Sur le penchant le plus incliné vers le torrent ou vers le lac qui forme le lit de ces vallées ; sur quelque colline arrondie et grasse de gazon ; au sommet d’un petit promontoire avancé vers les eaux et qui y laisse pendre et tremper les branches de ses châtaigniers ; au bord d’une grève exposée au soleil du levant ou du midi et où brille de loin une marge de sable fin lavé d’écume ; dans le creux d’une anse, au sommet d’un monticule boisé, semblable à une île sur un océan de roseaux, on voit luire au soleil un petit nombre de maisons à toits aigus et bleuâtres, couverts d’ardoises, sur lesquels des nuées de pigeons blancs en repos sèchent leurs plumes et becquettent le grain volé dans la cour. […] Elles sont bordées d’un côté de quelques petites terrasses en étages qui dominent la plaine ou les eaux ; de larges figuiers y étendent leurs branches, qui ont la contorsion et la couleur de grosses couleuvres endormies. […] Le torrent de l’Aisse, avec ses cailloux roulés, coupe la plaine par une ligne blanchâtre que ses eaux, souvent débordées, laissent à sec pendant l’été. […] Le temps semble glisser sur cette femme comme l’eau sur la toile cirée.
Il paraît que ces bonnes gens le virent, car la femme me dit : « Avant de manger, mon enfant, il faut sortir vos pieds de l’eau. » Elle se baissa et m’essuya les pieds avec son tablier, avant que j’eusse compris ce qu’elle voulait faire. […] Je ne voulais que de l’eau, je criais toujours : « De l’eau ! de l’eau !
Par ce temps, elle vit dans l’eau et l’air glacés, à la façon d’une espèce de monstre boréal, inventé par la mythologie scandinave. […] Impossible, à table, de boire un verre d’eau rougie, parce que la maîtresse a eu la fantaisie d’avoir, pour carafes, des cathédrales de cristal qu’il faudrait des porteurs d’eau pour soulever. […] * * * — L’eau d’ici trouble vos nuits, elle y roule des cauchemars, dans lesquels vous reviennent des êtres malfaisants ou douloureux de votre vie, en une singulière mixture d’anxiété et d’érotisme.
9 janvier L’hydrothérapie, l’eau froide, une terreur, une épouvante ! […] 10 juin Départ pour les eaux de Royat. […] * * * — Dans un sentier, sous de grands noyers, sur une route, au bord de laquelle chantent les sources, les torrents aux filets d’eaux brisés par les pierres, marche devant nous un couple étrange : une espèce de petite naine à la grosse caboche, coiffée d’un bonnet de femme, et habillée d’un camail qui lui tombe à la hauteur des jarrets, une petite fille comme rognée en bas, et ayant au bras un immense panier, et aux pieds des sabots, faisant flic flac dans les ruisselets, filtrant sur le chemin. […] 2 juillet Départ de ce triste pays, de ces eaux de souffrance, de ces hôtels de bruit, de ces tables d’hôte s’allongeant, tous les jours, sous des rallonges de sots.
Une étude complète sur Massillon deviendrait naturellement celle de l’éloquence même dans la dernière moitié du règne de Louis XIV ; on y suivrait ce beau fleuve de l’éloquence sacrée, on le descendrait dans toute la magnificence de son cours ; on en marquerait les changements à partir de l’endroit où il devient moins rapide, moins impétueux, moins sonore, où il perd de la grandeur austère ou de l’incomparable majesté que lui donnaient ses rives, et où, dans un paysage plus riche en apparence, plus vaste d’étendue, mais plus effacé, il s’élargit et se mêle insensiblement à d’autres eaux comme aux approches de l’embouchure. […] Chez Massillon, cette allure naturelle n’avait aucun caractère de sévérité, mais plutôt un air d’effusion et d’abondance comme d’une fontaine coulant sur une pente très douce et dont les eaux amoncelées se poussent de leur propre poids.
On corrigeait en partie ce mauvais effet par l’usage de ce qu’on appelait le Rossolis du roi, breuvage composé d’eau-de-vie faite avec du vin d’Espagne, dans laquelle on faisait infuser des semences d’anis, de fenouil, d’anet, de chervis, de carotte et de coriandre, à quoi l’on ajoutait du sucre candi, dissous dans l’eau de camomille et cuit en consistance de sirop. […] Mais un autre jour, il en est tout autrement : les choses se sont passées, il est vrai, avec un peu moins de sobriété : « Le cours de cette médecine, dit à un endroit Fagon (fin de cette même année 1708), fut brusquement arrêté par le dîner du roi, qui mangea beaucoup, et entre autres choses, outre les croûtes, le pain mitonné en potage et les viandes fort solides, combla la mesure à son dessert avec des vents faits avec du blanc d’œuf et du sucre, cuits et séchés au four, force confitures et des biscuits bien secs ; ce qui joint à quatre grands verres en dînant et trois d’eau sortie de la glace, après dîner, donna sujet au roi de se plaindre, après avoir travaillé trois heures avec M. de Pontchartrain, qu’il se sentait faible et qu’il avait de la peine à marcher. » Notez cependant que, s’il a trop dîné, il n’en a pas moins travaillé ses trois heures.
