La critique ne vise plus qu’à expliquer l’œuvre artistique ou littéraire : analyser les éléments qui la composent, rapporter chacun d’eux à son origine et trouver le pourquoi de leur combinaison : faire exactement la part des circonstances biographiques, de l’esprit du siècle, des dispositions de la race, isoler le plus possible ce résidu qui est plus grand dans les plus grandes œuvres, ce je ne sais quoi où l’on aboutit toujours, et qui est le génie individuel et inexpliqué. […] Rien n’est plus faux que certain rationalisme dans la critique religieuse, et c’est une puérile entreprise que de ramener les légendes merveilleuses des mythologies aux proportions des événements purement humains. […] Tite-Live amenant à la vraisemblance les fables des origines romaines, Voltaire expliquant Mahomet et Jésus-Christ et la Bible, sont plus éloignés de la vérité et de la saine critique, que l’âme simple qui croit et incline, sa raison.
. — Toutes mes critiques n’empêchent pas qu’il y ait chez M. […] Bernard Lazare Si les élégiaques déshonoraient les petits oiseaux, comme a dit un ingénieux critique, il (François Coppée) sut déshonorer mieux que cela, et sur le tombeau de la sensiblerie, il sut faire pousser les plus fameux tubercules. […] En lisant les appréciations de la critique sur son dernier drame, j’étais frappé de ce que beaucoup d’entre elles exprimaient ou supposaient de réserves, disaient ou ne disaient pas, en constatant, du reste, ce grand succès, le plus grand de ses vingt-cinq dernières années.
Bref il fait œuvre estimable d’historien ; même les qualités de perspicace, de connaisseur, aussi d’écrivain, qui lui sont nécessaires feraient de l’archéologue le plus désigné des critiques si sa familiarité avec, les œuvres anciennes ne le rendait un peu indulgent jusqu’aux plus inutiles copistes qu’il aime pour les originaux évoqués à sa mémoire érudite, conséquemment un peu sévère aux novateurs, et si ses habitudes scientifiques de travail complet où les œuvres sont étudiées non seulement morphologiquement, mais dès leurs genèses et jusqu’à leurs influences, ne lui interdisaient presque la besogne hâtive et jetée de la chronique salonnière. […] Le plus louable critique, en ce sens, demeurera Huysmans, qui, il y a douze et quinze ans, sonnait la gloire d’artistes qu’on croit trop, ici ou là, avoir découverts hier… Ces bons écrivains pratiquent la bonne méthode ; avec le minimum de préjugés, ou avec des préjugés qui me plaisent, ils disent le sentiment qui devant tel tableau les retint ; leur dire vaut par la délicatesse de leur tact, et la grâce de leurs racontars les plus philosophes intercalent quelques théories d’ensemble, intéressantes puisqu’ils sont intelligents. […] J’avais accepté d’écrire « un Salon », mais à la vérité les jugements que j’allais avancera la légère ne me parurent point, sur mes notes, différents de ceux des critiques indulgents aux modernes ; et par où j’en différais j’étais trop mal ferme en mes impressions pour être sûr d’avoir raison contre eux.
Il importe de distinguer entre les procédés intellectuels du psychologue et du critique et ceux de l’artiste. […] Le psychologue ou l’esprit critique constate alors seulement l’existence de ces réalités, maintenant inventées, les nomme et les classe. […] Les conceptions bovaryques sont donc fréquentes à toutes les époques de civilisation avancée : elles s’y montrent tributaires d’un défaut de critique.
L’indépendance des idées ne nous déplaît pas ; mais, à la place de notre contradicteur, nous n’aimerions pas sentir peser sur nous le démenti de tous ces grands hommes. « Mais, dira-t-il, la critique littéraire n’est pas affaire d’autorité, et que prouve l’opinion de tous ces gens réunis ? […] D’autres critiques nous ont également reproché de ne point mentionner la Bible. […] C’est ainsi qu’il a évité la description banale, incolore, la description générale, qui est haïssable, contre laquelle nous protestons à notre tour et que nous appelons « un genre faux », parce qu’elle constitue précisément alors ce faux naufrage » et ce « faux déraillement », que nous répudions aussi énergiquement que certains critiques, mais dans un tout autre sens.
