Un honnête homme, né pour l’Almanach du Commerce, qui aura griffonné jusque-là à grand’peine quelques pages de statistique, s’emparera d’emblée du premier poème épique qui aura paru, et, s’il est en verve, déclarera gravement que l’auteur vient de renouveler la face et d’inventer la forme de la poésie française. […] La classe libre d’intelligences actives et vacantes qui se sont succédé dans la société française à côté de la littérature qu’elles soutenaient, qu’elles encadraient, et que, jusqu’à un certain point, elles formaient ; cette dynastie flottante d’esprits délicats et vifs aujourd’hui perdus, qui à leur manière ont régné, mais dont le propre est de ne pas laisser de nom, se résume très-bien pour nous dans un homme et peut s’appeler M. […] Mais dans le beau et le sublime, et dans tout ce qui y participe en quelque sorte que ce soit, on sort des temps, on ne dépend d’aucun, et, dans quelque siècle qu’on vive, on peut être parfait, seulement avec plus de peine en certains temps que dans d’autres. » Il devint un admirable juge du style et du goût français, mais avec des hauteurs du côté de l’antique qui dominaient et déroutaient un peu les perspectives les plus rapprochées de son siècle. […] Joubert, jeune encore en 89, vit arriver la Révolution française avec des espérances vastes comme son amour des hommes. […] Joubert cette série française, ouverte aux Maximes de La Rochefoucauld, continuée par Pascal, La Bruyère, Vauvenargues, et qui se rejoint, par cent retours, à Montaigne.
L’idée d’appliquer la poésie française au récit des faits historiques germa de divers côtés : surtout en Angleterre, où la présence d’une langue vaincue, vile et méprisée, comme le peuple qui la parlait, conférait au français un peu de cette noblesse qui chez nous appartenait seulement au latin. […] Comme on voit, l’historien n’est pas seul à faire son profit de notre première chronique française. […] Mais à défaut d’« histoires » digues de ce nom, les Mémoires abondent : la voie ouverte par Villehardouin ne sera plus désertée, et l’aptitude de nos Français à ce genre d’ouvrage, dont les raisons au reste ne sont pas difficiles à trouver, commence à se marquer avec éclat. […] Quoique le latin lut la langue des clercs, la nécessité cependant d’instruire le peuple les obligea souvent d’écrire en français, et la nécessité de captiver l’attention de ces esprits dévots, mais enfantins, leur fit parfois choisir pour édifier les sujets les plus amusants et qui parlaient le plus à l’imagination. […] Si les Macchabées devinrent une chanson de geste, les livres des Bois, mis en français au xiie siècle, sont vraiment un morceau d’histoire religieuse, et la Bible tout entière fut traduite à Paris vers 1235, sans doute par des clercs de l’Université.
Chapitre quatrième Les gains et les pertes de la littérature française au dix-huitième siècle. […] La science politique et sociale dans Montesquieu, l’histoire dans Voltaire, l’exposition éloquente des découvertes scientifiques dans Buffon, sont comme autant de facultés nouvelles de l’esprit français. Là sont proprement les gains de la littérature française au dix-huitième siècle. […] L’histoire des lettres françaises doit être sévère pour ce poète dont le caractère gâta le talent, et dont la vie offre, entre autres scandales, celui d’un auteur de poésies sacrées qui n’a tout son talent que dans l’épigramme licencieuse. […] Mais ils auraient craint, en le disant, de paraître trop peu soucieux de la gloire de la nation, et, pour rester bons Français, ils se montraient juges faciles.
Celle que nous avons citée nous paraît la plus française, la plus conforme à l’initiative, à la clarté, à l’intelligence qui sont caractéristiques de la race. […] Son Problème du Style, ses Épilogues, qu’ont une force durable, sa Culture des Idées, son Esthétique de la Langue Française ont des grâces saines, un aspect de vérité riante qu’on n’a pas coutume de rencontrer en de tels sujets. […] Charles Maurras, est un des derniers esprits vraiment français. […] — Tous les illettrés savent et au besoin prouveraient que le cardinal Perraud représente la littérature française à Autun. […] Ernest-Charles est admirable c’est lorsqu’il parle de la langue française et lorsqu’il découvre une œuvre étrangère proclamant la précellence de notre langue, lorsqu’il combat le style trop hâtif.
Andrieux était maître consommé pour l’appréciation de ces nuances, pour le discernement et la pratique de cette synonymie française la plus exquise. […] Son nom restera dans la littérature française, tant qu’un sens net s’attachera au mot de goût. […] Thiers dans le discours, si judicieux d’ailleurs, qu’il prononça à l’Académie française, en venant y succéder à l’aimable auteur des Étourdis : « M. Andrieux est mort, content de laisser ses deux filles unies à deux hommes d’esprit et de bien, content de sa médiocre fortune, de sa grande considération, content de son siècle, content de voir la Révolution française triomphante sans désordres et sans excès. » M.
