Et voilà pourquoi surtout le monde s’est précipité, sans l’atteindre, vers cette ombre vague de moine blanc, masqué jusqu’aux yeux de son capuchon, et qui fuit tout là-bas, dans les entrecolonnements d’on ne sait plus quel monastère ! L’ombre blanche est restée pour jamais une ombre fuyante.
« Je n’ai que trente-cinq ans et pas un cheveu blanc », disait un homme amoureux à une femme trop aimée. « Vous avez l’air d’en avoir », lui répondit-elle. […] Autran a cet air de cheveux blancs, et ils lui semblent venus dans la peine du labeur et des veilles de l’étude.
[Revue blanche (février 1892).]
On ne sait ce que c’est que cela, c’est une image de papier blanc, une découpure de Huber, mais mauvaise sans la précision des contours, seulement aussi mince, aussi plate et très-insipide, quoique nue.
Le choc est terrible : « Comme le vent, dans une aire où l’on bat le froment consacré, lorsque la blonde Cérès sépare au souffle des zéphyrs le grain de son écorce légère, comme on voit alors blanchir tous les lieux voisins, de même les combattants sont couverts d’une blanche poussière ! […] J’avais aussi sept frères dans nos palais, mais tous, en un même jour, descendirent dans la nuit éternelle, égorgés par le féroce Achille pendant qu’ils paissaient leurs nombreux troupeaux de bœufs et de blanches brebis. […] Hécamède, semblable aux déesses, verse dans cette coupe du vin de Prammée ; elle y délaye du fromage de chèvre qu’elle a réduit en poussière avec une râpe d’airain et elle le saupoudre de la blanche fleur de farine ! […] Quoique mort, son corps tout entier laisse admirer sa beauté ; mais lorsque des chiens cruels souillent la barbe blanche, la chevelure et les tristes restes d’un vieillard égorgé, ah ! […] Mais, quand ce héros égal aux dieux est rassasié de larmes et qu’il a assoupi ses regrets dans son cœur, il se lève de son siége et tend sa main au vieillard ; car il est touché de tendre compassion à la vue de ces cheveux blancs et de cette barbe vénérable.
Un salon blanc et or, une chambre à coucher en satin rouge, des boudoirs en satin jaune, et partout de la dorure, et encore un cabinet de toilette avec des cuvettes et des pots à l’eau, en cristal de Bohême jaune, énormes, gigantesques, demandant le biceps d’Hercule pour les soulever. […] Une fenêtre éclairée et comme vivante au milieu des ténèbres, des cierges allumés, du blanc de rideaux et, sur les feux des cierges, des ombres qui passent, une ombre qui se penche : c’est l’Extrême-Onction qu’on donne à la malade : un mystère qui passerait sur une flamme. […] C’est comme une feuille de papier blanc qu’on aurait dans la tête, et sur laquelle la pensée, non encore formée, griffonnerait de l’écriture vague et illisible… Et les lassitudes mornes, et les désespoirs infinis, et les hontes de soi-même de se sentir impuissant dans son ambition de création. […] Et je revois l’hôpital, et je revois le concierge rougeaud, obèse, puant la vie comme on pue le vin, et je revois ces corridors, où de la lumière du matin tombe sur la pâleur de convalescentes souriantes… Dans un coin reculé, je sonne à une porte aux petits rideaux blancs. […] Par une porte ouverte derrière moi, d’une petite pièce où le soleil donne en plein, il m’arrive des caquetages de sœurs et d’enfants, de jeunes joies, de bons petits éclats de rire, toutes sortes de notes et de vocalisations fraîches : un bruit de volière ensoleillée… Des sœurs en blanc, à coiffe noire, passent et repassent ; une s’arrête devant ma chaise.
Dans les Noces de Sathan palpite la dernière rédemption du Mal promise par le Paraclet. » [Revue blanche (novembre 1899).]
Elsa, appelée par le héraut, s’avança, vêtue d’une robe blanche, en signe d’innocence. […] Quant aux autres, c’est présentement l’apprenti menuisier qui les pose sur des tablettes de bois blanc. […] Ses précoces cheveux blancs font ressortir la fraîcheur de son teint. […] C’est pour le diable blanc manger et fin régal. […] En poussant les portes des gynécées, on heurtait les pieds encore frémissants d’un corps blanc, suspendu aux poutres.