Gilbert a rendu aux lettres, à la critique et à l’histoire, n’est pas l’édition de Vauvenargues19, à proprement dire, qu’on lui doit. […] Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guères que la lettre morte de son talent et de son âme ; mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] La renommée qu’il doit à Voltaire tombera en miettes devant la Critique qui le touchera d’un doigt ferme, comme un vieux tableau pulvérisé.
Gilbert a rendu aux lettres, à la critique et à l’histoire, n’est pas l’édition de Vauvenargues, à proprement dire, qu’on lui doit. […] Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guère que la lettre morte de son talent et de son âme, mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] La renommée qu’il doit à Voltaire tombera en miettes devant la Critique qui le touchera d’un doigt ferme, comme un vieux tableau pulvérisé.
Victor Hugo, — l’Incomparable, — à qui la Critique, dont la fonction est de mesurer tout le monde et de ne déifier personne, ose comparer un jeune homme qui, sans lui, ne serait pas, — et encore est-ce bien sûr ? […] Dans ce roman, le meilleur de son œuvre, Victor Hugo mêle la critique d’art au drame, comme dans ses autres romans il mêle à son drame la critique sociale, avec cette brouillonnerie indifférente et ce mépris de l’unité qu’il a en tout, ce majestueux Monsieur Sans-Gêne, qui se croit souverain et qui, tout en proclamant l’art pour l’art, a toujours fait de la littérature la servante de ses idées et de ses ambitions. […] » On ne l’entend pas ici, mais on le lit… et ce n’est qu’à la réflexion et quand on a refermé ce livre, comme on referme une solfatare, que le sens critique revient au lecteur qui le juge pour ce qu’il vaut, c’est-à-dire comme un tour de force exécuté dans le faux par un talent qui pouvait s’y tuer et qui n’en meurt pas, — du moins de cette fois, car on ne jouerait pas longtemps impunément à ce jeu.
Quand il parut, il y a quelques mois, et qu’attiré par ce titre que je m’obstine à trouver très-piquant et plein de promesses, je lus cette platitude qui voulait avoir de la pointe, je me laissai aisément persuader qu’il ne fallait attacher sur chose de cet ordre la cocarde d’aucune critique. […] Et maintenant que nous avons signalé le traquenard de son titre, nous n’ajouterions rien de plus sur le livre et sur son auteur, s’il n’y avait pas une question plus importante que l’auteur et son livre, et que ce livre impose à la Critique l’obligation de poser. […] ne craignons pas de l’affirmer, si la Critique, oubliant ses devoirs, n’intervient pas avec une cruauté salutaire et ne donne pas son coup de balai vengeur à cette dépravante littérature, non-seulement l’instinct littéraire, mais aussi l’instinct moral dans l’appréciation des œuvres de l’esprit, seront avant peu, tous les deux, entièrement perdus.
Portraits, ses Pages de critique et de doctrine. […] On le loue, on le critique, ce livre de salon, dans les salons, et on ne l’imite pas. […] Un de nos meilleurs critiques, M. […] Pour la critique d’avant Sainte-Beuve, un ouvrage de littérature était fonction d’un genre. […] Il secouait les philosophes par sa critique pénétrante et impitoyable.
Le critique a le devoir de les signaler à l’attention des foules. […] voilà quelques-unes des étiquettes que plusieurs critiques essayèrent de coller sur le nom de Renan. […] Jeune homme, ce n’est pas ainsi qu’on fait de la critique littéraire. […] Pour fonder la critique, on parle de tradition et de consentement universel. […] Mais ici, le ton est si personnel que la critique perd ses droits.
… Il faut que la critique soit extrêmement attentive, inquiète et complaisante. […] La critique peut aider à l’institution de l’ordre. […] La critique doit affirmer l’autonomie de la littérature. […] Et comme il sied à la critique de garder, en ses jugements, une prudente, une tremblante modestie ! […] Et il est alors le critique le plus avisé.
Des idées, cet esprit critique a passé aux sentiments. […] Eux aussi, l’esprit d’analyse et de critique leur a déchiqueté l’âme, et ils veulent réparer cette précoce usure. […] Le critique des Portraits est déjà né. […] Il justifiait ses critiques par des vues toujours ingénieuses et neuves, souvent profondes. […] De là les violences de sa critique, — violences qui nuisirent à son autorité.
