Le remède au mal n’est pas de faire que le pauvre puisse devenir riche, ni d’exciter en lui ce désir, mais de faire en sorte que la richesse soit chose insignifiante et secondaire ; que sans elle on puisse être très heureux, très grand, très noble et très beau ; que sans elle on puisse être influent et considéré dans l’État.
Chacun croit avoir trop raison ; heureux celui qui se résignerait à n’avoir raison que modérément.
Il faisait toutes ces œuvres. « Heureux donc, ajouta-t-il, celui qui ne doutera pas de moi !
C’était de la chair vive avec du granit brut, Une immobilité faite d’inquiétude, Un édifice ayant un bruit de multitude, Des trous noirs étoilés par de farouches yeux, Des évolutions de groupes monstrueux, De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ; Parfois le mur s’ouvrait et laissait voir des salles, Des antres où siégeaient des heureux, des puissants, Des vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens, Des intérieurs d’or, de jaspe et de porphyre ; Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire ; Tous les siècles, le front ceint de tours ou d’épis, Étaient là, mornes sphinx sur l’énigme accroupis ; Chaque assise avait l’air vaguement animée ; Cela montait dans l’ombre ; on eût dit une armée Pétrifiée avec le chef qui la conduit Au moment qu’elle osait escalader la Nuit ; Ce bloc flottait ainsi qu’un nuage qui roule ; C’était une muraille et c’était une foule ; Le marbre avait le sceptre et le glaive au poignet, La poussière pleurait et l’argile saignait, Les pierres qui tombaient avaient la forme humaine.
Quelle perfection n’eut il pas mis à ses ouvrages, s’il eut été jaloux de joindre la force & la pureté de Cicéron au choix heureux de ses pensées, à la délicatesse & aux agrémens de sa brillante latinité ?
Jean est un brave garçon, honnête et laborieux ; elle ne doute point que sa fille ne soit heureuse avec lui.
Tout le monde se croit compétent sur ce point, presque tout le monde se trompe, il ne faut que se promener une fois au sallon, et y écouter les jugemens divers qu’on y porte, pour se convaincre qu’en ce genre comme en littérature, le succès, le grand succès est assuré à la médiocrité, l’heureuse médiocrité qui met le spectateur et l’artiste commun de niveau.
Mourir est la destinée de tous les hommes, et finir dans le sein de ses pénates, c’est la destinée des plus heureux.
Le genre de poësie auquel s’applique un artisan paroît même retarder encore cette année heureuse.
Des auteurs citez par Aulugelle avoient écrit que des cens comédies composées par Menandre, il n’y en avoit eu que huit assez heureuses pour remporter le prix que les anciens donnoient au poëte qui avoit fait la meilleure piece de celles qui se représentoient à l’occasion de certaines solemnitez.
Toujours serviable, du moment qu’il ne s’agit pas de fournir un travail qui le fatiguerait, mais simplement de donner un malin conseil ou de suggérer une heureuse idée, absolument désintéressé, et ne réclamant pas de récompense pour ses bons offices, comment ne lui souhaiterait-on pas réussir dans ce qu’il entreprend ?
Cette science de la divination était la sagesse vulgaire de laquelle étaient sages les poètes théologiens, premiers sages du paganisme ; de cette théologie mystique, ils s’appelaient eux-mêmes mystæ, et Horace traduit ce mot d’une manière heureuse par interprètes des dieux… Cette sagesse ou jurisprudence plaçait la justice dans l’accomplissement des cérémonies solennelles de la religion ; c’est de là que les Romains conservèrent ce respect superstitieux pour les acta legitima ; chez eux les noces, le testament étaient dits justa lorsque les cérémonies requises avaient été accomplies.
Nous n’avons rien à demander à personne ; mais mes filles sont jeunes, comme vous voyez, et pendant que vous êtes encore sur la terre, elles étaient heureuses de se ménager, en vous voyant, un souvenir. […] On entrait par un vestibule au bout duquel était une vieille horloge de campagne qui avait si souvent sonné les heures de l’heureuse famille alors ; une rangée de sacs de farine pour la maison était debout d’un côté, une large cuisine s’ouvrait du côté opposé, pleine de bruit, de feu, de domestiques, de mendiants et de malades, comme du temps de M. et de madame de Lamartine. […] Nous nous couchâmes avec reconnaissance dans ces lits bien blancs et nous fîmes nos prières devant la sainte de toutes ces braves familles, puis nous nous endormîmes bien fatiguées, mais bien heureuses d’une si longue journée.