Il ressemble à une source dont l’eau est empruntée ; elle coule un certain temps, mais quand le réservoir est épuisé, elle s’arrête. » Il n’y a de vrai génie ou talent que celui dont on ne peut jamais dire : Il a vidé son sac ; car ce n’est pas un sac qu’il a : il est une source. […] Je les place dans un verre d’eau fraîche, et quelle merveille je vois !
ainsi les Stances à trois jeunes filles qui, au bord d’un étang, agacent un cygne, et que le poète avertit de prendre garde au destin de Léda ; ainsi ces autres stances aux trois jeunes sœurs de Sainte-Aulaire, ramant ensemble dans une promenade sur la Seine, et qu’il invite à se laisser dériver au fil de l’eau. […] Et rend visible aux yeux une éternelle nuit ; Et d’instant en instant la goutte d’eau qui tombe De cette immense tombe Est seule tout le bruit.
Zeller en résume ainsi les préceptes, qui tiennent à la fois de la culture ou de l’hygiène locale et de la morale universelle : « Entretenir avec un soin religieux le feu, chose sacrée, dans le temple et au foyer domestique ; respecter l’eau qui coule et qu’on ne doit jamais souiller par un contact impur, surtout celui d’un cadavre ; couvrir, purifier, embellir la terre en multipliant, par le travail et les arrosages, la moisson jaunissante, la forêt qui tamise les rayons du soleil, et les arbres qui portent les doux fruits ; élever, nourrir les animaux nobles et faire une guerre sans relâche aux impurs, voilà comme le sectateur de Zoroastre combat le mal physique dans la nature. […] Hippocrate l’avait pressenti, dès l’antiquité, dans son traité des Airs, des Eaux et des Lieux ; aux Anciens la vue et le pressentiment dans sa largeur : aux Modernes le détail, l’exactitude et la preuve.
Il est vrai encore que le paysage réfléchit le ciel dans ses eaux, dans la goutte de rosée, aussi bien que dans le lac immense, tandis que le dôme du ciel ne réfléchit pas les images projetées de la terre. […] Chez l’un comme chez l’autre, même procédé chaud, vigoureux et libre ; même luxe et même aisance de pensée, qui pousse en tous sens et se développe en pleine végétation, avec tous ses embranchements de relatifs et d’incidences entre-croisées ou pendantes ; même profusion d’irrégularités heureuses et familières, d’idiotismes qui sentent leur fruit, grâces et ornements inexplicables qu’ont sottement émondés les grammairiens, les rhéteurs et les analystes ; même promptitude et sagacité de coup d’œil à suivre l’idée courante sous la transparence des images, et à ne pas la laisser fuir, dans son court trajet de telle figure à telle autre ; même art prodigieux enfin à mener à extrémité une métaphore, à la pousser de tranchée en tranchée, et à la forcer de rendre, sans capitulation, tout ce qu’elle contient ; à la prendre à l’état de filet d’eau, à l’épandre, à la chasser devant soi, à la grossir de toutes les affluences d’alentour, jusqu’à ce qu’elle s’enfle et roule comme un grand fleuve.
On hésitait à prendre au sérieux un savant qui tirait tant de révérences à l’idéalisme, un critique qui ne semblait occupé qu’à donner de l’eau bénite. […] Pendant la publication de ces deux grands ouvrages : Questions contemporaines, 1868, in-8 ; Dialogues philosophiques, 1876, in-8 ; Nouvelles Études d’histoire religieuse, 1884, in-8 ; Mélanges d’histoire et de voyages, in-8, 1878 ; Drames philosophiques (Caliban, l’Eau de Jouvence, le Prêtre de Némi, l’Abbesse de Jouarre, 1878-1886), in-8 ; Conférences d’Angleterre, in-18, 1880 ; Souvenirs d’Enfance et de Jeunesse, in-8, 1883 ; Feuilles détachées, in-8, 1892 ; Discours et Conférences, in-8, 1887, etc. — A consulter : J.
