Dans un siècle qui remuait toutes les théories, qui agitait tous les problèmes, il ne prit aucune part effective, aucun intérêt véritablement intelligent. […] Le personnage de Valère, de ce jeune homme bien doué et d’un naturel excellent, qui se croit obligé de faire le fat par bon air, n’est pas moins vivement saisi ; cela prête à plus d’une scène heureuse et d’un intérêt assez comique ; mais la diction surtout du Méchant est excellente ; on en peut dire ce que Voltaire disait de la satire des Disputes, que ce sont des vers comme on en faisait dans le bon temps. […] — Gresset se trompe, il n’est pas si coupable36 Un vers heureux et d’un tour agréable Ne suffit pas ; il faut de l’action, De l’intérêt, du comique, une fable, Des mœurs du temps un portrait véritable, Pour consommer cette œuvre du démon !
Le seigneur du Pradel, qui ne perdit jamais de vue l’intérêt national dans sa laborieuse activité de propriétaire rural, et dont le livre fut un bienfait public, a mérité des statues, plutôt qu’une place dans notre histoire littéraire. […] Le problème longtemps débattu du scepticisme de Charron fait le principal intérêt de son œuvre : s’il dit d’excellentes choses, j’aime mieux les lire dans Montaigne et dans Du Vair. […] Un grand besoin d’ordre et de paix s’est à la longue éveillé, surtout dans le peuple et dans la bourgeoisie : on se réfugie dans la monarchie absolue, à qui l’on demande le salut de l’État et la protection des intérêts privés.
Un magistrat sait son code, a appris à se reconnaître dans les affaires embrouillées, dans les questions d’héritage et d’intérêt. […] Visiblement le romancier prend plaisir à nous exposer ces choses, et ainsi l’intérêt de la fable se double pour nous de l’intérêt qu’on prend toujours à voir élucider une affaire compliquée.
Le scandale public causé par le refus de sépulture dont elle fut l’objet, l’explication tragique et l’affreux soupçon qui ont couru au sujet de sa mort, ont répandu sur sa fin un intérêt mystérieux et ont fait d’elle une victime qu’on se sent d’abord disposé à aimer et à venger. […] Mais, s’il est innocent, songez, monsieur, quel intérêt je dois prendre à ses jours, et combien cette incertitude est cruelle pour moi. […] Tout se réunissait au même moment pour exciter et passionner l’intérêt public autour du cercueil de l’actrice tant aimée.
Bazin sont (je les range par ordre d’intérêt et d’importance) : 1º Une Histoire de France sous Louis XIII et sous le ministère du cardinal Mazarin, grande composition qui parut en deux parties, les quatre volumes qui traitent de Louis XIII en 1838, et les deux qui traitent de Mazarin, en 1842. […] Ainsi, quand le comte de Soissons se rapproche de son neveu le prince de Condé en 1611, et unit ses intérêts aux siens, cette association est si bien liée, que les mémoires du temps font remarquer avec surprise que rien ne put la rompre jusqu’à la mort du comte de Soissons, « qui arriva un an après ». […] Sa conversation littéraire, surtout vers la fin, disent ceux qui en ont joui, était pleine d’intérêt, d’instruction positive, et même de charme quand il se sentait goûté.
