Personne ne lui a appris à savoir ce qu’il faisait.
On aurait voulu qu’il nous apprît si, suivant lui, le mal dont les symptômes viennent d’être esquissés n’est qu’à la surface de notre société, ou s’il a déjà pénétré au fond ; si ce malentendu redoutable n’est que le résultat de certaines prédications violentes, ou s’il tient à la nature des choses.
L’amandier (Grimm et Bechstein) et La fille qui veut apprendre à chanter.
C’est ainsi que lorsque Psyché supplie l’Amour, le dieu Amour, de se révéler à elle, l’Amour lui fait une réponse très spirituelle dans la forme, assez profonde, au moins assez pénétrante dans le fond, et qui est celle-ci (c’est une très jolie raillerie philosophique ; n’était le style, qui ne rappelle pas celui de l’homme que je vais nommer, on dirait quelque chose comme un de ces contes dont Renan nous régalait vers la fin de sa vie) : « — Apprenez-moi, du moins, dit Psyché au dieu, les raisons qui vous rendent si opiniâtre.
Cependant c’est un échantillon de la beauté universelle ; mais il faut, pour qu’il soit compris, que le critique, le spectateur opère en lui-même une transformation qui tient du mystère, et que, par un phénomène de la volonté agissant sur l’imagination, il apprenne de lui-même à participer au milieu qui a donné naissance à cette floraison insolite.
Et je me disais aussi, me rappelant les foules sombres de chez nous, qu’elles devraient bien avoir, comme eux, leurs poètes de la tribu, pour composer et leur apprendre à chanter de nouveau la chanson de la route.
Même dans les détails d’érudition qu’il rassemble, il paraît ignorer ce qu’un hymne de Pindare aurait dû lui apprendre : s’indignant qu’on ait pu croire les chants du poëte grec un amas de chansons « cousues ensemble, et par là même nommées rapsodies », il répond avec autorité : « Ce mot ne vient point de ῥάπτειν, qui signifie joindre, coudre ensemble, mais de ῥάϐδος, qui veut dire une branche ; et les livres de l’Iliade et de l’Odyssée furent ainsi appelés, parce qu’il y « avait autrefois des gens qui les chantaient, une branche de laurier à la main, et qu’on appelait à cause de cela les Chantres de la branche. » À la bonne heure !
« Les nations l’ont appris, et elles ont tremblé ; l’angoisse a saisi les Philistins ; ils ont tressailli, les chefs d’Édom et les princes des Moabites ; et tous ceux de Chanaan se sont pâmés d’effroi.
Mais toi qui fais si bien résonner sur la lyre les doux sons du printemps, commence pour nous des anapestes : « Ô vous, hommes, plongés dans les ténèbres de la vie, semblables à une génération de feuilles, êtres imbéciles, fange animée, foule insaisissable et pareille à une ombre, êtres éphémères sans plumes, misérables mortels, hommes qui ressemblez à des rêves, songez à nous, race immortelle, à nous, vivant toujours dans notre vie aérienne, exempte de vieillesse, contemplateurs des choses éternelles : et, de la sorte, ayant une fois appris de nous la vérité sur le monde céleste, connaissant à fond par moi l’essence des oiseaux, la filiation des dieux et des fleuves, de l’Érèbe et du Chaos, vous direz de ma part à Prodicus de désespérer du reste.
C’est pour cela que Molière a eu sur ce point un approbateur et auxiliaire, Fénelon, et un adversaire, Rousseau : Fénelon, persuadé qu’on ne saurait trop élever les femmes, Rousseau, toujours rêvant de l’excellence de l’état de nature, convaincu qu’il ne faut rien leur apprendre. […] Celle où Sganarelle écoute et entend sans être vu les propos de Dorimène à Lycaste et apprend avec une parfaite précision le sort qui lui est réservé dans son ménage par son honnête fiancée, prête à un jeu de scène aussi divertissant que possible. […] Encore un coup, compère, apprenez qu’en effet Le cocuage n’est que ce que l’on le fait ; Qu’on peut le souhaiter pour de certaines causes, Et qu’il a ses plaisirs comme les autres choses. […] La comédie centrale, pour ainsi dire, la comédie essentielle, c’est la comédie qui se moque des défauts des honnêtes gens pour les mettre en garde contre les coquins qui exploitent ces défauts et qui ne peint les coquins que comme « instrument » du comique dirigé contre les honnêtes gens et pour que ceux-ci, s’il est possible, apprennent à se défier des coquins ; et donc les défauts des honnêtes gens sont bien « le sujet » du poème comique. […] Elle est intellectuelle, elle est littéraire en ce qu’elle a l’âme la plus livresque qui se puisse, une âme de cabinet de lecture, et quand elle sera tout à fait vieille, die écrira ses mémoires où l’univers apprendra qu’il a été amoureux d’elle pendant un demi-siècle et qu’elle l’a désespéré par les escarpements de sa vertu.
