/ 3414
1135. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils. […] À examiner en général le règne de ce prince, ses succès, ses triomphes, son application au gouvernement, enfin le mérite qu’il eut, et qu’il partagea avec si peu de souverains, de devenir meilleur en montant sur le trône, il paraît avoir mérité une partie de ces hommages.

1136. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre IV. De la méthode » pp. 81-92

Une observation vient à l’appui de cette idée, c’est que les libertins qui vieillissent, et qui sentent les forces naturelles leur manquer, deviennent ordinairement religieux. […] Voulons-nous que ces preuves deviennent distinctes et lumineuses ? […] Ainsi sous un autre aspect, la science nouvelle devient une philosophie de l’autorité, source de la justice extérieure, pour parler le langage de la théologie morale.

1137. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

« C’est le prix de nos journées ; c’est l’art dont nous vivons ; c’est notre première œuvre, quand le soleil ranimé se lève. » Les strophes suivantes languissent et deviennent bizarres, dans quelques détails sur la lutte nocturne de Jacob contre un ange. […] Sa poésie moqueuse devient douce et charmante. […] Et quand il deviendra quelque jour évêque, il consacrera, dans son inépuisable charité, au rachat des captifs, et les vases de son église et sa propre liberté.

1138. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Craignons de devenir volontairement des provinciaux, même des provinciaux de Paris. […] Plus tard, dans le théâtre de Molière, nous verrons les suivantes devenir les servantes, qui au dix-huitième siècle deviendront les soubrettes. […] C’est alors, alors seulement, qu’il devient célèbre aussi comme poète tragique. […] Mais par le style ces lieux-communs deviennent resplendissants et éternels. […] Il croyait fort aux devins, et c’était peut-être tout ce qu’il croyait.

1139. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Il devint le Shakespeare du boulevard. […] Nous ignorons ce que cette comédie qui avait été reçue à l’Odéon, si nos souvenirs ne nous trompent, peut-être devenue. […] Il y a de quoi devenir fou ! […] À partir de cette date solennelle et triomphale, les critiques se turent ; il devint de mauvais goût de nier un génie si évident. […] Cette admiration de l’homme politique devint précieuse pour l’artiste, car, arrivé au pouvoir, M. 

1140. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Ne sont-ce pas là, manifestement, les matériaux, épars encore, de ce qui va devenir le roman de mœurs ? […] et n’est-ce pas ici que le livre devient pour l’histoire des mœurs sous l’ancien régime un document sans prix ? […] Quand l’art de plaire devient une science : la science de tout promettre et de ne rien accorder ; l’art de vaincre en devient une autre : celle de ne rien donner et de tout obtenir. […] L’histoire ici devient obscure, et lui-même, en y faisant quelque part allusion, ne l’a pas tout à fait éclaircie. […] Quand enfin il en sortit, ce fut pour devenir aumônier du prince de Conti.

1141. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Ce dessein est devenu la tâché de toute sa vie ; grande tâche et vraiment patriotique ! […] Roumanille obtint ce succès du premier coup ; et comme, en toute occasion, il continua de chanter, ici un conte joyeux, là une élégie, comme il joignait d’ailleurs à cette œuvre de rénovation poétique un apostolat social et défendait les vieilles mœurs au milieu des fièvres de 1848, il devint bientôt le chef d’un travail d’esprit qui fut un véritable événement, pour la Provence, durant plusieurs années.

1142. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 115-120

Il est incontestable qu’il n’est pas né Poëte ; & que, par conséquent, il ne le deviendra jamais. […] Artaxerce, environné de tant de poignards, n’est réellement mort que du poison de l’ennui mortel qu’il a communiqué aux Spectateurs ; & l’on ne sait pas ce que Barnewelt seroit devenu, si on eût permis qu’il parût sur la Scène.

1143. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Préface Les essais qui forment ce livre sont consacrés à six écrivains de nationalités diverses, introduits, accueillis et devenus célèbres en France pendant ces cinquante dernières années et qui marquent ainsi un des traits particuliers de l’histoire de notre littérature : l’influence qu’y ont exercée des auteurs étrangers de race, de langue, de tournure d’esprit à tout ce que l’on considère comme le propre du génie gallo-latin. […] Nos arts lui doivent aujourd’hui leur tristesse, leur ferveur, leur grandeur, d’être devenus de gravité presque septentrionale dans leurs chefs-d’œuvre et d’avoir perdu en gaîté narquoise, en faconde conteuse.

1144. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre III. Suite du précédent. — Seconde cause : les anciens ont épuisé tous les genres d’histoire, hors le genre chrétien. »

Sans s’appesantir, et sans rien perdre de l’élégance attique, il jeta des regards pieux sur le cœur humain, et devint le père de l’histoire morale. […] Les pensées des Tite-Live et des Bossuet sont abondantes et enchaînées les unes aux autres ; chaque mot, chez eux, naît du mot qui l’a précédé, et devient le germe du mot qui va le suivre.

