En général l’impatience fut un des caractères de cette nature impuissante et faible, incapable de se contenir et de se gouverner. […] Faible de complexion, il annonce un caractère cruel. […] Il est colère autant qu’un jeune homme peut l’être, et obstiné dans ses opinions… Son précepteur s’attache uniquement à lui expliquer les Offices de Cicéron afin de modérer l’impétuosité de son caractère ; mais don Carlos ne veut presque toujours parler que des choses de la guerre et lire que des ouvrages qui s’y rapportent. […] Ce portrait, après tout, est celui d’un roi et d’un personnage politique qu’on peut haïr, mais qui se fait respecter et compter pour sa tenue, sa consistance et sa hauteur : le caractère de don Carlos est celui d’un pauvre enfant, gourmand, brutal, extravagant, incapable de rien avec suite et capable de tout dans un accès de fureur. […] Philippe sentit qu’il devait sans retard, et pour en bien fixer le caractère, informer de cet événement les principales autorités de son royaume et les souverains ses alliés, à l’étranger ; des lettres furent écrites en ce sens pendant les jours suivants.
Mais si la littérature a de la sorte agi sur la vie du monde, elle en a bien davantage subi l’action ; elle doit même à cette influence un de ses caractères essentiels durant toute notre période classique. […] Que de traits révèlent son caractère aristocratique et mondain ! […] Voltaire a soin d’amputer le caractère de son principal personnage des qualités qui pouvaient nuire à sa dignité. […] Piètre victoire, qui n’empêche pas son poème entier d’être, à cause de son effort persistant pour polir son style et ses personnages, revêtu d’une teinte grisâtre qui efface et les caractères et les événements ! […] Mais elle n’a pas toujours le même caractère.
Le caractère habituel de la satire de Lesage est d’être enjouée, légère, et piquante sans amertume ; mais, toutes les fois qu’il s’agit des traitants, des Turcarets, il aiguise le trait et l’enfonce sans pitié, comme s’il avait à exercer quelques représailles. […] Dès son premier ouvrage, le caractère de Lesage se dessine à merveille ; c’est du La Bruyère en scène et en action, sans trace d’effort. […] Turcaret est à la fois une comédie de caractère et une page de l’histoire des mœurs, comme Tartuffe. […] Tel est surtout le caractère qu’elle offre dans son roman de Gil Blas, ce facile et délicieux chef-d’œuvre, auquel son nom est à jamais attaché. […] Homme de génie, mais indépendant de caractère, il sut, pour être plus libre, renoncer à une part de cette considération qu’il lui eût été si facile de se concilier.
» Quand on voit, au seul point de vue moral, de telles métamorphoses, on maudit les révolutions, on les redoute, non pas pour sa vie, mais pour son propre caractère ; on se demande si l’on n’aurait point en soi quelque travers, quelque fausse vue ou quelque passion maligne, quelque fanatisme caché, qu’elles se chargeraient de développer ensuite et de mettre en lumière pour notre abaissement et notre honte. […] L’auteur supprime en idée tout ce qui est du caractère et du génie particulier aux diverses races, aux diverses nations ; il tend à niveler dans une médiocrité universelle les facultés supérieures et ce qu’on appelle les dons de nature ; il se réjouit du jour futur où il n’y aura plus lieu aux grandes vertus, aux actes d’héroïsme, où tout cela sera devenu inutile par suite de l’élévation graduelle du niveau commun. […] Malheureuse et terrible situation que celle ou le caractère d’un peuple naturellement bon et généreux est contraint de se livrer à de pareilles vengeances ! […] Depuis M. de Malesherbes jusqu’à Robespierre, on aurait ainsi épuisé le cercle des jugements les plus disparates, et tous concorderaient sur un même point de condamnation à l’égard du personnage : quelque chose de louche dans la conduite, et de peu net dans le caractère. […] Mme de Staël l’a désigné comme offrant au plus haut degré le caractère de l’esprit de parti, et elle a eu raison.