Cette chaire est intitulée : Langue et Littérature françaises modernes. […] Il y en avait déjà sept en français. […] Oui, la tragédie française date de là. […] Et eût-il été possible de le faire passer sur la scène française ? […] Les Français seraient peu fiers de ma mort, ils le seraient de la vôtre.
Le bruit courut à Londres que le ministre voyait sans ombrage un gendre futur dans le jeune Français assidu dans ses salons. […] Le consul lui-même, familiarisé avec de nouvelles mœurs, avait peine à se souvenir en ma faveur des habitudes françaises. […] Je n’oublierai de longtemps ce repas offert par une Anglaise à un Français sur un pic du Liban. […] les Français, me dit-elle avec feu, ont des droits tout particuliers à mes sentiments. […] Mais il est un autre Stanhope qui a osé en plein parlement calomnier la nation française, la grande nation !
Legouvé, par complaisance de talent, pour que l’actrice universelle eût le plaisir d’émouvoir en français les Français. […] C’était un homme jeune encore, ardent, religieux, d’abord favorable à la révolution française, puis devenu plus acerbe contre elle, par esprit de piété et de propagande. […] Un pamphlétaire français d’un grand esprit, mais d’un caractère versatile comme militaire, Paul-Louis Courier, la cultiva. […] La monarchie française continue à s’écrouler et menace leur fortune et leur vie. […] Menacé à sa sortie de Paris par la populace, il devient sans pudeur l’ennemi le plus acharné, non de la populace, mais de la nation française.
Hugo connaissait vraiment tous les mots de la langue française. […] Ce fut en Angleterre, et comme maître de français, que débuta Stéphane Mallarmé. […] La famille française y est reçue et hébergée. […] Il fut élu à l’Académie française en 1901, et c’est Heredia qui prononça son discours de réception. […] C’est d’ailleurs Régnier qui prononça le discours de réception de Boylesve à l’Académie française, en 1918.
Ponchon, Raoul (1848-1937) [Bibliographie] Gazettes rimées, au Courrier français et au Journal. […] Paul Verlaine Raoul Ponchon est un poète très original, un écrivain absolument soi, descendant, c’est clair, d’une tradition, ainsi que tous, du reste, mais d’une tradition « de la première », française en diable, avec tout le diable au corps et tout l’esprit au diable, d’un bon diable tendre aux pauvres diables et diablement spirituel, coloré, musical, joli comme tout, fin comme l’ambre, léger, tel Ariel, et amusant, tel Puck, bon rimeur (j’ai mes idées sur la Rime, et quand je dis « bon rimeur », je m’entends à merveille, et c’est de ma part le suprême éloge), excellent versificateur aussi (je m’entends encore), un écrivain, enfin, tout saveur, un poète tout sympathie ! […] Une sérénité divine, pour ainsi parler, règne dans ses Chroniques rimées et solides de nombre et de son, d’un si savoureux beau français qui donne comme l’impression du faire robuste et râblé de maître Nicolas Boileau-Despréaux.
La littérature française n’était pas seulement muette, elle était morte. […] La Convention, en quinze mois, avait dépopularisé les deux siècles de la littérature française. […] La liberté souffla un nouveau génie français. […] Il n’y en eut jamais de si enflammés, depuis Vergniaud, à la tribune française. […] nous sommes des Français !
Je la jurai dans mon cœur aux Français, que l’on me faisait regarder comme nos ennemis nécessaires : j’en suis bien revenu ; et même alors, tant mon goût pour la guerre était violent, je m’étais arrangé avec un capitaine (français) de Royal-Vaisseaux, de garnison à deux lieues de là. […] Son beau moment parisien, sa belle heure française n’était pas encore venue. […] Celui que Mme Du Deffand et Grimm faisaient d’abord quelque difficulté d’admettre comme de la pure race des esprits français, l’était si naturellement devenu, qu’écrivant en 1807 de Tœplitz à son compatriote le prince d’Arenberg, l’ancien ami de Mirabeau, et lui parlant de M. de Talleyrand, qui venait d’arriver : « Jugez, disait-il, de son plaisir d’être reçu par moi, car il n’y a plus de Français au monde que lui, et vous et moi, qui ne le sommes pas. » Et il disait vrai en parlant ainsi. […] Belœil était, et, j’aime à le croire, est encore un assemblage et un composé charmant de jardins anglais et français, quelque chose de naturel et de régulier, d’élégant et de majestueux. […] Je parle du prince de Ligne comme étant tout à fait un Français quand il écrivait sur Belœil, et il l’était pour ne plus cesser de l’être.