Il ne fut pas inutile à Ninon, dans ces conjonctures, que le prince de Condé, son ancien amant et son ami toujours, intervînt en personne pour lui donner à la Cour et ailleurs des témoignages publics d’intérêt. […] Elle parle volontiers, elle rit aisément, elle se fait un grand plaisir d’une bagatelle, elle aime à faire une innocente guerre à ses amis… Mais, parmi toute cette disposition qu’elle a pour la joie, on peut dire que cette aimable enjouée a toutes les bonnes qualités des mélancoliques qui ont l’esprit bien fait, car elle a le cœur tendre et sensible, elle sait pleurer avec ses amies affligées ; elle sait rompre avec les plaisirs quand l’amitié le demande ; elle est fidèle à ses amis ; elle est capable de secret et de discrétion ; elle ne fait jamais de brouillerie à qui que ce soit ; elle est généreuse et constante dans ses sentiments, et elle est enfin si aimable qu’elle est aimée des plus honnêtes personnes de la Cour, de l’un et de l’autre sexe, mais de gens qui ne se ressemblent ni en condition, ni en humeur, ni en esprit, ni en intérêts, et qui conviennent pourtant tous que Clarice est très charmante, qu’elle a de l’esprit, de la véritable bonté et mille qualités dignes d’être infiniment estimées. […] Aujourd’hui que la fleur de votre grande jeunesse est passée (le mot est rude, mais vous me l’avez écrit tant de fois, que ce n’est que le répéter), vous retenez tant de bonne mine sur votre visage et conservez tant d’agrément dans l’esprit, que, n’était la délicatesse de votre choix à recevoir le monde, il y aurait autant de foule chez vous sans intérêt qu’il y en a dans les cours où il y a le plus de fortune.
Le temps et l’éloignement, en éteignant les préventions, affaiblissent malheureusement aussi l’intérêt qui s’attachait à de pures questions littéraires : cet intérêt pourtant peut se retrouver, et plus durable, dans toute étude vraie qui pénètre jusqu’à l’homme. […] J’aurais peut-être voulu qu’on y marquât moins un intérêt personnel.
Il le reconnaît du premier ordre pour la marche lumineuse de l’ensemble, pour la puissance de l’action et les principaux effets que le théâtre se propose, pour « ce grand fonds d’intérêt qu’il semble interrompre lui-même volontairement, et qu’il est toujours sûr de relever avec la même énergie ». […] On ne s’intéresse à ses semblables qu’à raison de l’intérêt qu’on prend à soi-même et qu’on ose attendre de leur part. » Et il cite à ce propos un mot de Rousseau, qui venait un jour de s’épancher auprès d’un ami, et qui remarquait que cet ami (peut-être Grimm lui-même) recevait son épanchement sans lui rendre du sien : « Ne m’aimeriez-vous pas ? […] On a une partie de sa correspondance avec le grand Frédéric ; celle qu’il entretint avec l’impératrice Catherine, et surtout les lettres qu’il reçut d’elle, seraient d’un vif intérêt.
Il y avait, d’ailleurs, quelques belles pensées, mais rendues dans une langue gênée et contrainte : « À chaque instant le bien public, disait-il, lui demande le sacrifice de son intérêt, de ses affections et même de sa gloire. […] » Le même Voltaire écrivant à l’abbé Morellet et voulant, il est vrai, le flatter comme ami de Turgot et comme adversaire de Necker, relevait dans l’ouvrage une suite de phrases étranges : Je ne vous dirai point, d’après un beau livre nouveau, que les calculs de la nature sont plus grands que les nôtres ; que nous la calomnions légèrement ; … qu’un œil vigilant, capable de suivre la variété des circonstances, peut fonder sur une harmonie le plus grand bien de l’État ; qu’il faut suivre la vérité par un intérêt énergique, en se conformant à sa route onduleuse, parce que l’architecture sociale se refuse à l’unité des moyens, et que la simplicité d’une conception est précieuse à la paresse, etc. […] Quoique le moi soit un sujet de conversation interdit, il pensait pourtant que « c’est le seul que la plupart des hommes aient bien étudié, le seul où ils aient fait des découvertes » ; et il disait comme Montaigne, avec quelque variante : Laissez-les vous confier l’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes, et ils vous amuseront plus qu’en répétant, après tant d’autres, les lieux communs de la vie. — C’est de leur chose, pensait-il encore, de leurs intérêts, de leur vanité régnante qu’il faut les entretenir, si l’on veut voir leurs traits s’animer, leur voix s’accentuer, leurs bras se débattre, si l’on veut faire aller le pantin et jouir de ses mouvements.