On allait jusqu’à dire que, le jour de son baptême, et pendant la cérémonie, il avait annoncé par ses cris son caractère irascible, et présagé son goût pour les futurs vacarmes littéraires. […] Ils ont décidé que celui qui aurait l’audace de n’être pas tout à fait aussi épris de leurs ouvrages qu’ils le sont eux-mêmes, serait un homme d’un caractère affreux, sans douceur, sans aménité, sans respect pour les lois de la société : en un mot, sans honnêteté ; c’est le terme. […] Dépendant du monde, des salons et même des libraires, il lui aurait fallu un grand art, un esprit d’adresse et de conciliation pour s’élever insensiblement au degré d’autorité où il aspirait, et il n’avait pour lui qu’une grande âpreté et rigueur de caractère : Impiger, iracundus, inexorabilis, acer, a-t-on dit de lui comme d’Achille. […] Il montra Colardeau semblable à ses écrits, doux, sentimental, modeste, affligé de la critique et se promettant bien de ne l’exercer jamais contre personne : « Voilà, monsieur, dans un homme de lettres un caractère intéressant ! […] Pourtant plusieurs des qualités essentielles à former un caractère d’homme, la modération, l’équilibre, un juste temps d’arrêt, un retour sage, la mémoire du passé, lui firent faute, et ses onze ou douze dernières années accusèrent cette impossibilité de mûrir qui est l’infirmité de quelques organisations vives.
Ne peut-on démontrer cette immanence du vouloir à tous les états de conscience, à toutes les idées, qui leur confère, selon nous, leur caractère impulsif ? […] — Une nouvelle preuve de l’existence de la volonté et du caractère réactif qu’elle confère à tous les états de conscience, c’est la tendance à projeter au dehors nos représentations. […] Elles n’ont de rapport avec l’espace, de caractère extensif, que par le but extérieur auquel elles tendent, par la représentation de tel effet à atteindre dans l’étendue ; en elles-mêmes, elles n’apparaissent qu’avec un caractère d’intensité. […] Non seulement la position du moi en face du non-moi serait pour nous imcompréhensible, s’il n’existait que des modifications passives sans réaction, mais le caractère d’unité ou de continuité que nous attribuons au moi — fût-ce en définitive une unité d’apparence et une continuité d’apparence — ne se comprend encore que par l’action continue du vouloir-vivre et par le mouvement perpétuel qui en est la manifestation en nous. […] Si c’est là ce qu’on entend par sensation, on pourra en effet tout expliquer par la sensation ; mais si, comme on le doit, on réserve le nom de sensation pure à la modification passive de la cœnesthésie, premier moment du processus psychique, il deviendra impossible de ne pas tenir compte de la cœnesthésie entière qui est modifiée, du caractère agréable ou pénible de cette modification d’ensemble, enfin de la réaction immédiate qui en résulte aussi sûrement que, dans le monde physique, la réaction résulte de l’action.
Le devoir du nouvelliste est de dire, il y a un tel livre qui court, et qui est imprimé chez Cramoisy en tel caractère, il est bien relié et en beau papier, il se vend tant » ; il doit savoir jusques à l’enseigne du libraire qui le débite : sa folie est d’en vouloir faire la critique. […] Il n’a manqué à Térence que d’être moins froid : quelle pureté, quelle exactitude, quelle politesse, quelle élégance, quels caractères ! […] Ces caractères, dit-on, sont naturels : ainsi, par cette règle, on occupera bientôt tout l’amphithéâtre d’un laquais qui siffle, d’un malade dans sa garde-robe, d’un homme ivre qui dort ou qui vomit : y a-t-il rien de plus naturel ? […] Corneille ne peut être égalé dans les endroits où il excelle, il a pour lors un caractère original et inimitable ; mais il est inégal ; ses premières comédies sont sèches, languissantes, et ne laissaient pas espérer qu’il dût ensuite aller si loin ; comme ses dernières font qu’on s’étonne qu’il ait pu tomber de si haut. […] Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées ; Racine se conforme aux nôtres : celui-là peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels qu’ils sont : il y a plus dans le premier de ce que l’on admire, et de ce que l’on doit même imiter ; il y a plus dans le second de ce que l’on reconnaît dans les autres, ou de ce que l’on éprouve dans soi-même.
