Le pur littérateur aime les livres, il aime la poésie, il s’essaye aux romans, il s’égaye au pastiche, il effleure parfois l’histoire, il grapille sans cesse à l’érudition ; il abonde surtout aux particularités, aux circonstances des auteurs et de leurs ouvrages ; une note à la façon de Bayle est son triomphe. […] Cette circonstance ne laissa pas de tempérer les premières sévérités politiques contre l’imprudent jeune homme. […] Le poëte, chez Nodier, est déjà bien avancé, bien en train de mûrir : une circonstance particulière vint développer en lui le philologue, le lexicographe, et lui permit dès lors de pousser de front ce goût vif à côté de ses autres prédilections un peu contrastantes. […] Ses préfaces spirituelles, qu’en toute circonstance il ne haïssait pas de redoubler, harcelaient les classiques, et, en vrai père de Trilby, il sut piquer plus d’un de ses vieux amis sans amertume.
. — Il faut des circonstances exceptionnelles pour les disjoindre ou y en insérer d’étrangers. — Raison générale de la concordance de nos pensées et des choses. […] Il y a des circonstances où une série d’événements imaginaires s’insère dans la série des événements réels ; nous nous attribuons alors ce que nous n’avons pas éprouvé et ce que nous n’avons pas fait. — À l’état de veille, la chose est rare ; elle n’arrive guère qu’aux hommes dont l’imagination est surexcitée. […] Des hommes ont vu un fait très simple ; peu à peu, à distance, en y pensant, ils l’interprètent, ils l’amplifient, ils le munissent de circonstances, et ces détails imaginaires, faisant corps avec le souvenir, finissent par sembler des souvenirs comme lui. […] Animal ou homme, l’être intelligent ne pourvoit à ses besoins, ne conserve sa vie, n’améliore sa condition que par l’accord exact de sa prévision présente et de l’avenir prochain ou même lointain. — Si parfois cette harmonie manque, c’est quand il s’agit d’objets ou de circonstances sur lesquels l’observation antérieure n’a pas fourni assez d’indices.
Nous allons à regret nous séparer de son sens historique dans deux graves circonstances très bien racontées, mais mal jugées par lui, selon nous : le Concordat de 1801 et la mort du duc d’Enghien. […] Quant à l’ambition, que certains détracteurs ont voulu donner comme unique motif de sa conduite en cette circonstance, il n’en avait pas d’autre alors que de faire le bien en toutes choses, et sans doute, s’il voyait comme récompense de ce bien accompli une augmentation de pouvoir, il faut le lui pardonner. […] Le style en est aussi défectueux et aussi vulgaire que les circonstances en sont altérées et décolorées ; l’âme et le talent ont failli à la fois à l’écrivain dans ces pages. […] Mais il restait cette entrevue de nuit à la Madeleine, dans laquelle Moreau, Pichegru, Georges s’étaient trouvés ensemble, circonstance inconciliable avec un simple projet de ramener Pichegru en France.
Des circonstances particulières m’offraient un asile et des ressources de fortune dans la patrie de mes parents, la Suisse ; j’étais à cet égard moins à plaindre qu’un autre, et néanmoins j’ai cruellement souffert. […] Il était grand, en effet, cet homme qui, dans aucune circonstance de sa vie, n’a préféré le plus important de ses intérêts au moindre de ses devoirs, cet homme dont les vertus étaient tellement inspirées par sa bonté qu’il eût pu se passer de principes et dont les principes étaient si fermes qu’il eût pu se passer de bonté. […] « Les Allemands n’ont pas plus que nous de poëme épique ; cette admirable composition ne paraît pas accordée aux modernes, et peut-être n’y a-t-il que l’Iliade qui réponde entièrement à l’idée qu’on se fait de ce genre d’ouvrage : il faut pour le poëme épique un concours singulier de circonstances qui ne s’est rencontré que chez les Grecs, l’imagination des temps héroïques et la perfection du langage des temps civilisés. […] Quand il s’agit de plaire au théâtre, l’art de se circonscrire dans un cadre donné, de deviner le goût des spectateurs, et de s’y plier avec adresse, fait une partie du succès ; tandis que rien ne doit tenir aux circonstances extérieures et passagères dans la composition d’un poëme épique.