Il avait beau dire du mal des Français ; quand il y avait longtemps qu’il n’en avait vu un, et que le nouveau débarqué à Civitavecchia s’adressait à lui (s’il le trouvait homme d’esprit), combien il était heureux de se dédommager de son abstinence forcée par des conversations sans fin ! […] » Et il continue à rêver, à supposer : Par malheur, se dit-il, il n’y a pas de hautes montagnes auprès de Paris : si le ciel eût donné à ce pays un lac et une montagne passables, la littérature française serait bien autrement pittoresque. […] Quand on a lu cela, on revient tout naturellement, ce me semble, en fait de compositions romanesques, au genre français, ou du moins à un genre qui soit large et plein dans sa veine ; on demande une part de raison, d’émotion saine, et une simplicité véritable telle que l’offrent l’histoire des Fiancés de Manzoni, tout bon roman de Walter Scott, ou une adorable et vraiment simple nouvelle de Xavier de Maistre. […] En continuant littérairement avec originalité et avec une sorte d’invention la postérité française des Chamfort, des Rulhière, de ces hommes d’esprit qu’il rappelle par plus d’un trait ou d’une malice, Beyle avait au fond une droiture et une sûreté dans les rapports intimes qu’il ne faut jamais oublier de reconnaître quand on lui a dit d’ailleurs ses vérités. […] [NdA] J’aime à me représenter cet amour français ou cette amitié tendre, dans ses diversités de nuances, par les noms de Mme de La Fayette, de Mme de Caylus, de Mme d Houdetot, de Mme d’Épinay, de Mme de Beaumont, de Mme de Custine ; jamais la grâce n’y est absente.
Une place à l’Académie française étant venue à vaquer par la mort de Barbier d’Aucour, simple avocat et littérateur (septembre 1694), le roi témoigna qu’on lui ferait plaisir d’élire M. de Noyon. […] Faisant allusion à cette première idée d’Académie française qui lui avait été suggérée par Louis XIV : Il est vrai, je l’avoue, et qui ne le sait pas ? […] Mettez-y les airs et les accents, et vous avez le morceau le plus nettement français ; tout y pétille d’esprit et d’impertinence. […] On y suppose que l’Académie française, en apprenant la mort du célèbre poète latin, manifesta son deuil et ses regrets, et cela devient une occasion de tracer un léger crayon de chaque académicien. […] Les femmes, à cette date, ne venaient pas encore aux assemblées de l’Académie française.
De même le Français serait incomplet, qui applaudirait le Cid en son beau temps et qui ne suivrait pas dans son vol d’aigle et dans ses soudains mouvements la victoire de Rocroy ; de même encore, un Prussien qui, se reportant à l’époque de Frédéric, posséderait son Lessing et qui ignorerait la victoire de Leuthen. […] Qualités et défauts, Villars était bien en tout un type parfait de l’officier français tel qu’on l’a vu de tout temps et tel qu’il est encore. […] Dans les deux cas, on avait su toucher la fibre du soldat romain ou français à l’endroit sensible et le piquer d’honneur. […] Les suites étaient faites, comme il le disait, pour étonner un bon Français et lui donner à réfléchir. […] La défense derrière des lignes n’est aucunement dans l’humeur française.
Tel était l’état moral où était tombée une armée française mal exercée, médiocrement commandée. […] » Avant que la critique allemande ait protesté contre de pareilles plaisanteries mises sur le compte d’un des souverains qui ont eu le plus à cœur leur métier de roi, il y avait longtemps que la critique française, dans une vue de simple bon sens, avait dit : « Nous ignorons si Frédéric était capable de se servir des moyens indiqués ici ; mais nous croyons pouvoir affirmer que, s’il avait assez d’immoralité pour employer des médecins et des serruriers politiques, il avait en même temps trop d’adresse pour l’avouer à qui que ce soit, même à son successeur75. » Il y avait peut-être à introduire Frédéric dans cette Étude où Louis XV tient le premier rôle, mais c’aurait dû être alors pour opposer les deux esprits, la mollesse et la force, l’abandon et l’infatigable vigilance, le laisser aller de tout, après quelque velléité d’action passagère, et l’héroïque et constant labeur, tant civil que guerrier, qui occupa toutes les heures d’une longue vie. […] Ce roi parle un très bon français, en ce sens que ce français est de souche, mais c’est un français si familier qu’il en est trivial et bas. […] Fénelon n’était pas un flatteur ou il ne l’était qu’avec goût, lorsque dans son Mémoire sur les occupations de l’Académie française, et conseillant à la docte Compagnie de donner une Rhétorique et une Poétique, il disait : « S’il ne s’agissait que de mettre en français les règles d’éloquence et de poésie que nous ont données les Grecs et les Latins, il ne vous resterait plus rien à faire : ils ont été traduits… Mais il s’agit d’appliquer ces préceptes à notre langue, de montrer comment on peut être éloquent en français, et comment on peut, dans la langue de Louis le Grand, trouver le même sublime et les mêmes grâces qu’Homère et Démosthène, Cicéron et Virgile, avaient trouvés dans la langue d’Alexandre et dans celle d’Auguste. » Il y aurait à dire aux analogies, mais ce qui est certain, c’est que, s’il est naturel et juste de dire la langue de Louis XIV, il serait ironique et ridicule de dire la langue de Louis XV.
