L’Initié de Déméter fut aussi, par excellence, « un homme de Bacchus » comme on appelait les poètes du théâtre. […] Groupe fait homme, c’est avec raison que les acteurs le tutoient, et qu’il parle à la première personne du verbe, comme une seule femme ou un seul vieillard. […] Entre les sculptures gravées sur le bouclier d’Achille qu’Hésiode a décrit, on voit « les hommes marchant, conduits par Arès et par Athéné ; tous deux en or, vêtus d’or, beaux et grands comme il convient à des dieux, car les hommes étaient plus petits ». […] S’il n’explique pas ces inexplicables problèmes, il en dégage du moins une foi invincible dans l’équité finale qui régit les destinées de l’homme, et l’ordre du monde. […] C’est lui qui conduit les hommes dans les voies de la sagesse.
Il avait de l’esprit, un langage excellent, de la douceur et de l’agrément dans l’intimité, l’habitude de la sagesse et de la soumission ; en un mot, c’était un de ces sujets parfaits de bonne heure, qui ne s’émancipent jamais et ne deviennent pas tout à fait des hommes. […] M. de Malezieu était, selon toute apparence, un de ces hommes qui puisent l’activité dans un tempérament robuste, et y combinent la finesse ; qui, avec un premier fonds étendu et solide d’études qu’ils n’accroissent pas, se tournent ensuite uniquement à le mettre en usage dans le monde, à en tirer parti et profit auprès des grands. C’était un homme instruit et d’esprit, qui ne pouvait paraître un génie que dans une coterie. […] En lisant Mlle de Launay et en la suivant dans les diverses vicissitudes de sa condition servile, on se prend à répéter avec La Bruyère : L’avantage des grands sur les autres hommes est immense par un endroit. […] L’homme a beau retourner et renverser les situations, il ne change pas ses défauts ni ses travers ; on les voit bientôt reparaître tous ; seulement ils se produisent, selon les temps, sous une forme plus ou moins noble, polie et agréable ; et cette forme-là, qui combinait l’excès de l’égoïsme avec la délicatesse d’esprit et la politesse, est plutôt celle du passé.
Tant qu’il n’a qu’un homme en face de lui, il se sent fort : Je me suis bien étudié, écrivait-il à son ami Gudin, tout le temps qu’a duré l’acte tragique du bois de Neustadt. […] « Il n’y a, disait celui-ci, que les petits hommes qui craignent les petits écrits » ; et il le leur avait persuadé en effet. […] monsieur, les hommes n’ayant guère à choisir qu’entre la sottise et la folie, où je ne vois point de profit je veux au moins du plaisir ; et vive la joie ! […] Irrité du ton de la réponse, il s’en plaignit ou l’on s’en plaignit pour lui à Louis XVI qu’importunait ce bruit perpétuel de Beaumarchais et qui n’estimait pas l’homme. […] L’homme d’affaires, qui rentrait dans une partie de ses fonds, apaisait l’homme de lettres chez Beaumarchais.
Shakespeare, lui aussi, est cet homme triple. […] Le for intérieur de l’homme appartient à Shakespeare. […] On sent, en abordant l’œuvre de cet homme, le vent énorme qui viendrait de l’ouverture d’un monde. […] Certes, il est peu juste de voir un homme tout entier, et un tel homme, dans une de ses qualités. […] Et cette antithèse, d’où sort l’antiphrase, se retrouve dans toutes les habitudes de l’homme ; elle est dans la fable, elle est dans l’histoire, elle est dans la philosophie, elle est dans le langage.
Cet auteur étoit un homme judicieux, instruit du génie & de la délicatesse de notre langue, & qui a sçu faire un très-bon usage des ouvrages les plus estimés sur cette matiere. […] Il étoit digne d’un homme qui écrit aussi bien, d’apprendre aux jeunes auteurs comment on pourroit écrire avec justesse. […] Restaut, peuvent être regardées comme des décisions quoiqu’il les propose avec la modestie d’un homme qui ne donneroit que des conjectures. […] Ménage dit en parlant de ce livre, qu’un homme qui doutoit si raisonnablement, étoit très-capable de décider. […] Il y a certainement dans cet écrit beaucoup d’observations qui sont voir un homme de goût, & qui connoît bien notre langue.