. — Critique et apologie. — Genre de talent. […] L’ennemi était en forces ; l’Électeur de Bavière, avec un corps considérable de troupes, ayant joint le duc de Savoie, Catinat n’eut plus qu’à se tenir sur la défensive, et il parut, dans le reste de cette campagne, « prendre continuellement la leçon de ses adversaires et ne régler ses mouvements que sur les leurs. » C’est ainsi, du moins, qu’en jugeaient les critiques sévères. […] Je crois que M. de Feuquières pourra bien jouer des siennes et faire valoir des sentiments fondés sur des raisons bonnes pour ceux qui ne voient pas les choses… » Je ne me fais pas juge entre Catinat et Feuquières, ce serait une grande impertinence ; je ne me fais point le défenseur de Feuquières, ce n’est point mon rôle, et il y aurait à ceci de l’impertinence encore et, qui plus est, de l’injustice ; mais enfin, pour voir le double côté de la question, pour l’envisager à sa juste hauteur et la dégager autant que possible des personnalités dont elle est restée masquée jusqu’à ce jour, qu’on veuille supposer un instant ceci : il y a dans l’armée de Catinat un militaire, incomplet dans la pratique, mais d’un génie élevé, qui a, dès 1690, l’instinct et le pressentiment des grandes opérations possibles sur cet admirable échiquier de la haute Italie ; ce militaire, à tout moment, conçoit ce qu’on pourrait faire et ce qu’on ne fait pas ; il blâme, il critique, il raille même, il hausse les épaules, il est ce qu’on appelle un coucheur, et ce qu’on appelait alors être incompatible : tel était Feuquières, qui à des vues supérieures joignait, il faut en convenir, une malignité particulière. […] Mais on n’en est plus à deviner après cela quelles pouvaient être ses réponses aux critiques de Feuquières : si l’on prend la peine de chercher celles-ci dans les Mémoires de leur auteur, on aura sous les yeux les pièces du procès, et surtout (car c’est le seul point qui nous intéresse aujourd’hui) l’on verra nettement dans quelle catégorie de capitaines, dans quelle école et quelle famille d’hommes de guerre il convient de ranger Catinat. […] Il est difficile de ne pas être de l’avis de Feuquières dans la double critique qu’il fait de cette campagne, la première remontant à Louis XIV, la seconde s’adressant à Catinat qui se tint trop longtemps sur des hauteurs près de Pignerol et ne rayonna pas assez vivement.
La Chanson d’Antioche et la Chanson de Jérusalem (lre moitié du xiie siècle) donnent l’histoire peu scientifique et nullement critique, mais rien que l’histoire de la première croisade. […] C’est l’homme des circonstances critiques, qu’on met à l’avant-garde ou à l’arrière-garde, et qui fera toujours tout son devoir. […] Parla, il a convaincu tout le monde, et légitimé l’expédition : les croisés qui aimaient mieux aller à la croisade contre les Infidèles, ont tint par suivre ; les lecteurs, avant ces méticuleux critiques de nos jours, n’ont pas raisonné. […] Le jugement, la critique, la recherche des documents et le contrôle des témoignages y font trop défaut : ce ne sont pas des œuvres de science. […] Aussi, en toute circonstance critique, quand sa nef est en danger, ou quand l’armée est inquiète du sort du comte de Poitiers, Joinville a le remède : trois processions feront l’affaire, et avant la troisième, la nef sera au port, le comte aura rejoint l’armée.
En un mot, s’il n’était pas un homme d’État, j’oserais dire qu’il a en lui tout ce qu’il faut pour être, en toute matière, un excellent et consciencieux critique. […] Broussais, et de l’Othello traduit par M. de Vigny, honoreront la critique littéraire des dernières années de la Restauration. […] Je ne me permettrai d’exprimer qu’une seule critique pour la manière dont ces articles sont conçus et composés. […] « Avant d’employer un beau mot, faites-lui une place », a dit un critique excellent. […] À ces morceaux de critique, de premier ordre d’ailleurs, et si dignes de haute estime, il faut joindre l’Éloge du savant orientaliste M. de Sacy, prononcé par le duc de Broglie à la Chambre des pairs le 27 avril 1840, très bel éloge, très grave, religieux de ton, sobrement orné, et de tout point conforme au sujet.
