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561. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Ces ressorts, plus extérieurs qu’intimes, n’ont point permis à l’homme de connaître les secrets du cœur de l’homme ; et la philosophie morale y a perdu sous plusieurs rapports. […] Tout ce qui peut ajouter à la dignité de l’homme, était la vertu des Romains. […] Ainsi l’homme qui voulait dompter la nature, cédait à la superstition. […] On ne cite même dans leur histoire aucune femme, aucun homme connu, dont la raison ait été dérangée par le malheur. […] Enfin la république avait eu presque tous ses grands hommes avant qu’on y cultivât la poésie.

562. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Un chêne change de forme et de couleur pour l’homme sanguin et pour l’homme bilieux. […] L’homme maigre n’éprouve pas devant la nature les mêmes sensations que l’homme gras. […] Courbet est, à mes yeux, un homme nouveau. […] Un homme très exactement imité par la peinture n’est, en résumé, que le cadavre d’un homme (oh ! […] Chaque homme a le sien.

563. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat 15 mars 1825. […] Continuellement en rapport et souvent en lutte avec elle, l’homme, qui n’est lui-même qu’une force volontaire et perfectible, peut tour à tour ou s’en laisser dominer, ou s’en dégager en partie, jamais totalement s’y soustraire. […] Mais dans notre état social, qui est un état de conquête sur la nature, l’homme tâche de s’affranchir du climat : il fait mieux encore ; par des moyens indirects, tels que la culture, les plantations, l’écoulement des eaux, il le change et le perfectionne sans cesse ; et celui-ci modifié réagit incessamment sur l’homme. […] Il s’ensuit, par exemple, que l’homme du nord a nécessairement un gîte, une vie intérieure et des rapports de famille, tandis que l’homme du midi est bien partout où il y a le soleil, un arbre et un fruit. […] La jolie fable de la Cigale et de la Fourmi est l’histoire de l’homme du midi et de l’homme du nord.

564. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

L’homme juge ses opinions non-seulement vraies, mais sacrées. […] Et à parler vrai, il fait de cet homme sa religion. […] Pourtant, dans ces débris abandonnés, l’homme apparaît tout entier. […] Il n’avait que refondu l’homme, il n’avait point recréé Dieu. […] Étrange grand homme et spectacle étrange !

565. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Alors la douleur vous ferait rendre la noire écume prise aux hommes. […] Que de fatigues pour cet homme ! […] Quel homme restera juste, s’il ne redoute rien ?  […] vous avez foulé aux pieds les lois antiques, en arrachant cet homme de mes mains !  […] L’homme ne corrige ses lois qu’après avoir corrigé ses dieux.

566. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Avec un tel homme il n’y a pas moyen de s’entendre ; il faut céder et marcher droit dans la stricte intégrité. […] Chez Rosny, le soldat, le gentilhomme et bon Français, l’homme des camps vient doubler et rehausser l’économe intègre et habile. […] Il est entré dans la charge en homme âpre et entier, et qui ne veut rien céder : il s’y comporte en galant homme, en sujet dévoué et fidèle. […] Les hommes sont ainsi faits, a remarqué justement M.  […] Comme tous les hommes qui ont manié les grandes affaires et pris part à une belle et mémorable époque, il la proclamait incomparable ; il était indigné quand il voyait des écrivains inexacts, légers, mercenaires, parler inconsidérément de ces choses et de ces hommes au gré des intérêts divers et nouveaux.

567. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Et dans le même ouvrage, à un autre endroit, parlant des gens à la mode et montrant l’inconvénient de cette prétention pour les diverses conditions du magistrat, du militaire, il ajoutait : « L’homme de lettres, qui, par des ouvrages travaillés, aurait pu instruire son siècle et faire passer son nom à la postérité, néglige ses talents et les perd, faute de les cultiver : il aurait été compté parmi les hommes illustres, il reste un homme d’esprit de société. » Ces deux passages rapprochés renferment toute la destinée de Duclos comme homme d’esprit et comme écrivain. […] Cet homme vif et décidé, qui se retient si peu dans un salon et qui a l’air de vouloir tout abattre en dînant, se replie plutôt du côté de Fontenelle quand il s’agit d’attaquer de front un préjugé : On déclame beaucoup depuis un temps contre les préjugés, dit-il ; peut-être en a-t-on trop détruit : le préjugé est la loi du commun des hommes. […] Il avait, comme certains hommes de notre connaissance, de ces aspérités qui simulent quelquefois, mais qui maintiennent aussi le caractère. […] Il n’hésite pas à en définir les limites : On ne voit guère d’hommes passionnés pour le bel esprit, dit-il, s’acquitter bien d’une profession différente… Il n’y a point de profession qui n’exige un homme tout entier… Un homme d’imagination regarderait comme une injustice d’être récusé sur quelque matière que ce pût être. […] [NdA] Duclos disait de je ne sais quel artiste de son temps : « Il est bête comme un génie. » C’est bien là un mot d’homme d’esprit.

568. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Je vous le répète, méfiez-vous de cet homme ! […] Assurément pour l’ensemble du coup d’œil, Beugnot est bien ; mais, ô Saint-Simon, l’homme au miroir magique, à la palette resplendissante, où es-tu ? […] Quant à M. de Talleyrand, il n’était pas homme assurément à commander de pareils actes : il n’était pas homme non plus à les décourager. […] Il disait de lui : « C’est encore l’homme qui connaît le mieux ce siècle et le monde, les cabinets et les peuples. […] Il soutenait qu’il ne me faudrait que vingt mille hommes : il m’a donné vingt mémoires pour le prouver.

569. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Quant aux hommes qui sont là, quels sont-ils ? […] Presque tous sont hommes d’imagination et d’expansive charité. […] C’est à des hommes raisonnables et à des chrétiens que je me suis adressé. […] La seconde raison qu’on allègue pour ne pas se confesser, c’est que l’homme s’avilit en s’agenouillant aux pieds d’un autre homme. Se confesser à Dieu, à la bonne heure   Mais, au contraire, ce qu’il nous faut, c’est un homme.

570. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

On a besoin d’en prendre idée et de la suivre tant soit peu dans les diverses directions où elle s’est risquée, pour arriver à une conclusion équitable sur la nature de l’homme et sur celle du talent. […] Comme tous les hommes arrivés à un grand renom et très redoutés, mais qui ne se gouvernent pas avec prudence, il allait, se trouver en présence d’hommes de talent, plus jeunes, hardis, énergiques, avides de célébrité aussi, ayant leur réputation à faire, et pour qui il devenait, s’il n’y prenait garde, une proie très appétissante. […] On a retenu, entre autres, un mot de Bergasse parlant de Beaumarchais comme d’un homme « qui sue le crime ». […] Je n’oublierai jamais cet homme ni ce moment-là. […] Tout homme qui a fait du bruit dans le monde a deux réputations : il faut consulter ceux qui ont vécu avec lui, pour savoir quelle est la bonne et la véritable.

571. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Si la vie a de la valeur pour l’homme, c’est que l’homme est un être vivant et qu’il est dans la nature du vivant de vivre. […] Comment expliquer alors qu’il puisse exister un système de valeurs objectives, reconnues par tous les hommes, au moins par tous les hommes d’une même civilisation ? […] La vie elle-même n’est pas voulue par tous, puisqu’il y a des hommes qui s’en défont, soit par dégoût, soit par devoir. […] Mais, en fait, il n’en est pas qui aient plus de prix aux yeux des hommes. […] Entre l’homme et l’animal il n’y a, au point de vue anatomique, physiologique et psychologique, que des différences de degrés ; et pourtant l’homme a une éminente dignité morale, l’animal n’en a aucune.

572. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Y eut-il jamais une meilleure éducation pour un lettré homme du monde ? […] Il a étudié avec une conscience d’érudit et d’observateur les lettres, les hommes et les choses. […] L’homme du Nord porte volontiers sa pensée vers la dissolution finale et l’obscur avenir. […] Auprès de Tillotson, c’est le plus charmant homme du monde. […] On est charmé de rencontrer un homme enjoué et pourtant maître de lui-même.

573. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Les animaux vivent, l’homme existe. […] Nous sommes doux et paisibles comme les petits enfants, et nous voulons la concorde parmi les hommes. […] Que l’homme boive et mange, tout est là. […] Assurer sa situation est d’un homme intelligent. […] L’homme, à cette heure, tend à tomber dans l’intestin ; il faut replacer l’homme dans le cœur, il faut replacer l’homme dans le cerveau.

574. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

L’auteur, homme du monde et d’action, cela se devinait dans son livre, écrit d’une plume fringante comme une cravache, — la cravache qu’il portait aux Gardes du corps dont il eut l’honneur de faire partie, — l’auteur vit son malheur avec le sang-froid d’un homme de talent qui n’ignore pas que le succès ne prouve rien de plus que le succès, — un hasard dans la vie ! […] Tout ce qui se voit de l’homme, en effet, est un jour sur l’homme. […] L’explication qu’à son tour il essaie de donner de l’homme manque nécessairement de rigueur scientifique, et son livre, avortant au système, n’a plus que la valeur flottante d’un aperçu. […] On a laissé passer, sans y regarder, toute sa philosophie de l’homme et de l’histoire. […] Il a fait son œuvre, et son œuvre appartient au jugement des hommes.

575. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

On y est tenu, pour l’honneur de l’homme dont on ose parler et pour son honneur à soi-même. Il ne s’agit d’envoyer de cartes à personne, quand il faut parler d’un homme immortel ! […] Elles ne disent plus rien à l’imagination des hommes auxquels elles commandaient un si grand respect autrefois. […] Je ne sache en aucun siècle, dans l’ordre, des poètes, d’homme plus grand. […] Il y a du Pelletan dans M. de Lacretelle, caméléons tous deux de l’homme dans l’air duquel ils ont vécu.

576. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Il répugne à la nature de l’homme d’avoir un sujet dans les mains sans se passionner pour ou contre. […] Nous croyons beaucoup à ces hommes qui ont mis la main sur leurs facultés et qui les ont forcées à se taire longtemps. […] La personnalité peut y tenir sa place, car on ne sait pas assez combien la personnalité d’un homme est près de lui quand on la croit le plus loin ; mais M.  […] Bovary est un de ces hommes pour lesquels les femmes les meilleures seraient impitoyables : à plus forte raison Emma Rouault ! […] Elle est l’homme de cette nouvelle intimité.

577. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

Avant la mort finale de cet être mobile qui s’appelle de mon nom, que d’hommes sont déjà morts en moi ! […] Il y a des généraux qui ne peuvent assembler et manœuvrer plus de dix mille hommes, et des écrivains qui ne peuvent manier qu’une ou tout au plus deux idées à la fois. […] XXIV L’homme ne fait jamais, en définitive, que ce à quoi il est obligé. […] En un mot, l’homme est instinctivement conduit par sa faculté à se faire telle ou telle opinion, à porter tel ou tel jugement, et à désirer, à espérer, à agir en conséquence. […] Ces esprits, dans les théories sophistiquées et super-fines qu’ils appliquent au gouvernement de la société, supposent trop que le commun des hommes leur ressemblent.

578. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Lorsque cette cause est découverte, alors il est permis d’en prévoir les résultats, et nécessaire de les annoncer pour faire la part des hommes, et des choses qui sont plus fortes que les hommes, et afin que ces résultats ne soient pas troublés par des idées qui leur sont étrangères. […] Decazes, et non de l’homme en qui j’ai toujours reconnu, malgré nos querelles, les qualités qui pouvaient faire un homme d’État. […] Nos cours royales sont composées d’hommes du pouvoir, et non d’hommes de pouvoir. […] Ils se trompent, comme les hommes qui prennent encore le mot peuple dans le sens d’autrefois. […] Parlera-t-on de la démocratie industrielle, de l’aristocratie territoriale, lorsque le plus grand propriétaire rural n’aurait pas pu disposer de quatre hommes, tandis que les industriels prétendus démocrates ont mis cinquante mille hommes sous les armes, par un seul acte de leur volonté ?

579. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Nicole étoit un de ces hommes qui persuadent sans être éloquens, par la seule force de la vérité développée. […] Les Hommes en deux vol. […] Certains portraits satyriques, & un caractère de galant homme & d’homme du monde, ont fait le succès de ce livre. […] Le pinceau d’une femme se fait remarquer dans le style, & la solidité d’un homme dans les réfléxions. L’Homme aimable, petit ouvrage de M.

580. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

C’est, en effet, le vide, que son livre, le vide agité par les coups de chapeau d’un homme qui salue perpétuellement, avec la plus rare politesse, et dont le langage, beaucoup trop vanté par Livet, n’a qu’une gravité monotone. […] L’homme du xviiie  siècle a moins de brassières, comme dit Saint-Simon, que l’homme du xviie  siècle, mais cependant il en a encore. […] Mais elle n’est ni un entrepôt ni une fabrique de grands hommes, et les esprits supérieurs, les transcendances, y sont autant que partout ailleurs une exception. […] Il est pourtant un homme que cette histoire, qui ne changera rien à l’opinion et ne rallumera pas une renommée, a grandi infiniment sans le vouloir et sans y penser, quoiqu’il n’eût pas besoin d’être grandi pour être grand. […] On continuera donc d’apprendre correctement et suffisamment l’histoire de l’Académie en son premier âge en lisant cet homme qu’on a appelé méchant et qui l’est comme la vérité ; car la vérité parfois est féroce, mais ce n’est pas sa faute, à elle !

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