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481. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

On prétend que Démosthène l’admirait ; il fut loué par Socrate ; Platon en a fait un magnifique éloge ; Cicéron l’appelle le père de l’éloquence ; Quintilien le met au rang des grands écrivains Denys d’Halicarnasse le vante comme orateur, philosophe et homme d’État ; enfin, après sa mort, on lui érigea deux statues, et sur son mausolée on éleva une colonne de quarante pieds, au haut de laquelle était placée une sirène, image et symbole de son éloquence. […] Admettez un tiers à cette conversation, il ne concevra point ce que ces mots ont de touchant, ni pourquoi ils excitent une émotion si tendre, et font peut-être verser les plus douces larmes : telle est l’image du différent effet que produisent les beautés accessoires et les finesses d’expression dans une langue vivante ou dans une langue morte ; plus un écrivain a de ce genre de beautés, plus il doit perdre.

482. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Racine, où chaque phrase est un modèle de contorsions et d’images extraordinaires ? […] Le théâtre d’alors rend fidèlement l’image de la vie réelle. […] Le temps n’était-il pas venu de reposer notre vue sur des images moins pénibles ? […] Les miroirs y gardent quelque chose de tant d’images qu’ils ont reflétées. […] Il n’y a pas d’images non plus, quoique certains aient voulu réduire le don de poésie à n’être qu’une disposition instinctive à « penser en images ».

483. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

., alors enceinte, on remarquera une strophe qui ferait honneur à Lamartine lui-même : c’est celle où le poëte, s’adressant à l’enfant qui ne vit encore que pour sa mère, s’écrie : Tu seras beau ; les Dieux, dans leur magnificence, N’ont pas en vain sur toi, dès avant ta naissance, Épuisé les faveurs d’un climat enchanté ; Comme au sein de l’artiste une sublime image, N’es-tu pas né parmi les œuvres du vieil âge ? […] « Une âme plus faible ou plus tendre accueillera peut-être celui que d’autres ont dédaigné ; d’autres discours rempliront mes souvenirs ; une autre image charmera mes tristesses rêveuses, et je ne verrai plus vos lèvres dédaigneuses et vos yeux qui ne regardent pas. […] Nous extrayons religieusement ici les dernières pensées écrites sur son journal ; elles sont empreintes d’un instinct inexplicable et d’un pressentiment sublime : « Chacun de nous est un artiste qui a été chargé de sculpter lui-même sa statue pour son tombeau, et chacun de nos actes est un des traits dont se forme notre image. […] Ce jugement est assez favorable pour que je m’en honore, et il est à la fois assez sévère pour que j’ose le reproduire ici : « Dans le premier ouvrage (dans Joseph Delorme), dit-il, c’était une âme flétrie par des études trop positives et par les habitudes des sens qui emportent un jeune homme timide, pauvre, et en même temps délicat et instruit ; car ces hommes ne pouvant se plaire à une liaison continuée où on ne leur rapporte en échange qu’un esprit vulgaire et une âme façonnée à l’image de cet esprit, ennuyés et ennuyeux auprès de telles femmes, et d’ailleurs ne pouvant plaire plus haut ni par leur audace ni par des talents encore cachés, cherchent le plaisir d’une heure qui amène le dégoût de soi-même. […] « Mais son cœur lui échappe et s’attache à une fausse image de l’amour.

484. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Il est trop question avec lui, au point de vue où il se place, de se croiser les bras et de regarder, — avec lui qui, à l’heure la plus ardente de sa jeunesse, peignant la noble élite dont il faisait partie, écrivait : « L’espérance des nouveaux jours est en eux ; ils en sont les apôtres prédestinés, et c’est dans leurs mains qu’est le salut du monde… Ils ont foi à la vérité et à la vertu, ou plutôt, par une providence conservatrice qu’on appelle aussi la force des choses, ces deux images impérissables de la Divinité, sans lesquelles le monde ne saurait aller longtemps, se sont emparées de leurs cœurs pour revivre par eux et pour rajeunir l’humanité. » Et c’est ici, peut-être, que s’explique un coin de l’énigme que nous nous posions plus haut, au sujet de ces intelligences si supérieures à leur action et à leur œuvre. […] A quelques pas en avant, un pâtre debout, les bras croisés et appuyé sur son bâton, semblait aussi absorbé dans la grandeur des choses ; le philosophe en fut vivement frappé, et dit : « Il y a en cette âme que voilà toutes les mêmes impressions que dans les nôtres. » — Les images nombreuses et si belles dans la bouche de M.  […] Jouffroy avait eu cette matinée culminante sur la Dôle, qu’il avait remarqué ce pâtre sur ce plateau, et que sa contemplation avait trouvé à une heure déterminée de sa jeunesse une forme de tableau si en rapport et si harmonieuse, je me l’étais souvent figuré, en effet, sur un plateau élevé des montagnes, avec moins de soleil, il est vrai, avec un horizon moins meublé de réalités et d’images, bien qu’avec autant d’air dans les cieux. […] Nul, s’il l’avait voulu, n’aurait eu plus que lui, au service de sa pensée, de ces grandes images agrestes et naturelles. […] Son illusion est de croire pouvoir aller au-delà de ce sentiment d’observation contemplative ; car, s’il veut tirer le poisson hors de l’eau, s’il agite sa ligne, comme, en cette sorte de pêche, le poisson, c’est sa propre image, c’est soi-même, au moindre effort et au moindre ébranlement, tout se trouble, la proie s’évanouit, le phénomène à saisir n’est déjà plus.

485. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

quelle douleur de voir s’égarer de si belles intelligences, de si nobles créatures, des êtres formés avec tant de faveur, où Dieu semble avoir mis toutes ses complaisances comme en des fils bien-aimés, les mieux faits à son image ! […] » XIII À mesure que le chagrin lui retire sa vie, elle cherche évidemment à la retenir instinctivement par quelques riantes images, réminiscences impuissantes de la jeunesse. […] « La lune se lève à l’horizon où j’ai si souvent regardé : le vent souffle à ma fenêtre comme je l’ai si souvent entendu ; je vois ma chambrette, ma table, mes livres, mes écritures, la tapisserie et les saintes images, tout ce que j’ai vu si souvent et que je ne verrai plus bientôt. […] Nous avons vu souvent de grands peintres faire leur propre portrait en se contemplant devant une glace : mais la peinture ne peut rendre l’image du peintre que dans une seule expression, une seule attitude, tandis que la plume peint la nature morale dans toute sa mobilité, dans les mille émotions secrètes que la vie donne à ceux qui pensent, qui sentent, qui jouissent, qui souffrent, qui pleurent ou qui prient. […] Figurez-vous tout ce qu’il y a de naïf dans l’enfant, d’aimant dans la jeune vierge, de tendre dans la fille, de dévoué dans la sœur, d’affectueux dans l’amie, de religieux dans le sentiment, de pittoresque dans le coup d’œil, de délicat dans la perception, de nouveau dans le sens des choses morales et des paysages, sortant sans prétention, sans étude et sans effort, pendant vingt ans, d’une âme qui s’oublie elle-même pour se révéler à son Dieu, et qui trouve des accents, des images, des soupirs, des hymnes, comme l’éclair trouve son chemin dans les nuages, et comme l’abeille trouve son parfum dans les bouquets du printemps sur l’océan de fleurs de la prairie : voilà ce style !

486. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

  I Dans le grand parc mondain et joli, par les soirées chaudes quelque rêveur s’attarde sur un banc, tandis que les arbres, au loin, cisèlent de noires images vacillantes le spectacle étoilé du ciel, et que passent enlacés, ou bien s’assoient, les couples élégiaques. […] Alors le rythme de ses images s’accélère : elles tournoient maintenant, tournoient sans arrêt devant lui : une allégresse montante, haletante, éperdue. […] Par degrés les sensations et les notions sont décolorées : la création des images s’apaise : un voile couvre la folle danse, ralentie. […] L’émotion est ainsi un état très instable et très rare de l’esprit : elle est un rapide afflux d’images, de notions, un afflux si dense et tumultueux que l’âme n’en peut discerner les éléments, toute à sentir l’impression totale. […] Dans l’émotion joyeuse, souvent la poussée des images devient plus rapide : les rythmes rapides ont désigné la joie, d’abord pour les paroles, puis pour le chant, qui fut un effort à rendre les paroles plus expressives.

487. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

      Comme une aigle aux ailes immenses       Agile habitante des cieux, Franchit, en un instant, les plus vastes distances, Parcourt tout de son vol et voit tout de ses yeux,       Tel, à son gré changeant de place,       Bossuet à notre œil retrace Sparte, Athènes, Memphis aux destins éclatants ; Tel il passe, escorté de leurs grandes images,       Avec la majesté des âges       Et la rapidité du temps227. […] Le lendemain, jour destiné à la célébration des saints mystères, le peuple accourut en foule à l’église pour y voir dans Eutrope une image éclatante de la faiblesse des hommes, et du néant des grandeurs humaines. […] C’est ainsi que ce qui rehausse l’éclat ; et l’image d’un prince, n’est pas qu’il soit assis sur un trône, revêtu de pourpre, et ceint du diadème ; mais qu’il foule aux pieds les barbares vaincus et captifs. […] » “Mais ma seule consolation dans ces misères a été de vous voir sans cesse, et de contempler dans votre visage l’image vivante et le portrait fidèle de mon mari mort : consolation qui a commencé dès votre enfance, lorsque vous ne saviez pas encore parler, qui est le temps où les pères et les mères reçoivent plus de plaisir de leurs enfants. […] Ces murs, encor noircis d’un deuil religieux, Répétèrent souvent ses cantiques pieux ; Elle-même attachoit aux pilastres antiques D’un saint ou d’un martyr les modestes reliques, Dans cet étroit enclos cultivoit quelques fleurs, Image de son âme et de ses chastes mœurs.

488. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Si maintenant, allant me promener, je pense à Pierre comme à un homme de taille normale et à Paul comme à un nain, si je laisse Paul à l’état de nain quand je me le figure revenu auprès de Pierre et reprenant sa conversation avec Pierre, nécessairement j’aboutirai à des absurdités ou à des paradoxes : je n’ai pas le droit de mettre en rapport Pierre demeuré normal et Paul devenu nain, de supposer que celui-ci puisse causer avec celui-là, le voir, l’entendre, accomplir n’importe quel acte, car Paul, en tant que nain, n’est qu’une représentation, une image, un fantôme. […] Sans doute il arrive au physicien relativiste, comme à tout autre physicien, de mettre en mouvement le système de référence où il s’était d’abord installé ; mais alors, bon gré mal gré, consciemment ou inconsciemment, il en adopte un autre, ne fût-ce que pour un instant ; il localise sa personnalité réelle dans ce nouveau système, qui devient ainsi immobile par définition ; et ce n’est plus alors qu’une image de lui-même qu’il aperçoit par la pensée dans ce qui était tout à l’heure, dans ce qui va redevenir à l’instant, son système de référence. […] Mais alors, Paul est bien un être vivant et conscient à l’instant où il quitte Pierre ; il est bien encore un être vivant et conscient à l’instant où il revient à Pierre ; (il resterait même un être vivant et conscient dans l’intervalle si l’on convenait, pendant cet intervalle, de laisser de côté toute considération de mesure et plus spécialement toute physique relativiste) ; mais pour Pierre physicien, prenant des mesures et raisonnant sur des mesures, acceptant les lois de la perspective physico-mathématique, Paul une fois lancé dans l’espace n’est plus qu’une représentation de l’esprit, une image — ce que j’ai appelé un « fantôme » ou encore une « marionnette vide ». C’est ce Paul en route (ni conscient, ni vivant, réduit à l’état d’image) qui est dans un Temps plus lent que celui de Pierre. […] Une des formules de Lorentz donne la réponse : l’horloge du point M marque 2 h. » « Je réponds : Paul est incapable de lire quoi que ce soit ; car, en tant que se mouvant, selon vous, par rapport à Pierre immobile, en tant que référé à Pierre que vous avez supposé référant, il n’est plus qu’une image vide, une représentation.

489. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Mais pour nous ils ne sont plus que des phénomènes intellectuels, des faits vus « à travers l’imagination de l’auteur », ou, pour parler exactement, des images représentatives des impressions de l’auteur, des images que nous formons par analogie avec ses images. […] Mais son procédé indirect de représentation par images rend ce vague encore plus dangereux. — Nos images historiques devraient donc reproduire au moins les traits essentiels des images qu’ont eues dans l’esprit les observateurs directs des faits passés : or les termes dans lesquels ils ont exprimé leurs images ne nous apprennent jamais exactement quels en étaient les éléments essentiels. […] Avec les traits épars dans les documents nous formons des images. […] Cette image, produite par une analogie superficielle, est d’ordinaire grossièrement fausse. […] — Comment faire pénétrer les images des faits historiques ?

490. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

« Nous donnons dans ce monument l’image fidèle de son génie qui a exercé une si puissante influence sur notre époque que mille de ses contemporains ont longtemps vécu et se sont développés sous ses rayons, sans jamais le savoir ; car c’était un soleil d’intelligence qui éclairait toutes les branches de la vie et qui faisait éprouver son action bienfaisante à tous ceux qui ont senti et pensé par elle, même dans les limites les plus étroites de leur être. […] Pour embrasser l’ensemble de la nature, il ne faut pas s’en tenir aux phénomènes du dehors ; il faut faire entrevoir du moins quelques-unes de ces analogies mystérieuses et de ces harmonies morales qui rattachent l’homme au monde extérieur ; montrer comment la nature, en se reflétant dans l’homme, a été tantôt enveloppée d’un voile symbolique qui laissait entrevoir de gracieuses images, tantôt a fait éclore en lui le noble germe des arts. […] Le plaisir naïf que fait éprouver la forme articulée de certains continents ou des mers intérieures sur les cartes géographiques, l’espoir de contempler ces belles constellations australes que n’offre jamais à nos yeux la voûte de notre ciel, les images des palmiers de la Palestine ou des cèdres du Liban que renferment les livres saints, peuvent faire germer au fond d’une âme d’enfant l’amour des expéditions lointaines. […] Quel contraste entre ces images sereines et les énergiques peintures de l’orage, dans le premier livre des Géorgiques, de la tempête qui assaille les Troyens au milieu des Strophades, de l’écroulement des rochers et de l’éruption de l’Etna, dans l’Énéide ! […] L’exilé ne vit pas, il est vrai, cette partie des steppes qui, recouvertes dans l’été de plantes vigoureuses hautes de quatre à six pieds, offre, à chaque souffle du vent, la gracieuse image d’une mer de fleurs agitée.

491. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Jamais la mélancolie maladive n’incarna son image plus complète sur des traits humains que dans cette figure. […] Elle m’entraîne souvent malgré moi dans un océan de désirs chimériques, qui tous me ramènent vers ce monde dont je n’ai aucune idée, et dont l’image fantastique est toujours présente pour me tourmenter. […] l’envie se glissa pour la première fois dans mon cœur : jamais l’image du bonheur ne s’était présentée à moi avec tant de force. […] Malgré la maladie qui l’a enlevée, et qui avait altéré ses traits, elle eût été belle encore sans une pâleur effrayante qui la déparait : c’était l’image de la mort vivante, et je ne pouvais la voir sans gémir. […] Une tour démantelée et à moitié démolie d’une enceinte de fortifications autour d’une ville, dont les remparts en ruines s’élèvent comme une végétation flétrie de pierres : y a-t-il une plus sinistre image de désolation dans un paysage ?

492. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

La psychologie ordinaire, se plaçant soit au point de vue purement intellectualiste, soit au point de vue matérialiste (les deux se ressemblent), ne considère le plus souvent que le contenu et les qualités des idées ou images mentales, à l’état immobile et « statique » ; elle les traite comme des espèces de tableaux ayant une forme propre dans un cadre propre et, de plus, répondant à des objets dont elles sont les portraits. […] Toute image qui est seule dans l’esprit implique donc un mouvement réel au dehors et est projetée au dehors ; il y a réalisation de l’image et croyance à sa réalité. […] Contenu et forme sont des images empruntées au monde de l’espace, que l’on transporte indûment dans la vie interne. […] Or, l’imagination est liée d’abord à la perception extérieure ; imaginer, c’est encore percevoir, observer des images venues du dehors, se représenter des objets. […] Ici, il s’agit du monde intérieur, qui est précisément composé d’images.

493. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Qu’est-il autre chose que l’union de l’image et de l’idée, de la forme et du sentiment ? […] Il a su passer de l’idée à l’image, ou, pour parler d’une façon plus conforme à la langue habituelle, de la critique à la création. […] Il semble que cette antinomie de l’idée et de l’image ait déjà préoccupé Léonard de Vinci, le plus hardi précurseur de cette époque. […] Une image remplace l’autre. […] « Mon esprit », disait-il, « est le cadre vide d’un millier d’images effacées.

494. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Le poète nous montre des images et il nous dit, aussi, quelle émotion éveillent en lui ces images, et il nous fait partager son émotion. […] De grands mots couverts de boue : telle est l’image de l’éloquence politique. […] Mais ici l’image est ingénieuse et complète le tableau. […] Et c’est ici que l’image se dresse rayonnante, toute-puissante, magnifique. […] Il ne raconte pas, il peint ; son style est tout en images, et ces images sont justement celles qu’il est essentiel de retenir, et qui caractérisent le cadre où les personnages vont se mouvoir.

495. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Mais ces premiers paysages faits à dessein et composés avec art, qui sont relevés d’images et de souvenirs mythologiques ou classiques (Arcadie, épée de Damoclès, autels d’Esculape, etc.), me plaisent moins que ceux qui seront retracés chemin faisant et avec des traits plus naturels, sans que l’auteur ait l’air de se mettre exprès à son chevalet. […] Naïve image de l’homme qui accomplit le premier pacte que sa race ait fait avec la terre ! vivante image du pasteur de toutes les montagnes du monde, de quels siècles ne serait-elle pas contemporaine ?

496. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Maxime du Camp (il est juste de s’en souvenir en jugeant le poète) est avant tout un voyageur, un voyageur consciencieux, infatigable, qui voit tout des lieux lointains qu’il visite, et qui de cette Haute Égypte, de cette Nubie presque inaccessible, rapporte non seulement des images brillantes, propres à orner des pages de récits, mais les empreintes positives des lieux et des monuments obtenues à l’aide des procédés modernes courageusement appliqués sous le soleil. […] Selon lui, en effet, il n’y a plus dans la littérature actuelle que de la forme, la pensée est absente ou sacrifiée : en architecture, en peinture, en sculpture, on ne rencontre, selon lui, que le pastiche, l’imitation du passé, une imitation confuse et entrecroisée des différentes époques, des différentes manières antérieures : « Il en est de même, dit-il, en littérature : on accumule images sur images, hyperboles sur hyperboles, périphrases sur périphrases ; on jongle avec les mots, on saute à travers des cercles de périodes, on danse sur la corde roide des alexandrins, on porte à bras tendu cent kilos d’épithètesa, etc. » Et dans ce style qui n’évite pas les défauts qu’il blâme, l’auteur s’amuse à prouver que tous, plume en main, jouent à la phrase et manquent d’une idée, d’un but, d’une inspiration : « Où sont les écrivains ?

497. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Celles-ci, les femmes du xviiie  siècle antérieures à Rousseau (et Mme de Staal-Delaunay en offre l’image la plus accomplie et la plus fidèle), sont purement des élèves de La Bruyère ; elles l’ont lu de bonne heure, elles l’ont promptement vérifié par l’expérience. […] Ce qu’elle ajoute ne prête pas moins à l’observation : « Son image fixe remplissoit uniquement mon esprit. […] Ces Mémoires, en effet, sont une image fidèle de la vie.

498. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Ce seront quelques mots de la prière des frères Arvales, de cette courte antienne qu’à certains jours, au sortir du temple, après avoir prié les dieux du foyer et frotté d’huile leurs images, les laboureurs romains chantaient en dansant, répétant trois fois chaque verset : « Ô Dieux lares, soyez-nous en aide ! […] De telles émotions, de telles images allaient bien il la rudesse romaine ; et ne nous étonnons pas si, dans un autre sujet, emprunté encore à la haute poésie de la Grèce et tout brûlant de la flamme d’Eschyle, le vieil Ennius donna parfois à ses drames la hauteur divine de l’enthousiasme lyrique. […] On les aimait mieux en parodie, dans ces représentations burlesques des Trois Hercules faméliques, ou de Diane fouettée, dont parle plus tard Tertullien : et quant aux grands hommes de l’histoire, leurs images étaient bannies de la scène et ne pouvaient pas plus y paraître qu’elles n’osaient se produire même aux funérailles de leurs descendants.

499. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Parce que l’esprit humain chasse naturellement l’image du deuil et du charnier. […] Ainsi l’image de la Patrie, qui est une image de conjonction, pour la défense commune et les intérêts communs, des hommes de même langage et de mêmes aspirations, a-t-elle pu être travestie, par ses adversaires de mauvaise foi, en une image de Baal et de Moloch. […] L’image de la nature et de l’homme, des rapports de la nature et de l’homme, qui au fond de l’œuvre, tant célébrée de Flaubert, est une image dégradée et pauvre, qui bafoue l’esprit de hardiesse et de sacrifice. […] La volonté peut modifier les phénomènes héréditaires, en agissant sur les images intérieures. […] Encore une fois, ne voyez dans cette image rien de péjoratif.

500. (1911) Nos directions

Restreint à une atmosphère spéciale, celui-ci s’exerce durant quatre actes sur les mêmes images mystiques : flammes, anges, incessantes fulgurations. […] On imagine l’exquise fantaisie que sur un semblable sujet, Banville, par exemple, eût construite, fragile, rien que de rimes, d’images, d’agrément. […] Etonnez-vous du foisonnement des images ! […] Dans celui-ci, n’étaient quelques images assez jolies, rien ne décèlerait la moindre sensibilité. […] Une strophe, une pensée (c’est-à-dire une idée, un sentiment ou une image).

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