La différence de ces autographes viennois avec les fac-similé français qui ont été donnés saute aux yeux. […] Elle s’est déshabituée d’un nombre de mauvaises expressions ; il lui reste quelques mauvais tours de phrases dont elle se corrigera promptement lorsqu’elle n’entendra plus l’allemand et le mauvais français des personnes qui la servent. […] Le portrait est juste ; il n’a rien de satirique ; il est impartial ; deux ou trois petits mots semblent y déceler une plume étrangère, quoique tout y soit, d’ailleurs, d’une observation bien française. […] La reine est toujours de la conversation, et malgré sa gaîté et l’aisance française, on n’y oublie jamais le respect qui lui est dû, et on se garde bien de tenir aucun propos qui pourrait la choquer ou seulement lui déplaire. […] Marie-Antoinette parlait la langue française avec beaucoup d’agrément, mais l’écrivait moins bien.
DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. […] Un matin qu’on avait donné quelque version de Perse ou d’Anacréon, le jeune écolier trouva plus facile de traduire en vers français. […] Il eut d’abord une modique place dans l’administration de ce bienveillant et universel patron, Français de Nantes, qui, l’ayant aperçu un jour dans ses bureaux, lui demanda : « Que venez-vous faire ici ? […] Il composait en même temps son Épître à Messieurs de l’Académie française sur l’étude, pour ce brillant concours de 1817 d’où sortirent tant de jeunes noms. […] Vous-mêmes enfin, Messieurs, Académie française, vous alliez l’accueillir en votre sein.
Il avait été élevé par un Français, homme de mérite, appelé Duhan, qui lui avait inspiré l’amour de notre langue et de notre littérature. Il avait été initié à une sorte de tradition assez directe par les Français réfugiés à Berlin. […] Pourtant Frédéric se forma vite ; il se forme à vue d’œil dans cette correspondance, et il vient un moment où il possède et manie sa prose française de manière à tenir tête vraiment à Voltaire. […] Il ne connaissait l’Antiquité que par des traductions, et par les traductions françaises ; il ne jugeait donc bien que le gros des choses qui résistent à ce genre de transport d’une langue dans une autre. […] Qu’on dise à présent si celui qui sentait à ce degré Voltaire, et qui trouvait de ces façons françaises pour lui insinuer les douceurs après l’amertume, n’était pas l’homme de son temps qui avait le plus d’esprit à côté et en face de Voltaire !
Les comités directeurs avaient dit aux libéraux français qu’ils envoyaient en Espagne : Vous vous organiserez militairement ; vous vous présenterez devant le front de la division française qui vous fera face ; vous recevrez sans y répondre le feu de l’avant-garde, qui sera probablement contre vous, mais le gros de l’armée ne tardera pas à se rallier autour de votre drapeau. C’est ce que tirent exemplairement les réfugiés français de la Bidassoa, placés sous les ordres du colonel Fabvier ; ils exécutèrent la consigne politique qui leur avait été donnée, et qui conciliait à la fois jusqu’à un certain point les devoirs de l’insurrection et le respect dû à la patrie : ils firent, en un mot, de l’insurrection passive. […] En repoussant avec indignation le nom de transfuge, il acceptait le nom de réfugié ou même d’émigré français pour cette époque de sa vie. […] Dans un des articles sur la guerre d’Espagne que Carrel inséra en 1828 à la Revue française, il a raconté avec intérêt et vivacité l’épisode de ce petit corps étranger dont il faisait partie, ses combats, ses vicissitudes, et sa presque extermination devant Figuières ; les quelques débris survivants n’échappèrent que grâce à une capitulation généreusement offerte par le général baron de Damas, et qui garantissait la vie et l’honneur des capitulés (16 septembre 1823) : « Quant à ceux des étrangers qui sont Français, était-il dit dans la convention rédigée le lendemain, le lieutenant général s’engage à solliciter vivement leur grâce ; le lieutenant général espère l’obtenir. » Rentré en France à la suite de cette capitulation avec l’épée et l’uniforme, Carrel se vit arrêté à Perpignan et traduit devant un conseil de guerre. […] Les premiers morceaux très remarqués de lui furent les deux articles qu’il donna à la Revue française (mars et mai 1828) sur l’Espagne et sur la guerre de 1823.