« Sauvez votre vie, lui dit la reine, il le faut pour moi ; nous nous retrouverons dans un temps plus heureux ! […] ne faites comme le serpent qui se bouche l’ouye : car je ne suis un enchanteur, mais vostre sœur et cousine… Je ne suis de la nature du basilic, ny moins du caméléon, pour vous convertir à ma semblance, quand bien je seroye si dangereuse et mauvaise que l’on dit, et vous estes assez armée de constance et de justice, laquelle je requiers à Dieu, et qu’il vous donne grace d’en bien user avecques longue et heureuse vie. […] Ils s’empressèrent de descendre, heureux dans leur angoisse de ce dernier devoir offert à leur dévouement et à leur fidélité.
Racine fils condamne lui-même son père, pour l’avoir représentée si souvent & n’avoir pas été aussi heureux dans toutes les tragédies où il l’a faite entrer, que dans celles d’Andromaque & de Phèdre. […] Tant de bons ou de mauvais vers passés en proverbe, & dont on fait, en mille circonstances, des applications naturelles, sont des parodies heureuses. […] « Vous avez admiré, dit-il, vous avez pleuré au tragique : n’espérez pas, en revoyant le tragique après avoir vu la parodie, être ému comme vous l’avez été. » Vous ne retrouverez plus les beaux endroits ; vous les confondrez avec les plus repréhensibles ; vous jugerez d’une pièce entière d’après un bon mot, d’après une saillie heureuse ; la vertu sera représentée à vos yeux sous le masque d’un pédant ou d’un hypocrite : il aura été d’autant plus facile de la couvrir de ridicule, que rien n’y prête comme le sublime, comme les grands sentimens de la tragédie qu’on charge toujours, & qui, pour peu qu’on les charge encore, deviennent gigantesques ou puériles.
Hugo autrefois, et par les vers heureux semés ça et là, de temps en temps, à travers toutes ces poésies. […] Elle est la profession de foi d’un homme qui (toujours littérairement) n’a pas trouvé d’épithète plus heureuse pour Dieu que de l’appeler le Grand Caché. […] En effet, c’est dans Le Sultan Mourad que cet idéal des monstres heureux, ce Caligula du soleil qui a autant de crimes sur la conscience que d’escarboucles sur son caftan, rachète son âme devant la justice de Dieu pour avoir chassé les mouches de la plaie ouverte d’un cochon.
Une heureuse disposition à l’ironie, jointe à un goût parfait, à un grand amour pour les pensées vigoureuses dénotent une fameuse organisation de poète. […] Heureuse possession de soi permettant de se mettre à côté des choses pour mieux les regarder. […] Ainsi ils s’endorment doucement, heureux d’avoir réalisé leur idéal d’amour. […] L’époux s’avance heureux, rêvant « des ciels purs et légers, des climats doux », évoquant « l’impassible beauté du temple athénien debout sur la cité ». […] Vous souvient-il que cette année 1893 fut particulièrement heureuse et tendre.
Edmond de Goncourt n’avait pas un caractère à être heureux. […] Bref un mélange fort heureux, au point de vue du succès, du charlatan et du cabotin. […] C’était un Barras heureux. […] Or il se trouva que cet heureux Bernadotte était parfaitement légitime. […] Toujours heureux.
Taine ne fut pas plus heureux. […] Nos enfants, plus heureux, auront peut-être les deux biens ensemble, la science et la liberté… Il faut attendre, travailler, écrire. […] Les années 1864 à 1870 forment une période nouvelle et particulièrement heureuse dans la vie de Taine. […] Il était heureux, au contraire, de témoigner sa sympathie pour la grande force morale et sociale du christianisme. […] Pascal a beau railler Montaigne, il est heureux en le lisant de trouver un homme là où il s’attendait à voir un auteur.
M. de Banville ne sera peut-être pas longtemps heureux avec elle. […] Il était presque aussi heureux d’avoir passé Mariette sur cette planche, que s’il l’avait sauvée du précipice. […] « Il ne m’a pas fallu, dit-il, imaginer de roman pour peindre des familles heureuses. […] Ce qu’il aime, il voudra le rendre heureux, et l’idéaliste cherchera à l’ennoblir. […] L’idéaliste est loin d’avoir un sort aussi heureux.