Cette hâtive vivisection secoua d’un haut-le-corps un homme que la guerre ne devait jamais ébranler, mais qui était à la merci d’un trop brusque bourreau, juge ou femme. […] Mais combien de vies faut-il pour devenir un homme. […] Seul ce qu’un homme construit a une langue ; pour former l’homme : et seule cette œuvre a une valeur. […] Son pathétique moralise, car les malédictions et les anathèmes dont il accable Dieu et les hommes, reposent sur sa volonté ferme et inébranlable de changer le contenu du monde. […] Manifestes, proclamations, documents, Lausanne, L’Âge d’homme, 1973, p. 66.
Il est un petit nombre d’écrivains qui ont un privilège : ils ont peint l’homme dans leurs œuvres, ou plutôt ils sont l’homme, l’humanité même, et comme elle ils deviennent un sujet inépuisable, éternel, d’observations et d’études. […] Son hôte de l’auberge du Raisin, en rentrant du Conseil de la ville et d’un palais magnifique et tout doré, vient servir les voyageurs à table, et l’homme qui sert à boire a autrefois mené quatre enseignes de gens de pied contre le roi, sous le comte Casimir, dans les guerres de religion. […] C’est que c’est d’abord l’homme ennuyé et qui se fuit lui-même, puis c’est l’artiste surtout qui voyage en la personne de Chateaubriand : chez Montaigne, c’est le curieux amusé de la vie, et qui dépense la sienne sans compter. […] Parce que ces hommes, comme Horace et Montaigne, sont aimables, on les croit, incapables de générosité et de sentir la grandeur. […] Aussi avons-nous vu quel charmant, quel commode et quel joli voyageur c’était que cet homme de cabinet qui avait en lui l’étoffe de plusieurs hommes ; quel naturel heureux, curieux,-ouvert à tout, détaché de soi et du chez-soi, déniaisé, guéri de toute sottise, purgé de toute prévention.
Que de lettres historiques, par exemple, prêtées en ces siècles alexandrins, à des anciens, à des hommes célèbres qui ne les ont jamais écrites ! […] Parmi ces lettres attribuées après coup à de grands hommes, et qui ne sont pas indignes d’eux par le talent et l’art, je n’ose compter les lettres fort nobles de Brutus à Cicéron ; elles méritent trop d’être vraies, et s’il y a moyen de continuer à les croire telles, tenons-nous-y. […] Appellerai-je l’homme de talent qui a composé ce recueil un faussaire ? […] Il ne suffisait pas non plus d’être un homme instruit, ornatus, comme on disait alors, pour échapper à bien des crédulités ; cela n’en garantit pas même aujourd’hui69. […] Si je rencontrais une pierre, mon imagination en faisait un homme pétrifié ; si j’entendais quelques oiseaux, c’étaient des hommes couverts de plumes ; les arbres du boulevard, c’étaient encore des hommes chargés de feuilles ; les fontaines, en coulant, s’échappaient de quelque corps humain ; je croyais que les images et les statues allaient marcher, les murailles parler, les bœufs et les autres animaux du même genre rendre des présages, que du ciel, du ciel lui-même, et de l’orbite enflammée du soleil descendraient soudain quelques oracles.
Le patriote ici et l’homme de goût se confondent. […] Villars connaissait les hommes. […] Voisin : « … Connaître les hommes, j’avoue que ce n’est pas l’affaire d’un jour. […] D’ailleurs, les hommes changent, et tel qui a été fort bon devient médiocre et quelquefois misérable. » Et encore, dans une autre lettre à ce même ministre, en parlant de la bravoure : « C’est la première qualité que je demande à la guerre. […] Denain, le salut de la France, les beaux sièges qui suivent, tout cela est d’un homme heureux, trop heureux pour ne pas être digne des faveurs de la fortune.
Louvois, avec les précautions minutieuses qu’il aimait, avec ce mélange de terreur et de mystère qui ne lui déplaisait pas, a bien pu, effectivement, en ordonner ainsi à l’égard d’un homme dangereux qu’il avait tout intérêt à supprimer et à faire disparaître. […] Pianesse était détesté à Turin comme l’homme de la France. […] Il n’est jamais bon ni politique d’humilier les hommes et les peuples. […] Par moments, il a l’air de ne s’occuper en rien de la politique générale : on le croirait décidément un homme de plaisir. […] Catinat, à la tête d’une petite armée, reparaît en Piémont en 1690 : c’est l’homme que Louvois aime à opposer de ce côté aux ennemis de la France et qui possède le mieux cet échiquier.