. — J’avais aperçu là-bas, répondis-je, une forme fine et blanche dans l’ombre, et je croyais que c’était vous ; mais ce n’était qu’un lis, un grand lis, que d’ici, à sa taille élancée et à sa blancheur dans le sombre de la verdure, on prendrait pour la robe d’une jeune fille. — Ah ! […] Il fait trois toilettes par jour, déjeune, tiffine, dîne, et le soir prend son thé comme à Calcutta, sans en rien rabattre ; cristaux, porcelaines sont dépaquetés, empaquetés du matin au soir, argenterie brillante, linge blanc, tout le reste à proportion. […] Runjet-Sing a 51 ans ; il est de moyenne stature et porte une longue barbe blanche. […] Mais il avait de très beaux yeux, la main blanche, des dents blanches et des cheveux noirs. […] Si vous me demandez le secret du comte de Saint-Julien pour arriver ainsi en un tour de roue à la fortune, ce secret est fort simple : ayez de très beaux yeux, des dents blanches, des mains blanches, des cheveux noirs, une blouse de coutil russe, et surtout tâchez de rencontrer sur votre route la princesse de Cavalcanti.
Les discours et les dialogues ne sont point traités avec le même bonheur, car ils ont une tendance maladroite à tourner en mauvais vers blancs. […] Le large espace entre les lignes, résultant de l’emploi d’un plomb, comme il le montra, mettait la page en bandes, et donnait aux blancs la même importance qu’aux lignes. […] Pas de chute des feuilles, « mais le mélancolique gommier laisse pendre de son tronc des bandes sonores d’écorce blanche. […] Parkinson meurt, et son âme, au dire du médium, est escortée jusqu’aux sphères par une « troupe d’anges en robes blanches ». […] Elle crée le gros voleur et le met sur un trône de jade blanc.
Le Cuirassier blanc. — 1893. […] Le Cuirassier blanc est la première de ces nouvelles et a donné son titre au livre. […] Et le verre n’a pas servi, le pain n’a pas été touché, un blanc de poulet refroidit au milieu de l’assiette. […] Sur son ordre on hisse une nappe comme drapeau blanc, mais le feu continue toujours ; il est trop tard ! […] — gratitude, ces longues avenues de lits bien blancs, ces longs rideaux blancs, car tout est long et blanc, en quelque sorte, en ces asiles… Et cela est dit sans pose, naturellement.
[Revue blanche (septembre 1897).]
Jean Lombard Un poète d’un charme alanguissant, d’un esprit plutôt septentrional que chauffé à blanc par nos soleils méridionaux, telles sont les Flammes mortes de M.
Le manteau de saint Joseph est gris, d’un blanc crayeux à la manche ; c’est le ton caractéristique. […] La nappe d’un blanc sale et crayeux achève la signature. […] Elle porte un vêtement, gris-verdâtre, le bonnet et le fichu d’un blanc crayeux.
Un mantelet de soie bleu pâle avec des rubans ou bouillons d’un jaune éteint tombe sur une robe d’un blanc gris ; les nuances se marient jusqu’à se mêler et se confondre : une harmonie tranquille a passé sur tous les tons. […] On remarque ici de petites mains charmantes qui sont plus en vue ; de l’une la reine tient une petite fleur blanche, de l’autre un éventail. […] Papillon, lui présentant la liste des pièces qu’on devait jouer à, la Cour, n’osait nommer le Cocu imaginaire et l’avait laissé en blanc.
Bien longtemps avant que le jour blanchît les montagnes de Lucques, je lavai sur mon visage la trace de mes larmes, je peignai mes blonds cheveux et je me regardai au miroir à la lueur de ma lampe, pour que ce jour-là, du moins, je fusse un peu belle pour l’amour de mon mari ; puis je mis ma chemise blanche de femme ornée d’une gorgère de dentelle sous ma veste d’homme, dont je laissai passer la broderie entre les boutons de mon gilet, afin que quelque chose au moins rappelât en moi la femme et m’embellît aux yeux de mon fiancé. […] J’entendais déjà derrière moi la foule des pénitents noirs et blancs et les frères de la Sainte-Mort qui se pressaient derrière la grille de la chapelle, et qui murmuraient à demi-voix les prières des agonisants. […] Les gros chiens du couvent, qui sont bons, sont enchaînés le jour et rôdent la nuit pour nous protéger ; on le nettoiera, on le garnira d’un lit et d’une paille propre et fraîche, on y mettra une porte, et vous pourrez vous y retirer tous les soirs, pourvu que vous soyez rentrée avant l’Ave Maria, et que vous n’en sortiez qu’après l’Ave Maria du matin ; j’aurai soin que la sœur portière vous y porte tous les jours la soupe des galériens malades, et tous les soirs un pain blanc avec les haricots à l’huile et les olives de leur souper.