Critique, qui avez l’honneur d’être pour la postérité du moment un nomenclateur, un secrétaire, et s’il se peut, un bibliothécaire de confiance, dites-lui bien vite le titre de ces volumes qui méritent que l’on s’en souvienne et qu’on les lise ; hâtez-vous, le convoi s’apprête, déjà la machine chauffe, la vapeur fume, notre voyageur n’a qu’un instant. […] Voilà l’erreur ; et c’est parce qu’il n’a pas le goût assez sûr pour discerner à l’instant ces nuances, que Marmontel n’est pas un véritable artiste, ni même un critique du premier ordre. […] La critique, au reste, n’a pas épargné Marmontel. […] Il serait injuste de renfermer tout Marmontel (hors des Mémoires) dans ses articles de critique, et de n’y pas joindre, dans un genre tout différent, un très petit nombre de Contes moraux où il fait preuve d’invention et d’une spirituelle analyse. […] Marmontel modeste, occupé, goûté, s’étant réduit sciemment à des genres secondaires, « à des genres d’écrire dont on pouvait sans peine, disait-il, pardonner le succès », vivait heureux et était même assez sage pour mépriser les critiques qui, de tout temps, l’avaient de loin harcelé.
L’esprit de critique est un esprit d’ordre ; il connaît des délits contre le goût et les porte au tribunal du ridicule ; car le rire est souvent l’expression de la colère, et ceux qui le blâment ne songent pas assez que l’homme de goût a reçu vingt blessures avant d’en faire une. On dit qu’un homme a l’esprit de critique, lorsqu’il a reçu du ciel non seulement la faculté de distinguer les beautés et les défauts des productions qu’il juge, mais une âme qui se passionne pour les unes et s’irrite des autres, une âme que le beau ravit, que le sublime transporte, et qui, furieuse contre la médiocrité, la flétrit de ses dédains et l’accable de son ennui. […] Suit une critique qui semblait amère et excessive alors, et qui n’est que trop justifiée aujourd’hui. […] Il y a le commencement et le pressentiment d’un grand écrivain novateur tel que Chateaubriand a paru depuis, d’un grand critique et poète tel qu’André Chénier s’est révélé : par exemple, il critique Delille tout à fait comme André Chénier devait le sentir.
C’est dire que derrière le plus petit fait avancé dans ces pages, derrière le moindre mot, il est un document que nous nous tenons prêts à fournir à la critique. […] Préface de l’Histoire de la société pendant le Directoire (1855)37 L’histoire de la Société française pendant la Révolution, n’a qu’à se louer du public et de la critique : le public l’a lue ; la critique en a parlé. […] François Barrière, qui, dans le Journal des Débats les a payés de deux années de veilles, et qui a bien voulu donner à leur travail historique l’autorité d’une critique compétente et presque d’un témoignage contemporain. […] Le public et la critique ont bien voulu nous tenir compte de notre travail : nous les en remercions.
Aussi l’histoire nous montre-t-elle l’effet civilisateur des arts sur les sociétés, ou parfois, au contraire, leurs effets de dissolution sociale. « Sorti de tel ou tel milieu, le génie est un créateur de milieux nouveaux ou un modificateur des milieux anciens. » L’analyse des rapports entre le génie et le milieu permet de déterminer ce que doit être la critique véritable. […] De plus, la qualité dominante du vrai critique, c’est cette même puissance de sympathie et de sociabilité qui, poussée plus loin encore et servie par des facultés créatrices, constituerait le génie. […] Il y a souvent, dit-il, chez les esprits trop critiques, un certain fond « d’insociabilité » qui fait que nous devons nous défier de leurs jugements comme ils devraient s’en défier eux-mêmes. Le « public », m’ayant pas de personnalité qui résiste à l’artiste, entre plus facilement en société avec lui, et son jugement est souvent meilleur, par cela même, que celui des critiques de profession. […] Les sociétés modernes ont un esprit critique qui ne peut plus tolérer longtemps le mensonge : la fiction n’est acceptée que « lorsqu’elle est symbolique, c’est-à-dire expressive d’une idée vraie. » La puissance de l’idéalisme même, en littérature, est à cette condition qu’il ne s’appuie pas sur un « idéal factice », mais sur « quelque aspiration intense et durable de notre nature ».