ses nerfs qui lui dicte d’éloquentes protestations contre la torture, et contre la barbarie des Espagnols dans le Nouveau Monde. […] Il a borné sa vue à la vie présente, dont il a dressé la forme pour satisfaire à toutes les aspirations de sa nature physique, intellectuelle et morale, et de façon que la volupté, la justice, la bonté y fussent commodément logées.
La morale de l’Esprit des lois ne l’oblige qu’à des vœux généraux d’humanité, de justice, de liberté pour tous, qui l’acquittent de toute obligation particulière. […] Une morale, c’est plus que le goût de tout ce qui est moral, plus que l’amour du droit, plus que la justice et la bienfaisance ; c’est la certitude que toutes ces choses ne sont pas de purs mérites de la volonté, mais des lois divines obéies, et qu’en les pratiquant d’un cœur sincère, on reste infiniment au-dessous de ce qu’elles prescrivent. […] Les vérités nous ont défendus de la séduction des erreurs, et jusqu’au paradoxe de la vénalité des charges, que Montesquieu a eu le tort de défendre, ses belles idées sur la justice nous ont appris à le réfuter.
Qu’on déplore tant qu’on voudra les vices qui souillèrent le xviiie siècle, c’est par cette énergie de pitié, de bienfaisance, de passion pour la justice et la vérité qu’il reste grand ; c’est par là qu’il mérite, non seulement l’estime, mais la reconnaissance de ceux qui en parlent aujourd’hui. […] Et, en effet, il suffit de se rappeler la noble et vigoureuse campagne qui fut alors menée contre la guerre, contre les usages barbares fidèlement conservés par les cours de justice, contre la torture, contre la disproportion des délits et des peines, contre l’atrocité de certains supplices et déjà même contre la peine de mort. […] Faut-il faire rentrer l’assistance des pauvres dans les devoirs de pure charité, qu’on remplit ou ne remplit pas suivant le caprice individuel ou parmi les devoirs de stricte justice auxquels on ne saurait se dérober sans forfaire et qui peuvent être imposés par le pouvoir civil ?
Être un grand homme de la matière, être pompeusement violent, régner par la dragonne et la cocarde, forger le droit sur la force, marteler la justice et la vérité à coups de faits accomplis, faire des brutalités de génie, c’est être grand, si vous voulez, mais c’est une grosse manière d’être grand. […] Les gestes royaux, les tapages guerriers, les couronnements, mariages, baptêmes et deuils princiers, les supplices et fêtes, les beautés d’un seul écrasant tous, le triomphe d’être né roi, les prouesses de l’épée et de la hache, les grands empires, les gros impôts, les tours que joue le hasard au hasard, l’univers ayant pour loi les aventures de la première tête venue, pourvu qu’elle soit couronnée ; la destinée d’un siècle changée par le coup de lance d’un étourdi à travers le crâne d’un imbécile ; la majestueuse fistule à l’anus de Louis XIV ; les graves paroles de l’empereur Mathias moribond à son médecin essayant une dernière fois de lui tâter le pouls sous sa couverture et se trompant : erras, amice, hoc est membrum nostrum impériale sacrocœsareum’ ; la danse aux castagnettes du cardinal de Richelieu déguisé en berger devant la reine de France dans la petite maison de la rue de Gaillon ; Hildebrand complété par Cisneros ; les petits chiens de Henri III, les divers Potemkins de Catherine II, Orloff ici, Godoy là, etc., une grande tragédie avec une petite intrigue ; telle était l’histoire jusqu’à nos jours, n’allant que du trône à l’autel, prêtant une oreille à Dangeau et l’autre à dom Calmet, béate et non sévère, ne comprenant pas les vrais passages d’un âge à l’autre, incapable de distinguer les crises climatériques de la civilisation, et faisant monter le genre humain par des échelons de dates niaises, docte en puérilités, ignorante du droit, de la justice et de la vérité, et beaucoup plus modelée sur Le Ragois que sur Tacite. […] Ces renversements de rôles mettront dans leur jour vrai les personnages ; l’optique historique, renouvelée, rajustera l’ensemble de la civilisation, chaos encore aujourd’hui ; la perspective, cette justice faite par la géométrie, s’emparera du passé, faisant avancer tel plan, faisant reculer tel autre ; chacun reprendra sa stature réelle ; les coiffures de tiares et de couronnes n’ajouteront aux nains qu’un ridicule ; les agenouillements stupides s’évanouiront.
