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975. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bornier, Henri de (1825-1901) »

Mais il a si clairement vu, si profondément senti, si passionnément aimé ce qu’il avait entrepris de faire, que la pensée a, cette fois, emporté la forme et que, même aux endroits où cette forme reste un peu courte et où se trahit le défaut d’invention verbale, une âme intérieure la soutient et communique à ces vers un frisson plus grand qu’eux.

976. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

Il apporta avec lui ce frais parfum d’antiquité, cette saveur de la forme magistrale que l’on ne puise nulle part ici-bas. […] Le fanatisme, sous toutes ses formes, est le même ; la prévention est incurable.

977. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

Fénelon, qu’on a trop grandi de toutes manières, bel esprit bien plus que grand esprit, continuant la Renaissance sous Louis XIV, Fénelon, ce grec en français, mais dont la forme antique pâlit devant celle d’André Chénier comme un poncif pâlit devant la vie, Fénelon n’a vraiment de talent personnel et incontestable que dans son Existence de Dieu, le plus éloquent fragment de métaphysique qu’on ait écrit, et ses Lettres spirituelles, ses œuvres de conseil et de direction. […] Le christianisme de Fénelon est bien dépouillé de tout ce qui constitue, — non la vieille foi, — mais les vieilles formes de la foi de nos pères.

978. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

. — Pendant tout le dix-septième siècle, cette théorie subsiste encore au fond de toutes les âmes sous forme d’habitude fixe et de respect inné ; on ne la soumet pas à l’examen. […] Grâce à cette forme palpable, elle peut jeter son poids énorme dans la conscience, contrebalancer l’égoïsme naturel, enrayer l’impulsion folle des passions brutales, emporter la volonté vers l’abnégation et le dévouement, arracher l’homme à lui-même pour le mettre tout entier au service de la vérité ou au service d’autrui, faire des ascètes et des martyrs, des sœurs de charité et des missionnaires. […] Si le prince se renferme dans ses attributions, s’il est retenu sur la pente de l’arbitraire, s’il ne verse pas dans l’égoïsme, il fournit au pays l’un des meilleurs gouvernements que l’on ait vus dans le monde, non seulement le plus stable, le plus capable de suite, le plus propre à maintenir ensemble vingt ou trente millions d’hommes, mais encore l’un des plus beaux, puisque le dévouement y ennoblit le commandement et l’obéissance, et que, par un prolongement de la tradition militaire, la fidélité et l’honneur rattachent de grade en grade le chef à son devoir et le soldat à son chef. — Tels sont les titres très valables du préjugé héréditaire ; on voit qu’il est, comme l’instinct, une forme aveugle de la raison. Et ce qui achève de le légitimer, c’est que, pour devenir efficace, la raison elle-même doit lui emprunter sa forme. […] Par suite, faute de voir les âmes, on méconnaissait les institutions ; on ne soupçonnait pas que la vérité n’avait pu s’exprimer que par la légende, que la justice n’avait pu s’établir que par la force, que la religion avait dû revêtir la forme sacerdotale, que l’État avait dû prendre la forme militaire, et que l’édifice gothique avait, aussi bien qu’un autre, son architecture, ses proportions, son équilibre, sa solidité, son utilité et même sa beauté. — Par suite encore, faute de comprendre le passé, on ne comprenait pas le présent.

979. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Chacun de ses ouvrages signale un perfectionnement très sensible dans l’instrument littéraire ; mais tous, pourtant, sont empreints d’un commun caractère : ils procèdent plutôt de la pensée solitaire et recueillie, écoutant au-dedans d’elle-même les voies confuses de la rêverie et de l’imagination, que d’un besoin logique de systématiser sous la forme épique et dramatique les développements d’une passion observée dans la vie sociale ou d’une anecdote compliquée d’incidents variés. […] que de formes inventées ! […] Ils se servent d’épithètes et d’images, ils ont des alliances de termes et des surprises de rimes, des tours de phrases et des formes de pensée qui sont des réminiscences inconscientes de Victor Hugo. […] Monument en ce désert, avec le silence loin ; dans une crypte, la divinité ainsi d’une majestueuse idée inconsciente, à savoir, que la forme appelée vers est simplement elle-même la littérature. […] Paul Adam Mon opinion n’a point varié, je l’avais seulement dite en une forme un peu rude.

980. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Une ignorance profonde des formes les plus simples. […] § 2. — Si le degré de prospérité du pays influence ainsi la marche de la langue et la littérature, il en est de même de la forme particulière ou dominante que prend le travail national. […] Dans ces rapports perpétuels avec des hommes ayant d’autres lois et d’autres mœurs, l’esprit s’élargit, apprend à supporter des idées nouvelles, à goûter des formes imprévues du beau ; l’amour-propre national y perd de sa naïve infatuation. […] Il se moquait de son attachement aux formes vides du passé et il s’écriait61 : « De quel fou rire ne serions-nous pas pris, mon Dieu ! […] Epithalames, madrigaux, épitres dédicatoires, oraisons funèbres, discours académiques, odes et dithyrambes, gros livres proclamant l’éternité du régime existant, histoires complaisantes immolant le passé au présent, acquittent sous mille formes diverses la dette de gratitude des protégés envers les protecteurs.

981. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

A une extrémité de la ville, un édifice de forme inattendue, mais qui pourrait être une usine ou un hôpital, — sans la moindre prétention à aucun caractère d’élégance architecturale, c’est le théâtre. […] Et Wagner, sitôt cette question soulevée, y répond avec une certitude absolue : « Au contraire, la mélodie et sa forme comportent, grâce à ce procédé, une richesse de développement inépuisable et dont on ne pouvait, avant d’y avoir recours, se faire une idée. » Il l’affirmait, et l’on pouvait déjà s’en fier à lui ; mais l’audition de son œuvre apporte une telle preuve à l’appui de son affirmation qu’on reste confondu, non seulement du génie du compositeur, mais de la puissance et de la lucidité d’esprit de l’homme qui a conçu cette nouvelle « œuvre d’art », ainsi qu’il l’appelle. […] Chaque acte, pris en soi, forme une scène gigantesque, d’une intensité d’expression merveilleuse, et l’œuvre entière se condense puissamment dans ce prélude incomparable, incompris de Berlioz, dans ce prélude admirablement bâti sur cette phase ascendante en demi-tons, d’une tendresse infinie77. « Il est singulier, dit Berlioz après l’avoir entendu aux Italiens, que l’auteur ait fait exécuter ce prélude au même concert que l’introduction de Lohengrin, car il a suivi le même plan dans l’un et dans l’autre. […] Mais précisément parce que Wagner, en mettant dans la bouche des deux amants des idées inexprimables par le langage musical, s’est involontairement réduit à ne plus traduire par sa musique que l’idée générale d’amour et d’enlacement voluptueux. « Je me plongeai, dit-il de bonne foi, avec une intime confiance dans les profondeurs de l’âme, dans ses mystères, et de ce centre intérieur du monde, je vis s’épanouir sa forme extérieure. » Se peut-il une illusion plus grande ? […] Notes historiques et esthétiques sur le motif de réminiscence (fin) Arrivons à la forme la plus simple et la plus intime de la musique vocale, le Lied.

982. (1914) Une année de critique

André Hallays sait restituer à chacun d’eux sa forme et sa couleur. […] Lucien Corpechot forme une illustration de cette vérité. […] Il est, avant tout, un écrivain amoureux de son art, de la forme de la phrase française. […] La poésie, l’ironie, sont les deux formes achevées du vrai. […] La perfection peut être considérée comme un arrêt dans l’évolution des formes.

983. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

, forme un bon titre de magazine. […] L’œuvre d’art se forme et se développe comme un individu, ou mieux comme une société vivante. […] Et en tout cas il y a une forme de l’orgueil beaucoup plus intolérable que celle-là. […] Patience à faire non seulement le tour des « idées », mais le tour des formes. […] De là, trois formes de critique créatrice.

984. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Je désire seulement avertir le lecteur que j’ai voulu conserver ici la forme qu’entraîne l’exposition de travaux de recherches qui sont en voie de se faire. […] Il se forme là du tissu fibro-plastique en quantité plus ou moins grande qui atrophie nécessairement les cellules voisines. […] Le perchlorure de fer y forme du bleu de Prusse ; donc le prussiate a passé. […] La conclusion toute naturelle, toute simple, est toujours celle-ci : que le sucre se forme dans le foie. […] Mais si nous combinons l’iode avec le fer, cette dernière substance pourra alors passer dans la sécrétion salivaire sous forme d’iodure.

985. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

L’apitoiement sincère sur l’injustice et la cruauté humaine à l’endroit des animaux, forme la majeure partie de ce livre très doux et très léger de lecture. […] Sans recherche de couleur locale, et rien que par la forme du savoir dire vrai, M.  […] Le reste de son œuvre est moins sage, moins limpide, mais renferme parfois un grand charme pris à l’indépendance de la forme. […] C’est le petit Théodule ; à la vérité, en lui tout est petit, âge, forme, yeux, bouche, enfin pour le corps c’est un enfant. […] Aucun corps d’une telle perfection de formes n’a jamais existé.

986. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Vinet était connu, consulté ; le protestantisme dans ses différentes formes, et à proportion que la forme y offusquait moins l’esprit, le vénérait comme un des maîtres et des directeurs les plus consommés dans la science et dans la pratique évangéliques.

987. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

La pensée, identifiée avec les formes anciennes, n’existait qu’en elles, et ne se produisait que par elles ; les épanchements de l’amitié, les inspirations du talent, tout ce qui naît spontanément en nous, en naissait revêtu. […] Mais ce qui étonne, surtout pour le temps, et ce qu’on aime, ce sont ces formes aimables et dégagées, vives comme la passion, abandonnées comme elle.

988. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Alors il dit tout cette vie surnaturelle et toute l’autre, celle des heures où il forme les yeux ; et la nature et le rêve s’enlacent si discrètement, dans une ombre si bleue et avec des gestes si harmoniques, que les deux natures ne font qu’une seule ligne, une seule grâce… [Le Livre des masques, 2e série (1898).] […] Lafargue (qui, lui, avait une âme lyrique) a laissé un très petit nombre de poèmes, d’une singulière brièveté et dont chacun forme un petit monde distinct.

989. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

quoique sa déclamation ne soit alors differente du chant musical, que parce que les sons que forme une personne qui déclame ne sont point frappez separement et ne reçoivent pas leur perfection dans les mêmes parties de l’organe de la parole, que les sons que forme une personne qui chante.

990. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Pour apprendre à écrire, nous l’avons toujours dit, il faut évidemment avoir d’abord des dispositions, et l’on ne forme son style que si l’on a des aptitudes à le former. […] Ce que nous prétendons, c’est que c’est la volonté qui développe, forme et exerce cette faculté.

991. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

La chose était des plus simple : un clan de poètes très divers de talent et d’inspiration, sans théorie ni foi commune si ce n’est qu’ils aspiraient tous à une rénovation de la forme poétique, se trouvaient groupés par les hasards de la publicité dans les colonnes d’un même journal hospitalier et dans la devanture d’un même éditeur. […] C’est un très aimable poète qui donna jadis chez Lemerre Le Jardin des rêves, mais qui depuis, a affirmé par diverses pièces parues en des revues sa sympathie pour une rénovation de la forme poétique.

992. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Ces figures du langage, ces créations de la poésie, ne sont point, comme on l’a cru, l’ingénieuse invention des écrivains, mais des formes nécessaires dont toutes les nations se sont servies à leur premier âge, pour exprimer leurs pensées. […] Origine des premières républiques, dans la forme la plus rigoureusement aristocratique.

993. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

que nous connaissons bien cette forme de l’érudition ou de la paresse française ! […] Magnin, qu’il avait peut-être fallu un peu enhardir et pousser d’abord, demeura ensuite fidèle aux impressions de cette forme de drame où l’imagination et la fantaisie jouaient un si grand rôle et s’accordaient plus d’exagérations en tous sens que la fibre française, hélas ! […] Magnin, malgré la richesse croissante de sa littérature et l’agrément varié de sa forme, avait perdu en vieillissant quelque chose de la fermeté et de la vigueur qu’il avait montrées au temps du Globe ; il n’allait plus si directement au fait. […] Tout cela, à quelques liaisons près, forme un ensemble depuis le haut Moyen-Age jusqu’aux abords du VIe siècle. […] Quand il en vient aux farces, à cette veine heureuse et riche de notre vieux théâtre, à cette première forme de la comédie, M. 

994. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy avait eu cette matinée culminante sur la Dôle, qu’il avait remarqué ce pâtre sur ce plateau, et que sa contemplation avait trouvé à une heure déterminée de sa jeunesse une forme de tableau si en rapport et si harmonieuse, je me l’étais souvent figuré, en effet, sur un plateau élevé des montagnes, avec moins de soleil, il est vrai, avec un horizon moins meublé de réalités et d’images, bien qu’avec autant d’air dans les cieux. […] Jouffroy, c’est bien de tout voir de la montagne ; s’il envisage l’histoire, s’il décrit géographiquement les lieux, c’est par masses et formes générales, sans scrupule des détails, et avec une sorte de vérité ou d’illusion toujours majestueuse […] Thiers, au début du National, développait sa théorie constitutionnelle, et venait professer Delorme comme résumé de son Histoire de la Révolution, ces articles ingénieux étaient regardés comme de purs jeux de forme et des fictions un peu vaines au prix de la grande question populaire et sociale ; et ce n’était pas M.  […] Philosophe et démonstrateur éloquent encore plus qu’écrivain, la forme, qui a tant d’attrait pour l’artiste, convie peu M.  […] Il ne s’applique point à la fermeté de Pascal ; sa forme, à lui, quand il lui en faut une, est belle et ample, mais lâchée, comme on dit.

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