Mais souvenons-nous que Volney, qui place si haut la propreté dans l’échelle des vertus, était aisément le plus sec et le plus égoïste des hommes. […] Clément Brentano, et traduit chez nous par un homme de la même foi et d’un talent bien connu, M. de Cazalès. […] Fille de paysans, sans éducation, elle ne pouvait composer ses tableaux de mémoire ; sa bonne foi d’ailleurs, sa simplicité parfaite, sa piété ardente, sont attestées par les hommes les plus éclairés qui la visitèrent. […] Des hommes distingués, considérables, sont là qui l’écoutent bouche close, sans qu’il leur soit possible de glisser un mot. […] Il ne faut pas demander aux hommes de transformer leur nature.
Et c’est en le prononçant qu’il s’acquit d’abord la confiance et le respect de quelques hommes, qui venaient précisément en ce temps-là réaliser la perfection dont il donnait la première formule. […] Dès la préface du premier volume, Perrault prenait position comme un homme du monde engagé contre des pédants et des cuistres : il se représente bataillant contre « un certain peuple tumultueux de savants qui, entêtés de l’antiquité, n’estiment que le talent d’entendre bien les vieux auteurs ». Ailleurs il se moquait de l’Université et affectait de ne voir en ses adversaires que des hommes de collège, « payés et gagés » pour s’enthousiasmer aux heures des leçons sur n’importe quels vers grecs ou latins. […] Supprimer la forme dans l’éloquence et dans la poésie, c’était hardi pour un homme qui prétendait se connaître aux arts. […] Puis, en dépit de tout, il ne pouvait faire qu’il ne fût Français, et Français du grand siècle, épris de politesse et de décence, homme de réflexion et de raison.
C’est que les académiciens sont des hommes Il y en a qui sont laids ? […] Faites-nous grâce, homme au cœur fort ! […] La superstition de l’Académie est si forte dans ce pays que beaucoup sont incapables de comprendre qu’un homme qui pourrait en être ne le veuille point. […] Il transperce les hommes de son regard, il sonde les reins et les cœurs. […] cet homme dont le premier roman a été précisément couronné par l’Académie, cet écrivain de vie si bourgeoise et qui est notoirement un si bon père de famille Tsigane, oui.
On la maria, selon le bel usage, à un homme qui ne lui convenait que par la naissance. […] Pourtant, à partir d’un certain moment, on la trouve établie sur un pied assez honorable de liaison régulière avec le président Hénault, homme d’esprit, mais incomparablement inférieur à elle. […] Les mots les plus vifs et les plus justes qu’on ait retenus sur les hommes célèbres de son temps, c’est elle qui les a dits. […] Les hommes de lettres de son temps, quand ils s’appelaient Voltaire, Montesquieu ou d’Alembert, l’amusaient assez, mais il n’y avait dans aucun d’eux de quoi pleinement la satisfaire ; leurs atomes et les siens ne s’étaient jamais accrochés qu’à demi. […] tous les hommes ne le sont-ils pas ?
À quoi Mme des Ursins répondait, le 20 décembre : Vous me faites un portrait de la plupart des hommes, qui n’est pas trop à leur avantage : ce que j’y trouve de pis, c’est qu’il me paraît assez naturel. […] Voilà comment, tout en se complimentant, deux femmes politiques parlaient des hommes dans le tête-à-tête, et prenaient leur revanche sur don Louis de Haro et sur Mazarin. […] D’ailleurs, la personne du monde la plus propre à l’intrigue, et qui y avait passé sa vie à Rome par son goût ; beaucoup d’ambition, mais de ces ambitions vastes, fort au-dessus de son sexe et de l’ambition ordinaire des hommes, et un désir pareil d’être et de gouverner. […] Louville, son rival et son ennemi, homme de talent et d’ardeur, mais de passion, nous la présente comme la plus méchante femme de la terre, bonne à chasser au plus tôt, « sordide et voleuse, que c’est merveille ». Il élève la même accusation contre Orry, homme habile que Louis XIV avait envoyé en Espagne pour y mettre quelque ordre dans les finances.