Il est très vieux, très pâle, très blanc, avec de grands traits austères : un archevêque de vitrail. […] La tête de l’orateur se détache, à demi encadrée par le capuchon noir, pendant que les bras étendus déploient les manches de la robe, larges et blanches. […] Mort, ce candide Lacordaire — qui dans une brochure sur le pape professait le plus pur ultramontanisme et s’en allait en 1848 siéger à la Montagne, qui se drapait dans sa robe blanche avec un peu de la jactance d’un d’Artagnan monastique et se livrait en même temps, dans la crypte de son couvent aux sanglantes macérations des premiers ascètes — a continué d’exercer sur ses fils une très puissante influence qui me paraît avoir été de deux sortes : heureuse par la transmission de son généreux esprit, déplaisante quelquefois par la tradition de son éloquence aventureuse et si personnelle, qu’ils ont imitée avec quelque maladresse.
L’abbé Lacordaire réussissait depuis deux années à Notre-Dame, lorsqu’il prit un parti qui dut sembler singulier et extrême à ses amis, même les plus religieux : il quitta brusquement cette position toute faite et s’en alla à Rome pour y étudier, disait-on, mais en réalité pour s’y préparer à prendre l’habit de dominicain, et nous revenir de là avec la robe blanche du frère prêcheur. […] Je ne sais si sa tentative d’ordre réussira ; mais du moins, on put s’en apercevoir dès le premier jour, sa robe blanche de dominicain ne lui nuisait pas. […] Je n’ai réussi que bien imparfaitement à rendre cette physionomie singulière, originale, attrayante, si peu gallicane et si française, qui plaît jusque dans ses hasards, où le naturel se dégage en jets heureux de quelques bizarreries de goût, où l’audace ne compromet pas de réelles beautés ; cet orateur au vêtement blanc, à l’air jeune, à la parole vibrante, aux prunelles de feu, et dont les lèvres, faites pour s’ouvrir et laisser courir la parole, expriment à la fois l’ardeur et la bonté.
Je me levai, me secouai : la faim me prit ; je m’acheminai gaiement vers la ville, résolu de mettre à un bon déjeuner deux pièces de six blancs qui me restaient encore. Tout le Rousseau naturel est là avec sa rêverie, son idéal, sa réalité ; et cette pièce de six blancs elle-même, qui vient après le rossignol, n’est pas de trop pour nous ramener à la terre et nous faire sentir toute l’humble jouissance que la pauvreté recèle en soi quand elle est jointe avec la poésie et avec la jeunesse. J’ai voulu pousser la citation jusqu’à cette pièce de six blancs pour montrer qu’avec Rousseau nous ne sommes pas uniquement dans le René et dans le Jocelyn.
Sous le tranquille azur du plus doux des climats, Une humble maisonnette aux bords de la Dumas ; Une humble maisonnette aux persiennes blanches, Sous un réseau fleuri de liane et de branches, Où je puisse, à midi, rêvant au bruit des eaux, Mêler ma poésie aux rimes des oiseaux ; À droite, une rizière où le bengali chante ; D’un vieil arbre à mon seuil l’attitude penchante, Où, tous les ans, viendront les martins au bec d’or Suspendre leurs doux nids et couver leur trésor ; Un jardin clos d’un mur où rampe la raquette ; Une ruche, et des fleurs dont l’oiseau vert becquette La poudreuse étamine et l’odorant émail ; Des buissons d’orangine aux perles de corail ; Un parterre où toujours j’aurai de préférence Des roses du Bengale et des muguets de France ; Une verte tonnelle à l’ombre des lilas, Dont la fleur m’est si douce et meurt si vite, hélas ! […] Non loin, quelques bœufs blancs, couchés parmi les herbes, Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais, Et suivent de leurs yeux languissants et superbes Le songe intérieur qu’ils n’achèvent jamais. […] Puis, en souvenir d’elle Et de nos jours si doux sous l’aile maternelle, Avant de m’éloigner du jardin, je cueillis Les fleurs de mes amours, — une pervenche, un lis ; Du rosier couronné ployant la haute branche, J’y cueillis une rose, et c’était la plus blanche ; Et quand j’eus fait ainsi le bouquet de ma sœur, Je le baisai trois fois et le mis sur mon cœur.