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339. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Nicétas, l’historien des vaincus, et Villehardouin celui des vainqueurs, s’accordent pour nous en une conclusion : les Grecs de Byzance, qui osent encore s’intituler Romains, sont lâches et traîtres, deux défauts qui, en s’unissant, marquent la fin et l’extrême décrépitude des peuples. […] Quand je vois ces qualités et ces défauts de l’historien d’une époque finissante, cet arrangement élégant et peigné, ces comparaisons disparates où les images d’Endymion ou de tel autre personnage mythologique sont jetées à travers les événements les plus positifs et les plus désastreux de l’histoire, je les oppose aux qualités et aux défauts du narrateur français qui commence, à cette simplicité grave, sèche et roide, mais parfois épique, et je me demande : « Lequel des deux est véritablement le plus voisin d’Homère ou d’Hérodote ? 

340. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Tout chef-d’œuvre qu’il est, le livre d’Adolphe a quelques-uns des défauts de l’école métaphysique et sentimentale, alors régnante. […] Dans toutes les parties d’Adolphe qui ne sont pas essentielles, on trouverait de ces espèces de défauts, et même des défauts de style. — « Mon père, dit Adolphe parlant de certaines liaisons, les regardait comme des amusements, sinon permis, du moins excusables, et considérait le mariage seul sous un rapport sérieux. » — La note perpétuelle d’Adolphe est une note sourde, intérieure : « Je m’agitais intérieurement. — Je me débattais intérieurement.

341. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Je supprime les exemples ; mais il est, dans la plupart des vies littéraires qui nous sont soumises, un tel moment où la maturité qu’on espérait est manquée, ou bien, si elle est atteinte, est dépassée, et où l’excès même de la qualité devient le défaut ; où les uns se roidissent se dessèchent, les autres se lâchent et s’abandonnent, les autres s’endurcissent, s’alourdissent, quelques-uns s’aigrissent ; où le sourire devient une ride. […] Il est trop aisé de prendre le contre-pied en toute chose ; on ne fait que retourner son défaut. […] Les admirateurs enthousiastes sont un peu des complices : ils s’adorent eux-mêmes, qualités et défauts, dans leur grand représentant.

342. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Un type n’a plus de défauts. […] Ce qui hier encore s’appelait défaut dans un auteur, change aussitôt de nom et devient, une fois le type admis, un simple trait de signalement et de caractère. […] Elle est femme, elle est timide, elle n’ose tout dire ni innover ; la griffe virile lui fait défaut ; elle recule, n’étant pas artiste comme son frère, devant les expressions qui ont l’air cherchées, qui sont trop fortes.

343. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Enfin j’avois acquis, quoique infiniment petite, tous les défauts des grands : cela m’a servi depuis à les excuser en eux. » Ainsi élevée, ainsi traitée jusqu’à l’âge de vingt-six ans sur le pied d’une perfection et d’une merveille, lorsqu’elle tomba plus tard en servitude, ce fut comme une petite Reine déchue, et elle en garda les sentiments, « persuadée qu’il n’y a que nos propres actions qui puissent nous dégrader », dit-elle ; aucun fait de sa vie n’a démenti cette généreuse parole. […] Encore faudrait-il observer, dans la plupart des passages qu’on cite à l’appui de ce défaut, que c’est elle-même qui s’y dénonce à plaisir et qui fait gaiement les honneurs de sa personne. […] Je sentois cependant que chaque instant l’éloignoit de moi, et ma peine prenoit le même accroissement que la distance qui nous séparait. » Nous surprenons ici le défaut ; cette peine qui croît en raison directe de la distance, c’est plus que du philosophe, c’est bien du géomètre ; et nous concevons que M. de Silly ait pu dire à sa jeune amie dans une lettre qu’elle nous transcrit : « Servez-vous, je vous « prie, des expressions les plus simples, et surtout ne faites « aucun usage de celles qui sont propres aux sciences. » En homme du monde, et plein de tact, il avait mis d’abord le doigt sur le léger travers.

344. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

L’exaltation de ce qu’on appelle la philosophie, est une superstition comme le culte des préjugés ; les mêmes défauts conduisent aux deux excès contraires ; et c’est la différence des situations ou le hasard d’un premier mot, qui, dans la classe commune, fait de deux hommes de parti, deux ennemis, ou deux complices. […] Il manque encore un beau spectacle au monde, c’est un Sylla dans la route de la vertu, un homme dont le caractère démontre que le crime est une ressource de la faiblesse, et que c’est aux défauts des hommes de bien, mais non à leur moralité, qu’il faut attribuer leurs revers. […] Les Jacobins, les Aristocrates, craignent moins leurs succès réciproques, parce qu’ils les croient passagers, et se connaissent des défauts semblables qui donnent toujours autant d’avantage au vaincu qu’au vainqueur.

345. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Ce ne doit point être un défaut, aux yeux de l’écrevisse, de marcher comme elle fait. […] C’est qu’il n’a point la mauvaise humeur attachée à ce défaut. […] Même défaut dans cet Apologue que dans le précédent.

346. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

C’est à peu près comme si un graveur habile, qui copie le tableau d’un grand maître, s’interdisait quelques touches fines et légères pour en relever les beautés, ou pour en masquer les défauts. […] Ce n’est pas pour nous faire connaître les défauts des anciens qu’on les met en notre langue, c’est pour enrichir notre littérature de ce qu’ils ont fait d’excellent. […] On peut juger un ouvrage libre, en se bornant à exposer dans une critique raisonnée les défauts qu’on y aperçoit ; parce que l’auteur était le maître de son plan, de ce qu’il devait dire, et de la manière de le dire : mais le traducteur est dans un état forcé sur tous ces points, obligé de marcher sans cesse dans un chemin étroit et glissant qui n’est pas de son choix, et quelquefois de se jeter à côté pour éviter le précipice.

347. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Mais le même caractère, qui peut-être donna à Louis XIV toutes ces qualités, fit aussi la plupart de ses défauts. […] Ce défaut influa non seulement sur la France, mais sur l’Europe entière. […] Celui d’un prince qui, placé dans une époque où sa nation était capable de grandes choses, sut profiter des circonstances sans les faire naître, qui, avec des défauts, déploya néanmoins toute la vigueur du gouvernement, qui, suppléant par le caractère au génie, sut rassembler autour de lui les forces de son siècle et les diriger, ce qui est une autre espèce de génie dans les rois ; qui enfin, donna un grand mouvement et aux choses et aux hommes, et laissa après lui une trace forte et profonde.

348. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Il prouve bien qu’un ouvrage peut exciter l’enthousiasme de la multitude avec de grands défauts, et par ces défauts-là même. […] Cette observation est bizarre dans un auteur qui lui-même a prodigué les bravades, et qui surtout a boursouflé ses héroïnes de la manière la plus gigantesque mais on sait que Voltaire ne voyait pas les défauts qu’il avait, et qu’il voyait très bien les défauts que Corneille n’avait pas. […] Je ne sais même s’ils n’en viennent pas jusqu’à mépriser cette bonne foi, cette grandeur d’âme ; s’ils ne prennent pas pour bêtise ce qui tient au génie, et pour défaut d’adresse ce qui est le comble de l’art. […] Nous sommes aujourd’hui si forts sur la morale, qu’on regarde comme un défaut essentiel dans une pièce l’impunité du personnage vicieux. […] Il me semble que, sans ce défaut, il ne serait pas aussi brillant et aussi théâtral ; Nicomède déplairait, moins téméraire, moins audacieux, moins confiant en ses propres forces.

349. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Il suit du premier défaut que le style dans cette partie est trop tendu et trop continuellement magnifique. […] Parfois aussi des contrastes heureux reposent l’âme flétrie ; le dernier trait du tableau est plein de charme, quoique non tout à fait exempt du séduisant défaut que nous reprochons à M. 

350. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

De graves négligences dans l’ordonnance de ce poème, l’incohérence des détails, l’obscurité de l’ensemble, les singularités d’un système de versification qui a bien sa grâce et sa douceur, mais qui a aussi ses défauts particuliers, toutes ces taches que des critiques, à la vérité bien sévères, avaient remarquées dans la première publication de M. de Vigny, ne peuvent être reprochées à la seconde. La belle imagination de l’auteur s’est fortifiée en se purifiant ; son style, sans rien perdre de sa flexibilité, de sa fraîcheur et de son éclat, a perdu les défauts qui le déparaient.

351. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Nous ne prétendons pas justifier Lafontaine sur quelques défauts de langage : nous pourrions dire que ces défauts tiennent en quelque sorte à la tournure de sa pensée, & contribuent souvent à l’embellir.

352. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Celui de M. l’Abbé de Marsy est bien éloigné de ce défaut. […] Il se transforme en son Original, évite ses défauts, s’approprie ses beautés, & , en les adoptant au sujet qu’il traite, il sait leur donner une forme & un caractere qui les lui rend propres.

353. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Ses défauts doivent toujours le rendre ennuyeux & ridicule ; &, s’il arrive qu’on les lui passe jamais, ce ne sera qu’au retour du mauvais goût & de la barbarie. […] Un rieur, entendant dire que le portrait étoit si ressemblant, qu’il ne lui manquoit que la parole, répondit : Ce n’est point un défaut du peintre, c’est une des propriétés de son original.

354. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens Quant à ces défauts que nous croïons voir dans les poemes des anciens, et que déja nous comptons par nos doigts, il peut bien être vrai que souvent nous nous trompions en plus d’une maniere.

355. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Eux seuls, ces dégoûtés, retrouveraient du ragoût peut-être à l’enfantillage destructeur de ce ménage renversé ; car le défaut du livre de M.  […] — dit-il, — le courage me fait défaut et le cœur me lève… Seigneur !

356. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Ce genre de mérite ne fait point défaut à M.  […] Le moraliste, à défaut du critique, n’aurait-il rien à y reprendre ? […] Bien des causes concouraient à ce que Fléchier n’évitât point de défaut. […] Un seul défaut, l’orgueil du rang, paralysa tout. […] Clarice est un peu cousine d’Éliante, elle a cette qualité ou ce défaut.

357. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Un défaut capital, dont les anciens ont donné l’exemple & que les modernes ont trop imité, c’est la langueur du dénouement. Ce défaut vient d’une mauvaise distribution de la fable en cinq actes, dont le premier est destiné à l’exposition, les trois suivans au noeud de l’intrigue, & le dernier au dénouement. […] Il est rare, sur-tout aujourd’hui, qu’on évite l’un de ces deux reproches, ou du défaut de préparation ou du défaut de suspension du dénouement. […] Ajoûtons que ses défauts sont rares, & tous faciles à éviter, & que ses beautés sans nombre sont peut-être inimitables. […] or c’étoit-là le grand point ; & c’est ce défaut de proportion du physique au moral dans le merveilleux d’Homere, qui a donné tant d’avantage aux philosophes qui l’ont attaqué.

358. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Les belles tirades et les sentences de Voltaire, dans cette scène, sont des défauts brillants tant qu’on voudra, mais toujours des défauts ; je ne contesterai point à Voltaire ce genre de supériorité sur Sophocle. […] Ce n’est pas que Zaïre n’ait plus d’un défaut, et ne choque la vraisemblance en plus d’un point. […] J’ai révolté les amants de Voltaire, en leur montrant les défauts de l’objet aimé. […] Comme il s’aveugle sur ses défauts ! […] Quoi qu’il en soit, Le Kain joua depuis Vendôme de manière à couvrir les défauts du personnage.

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