Ceux qui ont appris par cœur ses sarcasmes ont négligé ses. belles sentences sur la bonté, sur la pitié, sur l’héroïsme ; et c’est surtout à cet oubli de ses admirateurs qu’il doit de passer aujourd’hui pour un misanthrope aigri et haineux, Une lecture un peu attentive de ses œuvres suffit à montrer que le pessimisme, tel qu’il l’a professé, n’est point une doctrine d’aveugle découragement ; qu’au contraire, dégagé des boutades qui l’exagèrent et malgré l’amertume de ses observations, il laisse une porte ouverte à la pratique du bien, dont il discute l’essence, mais non l’existence. […] Les simples gens l’apprennent des écrivains. […] Il a cessé de « se payer de mots », l’entraînement philosophique auquel il s’est soumis lui a appris certaines choses qu’ignoraient les La Bruyère et les La Rochefoucauld : entre autres, qu’« il n’y a que des faits et des enchaînements de faits », et que « le fait n’est que la conscience que nous en avons » ; en sorte qu’il s’est habitué à « se définir lui-même un phénomène inconscient ». […] Il le poursuit, le Moi, avec cette ironie âpre, impitoyable, dont il a le secret : « Quand nous ouvrirons un livre, sera-ce pour y apprendre, comme si nous étions, nous, des enfants trouvés, que l’auteur a eu un père, des frères, une famille, ou l’âge auquel il fit ses dents, combien de temps dura sa coqueluche, les maîtres qu’il eut au collège, et comment il passa son baccalauréat ? […] A travers les angoisses de la défaite, tes fatigues des marches, les longs ennuis et l’humiliation de la forteresse, il a appris à estimer à sa valeur l’effort patient, anonyme, dévoué et collectif des petits qui, soit vertu, soit résignation — et la résignation n’est-elle pas aussi une vertu ?
De même que le tact semble avoir appris à l’œil à juger des vraies dimensions de l’espace, de même, c’est le tact qui, aidé du goût, de l’odorat, de tous les sens vitaux, a enseigné le plus souvent aux yeux ce qu’il fallait admirer, rechercher, aimer. […] On connaît ces curieux enfants mathématiciens, ces prodiges en arithmétique qui, par une faculté innée, jouent de mémoire avec les sommes les plus effrayantes ; eh bien, ils perdent toujours quelque chose de cette faculté, et même ils la perdent entièrement, si on leur apprend à compter par règles comme les autres hommes. […] Comme le poète, le savant a besoin sans cesse de se mettre par la pensée à la place de la nature et, pour apprendre comment elle fait, de se représenter comment elle pourrait faire si on changeait les conditions de son action ; l’art de l’un et de l’autre, c’est de placer les êtres de la nature dans des circonstances nouvelles, comme des personnages agissants, et ainsi, autant qu’il est possible, de renouveler la nature, de la créer une seconde fois. […] Gautier, la poésie « est un art qui s’apprend » ; le fond de cet art est la rime riche, et il avait coutume de dire aux jeunes poètes qui venaient le consulter : « Commencez par vous faire un dictionnaire de rimes. » Selon M. de Banville, qu’approuve presque entièrement M. […] Ajoutons que, si toute la poésie se réduit à la rime, elle doit pouvoir « s’apprendre », comme disait Th.
Si donc cette nouvelle doctrine peut nous en apprendre quelque chose d’un peu plus sûr, elle mérite qu’on la suive. » Cette inquiétude, ce sentiment de l’immense et obscur au-delà, cette grave éloquence mélancolique, sont le commencement de la vie spirituelle60 ; on ne trouve rien de semblable chez les peuples du Midi, naturellement païens et préoccupés de la vie présente. […] Encore celle-ci est peut-être trop relevée pour eux : « Cette fable apprend à tout homme qui veut fuir les ténèbres de l’enfer et arriver à la lumière du vrai bien, à ne point regarder ses anciens vices, de façon à les pratiquer derechef aussi pleinement qu’auparavant.
Éloa, accueillie dans la famille angélique par l’entremise des esprits supérieurs, apprend d’eux que les anges tombent et que Lucifer, le plus beau d’entre eux, habite loin d’eux l’enfer. […] Ce brave homme, nommé Granchamp, avait suivi partout le chef de la famille dans les guerres et dans ses travaux de finances ; il avait été son écuyer dans les unes et son secrétaire dans les autres ; il était revenu d’Allemagne depuis peu de temps, apprendre à la mère et aux enfants les détails de la mort du maréchal, dont il avait reçu les derniers soupirs à Luzzelstein ; c’était un de ces fidèles serviteurs dont les modèles sont devenus trop rares en France, qui souffrent des malheurs de la famille et se réjouissent de ses joies, désirent qu’il se forme des mariages pour avoir à élever de jeunes maîtres, grondent les enfants et quelquefois les pères, s’exposent à la mort pour eux, les servent sans gages dans les révolutions, travaillent pour les nourrir, et, dans les temps prospères, les suivent et disent : « Voilà nos vignes », en revenant au château.