La tête en est charmante, d’un caractère particulier et d’une expression rare ; c’est l’ingénuité des champs fondue avec la verve du talent. […] Mais dites-moi, mon ami, où trouve-t-on ces caractères de tête-là ? […] Celle-ci tient la main de la jeune femme, elle lui parle, mais elle n’a point le caractère faux et rusé de son métier ; c’est une vieille comme une autre. […] Le concert est le meilleur ; il y a une figure de femme charmante, bien habillée, bien ajustée et d’un caractère de tête attrayant. […] Faites-y attention, et vous prononcerez qu’un caractère de tête fier, noble, pathétique et terrible, ne va point sous votre perruque ou votre chapeau ; vous ne pouvez être que de petits furibonds, vous ne pouvez que jouer la gravité, la majesté.
Néanmoins comme le talent d’émouvoir est le caractère principal de l’éloquence, c’est aussi sous ce point de vue que nous allons principalement la considérer. […] L’éloquence, on ne saurait trop le redire, n’est jamais que dans le sujet ; et le caractère du sujet, ou plutôt du sentiment qu’il produit, passe de lui-même au discours. […] Il en est du style comme du caractère ; la grandeur et la finesse y sont incompatibles. […] La propriété des termes est au contraire le caractère distinctif des grands écrivains ; c’est par là que leur style est toujours au niveau de leur sujet ; c’est à cette qualité qu’on reconnaît le vrai talent d’écrire et non à l’art futile de déguiser par un vain coloris des idées communes. […] Le caractère de l’éloquence de Cicéron est, ce me semble, la réunion toujours heureuse de la facilité et de l’harmonie.
. — Ensemble de ses caractères et de ses rapports avec la sensation. — L’image est le substitut de la sensation. […] « Ma tête, s’affaissait à peine que mon hallucination était déjà revenue ; mais cette fois ce n’était plus mon nom que j’avais lu : c’étaient des caractères grecs, des mots mêmes, que j’épelais machinalement et presque par un remuement des lèvres. Plusieurs jours de suite, j’eus, soit dans mon lit, soit dans mon fauteuil, des hallucinations semblables ou des rêves véritables, dans lesquels je lisais des caractères orientaux. […] Au maximum de l’attention et de l’automatisme, l’hallucination est parfaite, et c’est justement la perte de ces deux caractères qui la défait. — Nous approchons du réveil. […] L’image paraîtra alors située et extérieure ; et, quoique déclarée illusoire par les idées environnantes, elle continuera à paraître située et extérieure, parce que la sensation qui seule pourrait lui ôter ce caractère manque ou est comme si elle n’était pas.
Caractère littéraire de son œuvre. […] Là se marquent les premiers traits du caractère de Rousseau, l’amour des arbres, de la campagne, de la nature. […] Cependant le caractère et la puissance de son œuvre viennent de lui-même : elle n’a pas été façonnée du dehors, elle s’est organisée intérieurement, absorbant ce qui pouvait la nourrir. […] Et voilà ce qui la différencie de la morale philosophique, ce qui lui donne un caractère hautement religieux. […] A consulter : Mme de Staël,Lettres sur le caractère et les ouvrages île J.
Caractères généraux des premiers, écrivains en vers. — § II. […] Par quels caractères le Roman de la Rose a mérité son rang dans l’histoire de la poésie française. — § V. […] Caractères généraux des premiers écrivains en vers. […] Les noms sont restés les mêmes, mais les caractères ont été changés. […] Par quels caractères le roman de la rose a hérité son rang dans l’histoire de la poésie française.
L’œuvre de Tolstoï présente des individus reproduits avec leur caractère essentiel d’êtres uniques, qui n’ont ni ne sont des modèles et des pareils ; saisis ainsi par de merveilleux dons d’observation directe dans ce qu’ils ont de différent et de particulier, ils sont rendus de même et excellemment dans les caractères généraux par lesquels ils participent à la vie, le nombre infini des manifestations, les variations de ces manifestations selon le temps et l’occasion. […] Ce contenu essentiel détermine les caractères de sa forme. […] Les œuvres de Tolstoï tendent à représenter une société entière ; ils en embrassent et le contenu moyen et les extrêmes de conditions, d’événements, de caractères, de scènes, d’âge ; ils la reproduisent non de haut, de loin, vaguement, par synthèses et abstractions, mais de près, par des descriptions où le lecteur se sent comme mis face à face avec la réalité, par des personnages étrangement vivants et individuels. […] Dans cette synthèse complexe, où sont représentés tous les âges, toutes les humeurs, tous les ordres d’intelligence et de moralité, les grands événements et les petits faits journaliers, ce n’est pas telle situation ou tel caractère qui concentre l’intérêt et qui le particularise, mais bien l’ensemble de ce monde artificiel aménagé par merveille et étendu au point que tout homme peut songer y vivre. […] Il a réprouvé et rejeté de son œuvre ceux dont la propriété commune est d’être malfaisants, de causer de la souffrance, de contrevenir aux préceptes de la morale chrétienne, et il a étudié avec trop de sympathie et d’insistance ceux où se marquent les caractères contraires.