Quand ce ne sont pas ses emportements, ce sont les circonstances qui la font déchoir de sa majesté. […] Charlemagne est de circonstance. […] Mais ne va plus, au moins, te perdre dans les nues, A travers tes forêts, tes cimes inconnues Où dans l’air libre et pour les aigles font leur nid, Où l’on fuit les tyrans jusque dans l’infini, Ou la liberté gronde avec les avalanches… En pareille circonstance, il y a toujours une littérature française hors de France, une littérature de proscrits. […] Discours, pamphlets, brochures, articles de polémique éclosent avec une formidable abondance ; et, après ces ouvrages inspirés par les circonstances, animés par les passions du jour, adressés aux contemporains et peu soucieux de la postérité, il en apparaît bientôt d’autres plus médités, plus apaisés, plus froids en apparence, mais où il n’est pas difficile de retrouver le feu couvant sous la cendre ; j’entends les mémoires et les histoires qui prétendent transmettre à l’avenir et déjà juger les événements de la veille.
Une circonstance fortuite nourrit cette double disposition aux lettres et à la religion dans la maison. […] Mais ici nous reprenons notre récit, puisque ce sont les circonstances de sa vie qui furent l’occasion de ses dernières et de ses meilleures œuvres. […] Mme de Maintenon en fut charmée, et sa modestie ne put l’empêcher de trouver dans le caractère d’Esther, et dans quelques circonstances de ce sujet, des choses flatteuses pour elle. […] Enfin, je crois que, si l’on fait attention au lieu, au temps et aux circonstances, on trouvera que Racine n’a pas moins marqué d’esprit en cette occasion que dans d’autres ouvrages plus beaux en eux-mêmes.
Töpffer était né peintre, paysagiste, et son père l’était ; mais, forcé par les circonstances, et surtout par le mauvais état de sa vue, de se détourner de l’expression directe que réclamait son talent et où le conviait l’exemple paternel, il n’y revint que moyennant détour, à travers la littérature et plume en main : cette plume lui servit à deux fins, à écrire des pages vives et à tracer, dans les intervalles, des dessins pleins d’expression et de physionomie. […] En France, au contraire, où il y a une Académie française et où surtout la nation est de sa nature assez académique, où le Suard, au moment où on le croit fini, recommence ; où il n’est pas d’homme comme il faut, dans son cercle, qui ne parle aussitôt de goût ; où il n’est pas de grisette qui, rendant son volume de roman au cabinet de lecture, ne dise pour premier mot : C’est bien écrit, on doit trouver qu’un tel style est une très grande nouveauté, et le succès qu’il a obtenu un événement : il a fallu bien des circonstances pour y préparer.
Il y rappelle le temps de la première prise d’armes, et les circonstances déjà trop oubliées des victorieux : Vous ne demandiez lors sinon l’exercice de votre religion, demeurant toujours celle des catholiques reçue et autorisée par traités, édits, comme elle était avant l’introduction de la vôtre : et ceux qui pouvaient grandement affaiblir votre cause s’ils s’en fussent séparés, s’y joignirent volontiers et firent la guerre avec vous, non seulement parce que les privilèges communs avaient été violés par un gouvernement trop rude, que vous nommiez tous tyrannique, mais parce qu’ils n’estimaient pas raisonnable de vous priver de la liberté de prier Dieu selon la créance en laquelle vous aviez été instruits. […] Ce serait une question à examiner de près, en tenant compte des circonstances bien différentes où il l’a été.
Saint-Amant à sa valeur sans le surfaire, sans le flatter, et en maintenant le fond du jugement de Boileau, mais en tenant compte de toutes les circonstances historiques et autres dans lesquelles Boileau n’est pas entréo. […] Boileau, à ce sujet, a dit de Saint-Amant : Ce poète avait assez de génie pour les ouvrages de débauche et de satire outrée, et il a même quelquefois des boutades assez heureuses dans le sérieux : mais il gâte tout par les basses circonstances qu’il y mêle.
Cette circonstance détermina le choix de Favre ; vers 1810 il rédigea une Vie de cet érudit, qui est fort instructive à lire et pour laquelle il a rassemblé les notes les plus fines et les plus rares : avec lui on va hors des sentiers battus, et l’inaperçu est ce qui le tente. […] Guillaume Favre ne paraît pas s’être posé ces questions, ni s’être jamais pris à partie lui-même sur son mode de développement toujours servi par les circonstances ; il apportait dans les lettres un esprit et une méthode d’observation positive ; il ne songeait qu’à la vérité du fait qu’il poursuivait et à sa propre satisfaction individuelle.
Elle semblait avoir un but politique et de circonstance, un but oblique. […] Mille badauds, en lisant cette traduction, croiront qu’il s’agit de quelques vendeuses de pommes. » Chrétiennement, on avait toujours cru que le rang n’était pas un titre, que c’était plutôt un obstacle, une circonstance aggravante.