C’est une raison qui ne rompt jamais en visière avec le sens commun, sans être esclave cependant d’aucun préjugé ; qui cherche dans le beau l’idéal et le général, sans se payer cependant du servile et du banal, qui met au-dessus de tout intérêt l’homme et le genre humain, et qui obéit à la règle, sans jamais décourager la liberté. […] Non ; l’esprit de ce livre, sa force, son intérêt, c’est la théorie. […] Et, d’ailleurs, cet amour du spéculatif, cet isolement de toute société, ce retranchement des intérêts et des sentiments humains, tout cela, n’est-ce pas aussi une sorte d’humeur, une manière d’être individuelle ?
C’est un assez plat passe-temps que vous vous donnez là… " il est certain qu’il n’y a pas le moindre vestige d’intérêt, de commisération sur son visage, et qu’on en fera, quand on voudra, une jolie assomption à la manière de Boucher. […] De ces deux anges qui sont immédiatement au-dessous de la sainte, il y en a un qui regarde l’enfant qui souffre entre les bras de son père, et qui le regarde avec un intérêt très-naturel et très-ingénieusement imaginé, cette idée est d’un homme d’esprit, et l’ange et l’enfant sont deux morveux du même âge. L’intérêt de l’ange est bien, parce que c’est un ange ; mais en toute autre circonstance n’oubliez pas que l’enfant dort au milieu de la tempête.
Voici les paroles que nous trouvons dans l’introduction dont Saint-Chéron a fait précéder sa traduction de l’Histoire d’Innocent III : « Recevons le beau tableau historique de Hurter comme un témoignage du bien immense qu’un souverain pontife a pu accomplir dans un siècle reculé, mais encore du bien que l’institution, reconnue comme nécessaire aux intérêts les plus élevés du genre humain, pourra faire dans les siècles à venir où il se rencontrera un Grégoire, un Innocent, au milieu des hommes ramenés par une pénible et douloureuse expérience, aux vrais principes sociaux. » Comme on le voit, s’il n’est guère possible d’être plus lourd, il n’est guère possible d’être plus clair. […] Elle a bien discuté, bien nié, bien versé des mépris sur son chemin ; mais elle a manqué le meilleur coup qu’elle pût porter, l’observation vraie et cruelle, d’autant plus, cruelle qu’elle est vraie : c’est que tous les Papes, sans exception, tous les hommes, même les plus éminents, qui ont représenté l’Église et par qui l’Église a vécu, ont été moins grands que leur situation, et ont manqué d’une intelligence à la hauteur de leurs devoirs ; c’est que nul d’entre eux ne s’est servi, dans l’intérêt de l’institution catholique, de circonstances uniques dans l’histoire et qui semblaient aller d’elles-mêmes au-devant d’une main qui les prît au passage et qui sût les plier à ses desseins. […] Or, comment se conduisit le héros de Hurter dans la question d’où devait sortir la gloire de son règne et sur laquelle, à ce qu’il semble, l’intérêt de l’Église était si éclatant qu’il n’était pas besoin d’être un aigle pour voir des choses d’une telle lumière ?
Il s’agit dans notre conception, d’une solidarité qui intéresse non seulement tel intérêt particulier, ou telle fonction de l’organisme national, mais cet organisme lui-même dans sa totalité et dans son individualité propre. […] Entre deux nations alliées politiquement, il n’y a ni entente profonde ni solidarité cordiale ; il n’y a que le superficiel parallélisme d’intérêts spéciaux et momentanés, celui de deux voyageurs qui suivent la même route durant quelques heures pour se protéger plus efficacement contre le péril, mais qui n’ont pas forcément de liens réels entre leurs deux existences, étant peut-être intérieurement ennemis l’un de l’autre sans le savoir, ou même le sachant. […] Des hommes de tous pays ont pensé : « Nous, travailleurs, de nationalités différentes, dans le but de défendre nos droits, qui sont semblables, malgré la diversité de nos origines, nous nous unissons par dessus les frontières, pour témoigner de l’unité de nos intérêts et créer une solidarité qui nous est nécessaire. » C’est un lien d’humanité partielle qu’ils ont établi, non pour dénouer le faisceau que constitue chacune de leurs nationalités, mais pour renforcer leur individualité, à l’expansion de laquelle la solidarité du seul corps social n’a pas suffi. « L’Internationale !