Je m’explique : quoique venant à une date déjà avancée du siècle, et de manière à avoir vingt ans lorsque Racine et Boileau faisaient leur glorieux début, il n’en reçut point l’influence directe, précise et comme soudaine ; il ne rompit point avec le goût antérieur, il ne s’aperçut point qu’un goût nouveau, ou plutôt qu’une réforme neuve et en accord avec le vrai goût ancien, s’inaugurait, et qu’on entrait décidément dans une grande et florissante époque qui tranchait par bien des caractères avec la précédente. […] il s’ennuie ; avec la différence des caractères et des humeurs, il s’ennuie comme s’ennuyait Bussy, comme s’il était un disgracié. […] Sénecé a dit quelque part un mot précieux ; c’est dans une anecdote sur Racine ; donnons-la : Racine, dit-il, ayant fait une fortune considérable à la Cour pour un homme de lettres, prétendit usurper une espèce de tyrannie sur les autres gens de son caractère, et, regardant le bel esprit comme son patrimoine, s’établit autant qu’il put dans la possession de persuader à toute la France que l’on ne pouvait en avoir sans sa permission, qu’il n’accordait, à personne. […] Non, maréchal ; donnez-nous des Mécènes, Et vous verrez des Virgiles pleuvoir… On ne saurait mieux parodier ni plus gaiement traduire le vers de Martial : Sint Maecenates, non deerunt, Flacce, Marones, Sénecé est tout naturellement un conteur ; c’est là son principal mérite ; c’est dans ce genre que son vers déploie sans inconvénient le caractère facile et coulant qui lui est familier, et qu’il mérite qu’on en dise : Mais tel qu’il est, il est d’un tour aisé. […] Chez les Latins, Catulle est resté fidèle à l’esprit grec ; il eut l’épigramme simple, naïve, passionnée même ; mais, à partir de Martial, elle prit un autre caractère, le caractère qu’elle a gardé chez les modernes, pour qui l’épigramme antique et à la grecque aurait trop peu de sel et de saveur.
Les Caractères de La Bruyère Par M. […] La première édition des Caractères (1688), sans nom d’auteur, semble d’abord tout à l’intention et à l’honneur de l’ancien Théophraste, dont on offrait au public la traduction : le Théophraste moderne venait, comme on dit, par-dessus le marché. […] Aussi La Bruyère ne les a-t-il pas intitulés portraits, mais caractères. […] Reçu dans la même séance que l’abbé Bignon, qui n’avait d’autre titre que son nom et sa naissance, La Bruyère, se levant après lui et prenant la parole, montra qu’il pouvait à la fois rester peintre de caractères et devenir orateur. […] Une agréable anecdote est venue se mêler aux détails un peu secs, donnés par les bibliographes sur les nombreuses éditions qu’eurent les Caractères avant et depuis sa mort.
Ce qui ne peut être su de cette sorte, ce qui ne peut être saisi et déterminé d’après des caractères positifs et des particularités sensibles, volontiers il l’ignore, ou du moins il fait tout comme, et l’abandonne, sans paraître s’y mêler, aux controverses et aux échos d’alentour. […] C’est un caractère dont la clef ne me paraît pas retrouvée : elle est comme tombée à jamais dans ce gouffre du Forum rouvert sous ses pas. […] Mais ce dont nous ne lui savons pas moins de gré, c’est d’avoir, avec quelques traits simples, authentiques, et sans rien prêter à l’histoire, retrouvé et comme restauré les caractères de ces chefs vaillants, un Vettius Scaton, un Pompædius Silon, un Papius Mutilus, un Pontius Télésinus. […] Mais c’est le trait de caractère, la singularité la plus naïve, la plus empreinte de vraie couleur. […] En général, il s’entend mieux dans un caractère à faire la part des intérêts et des passions que celle des idées proprement dites.
