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376. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Livres bons à consulter, qui n’appellent pas le lecteur, qui attendent qu’on ait besoin d’eux. […] L’auteur, qui s’y attend, écrit sa lettre comme on écrit une harangue. […] J’ai cité ailleurs180 le mot de Voiture à Mlle de Rambouillet qui attend une lettre de lui, pour la lettre et pour le compliment qu’on lui en fera dans le salon bleu de sa mère. […] C’est l’avantage de la fresque sur la peinture à l’huile, si poétiquement exprimé par Molière : La paresse de l’huile, allant avec lenteur, Du plus tardif génie attend la pesanteur   ; Et sur cette peinture on peut, pour faire mieux, Revenir quand on veut, avec de nouveaux yeux.

377. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Après l’Amour, l’opinion, qui avait le palais en feu de la cuisine poivrée de physiologie et d’amour conjugal que lui avait servie Michelet, s’attendait sans doute, puisqu’on devait continuer dans cet ordre de sensations, à quelque chose de plus pimenté et de plus mordant que ce karrick dont elle s’était régalée, et elle a été trompée dans son attente. […] Avec un homme comme Michelet, la sagesse devait être de tout attendre et de ne rien espérer. […] Comme nous, qui n’avons pas attendu en vain notre Messie, il attend, dit-il, « le cœur puissant, la force solitaire, qui enlèvera un matin le vieux monde, d’un souffle de dieu ».

378. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Vous reconnaîtrez leur signature de rêve et de misère, et vous apercevrez, du même coup, le secours qu’on peut attendre des notes. […] Et, le lendemain, j’ai eu deux idées. » Une autre, qui avait sa mère à sa charge, me disait avec un peu d’orgueil et beaucoup de tristesse : « Il faudrait attendre au moins un an pour avoir un bureau de tabac. […] Alors la lettre arrive, la lettre qu’on n’attendait plus et qui appelle la femme à Paris, dans ce monde de la richesse, des cadeaux, du bien-être, des rubans de soie, des dentelles, dont on parle si souvent dans le bourg. L’éblouissement est presque immédiat chez l’un des époux ; le chagrin, chez l’autre, n’attend pas une seconde et durera autant que l’absence, qui ne finira pas.

379. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 293

A l’âge de près de soixante ans, il commença à se douter qu’il pouvoit devenir Auteur ; exemple rare dans un siecle, où l’on n’attend pas si long-temps à se croire en droit d’assommer le Public par ses Ecrits.

380. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Le même hâle couvrait le maigre visage du Premier Consul, à qui Coppée aurait ressemblé, s’il l’avait voulu ; mais avec la délicatesse d’un lyrique dont l’âme répugne à toute allusion trop attendue, il a résolument coupé ses longs cheveux droits, pour éviter ce lieu commun. […] Paul Ginisty On serait peut-être en droit d’attendre de M. 

381. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Elle vécut avec madame de Montespan dans une concorde qu’on ne devait point attendre d’une rivale. » Il importe, à la suite de cette histoire, de déterminer approximativement l’époque du changement du roi. […] Il semble assez simple d’imaginer que cette femme mal mise , qui ressemblait à un fantôme, qui attendait madame de Montausier dans un passage obscur , pour lui faire des reproches sanglants sur madame de Montespan , n’était autre que Montespan lui-même, pressé du besoin de se venger, par un nouvel outrage sur la dame d’honneur, qu’il avait accusée hautement chez elle-même de son malheur.

382. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Comme les très grands écrivains qui ont su s’attendre, Joseph de Maistre, qui fut une créature beaucoup trop élevée et trop simple pour se jeter à la tête de la publicité et pour s’ébouriffer de ce mot de gloire, comme Diderot, Rousseau et tant d’autres, Joseph de Maistre, qui écrivit tard, apparaît, quand il paraît avec une beauté accomplie et une physionomie complète. […] Ce qui frappa surtout quand elles parurent, car son génie était connu et faisait trembler, ou du moins étonnait quand on ne tremblait pas, ce qui frappa en ces lettres inespérées, ce fut le père, non le père majestueux, quoiqu’il y fût aussi, le paterfamilias, Romain deux fois, de la Rome antique et de la Rome chrétienne, mais le père tendre comme une mère, le genre de père qu’avec la gravité d’un tel homme justement on n’attendait pas !

383. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Il ne les avait pas attendus pour cela. […] Quand on le lit après sa préface, on s’attend à voir surgir un Hugues de Lionne qui ne vient pas.

384. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Ce livre, qui attendait et qui pouvait attendre, parce qu’il avait la vie dure de la vérité, trouva ce jour-là son moment, qu’il ne cherchait pas.

385. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Il y est, dans ce livre, ce qu’on attend le moins d’un professeur. […] IV Cet épilogue, auquel il est impossible de s’attendre, est, en effet, la chose la plus surprenante du volume de Grenier ; car le volume fait, il le supprime… Sensation horriblement désagréable, venant après les plus agréables sensations !

386. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Il n’a pas trop attendu à la barrière. […] La Critique reste sur les ruines qu’elle fait, et c’est un bon endroit pour attendre.

387. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

L’auteur de ce volume a souvent éprouvé que ses idées n’allaient pas aussi vite que les événements… On doit donc s’attendre à trouver, dans ce livre, des idées qui ont vieilli… (Souvenirs et Regrets !)  […] Son Bolingbroke, son Junius, son Burke et son Fox ne sont que des détails sur Bolingbroke, Junius, Burke et Fox, des détails qui attendent celui qui voudra peindre et qui saura y mettre le feu, le feu sacré.

388. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

… d’originalité, — ce diadème futur de leur talent et de leur vie, — mais pour la plupart des hommes la pousse de l’originalité a son heure, comme la pousse des ongles et de la crinière, et Cantel attend encore la sienne, comme un lionceau. […] la personnalité du poète qui a dit cela n’est heureusement pas venue, et nous en attendons avec impatience le premier rayon pour couvrir ces choses et les effacer !

389. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

On a fini par nous conduire à croire qu’on ne l’espérait plus, qu’on ne l’attendait plus. […] Et, pour rêver, attendez cette nuit. […] André Rivoire, on s’attend qu’il aime ces époques et leurs légendes. […] On ne s’attend plus à rien, qu’aux fantaisies éperdues du hasard. […] Désormais je n’attends plus rien que de moi.

390. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 421-422

La bizarrerie de son étoile l’a rendu célebre malgré lui-même, ou du moins sans qu’il s’attendît à le devenir.

391. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Je suis las du tête-à-tête avec lui ; je ne les aime qu’avec de bonnes gens… Je ne lui en donnai que pour son argent, par l’inutilité qu’il y aurait eu de le pousser à un certain point entre quatre-z-yeux ; mais demain qu’il y aura grande compagnie, je l’attends. […] « Je m’attends bien, disait-il dans cette lettre, à la mauvaise pitié et aux plaisanteries de nos mondains. » Elles ne lui manquèrent pas. […] On met les chevaux ; Polichinelle les y attend sur des forêts de tréteaux qui bordent les deux côtés ; il parle en fiacre, dame Ragonde en poissarde, et l’on ne saurait percer à travers la foule des carrosses les plus noblement armoriés. […] On ne s’attendait pas, assurément, qu’un mot de Piron irait en rejoindre un autre de Royer-Collard. […] On ne s’attendait pas à celle-là !

392. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Il est de la race de ces hommes qu’il ne faut pas prendre au premier mot, mais dont il faut attendre le développement intellectuel, politique et moral, développement qui ne s’arrête plus en eux qu’à la mort ; hommes qui grandiraient toujours en intelligence, en sagacité, en talent, si Dieu n’avait pas mis à leur développement les bornes de leur existence ici-bas. […] les flatteurs sont là pour faire la contrepartie des détracteurs, bien que pour les nobles cœurs les inanités de la flatterie ne contrebalancent pas les amertumes de la calomnie ; mais, après la mort, la justice au moins, la justice sans adulation ni dénigrement, la justice, sinon pour celui qui l’attendit sans l’obtenir, au moins pour ses enfants ! […] La troisième armée, dite de réserve, dont les éléments existaient à peine, devait se former entre Genève et Dijon, et attendre là l’issue des premiers événements, prête à secourir Moreau s’il en avait besoin. […] Elle s’appliquait même à faire naître chez eux un genre d’illusion auquel ils se prêtaient volontiers : c’est qu’au fond le général Bonaparte n’attendait qu’une occasion favorable pour rappeler les Bourbons et leur rendre un héritage qui leur appartenait. […] Le Concordat et la mort du duc d’Enghien nous attendent. — Respirons.

393. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Mendès de lui permettre de lire le manuscrit, jurant qu’il ne pouvait pas attendre la fin. […] Gastineau, qui était fort timide, attendit dans un fiacre le résultat des démarches de son collaborateur. […] Je l’attends depuis cinq ans !  […] Je n’avais pas attendu sa pitié méprisante pour dire mon sentiment, il y a bientôt dix ans, sur la littérature putride ; je suis presque confus, désappointé d’être si peu injurié. […] Chacun s’attendait à y lire le nom de M. 

394. (1925) La fin de l’art

Donc on a fumé de tout temps, on fumait au moyen âge, et quand le tabac d’Amérique parvint en Europe, les pipes étaient toutes prêtes à le recevoir ; elles l’attendaient. […] De là l’apparition de ces formes étranges, qu’il faut s’attendre à rencontrer de plus en plus dans la littérature courante : il s’enfuya, il ria, il souria, etc. […] Voilà un procès qui part d’un litige amoureux : vite il place dans ses « Attendus », toujours tant attendus, une histoire abrégée de l’amour depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. […] Attendu, disait l’autre jour un juge de paix, que « dans l’antiquité, le mariage était basé uniquement sur l’amour de deux êtres de sexe différent… ». […] Ce n’était pourtant pas le vulgaire roman, mais des souvenirs contemporains et j’en attendais quelque plaisir.

395. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

En même temps, il exige des scènes dramatiques, attendu que là où il n’y a de drame d’aucun ordre, il n’y a rien à raconter : une eau dormante ne nous occupe pas longtemps, et la psychologie des esprits que rien n’émeut est vite faite. […] Tout vient aboutir à cette scène ; on s’attend donc à une action, à un événement, à un heurt de forces et d’hommes : il n’y a rien qu’une crise psychologique. […] Je crois voir encore son grand œil noir me regarder fixement ; puis il devint trouble et se ferma. » Carmen morte, sa vie est finie, il n’a plus qu’à galoper jusqu’à Cordoue pour se livrer, et attendre le garrot, privilège des nobles, qui ne sont pas pendus comme les vilains. […] Certes, j’attends la réaction fatale, mais je crois qu’elle se fera plus contre notre rhétorique que contre notre formule. […] Je l’ai toujours annoncé76. » Excellente profession de foi, prophétie de bon augure ; mais ce n’est probablement pas dans son œuvre même que Zola verra se réaliser la « réaction fatale qu’il attend » (et que d’autres sans doute attendent avec lui), car, depuis lors, ce qu’il a publié, c’est son roman de la Terre.

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