Le jour approche où l’on apprendra la vaillance de ce héros moderne qui, lui surtout, a su mener une « Vie de Cristal » et qui ne s’est pas contenté de s’écrier « de la lumière ! […] De bonne heure, en effet, — et ses historiographes n’ont pas manqué de nous l’apprendre, — il dirigea son attention vers les sciences physiques, naturelles et chimiques, car son goût pour les phénomènes concrets et ses penchants d’observateur l’attiraient fortement vers ces sortes d’études.
Frappé de cette vision, il regarde l’heure (en bon Anglais) ; il écrit en Amérique et apprend que son frère était mort au moment où il l’avait vu apparaître. […] Quand on apprend à jouer du piano, on sait mal diriger vers le doigt la force nerveuse, et comme il y a une série de petits mouvements à enchaîner, on est obligé de faire pour chacun de ces mouvements un acte d’attention réfléchie : on ressemble à l’aiguilleur qui, au point de rencontre de deux voies possibles, est forcé de faire attention pour diriger le train dans la bonne voie.
Il faut voir comme on lui dit, et nous citons des textes du temps : « Ieune homme, il faut apprendre avant que d’enseigner, et à moins que d’être vn Scaliger ou vn Heinsius, cela n’est pas supportable ! […] Le génie, qui devine plutôt qu’il n’apprend, extrait, pour chaque ouvrage, les premières de l’ordre général des choses, les secondes de l’ensemble isolé du sujet qu’il traite ; non pas à la façon du chimiste qui allume son fourneau, souffle son feu, chauffe son creuset, analyse et détruit ; mais à la manière de l’abeille, qui vole sur ses ailes d’or, se pose sur chaque fleur, et en tire son miel, sans que le calice perde rien de son éclat, la corolle rien de son parfum.
. ― Au dernier moment, j’apprends que M. […] Nous n’avons rien à apprendre de ce côté.
Les revenants eux-mêmes de l’émigration y contribuent, dont on aurait tort de croire qu’ils n’aient te rien oublié ni rien appris » dans leur exil : ils y ont appris l’anglais ou l’allemand ; et que la France n’était pas l’univers. […] Nous attendons de lui qu’il nous apprenne, littéralement, à voir. […] L’influence de Balzac. — Toutes ces raisons expliquent la profondeur de son influence ; — et en effet, depuis soixante ans que sa réputation a commencé de percer, — on n’a pas écrit, en France ou ailleurs, de romans qui ne semblent procéder du roman de Balzac ; — et même tout roman, ou toute espèce de roman qui n’en procédait point, s’est trouvé par cela même et par cela seul déclassé. — Psychologiques ou intimes, il y a du Lys dans la vallée dans tous les romans de ce genre ; — il y a quelque chose d’Eugénie Grandet ou de La Cousine Bette dans tous les romans qui se donnent comme une étude de caractère ; — et c’est à la Dernière Incarnation de Vautrin que remonte la généalogie de tous nos romans policiers ; — à moins qu’ils ne dérivent d’Une ténébreuse affaire. — En revanche, depuis Balzac, le roman d’aventures a cessé d’être un genre littéraire ; — et le roman sentimental est devenu une espèce tout à fait inférieure ; — le premier en raison de l’arbitraire de ses combinaisons ; — le second, parce qu’il est toujours une « confession » du romancier ; — et tous les deux parce qu’ils ne sont que des représentations mutilées ou illusoires de la vie. — Mais il y a mieux encore ; — et toute une génération d’hommes qui avait appris à lire dans les romans de Balzac, — y a comme appris à vivre ; — et pour user de l’expression d’un illustre naturaliste [Louis Agassiz], — ses personnages sont devenus des « types prophétiques » ; — depuis ses « Gaudissart » jusqu’à ses « Rastignac » et ses « Rubempré ». — Nous les coudoyons encore dans la vie quotidienne ; — ils se sont modelés sur les héros de Balzac ; — et c’est ainsi que, bien plus qu’il ne le croyait lui-même, « il a fait concurrence à l’état civil » ; — ce qui est sans doute le suprême éloge que l’on puisse donner à un artiste créateur.
Puisque tu honores pour chefs les philosophes de cette école, que n’as-tu appris d’eux au moins que rien n’est absolu, non pas même ton art, maître, dont il t’eût fallu dire en une formule moins hautaine : « Prenez et lisez ! […] Il n’a point appris le monde peu à peu et en comptant chaque étape de sa science par une illusion tuée, et à vrai dire il n’eut jamais d’illusions et il vit le monde tout d’abord comme il est. […] On ne sait point qui ils sont ; ils signent de petits pseudonymes en oup et en ip ; et l’on est bien étonné, cinq ou six ans après, quand on apprend que ces monosyllabes voulaient dire Halévy, Taine, Henry Maret, Jacques Saint-Cère, Comtesse de Martel. […] Ceux-là, au contraire, ne nous abaissent que pour nous relever ; et, plaçant dans le ciel notre point d’appui, ils nous apprennent à contempler sans découragement, du sein même de notre impuissance, la perfection intime où les chrétiens sont appelés. » Ceux qui ont lu le livre de M.