On comprendrait mal le caractère de l’action qu’exercèrent les doctrines de Boileau après sa mort, si l’on n’examinait quel succès elles eurent auprès de ses contemporains. […] Le caractère et la personne du poète entrent parfois pour quelque chose dans son autorité : sa gravité d’honnête homme qui n’a pas connu les passions le met en crédit auprès des réformateurs scrupuleux, qui, après le manifeste de J. […] La doctrine de Boileau fut amputée précisément de ce qu’elle avait de plus éminent et caractéristique, de ce double caractère naturaliste et esthétique, où s’exprimait, avec le génie même de l’auteur, la spéciale beauté du grand art classique. […] Une conception relativiste, qui lie l’œuvre du littérateur au caractère de la race, à l’esprit de siècle, au tempérament de l’auteur, autorise toutes les audaces et toutes les nouveautés. […] Nous ferions bon marché peut-être de l’art, du caractère esthétique, mais non pas de la rhétorique, au bon sens du mot, des qualités de composition et de style qui diminuent l’effort et accroissent le plaisir du lecteur.
Si vous voulez comparer les peintures du caractère français dans les mémoires des différentes époques, à commencer même par les Commentaires de César, vous verrez combien ce caractère est resté immuable. Or, le caractère d’un peuple se compose éminemment de ses mœurs. […] Qui ne voit que les inconvénients de son caractère tiennent à tous les avantages que j’ai pris soin de signaler auparavant ? […] Chez nous, par exemple, pour la certitude du calcul, il faut considérer les opinions où elles sont actuellement, et les mœurs où elles étaient avant la Régence ; car ce n’est qu’à cette époque que l’on peut juger de nos véritables mœurs nationales ; à présent elles sont trop voilées par nos opinions : les mœurs de la Régence et celles qui ont suivi sont une exception dans l’histoire de notre caractère, une sorte d’interrègne et de confusion. […] Où je trouve l’erreur, c’est qu’on prétende que cela a toujours été ainsi ; quant à moi, je pense que c’est un des caractères de l’âge actuel des nations : seulement, cela est plus sensible chez nous en ce moment, parce que nos mœurs n’ont pas marché d’un pas égal avec les opinions.
Le vœu subit entre les mains de l’archevêque Guibert une modification dans son principe même : de conditionnel il devint absolu, c’est-à-dire qu’il gardait toujours son caractère d’absolue remise en Dieu de tous les espoirs chrétiens, mais il perdait en même temps cette apparence de marchandage qu’il contenait au début. […] N’est-il pas profondément humiliant de voir la pensée de la nation s’associer à un symbole de caractère aussi anti-social ? […] Jamais un culte aussi bas et qui emprunte quelque peu de son caractère à certains rites efféminés de l’Asie, n’aurait pu triompher au temps de la plénitude chrétienne. […] Car, il n’y a pas à se le dissimuler, toute l’architecture de l’édifice, dans son ensemble comme dans ses détails, est du plus navrant effet, du plus détestable style jésuite, de ce style sans caractère, sans grandeur, sans intimité, qui répond si étroitement aux aspirations catholiques d’aujourd’hui. […] En face de ce panorama grandiose, sur la hauteur inondée de lumière et d’air, elle n’a su faire jaillir que ce bloc de pierres sans élan, sans caractère ni majesté.
Les émotions vraiment désintéressées offrent ainsi un caractère intellectuel et non pas seulement sensitif. […] Un plaisir auquel on ne fait aucune attention, qu’on n’« aperçoit » pas, qu’on n’achève pas en le mettant au point visuel de la conscience, ne s’intellectualise en rien et ne prend pas ce caractère de jouissance intelligente qui est la base du sentiment esthétique. […] Et, comme la jouissance, ainsi intellectualisée, peut pleinement jouir d’elle-même, jouir de sa propre conscience, elle prend un caractère pleinement esthétique.