Le profond mot Nombre est à la base de la pensée de l’homme ; il est, pour notre intelligence, élément ; il signifie harmonie aussi bien que mathématique. […] Le relatif, qui la gouverne, s’y imprime ; et cette série d’empreintes du relatif, de plus en plus ressemblantes au réel, constitue la certitude mobile de l’homme. […] La science est inquiète autour de l’homme ; elle a ses raisons. […] La science est un acquêt de l’homme, la science est une échelle, un savant monte sur l’autre. […] Un homme, un mort, une ombre, du fond du passé, à travers les siècles, vous saisit.
Le prince de Conti, un des hommes les plus spirituels de cette époque, lui dit : J’irai à l’Académie, et j’écrirai à votre place, tu dors, Brutus. […] ces sentiments ne sont-ils pas ceux de tous les hommes ? […] La nature et l’homme sont invariables au fond ; mais ils reçoivent, des climats ou des siècles divers, quelques changements de forme ou de costume. […] disent les hommes vulgaires ; pleurer est si doux ! […] Les classiques ne sont pas si peu instruits qu’on le suppose de la nature des facultés morales de l’homme, des besoins qu’elles éprouvent, et des moyens qu’on doit employer pour les satisfaire.
Cet homme met des barbarismes jusque sur ses titres. […] Mais c’est un terrible homme. […] J’estime un homme qui ayant un boulet aux jambes se met à marcher. […] On devient un homme du moyen âge. […] Si vous en avez une, cachez-la sous triple serrure ; sinon, vous êtes un homme dangereux, c’est-à-dire un homme en danger.
Pourquoi sommes-nous ainsi faits en France, que lorsqu’un homme distingué et de talent n’est pas entré à un certain jour dans le courant de la vogue et dans le train habituel de l’admiration publique, nous devenions si sujets à le négliger et à le perdre totalement de vue ? […] « Ce traducteur, disait La Harpe, est un homme qui paraît versé dans l’étude de l’histoire de l’antiquité. » — « Nous ne craignons point d’assurer, disait Grimm, que la traduction est fort supérieure à l’original ; ce que M. Ramond s’est permis d’ajouter aux descriptions du voyageur anglais forme plus d’un tiers de l’ouvrage, et n’en est sûrement pas la partie la moins intéressante. » Coxe avait voyagé en homme riche et qui s’arrête a mi-côte ; Ramond, svelte, allègre et dispos, en piéton et en homme dont ces sortes de fatigues font le bonheur. […] Il voulut aussi connaître les hommes distingués ou illustres que possédait la Suisse à ce moment. […] De tous les hommes qu’il souhaitait de connaître, ce fut pourtant Lavater seul qui surpassa son attente : Il n’existe point d’homme peut-être, dit-il, dont l’imagination soit aussi brûlante, et la sensibilité aussi profonde ; il entraîne, il subjugue ; son langage est d’une naïveté populaire, et cependant d’une éloquence à laquelle il est impossible de résister.
Si chaque homme sensé, et qui a senti ou qui a vu, laissait ainsi son petit livre à son image, la science morale en serait plus avancée. […] Cet homme paisible, aux goûts tout littéraires, né pour le cabinet et pour la bibliothèque, ou pour une promenade modérée dans l’entretien de quelques amis, était sorti d’un des plus vaillants hommes de son temps, du brave Claude de Marolles, capitaine des Cent-Suisses de la garde du roi, célèbre par le combat singulier à la lance et la joute mortelle qu’il engagea devant les tranchées de Paris, le jour même de la mort de Henri III et le premier jour du règne de Henri IV, contre Marivaut, un des plus braves gentilshommes de l’armée du roi. […] Ç’a été l’enfant et l’homme le plus amusé qu’il y ait eu, que l’abbé de Marolles. […] La princesse Marie était loin pourtant d’avoir l’esprit de sa sœur cadette Anne de Gonzague, mais elle en avait bien assez pour éblouir Marolles ; elle avait surtout de la grâce, de l’indulgence, et un charme qui opéra sensiblement sur cet excellent et galant homme plus encore peut-être qu’il ne l’a dit et qu’il ne se l’est avoué à lui-même. […] Marolles enfin, cet homme qui a fait tant de collections, a mérité qu’on en fit de lui à son tour.