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522. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Mais, à s’en rapporter à l’original, le peintre réaliste a mis beaucoup d’imagination dans ce récit, qui affiche des prétentions biographiques. […] Vous allez croire que je fais de l’imagination, à mon tour, comme M.  […] Jamais plus fin talent d’observation ne fut au service d’une imagination plus puissante.

523. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Le bas-bleu fait surtout du roman, comme on dit industriellement d’une chose qui devient de plus en plus industrielle, parce que le roman est la furie d’une société que l’ennui de la réalité tue, et qui n’a plus en elle de développé que deux facultés, — la faculté de l’imagination et la faculté des combinaisons scientifiques. […] L’imagination, ce singe de l’intelligence, a dit Schiller, — ce qui n’est pas mal pour un Allemand, — l’imagination, qui est la première des facultés de la femme et d’un misérable siècle, chez qui la Raison est épouvantablement affaiblie, doit entraîner la femme, quand elle veut être littéraire, vers le roman dans lequel, d’ailleurs, elle cherche toujours un peu une place pour ses souvenirs et un miroir pour sa personne… D’un autre côté, par cela seul que le Roman est la forme la plus populaire des formes littéraires de ce temps, il rapporte du succès à plus bas prix… et l’Histoire, la sévère, l’Histoire, la désintéressée, n’a pas ces avantages… Il faut se croire très homme pour l’aborder.

524. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Imagination militaire, ce qui veut toujours un peu dire imagination chevaleresque, il s’est profondément pénétré de la personnalité de ce peuple arabe, — le seul peuple réellement poétique qu’il y ait maintenant sur la terre, et dont la description ressemble aune page de la Bible oubliée dans des feuillets de ce Khoran qui ne sera bientôt plus pour l’humanité qu’un livre oublié, — une poésie chantée ! […] Il y avait là pâture pour l’imagination et pâture aussi pour le sentiment de l’Histoire.

525. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Il est vrai qu’ils n’avaient pas mis leurs vingt-deux têtes dans le même bonnet, et qu’ils n’étaient, après tout, que les pierres d’une mosaïque intellectuelle, composée par un éditeur… Chacun de ces vingt-deux fragments d’un traducteur intégral avait son petit coin, son alvéole, dans la ruche, sa petite pièce sur laquelle il s’était rué et avait épuisé son petit génie, — et puisque chacun avait choisi le morceau (ode, épode, épître ou satire) qui convenait le plus à son genre d’esprit ou d’imagination, ce n’était pas peut-être, en tant qu’il faille traduire un auteur, la plus mauvaise espèce des traductions que celle qu’ils faisaient à eux tous. […] Seul, le sublime écolier d’Harrow, dont la violente fantaisie avait bu l’ennui dans cette coupe correcte, et gardé en sa nature profonde l’impression et le ressentiment de cet ennui, puisé dans cette poésie sans âme, a osé dire le secret de beaucoup d’esprits qui se taisaient, — lâches comme toujours, devant deux mille ans de gloire consacrée et d’idolâtrie, — et sa vérité à lui, sur un poète, au fond, médiocre d’inspiration et de génie, mais adoré et gardé par tous les médiocres de la terre : et les médiocres d’imagination, et les médiocres de passion, et les médiocres de cœur. […] Du moins, l’Horace de Passy, dont la gloire est déjà baissée, sentait la patrie et pleura Sainte-Hélène… Et quant à l’autre Horace français dont Louis XIV fut l’Auguste, ce Boileau qui n’admettait pas Dieu pour être tranquille, cette âme droite, sérieuse, austère, qui tira toute sa poésie de la raison, cette maîtresse faculté de l’homme, l’Horace latin ne sert qu’à montrer combien il est grand, malgré l’imagination qui lui manque.

526. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

C’est pour elle qu’il s’est fait savant ; qu’il a remué toutes les chroniques ; qu’il a grignoté, mangé, dévoré et digéré tous les manuscrits ; et, de cette digestion, fait sortir cette Papesse Jeanne, pondue enfin dans les champs de l’imagination, après d’effroyables efforts scientifiques et pour satisfaire tous les goûts ! […] C’est le coup de fouet de l’imagination joyeuse qui claque dans le vide de l’azur. […] La légende de la Papesse Jeanne, qui avait dû régner, au mépris de la chronologie, deux ans et quelques mois, entre Léon IV (mort le 17 juillet 855) et Benoît III (élu dès juillet de la même année), cette légende du ixe  siècle qui a dupé l’imagination naïve du Moyen Âge, malgré son invraisemblance, et peut-être même en raison de son invraisemblance, était, comme une foule de légendes, tombée en désuétude et en oubli, de même qu’un champignon qui n’est pas vénéneux tombe silencieusement en poussière sur le fumier qui l’a produit, quand, de cette poussière ramassée, la Haine, un jour, voulut faire un poison, qu’on se mit alors à sévèrement analyser… On sait la date de ce jour-là.

527. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Sa prétention est de les écrire avec un tour d’imagination des plus rares et qui fait fleurir la poésie jusque dans le giron austère de la Vérité, et cette prétention a sa racine peut-être dans une ambition légitime ; car, esprit intermédiaire bien plus que primaire, il peut engrener, l’un dans l’autre, deux ordres de faits différents, — les faits de l’imagination et ceux de la mémoire exacte, — et il a ce style poético-scientifique ou scientifico-poétique, comme on voudra, dans lequel l’abstrait et le concret se balancent, mais pour s’énerver tous les deux ! […] Du reste, il n’y a pas que ce beau langage, à triple détente ou à triple illusion, qui fait croire peut-être aux savants qu’ils sont des poètes, — aux poètes qu’ils sont des savants, — et aux ignorants sans imagination (la foule) qu’ils sont des poètes et des savants tout à la fois, — il n’y a pas que cette langue confuse, qui plaît aux esprits troublés dont elle augmente le trouble, avec quoi l’on puisse expliquer la popularité de Humboldt et le prosternement général devant son génie.

528. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Charrière a prétendu que le Pluchkine de Gogol faisait plus d’effet sur l’imagination que les avares de Balzac, cette légion digne de Rembrandt et de Shakespeare : Gigonnet, Grandet, et le terrible Gobseck lui-même ; et la raison qu’il en a donnée est une petite raison de philanthrope politique : « La raison, — dit-il, — c’est qu’un tel homme a des esclaves » ; comme si Gobseck, avec les passions qu’il déchaîne en leur montrant son or, n’en avait pas ! […] Du reste, cette tête indigente avoue très bien sa pauvreté : « Je n’ai jamais écrit d’imagination », dit-il. […] Il est l’auteur d’une comédie politique intitulée le Revisor, où il n’y a ni situation dramatique, ni imagination quelconque, mais du mordant ; seulement, ce mordant n’est pas gai.

529. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Sa prétention est de les écrire avec un tour d’imagination des plus rares et qui fait fleurir la poésie jusque dans le giron austère de la Vérité ; et cette prétention a sa racine peut-être dans une ambition légitime, car, esprit intermédiaire bien plus que primaire, il peut engrener, l’un dans l’autre, deux ordres de faits différents, — les faits de l’imagination et ceux de la mémoire exacte, et il a ce style poético-scientifique ou scientifico-poétique, comme on voudra, dans lequel l’abstrait et le concret se balancent, mais pour s’énerver tous les deux ! […] Du reste, il n’y a pas que ce beau langage, à triple détente ou à triple illusion, qui fait croire peut-être aux savants qu’ils sont des poëtes, — aux poëtes qu’ils sont des savants — et aux ignorants sans imagination (la foule) qu’ils sont des poëtes et des savants tout à la fois, il n’y a pas que cette langue confuse qui plaît aux esprits troublés, dont elle augmente le trouble, avec quoi l’on puisse expliquer la popularité de Humboldt et le prosternement général devant son génie.

530. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Il n’était pas, d’ailleurs, de vocation absolue, un romancier, quoiqu’il ait fait aussi des romans, et, entre autres, ces Docteurs du jour, qui ont un cadre romanesque dessiné pour y mettre bien autre chose que des romans, et qui pourtant en contiennent un, si ce n’est deux… Brucker avait d’autres facultés que celles-là avec lesquelles on crée des fictions intéressantes ou charmantes, et ces facultés impérieuses et précises avaient trop soif de vérité pour s’arrêter beaucoup aux beautés du rêve, qui traversèrent cependant son imagination dans la chaleur de sa jeunesse, quand, par exemple, il écrivit en collaboration ce roman des Intimes, oublié, comme s’il l’avait fait seul, malgré les diamants d’esprit qu’y jeta Gozlan et qui ne firent point pâlir les rubis que lui, Brucker, plaça à côté… La gerbe de facultés différentes qu’avait Brucker et qui se nuisaient peut-être les unes aux autres par le fait de leur nombre, avaient, au centre du magnifique bouquet qu’elles formaient, deux fleurs superbes et excessivement rares : la métaphysique, — non pas froide chez lui comme chez les autres métaphysiciens, mais de feu, — et une puissance de formule algébrique qui donnait à ses idées et à son style — même littérairement — une rigueur et une plénitude incomparables. […] Mais, à cette voix, il s’interrompit de contempler et il se décroisa les bras pour frapper les rudes coups de ce livre, dont il se laissa même dicter la forme, trop romanesque à mon gré, mais qu’on lui imposa pour que le livre, sous cette forme, saisît mieux l’imagination et allât plus vite et plus avant dans la publicité et dans le succès. […] Il y prend, une à une, toutes ces philosophies sociales dont les imaginations du temps étaient affolées, et entre toutes celles de Babeuf, de Saint-Simon, de Charles Fourrier, de Pierre Leroux, qui voulaient plus que les autres se donner les airs d’être quelque chose, et qui n’étaient, comme les autres, rien de plus que les conséquences de la philosophie du xviiie  siècle, et il faut voir avec quelle rapidité d’analyse il les discute et les découd en quelques lignes, de ce style mathématique et brillant qui caractérise sa personnalité d’écrivain !

531. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Mais les poètes ont parfois de ces mélancoliques coquetteries, pour toucher et amener à eux les imaginations. […] Imagination très étendue et très sensible, qui a sous ses mains un clavier énorme et qui monte et descend en un clin d’œil la gamme de tous les sentiments. […] Aussi fit-elle· dans les imaginations et les sensibilités d’alors une révolution qui n’a pas recommencé, — un de ces coups de tonnerre qui ne revibrent qu’à de longues distances !

532. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

I Ces deux ouvrages, qui ont vécu et qui vivent encore dans l’imagination des hommes, cette nouvelle édition (qui sait ?) […] Il n’y avait là que de l’à-peu-près historique, mais cela suffit aux imaginations débiles, des mœurs à fleur d’épiderme, mais sur lesquelles on n’était pas blasé. […] Il faut que les imaginations s’apprivoisent à votre grandeur.

533. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Illuminés d’enthousiasme ; hommes de parti enlevants d’éloquence dans des camps opposés ; natures bouillonnantes qui dégorgent incessamment comme la bouche d’un fleuve, soit des pensées, soit des images ; espèces de Pythonisses de leur propre esprit ; passionnés dans leur âme et passionnés dans leur sang que l’Imagination fouette incessamment de ses mille dards enflammés, ils ont les mêmes audaces d’expression et ils se ressemblent jusque dans leur originalité… La seule différence qu’il y ait entre eux, c’est que Diderot l’athée ne fut jamais qu’un athée. […] Ce vin de feu tombe en écumes folles par-dessus les bords de la cuve et en rompt les cercles sous la pression de ses flots puissants et ivres d’eux-mêmes… Comme une vaste fleur dont les parfums rayonnent, l’imagination de M.  […] Brucker alluma dans sa tête ce système, asphyxiant pour les imaginations vives, le Fouriérisme, et c’est ainsi que le suicide de sa vie, il ne l’accomplit que sur sa raison… C’est dans cette orageuse période de sa jeunesse qu’il écrivit avec un talent haletant et convulsé le livre intitulé Mensonge, où la Critique put remarquer un effrayant chapitre intitulé Le Fond des âmes, enlevé dans l’amère et ironique manière d’Henri Heine, un des plus grands poètes qui aient paru depuis Byron, mais une fleur de poésie mortelle aux âmes qu’elle touche, comme le laurier-rose, dont elle a les suavités de teinte et les poisons.

534. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

il la photographie, mais elle ne lui insinue jamais dans l’imagination cette lumière interne des vrais peintres, plus vraie que l’autre lumière, a travers laquelle ils peignent tout. […] Il est évident, en effet, que l’imagination de l’auteur de Carmen et de la Chronique de Charles IX se reconnaît, quoique affaiblie, dans les sujets qui l’ont attiré, et qui sont, à coup sûr, les sujets les plus romanesques de l’histoire. […] Malheur énorme pour l’imagination !

535. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Affectueux, plein d’abandon, innocemment moqueur, avec une imagination naturelle et charmante, une fantaisie gracieuse, une finesse exquise, et si malheureux ! […] Aujourd’hui peut-être, mais demain, si j’ai l’imagination sèche, je n’y verrai rien que des carottes et autres fournitures de cuisine. […] Ni dans sa conduite ni dans sa littérature ses goûts féodaux ne lui avaient réussi, et ses splendeurs seigneuriales s’étaient trouvées aussi fragiles que ses imaginations gothiques. […] Ils sont à cent lieues de la grande imagination qui crée ou transforme, telle qu’elle apparut à la Renaissance ou au dix-septième siècle, dans les âges héroïques ou nobles. […] À la vérité, l’auteur ne s’est guère mis en frais d’imagination : il se promène et cause avec un pieux colporteur écossais, voilà toute l’histoire.

536. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Ce réalisme n’est qu’une industrie misérable, ou le dévergondage d’une imagination déréglée. […] Dans les épopées germaniques, c’est plutôt l’idéalisme de l’imagination. […] Leur imagination devient païenne, tandis que leur cœur reste chrétien. […] Sans fouiller l’histoire, sans se mettre l’imagination à la torture, on aurait dans les procès de chaque jour une assez ample matière. […] Quant à l’imagination créatrice, son règne serait passé, au dire des réalistes.

537. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Quittons donc un moment l’Europe et les Indes, terres de l’imagination, traversons le Thibet qui sépare d’une muraille presque perpendiculaire de glace les deux plus vastes empires du monde, et jetons un regard profond sur la Chine, ce pays de la raison par excellence. […] Chacun, suivant sa science, suivant son imagination, suivant sa foi et suivant son livre profane ou sacré, peut conjecturer ou croire. […] C’est une beauté morale, encore plus attrayante que celle de la tête de Platon, où l’on ne sent que la poésie et l’éloquence, divinités de l’imagination, tandis que dans la tête de Confucius on sent la raison, la piété et l’amour des hommes, triple divinité de l’âme. […] Le Thibet, qui sépare l’Inde de la Chine, semble en effet séparer aussi en deux zones géographiques les facultés de l’esprit humain : dans les Indes comme dans l’Arabie et la Grèce, l’imagination ; dans la Chine et dans la Tartarie, la raison. […] Platon est le politique de l’imagination, Confucius est l’oracle de l’expérience.

538. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Il l’avait trop, en effet, cet esprit facile, que les femmes mêmes ont ou peuvent avoir, pour débuter par cette sévère abstraction du temps où l’on vit qu’on appelle l’étude de l’histoire ; Audin avait la sensibilité et l’imagination d’un artiste. […] Mais la jeunesse du talent d’Audin n’est pas de celles que le temps emporte ; elle ne tient pas aux formes de l’imagination de son époque ; car chaque époque a son genre d’imagination comme son genre de sensibilité. […] Il aime le beau jusqu’à l’enfantillage, et son imagination est trop bonne. […] Dans cette vie de sa pensée que nous écrivons à larges traits, parce qu’il n’eut presque pas d’autre vie que celle de l’esprit, de la méditation, de l’étude assise ou voyageuse, nous n’avons pas à entrer dans l’examen détaillé et minutieux de ses ouvrages ; mais nous pouvons dire sous la forme la plus générale que, quand il a failli, ce fut par le fait de la double bonté de son imagination et de son cœur. […] Audin n’a pas caché la sienne ; mais naturellement, par le fait de son amour de l’étude et du recueillement, par la tournure d’une imagination tout à la fois positive et rêveuse, par l’élévation d’un caractère qui se trouvait seul en s’élevant, il a vécu à peu près caché à la foule, même à ceux-là qui auraient besoin, dans l’intérêt de sa renommée, d’ausculter et de savoir sa vie.

539. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

La description des villages va montrer qu’il ne travaille pas plus à frapper l’imagination que le cœur. […] Michelet a laissé grandir en lui l’imagination poétique. […] L’apparence extérieure et sensible, traversant l’imagination de l’artiste, est allée frapper jusqu’à son cœur. […] Le premier effet de ce genre d’imagination est l’éloquence. […] Michelet est cette sensibilité exaltée qu’on a nommée l’imagination du cœur.

540. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

C’était un homme bien fait de sa personne, dont la physionomie calme n’annonçait rien moins qu’une imagination ardente. […] Mais elles firent un véritable ravage dans l’imagination de quelques-uns de ceux qui, avec Huyot et Étienne, composaient alors la classe des rapins. […] Le jeune David présenta à son nouveau maître quelques dessins faits d’imagination. […] Ces espérances de réforme se présentaient alors plus vives que jamais à l’imagination de David. […] Quoiqu’il y eût une gravité habituelle dans les idées de David, son imagination mobile lui faisait changer assez brusquement de résolution.

541. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

A vingt-deux ans, il s’était complètement affranchi des croyances ; mais le principe d’exaltation était dans sa famille, et l’un de ses jeunes frères, entré également chez les Jésuites, et juste au moment de leur suppression en France, avait l’imagination si frappée qu’il n’avait cru trouver de salut et d’abri qu’en s’allant jeter de là à La Trappe. […] Ducis, tout en consolant son étrange malade et en lui insinuant les remèdes les plus appropriés, se peint à nous avec sa chaleur d’imagination, avec ses goûts modérés et parfois ses désirs plus grands que son destin. […] En vérité, il ne faut qu’une cabane dans un séjour d’apparition où nous ne sommes que des Ombres occupées à en voir passer d’autres, et où les mots d’établissement, de projets, de gloire, de grandeurs, ne peuvent exciter que la pitié. » Et tout à coup, une autre fois, à propos de la mort ou de la maladie de quelques membres de l’Académie, Condillac, Watelet, M. de Beauvau : « Mon ami, je regarde nos quarante fauteuils comme quarante tombes qui se pressent les unes contre les autres. » Mais ceci tourne à l’imagination funèbre et devient trop effrayant. […] Je me retrouve et me reconnais, mon cher ami, dans une bonne partie de ce que vous me dites sur les crises et les maladies de votre imagination.

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