Jomini, qui semble venu tout exprès pour concevoir et pour exposer la science stratégique à son moment le plus mûr et le plus avancé, est un des plus frappants exemples des vocations premières et des qualités spéciales que la nature dépose en germe dans un cerveau, toutes prêtes à éclore et à se développer au premier souffle des circonstances. […] Il montrait des goûts militaires très prononcés ; mais les circonstances étant peu favorables, les régiments suisses en France se trouvant licenciés par le fait de la Révolution, on le destina au commerce.
Delavigne ; s’il y a longueur, cela tient plutôt à certaines circonstances matérielles, aux entr’actes, par exemple. […] Un homme d’esprit, dont on citait dernièrement de rares pensées, a dit : « Ce ne serait peut-être pas un conseil peu important à donner aux écrivains que celui-ci : N’écrivez jamais rien qui ne vous fasse un grand plaisir. » Au théâtre, et pour des sujets de comédie, le précepte peut surtout sembler de circonstance.
Les plus chers souvenirs dont se nourrit leur passion favorite leur apparaissent au complet avec une singulière vivacité dans les moindres circonstances. […] Son style est complet en soi, aussi complet que son drame lui-même ; ce style est le produit d’une organisation rare et flexible, modifiée par une éducation continuelle et par une multitude de circonstances sociales qui ont pour jamais disparu ; il est, autant qu’aucun autre, et à force de finesse, sinon avec beaucoup de saillie, marqué au coin d’une individualité distincte, et nous retrace presque partout le profil noble, tendre et mélancolique de l’homme avec la date du temps.
Flaubert, quelque peu fanfaron dans sa lettre à Feydeau, n’avait pu, dans une circonstance infiniment plus simple, tenir jusqu’au bout : désireux d’étudier authentiquement les symptômes d’asphyxie laryngée qu’il comptait reproduire dans l’Éducation sentimentale, il s’en était référé au Dr Marjolin, chef de service à l’hôpital Sainte-Eugénie. […] Un instant, malgré la gravité de la circonstance, je me retournai.
Quoique les passions fortes entraînent à des crimes que l’indifférence n’eût jamais causés, il est des circonstances dans l’histoire où ces passions sont nécessaires pour remonter les ressorts de la société. […] Le présent et l’avenir furent comme anéantis par le puéril examen des moindres circonstances du passé.
Puis on a la bonne fortune d’avoir dans les œuvres de Du Vair les monuments d’une éloquence réelle221 qui pendant six années, des barricades à l’entrée du Roi, dans les plus critiques circonstances, fut une arme au service de l’ordre et du droit : on voit alors le genre oratoire vivre véritablement, adapté à son milieu, et faisant son office. […] Puis, comme l’éloquence politique, l’éloquence judiciaire, un instant soulevée au-dessus de la chicane journalière, eut les ailes coupées, et nous la verrons se traîner au xviie siècle sans pouvoir jamais sortir du pédantisme, tandis que l’éloquence religieuse, aidée des circonstances qui étouffent les deux autres genres, s’acheminera rapidement à sa perfection.
Amand avait revêtu, pour la circonstance, sa veste d’alpaga des grands jours. […] Sans doute, cette préoccupation de Brummel qui lui était dictée par les circonstances, s’était déjà manifestée antérieurement chez de hauts esprits, aux mêmes heures troubles, car les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Celle qui racontait pleurait elle-même et tâchait de ne pas trop entrer dans les circonstances, de peur d’éclater. […] Je pense le plaisir, je le sens presque, et je ne suis pas gaie ; je crois que je ne le serai jamais. » C’est cette personne encore inconnue dans les lettres, n’ayant rien écrit, rien publié, qui un jour, par suite de quoique circonstance tenant à ses persécutions domestiques, tombe brusquement au château de Cirey, aux portes de la Lorraine, et vient demander asile et hospitalité à Mme du Châtelet, à Voltaire.
Voici des personnages que les circonstances de leur état, de leur caste, de leur sexe, de leur intelligence naturelle destinent à des manières d’être précises et qui excitent notre rire parce qu’un engouement les détermine à se concevoir autres que ne les a faits la nature et la société, à assumer un rôle où ils trébuchent, où leur inexpérience leur fait commettre mille bévues, où le milieu les dessert constamment. […] Favorisé par ces circonstances, il se développe simultanément chez plusieurs sujets prédestinés qu’un même dénûment et un même besoin de simulation assemblent en coterie.