1145. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — X. Service de nuit. »

Alors le guinné qui était devant moi devient comme un bâton qui brûle ! […] Si tu n’avais pas été sur ton cheval tu serais devenu fou.

1146. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

— Le conseil des peuples devient le mépris du chiffonnier qui passe ! […] Que de grands joueurs de violon, que d’illustres pianistes, que de chanteurs qui sont devenus… une ombre, un nom, un écho ! […] Une page oubliée au fond d’un journal devenu le jouet de la rage des vents, est-ce une si grande infortune lorsque tant de poèmes n’ont pas trouvé un acheteur ? […] « Je voudrais bien y être dans vingt ans, disait Fontenelle, pour savoir ce que ça deviendra !  […] il vient de briser la lampe merveilleuse, il a tué la poule aux œufs d’or ; et maintenant, abandonné à lui-même, privé du génie de Mascarille, que va-t-il devenir ?

1147. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Son langage devient abstrait et pédantesque. […] Alors on devient égoïste. […] Comprends-tu que j’allais devenir amoureuse, moi ? […] Il est de toute évidence qu’elle a été enchantée de devenir duchesse. […] Il est devenu un magicien très puissant.

1148. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Mais dès que l’auteur l’a happée, il se l’approprie, il se l’assimile ; elle passe dans sa substance, elle devient sienne, elle devient lui-même. […] On était Alceste, on devient Philinte. […] Qui veut être libre, mérite de l’être, et déjà le devient, autant qu’il est en lui. […] Il est à noter, toutefois, que ce département menace de devenir à lui seul un empire, comme l’Ile-de-France est devenue la France. […] Ce que tout cela deviendra, Dieu le sait !

1149. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Au reste, pourquoi devient-il tout à coup enragé ? […] Le type devient ainsi très général. […] C’était presque trop ; cela devenait aveuglant et gênant d’évidence. […] Julie est devenue mère d’une petite fille. […] La Fresnais est devenu un très brillant général.

1150. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Si les bêtes pouvaient devenir semblables aux hommes, ceux-ci se souviendraient peut-être qu’on leur a laissé entrevoir la possibilité de devenir semblables aux dieux. […] Delphine Gay devint madame Émile de Girardin, et resta aux prises avec la même insécurité. […] Cet abominable complaisant deviendra aussi un jour l’ami intime de la famille Valvèdre ! […] Veuillot n’y songe pas : si la ciguë ne prouve rien, que devient l’argument du martyre ? […] Si on ne la considère qu’au point de vue des représailles, elle devient de la mansuétude.

1151. (1887) Essais sur l’école romantique

Un gland devient chêne parce que Dieu l’a voulu… Voilà toute l’idée de cette pièce. […] Dès lors, ce qui n’eût été qu’une bonne et honnête habitude d’esprit est devenu une foi vive, inquiète, agressive, comme toute foi disputée. […] Mais la critique qui se nomme est devenue sévère ; les plus indulgents et les plus engagés commencent à regimber. […] J’étais devenu, en 1813, le collègue de Lamartine à la Chambre des députés ; en 1851, le confrère de Lamartine et de M.  […] En même temps, les idées révolutionnaires et philanthropiques deviennent les nouveaux lieux communs de ce mouvement libéral.

1152. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Une angoisse inexprimable s’était emparée de son âme ; l’application lui était devenue impossible, la lumière odieuse ; un simple coup de sonnette l’agitait et lui arrachait des larmes. […] Daunou que nous avons tous connu ; nous nous attacherons à ce qu’il devint plus manifestement avec l’âge, au pur savant et littérateur. […] On a conçu une idée plus juste du caractère et du but de l’histoire ; on a voulu qu’elle devînt un tableau des mœurs et de la destinée des nations. […] La conversation, quand elle dérivait là-dessus, devenait avec lui des plus intéressantes et des plus fines : sous son sourcil gris, son petit œil étincelait. […] « Dépouillé de tout pouvoir temporel et devenu le sujet de l’un des princes de l’Europe, le pape excommuniera-t-il son propre souverain ?

1153. (1927) André Gide pp. 8-126

Julius de Baraglioul, rentré à Paris devient très amer. […] Depuis qu’il a compris que je n’étais ni l’un ni l’autre, il est devenu tiède. […] Vraiment, cela devient insupportable, surtout avec ce sérieux et cette fade sentimentalité. […] Liés par leur commune et précoce passion de la littérature, ils devinrent des amis. […] Tout devient clair, non pas dans Hegel, mais dans l’aigreur de M. 

1154. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Tout ce surnaturel devient en quelque sorte réel pour un peuple très croyant. […] Pour lui, la figure devient fait. […] La plupart sont malades ou le deviennent. […] Leur imagination devient païenne, tandis que leur cœur reste chrétien. […] C’est ainsi qu’il devint son convertisseur, comme le cordonnier Sutaïef celui de Tolstoï.

/ 3414