Ne pas croire en Dieu, c’est nier le mystère de la vie et de l’univers et le mystère des instincts impérieux qui nous font placer le but de la vie en dehors de nous-mêmes et plus haut ; c’est nier le plaisir que nous fait cette chose insensée qui est la vertu ; c’est nier le frisson qui nous prend devant « le silence éternel des espaces infinis » ou le gonflement du cœur par les soirs d’automne, et la langueur des désirs indéterminés ; c’est déclarer que tout dans notre destinée et dans les choses est clair comme eau de roche et qu’il n’y a rien, mais rien du tout, à expliquer. […] Je goûte l’effort des poèmes cosmogoniques de la fin : le Sel, la Gloire de l’eau, la Mort de la mer.
Il se compare au cygne dont le givre des eaux retient l’aile prisonnière. […] René Ghil, dans la préface de son livre de début, appelait des vers qui seraient : … un pré ou l’odeur des luzernes — une eau pâle et glauque aux rides s’élargissant ; des vers qui seraient l’inexprimable souvenir, devant deux grands yeux pâles et froids d’Aïeule, d’un soir d’hiver où veille la lune algide ; des vers qui seraient les mille murmures des heures noires, un dièze de violon, des voix dans la nuit, la saveur du vent de mer ; des vers qui donneraient l’écœurement d’une migraine, la lourdeur aveulie et molle d’une après-midi d’août, avec je ne sais quel rassasiement venu des moissons mûres.
« Nous sommes comme les rivières, qui conservent leur nom, mais dont les eaux changent toujours. » C’est le grand Frédéric qui écrivait cela à d’Alembert, pour lui exprimer le changement qu’opère le temps dans les sentiments et dans les pensées de chaque individu. Si jamais l’âme de l’homme a pu être comparée à un courant d’eau changeant et rapide, c’est assurément de nos jours : les grands poètes de notre âge, en particulier, sont de grands fleuves, et M. de Lamartine est le plus large et le plus beau de tous.
Girardin, le plus hardi des hommes d’affaires, avait promis deux millions d’avance, mais il était malade à l’extrémité ; Monnerol le jeune, qui ne lui cédait ni en crédit ni en courage, pour quelque indisposition était aux eaux de Bourbon, etc. […] On croit que Fouquet allait obtenir un adoucissement tardif et la permission d’aller aux eaux de Bourbonne, lorsqu’il mourut en mars 1680, à l’âge de soixante-cinq ans.
Elle soignait tellement la fraîcheur de sa peau, qu’elle se la gâtait par des eaux et des recettes de toutes sortes, et se donnait des érésipèles et des enlevures. […] Une des parties les plus agréables des Mémoires est le voyage de Flandre, du Hainaut et du pays de Liège, que fit Marguerite en 1577, voyage entrepris sous couleur de prendre les eaux de Spa, dont elle n’avait pas besoin, et en réalité pour gagner des partisans à son frère d’Alençon dans le projet d’enlever les Pays-Bas à l’Espagne.
Né le 8 juillet 1624, à Château-Thierry, en Champagne, d’un père maître des eaux et forêts, Jean de La Fontaine paraît n’avoir reçu d’abord qu’une éducation assez négligée ; jeune, il étudiait selon les rencontres et lisait à l’aventure ce qui lui tombait sous la main. […] La Fontaine est célèbre comme mari par ses oublis et ses inadvertances ; son père, à l’époque de ce mariage, lui avait transmis sa charge de maître des eaux et forêts, et La Fontaine n’y porta pas moins de négligence qu’à ses autres devoirs.
La rivière allait en pente très douce, elle y entrait pas à pas, et quand elle avait de l’eau jusqu’aux genoux, elle était entraînée par le courant… mais, à demi noyée, elle ne perdait pas toute connaissance ; à un moment, elle avait parfaitement le sentiment que sa tête cognait contre un câble tendu et que ses cheveux dénoués se répandaient autour d’elle, et, quand elle entendit un chien sauter à l’eau, de la Verberie, elle éprouvait l’appréhension anxieuse qu’il ne l’empoignât par un endroit ridicule.
Descendez dans les profondes vallées, dans les longues fondrières obscures, où le limon déposé par les eaux nourrit des futaies antiques : les superbes chênes montent vers le ciel d’un élan inflexible, et leur colonne grise descend droit jusqu’aux entrailles du sol, comme enfoncée par la main d’un géant. […] Regardez de près : ces dominateurs du sol sont tous blessés à la base ; le mal a rongé leurs pieds ; l’eau s’infiltre à travers leur écorce.
Un galion espagnol tout chargé d’or, ou une riche cargaison hollandaise ne vaut pas à ses yeux l’honneur d’humilier l’Allemand qui siège au trône d’Angleterre, le plaisir de faire couler Saint-George au fond de l’eau.