Ces formes de bâtiments, qui contrariaient d’abord son œil académique (tout peuple est académique en jugeant les autres, tout peuple est barbare quand il est jugé), ces végétaux inquiétants pour sa mémoire chargée des souvenirs natals, ces femmes et ces hommes dont les muscles ne vibrent pas suivant l’allure classique de son pays, dont la démarche n’est pas cadencée selon le rythme accoutumé, dont le regard n’est pas projeté avec le même magnétisme, ces odeurs qui ne sont plus celles du boudoir maternel, ces fleurs mystérieuses dont la couleur profonde entre dans l’œil despotiquement, pendant que leur forme taquine le regard, ces fruits dont le goût trompe et déplace les sens, et révèle au palais des idées qui appartiennent à l’odorat, tout ce monde d’harmonies nouvelles entrera lentement en lui, le pénétrera patiemment, comme la vapeur d’une étuve aromatisée ; toute cette vitalité inconnue sera ajoutée à sa vitalité propre ; quelques milliers d’idées et de sensations enrichiront son dictionnaire de mortel, et même il est possible que, dépassant la mesure et transformant la justice en révolte, il fasse comme le Sicambre converti, qu’il brûle ce qu’il avait adoré, et qu’il adore ce qu’il avait brûlé. […] Parmi les grands tableaux, il est permis d’hésiter entre la Justice de Trajan et la Prise de Constantinople par les Croisés. La Justice de Trajan est un tableau si prodigieusement lumineux, si aéré, si rempli de tumulte et de pompe !
Liaison étroite au sein des mondes de vie où nous sommes plongés, liaison intime des cœurs humains, joie et justice, telle est sa profession de foi panthéiste. […] La justice scellant enfin son plus intime accord avec la réalité, ou plutôt, la réalité s’élargissant jusqu’à faire entrer dans le cercle d’universelle beauté, jadis étroit et arbitraire, les plus humbles, les plus journalières fleurs de notre existence et de celle du monde ! […] Mais à côté de cet attachement, nous admettons mille patries, partout où nous nous augmentons, partout où nous sommes heureux, partout où règnent la justice et la beauté, mille patries parce que nous avons mille vies, incessamment diverses, sans cesse renouvelées, parce que nous nous adaptons à tous les milieux ; partout où nous trouvons de la bonté, de l’intelligence, de la simplicité, nous sommes chez nous ; partout où des cœurs fraternels s’approchent du nôtre, partout où nous sommes entourés de compagnons et d’amis, nous disons : « Je suis au milieu des miens. » Si ma patrie m’est inclémente et qu’une autre patrie m’attire, que m’importent les longs siècles d’histoire ?
J’ai eu quelquefois l’idée de traiter, dans une série particulière, des principaux de mes confrères en critique, de dire mon avis vrai sur chacun d’eux ; puis, au moment de prendre la plume, j’ai toujours été retenu par cette idée qu’étant obligé de refuser à chacun quelque chose, quelque qualité essentielle, d’en arriver, après une part d’éloges et une justice largement rendue, à un mais inévitable (car enfin nous-mêmes les critiques, redresseurs de tous, nous ne sommes point parfaits), je paraîtrais dénigrer des écrivains qui me valent au moins et que j’honore, et me mettre, contre mon intention, au-dessus de la plupart. […] Je lui ai entendu rendre cette justice par d’anciens jouteurs.