Comme professeur, je sens qu’il est de mon devoir de veiller avant tout aux intérêts du goût, à l’explication et au maintien de la tradition, et je crois sentir aussi que je ne ferai pas défaut à ce rôle de conservation littéraire. […] Mais en dehors de cela, comme critique et journaliste, quand je le redeviens, je suis entraîné à m’inquiéter avant tout des intérêts du talent.
Mais d’assez récentes tracasseries ecclésiastiques l’ayant ramené à Paris, il y vit de près cette tiédeur et ce relâchement publics qui enhardissent un pouvoir sans morale à tous les envahissements rusés ou grossiers ; il y vit, sous cette couche corrompue d’une société en décadence, une masse jeune et populaire, impétueuse, frémissante, au sang chaud et vierge, mais mal éclairée, mal dirigée, obéissant à des intérêts aussi et à des passions qui, certes, courraient risque de bientôt corrompre la victoire, si un souffle religieux et un esprit fraternel n’y pénétraient d’avance à quelque degré. […] Pouvez-vous vous assembler pour traiter ensemble de vos intérêts, pour défendre vos droits, pour obtenir quelque soulagement à vos maux ?
Non, la statue de la Liberté n’a point l’intérêt pour base, et ce n’est pas à la philosophie de la sensation et à ses petites maximes qu’il appartient de faire les grands peuples… » Ainsi la liberté politique était invoquée en aide de la liberté morale par une sorte d’association et d’alliance naturelle qui n’était pas une confusion. […] Telles qu’on les peut lire aujourd’hui, sous cette forme de révision sévère, la suite de leçons où figurent successivement tant de noms célèbres dans l’ordre philosophique ou moral, Helvétius, Saint-Lambert, Hutcheson, Smith, est d’un aimable autant que sérieux intérêt.
Le grand mouvement qui animait les littératures étrangères durant les trente premières années du siècle, et qui se fit si vivement sentir en France sous la Restauration, s’est graduellement calmé, comme tant de choses, et il ne présente plus à l’intérêt qu’une surface immense que sillonnent en tous sens des voiles empressées, mais où ne se signale de loin aucune escadre imposante, aucun pavillon bien glorieux. […] Les autres nouvelles du volume nous offrent moins d’intérêt que celle de Tarass Boulba ; elles montrent la variété du talent de M.
Si le prédicateur ne dit pas en quoi consiste le superflu, à quel point on a plus que le nécessaire, chacun étendra ou resserrera le sens du mot selon son intérêt et son égoïsme ; les pauvres prétendront à tout, et les riches ne donneront rien. […] Quand la description est faite ingénument, sincèrement, ce n’est pas son moindre intérêt que de peindre celui qui décrit, avec ce qu’il décrit.
Elle délasse des besognes professionnelles, et elle élève l’esprit au-dessus des savoirs, des intérêts, des préjugés professionnels ; elle « humanise » les spécialistes. […] J’ai fait connaître, lorsqu’il y avait un intérêt quelconque, les éditions originales : mais, à l’ordinaire, je me suis contenté d’indiquer les meilleures, les plus modernes (quand elles sont les meilleures), et, en certains cas, les plus accessibles à tout le monde.
Hommes, œuvres, genres, tout ce qui était pratique ou actuel, tout ce qui servait ou exprimait les intérêts ou les passions de circonstance, prit le dessus. […] Cette période se clôt par la Satire Ménippée, œuvre de circonstance et de polémique, dont l’intérêt dépasse la circonstance, et dont la polémique annonce l’apaisement.