— Il y a eu l’inauguration de la statue de Molière au carrefour de la rue Richelieu et de la rue Traversière ; le préfet de la Seine, l’Académie en corps, la Comédie française, etc., ont composé la cérémonie ; on a fait des discours en plein air par un froid très-vif.
Au reste, il est évident que la simplicité d’une oraison funèbre n’est pas la même que celle d’un traité de géométrie ; que Racine peut être simple autrement que Molière ; qu’une page de Lamartine ou de Victor Hugo peut être plus simple qu’une page de Delille ou de Saint-Lambert, infiniment plus plate et plus prosaïque.
Tel l’a su : La Fontaine, Molière, Balzac, et ils l’ont réussi spécialement dans tel passage ; je vais analyser ce passage, savoir quelle méthode, quelle espèce d’émotion, quel but les a fait réussir à cet endroit ; cette méthode trouvée, je vais l’essayer sur un autre de leurs morceaux.
C’est ainsi que Molière en a usé dans l’Avare. […] C’est un des grands mérites de Molière. […] Il est encore à propos, pour la vraisemblance, qu’un des personnages paraisse s’être aperçu que l’autre avait parlé, et lui demande ce qu’il a dit, comme Harpagon qui fouille son valet dans l’Avare de Molière.
De là des écrits nombreux, des diatribes amères contre Racine, Voltaire et Boileau ; et si, dans votre guerre à nos immortels génies, vous avez épargné Corneille et Molière, les plus classiques de tous nos auteurs, c’est que, par pitié pour la France, vous n’avez pas voulu lui enlever toutes ses gloires. […] Personne n’ignore que Louis XIV, lors de la création du Théâtre-Français, soutint l’entreprise de Molière par des secours pécuniaires ; mais, comme indemnité de cet argent, il voulut qu’on accordât à ses pages et à tous les officiers de sa maison les entrées du théâtre. […] … Molière, à la lecture de son Tartuffe, n’a pas obtenu un si beau triomphe.
Je ne dis pas que cela vaille du Molière, attendu que je n’en sais rien ; mais je crois que c’est la plus franche et la plus vivante satire qu’on ait faite de la médecine et des médecins, depuis Molière. […] Il est si sincère qu’il ne peut presque jamais venir à bout de ses dénouements : tel Molière. […] C’est que le théâtre de Molière est essentiellement « naturiste », anti-traditionnaliste, anti-chrétien. […] Il appelle Molière « le plus grand peintre et le plus grand philosophe qui aient jamais existé dans notre littérature » ; et il avait quelque mérite à juger ainsi, à une époque où Molière était fort délaissé. […] Il n’avait pas de cœur, ce Molière !
Molière n’a fait qu’achever l’ébauche qu’a tracée Jean de Meung du faux dévot, aussi vieux que les religions, aussi indestructible qu’elles. […] Ainsi fit Molière, quatre siècles plus tard par la bouche de Cléante, dans Tartufe. […] Quatre siècles plus tard, le faux dévot de Molière se déguise si bien qu’on le confond avec le vrai dévot. […] Le libertinage de Jean de Meung, c’est celui de Montaigne, de La Fontaine, de Molière.
Lesage les lut avec un goût formé par Molière. […] Lesage usa des auteurs espagnols comme Molière avait usé des auteurs de comédies : il y prit son bien. […] Il se défie des médecins ; je le crois bien, sans cela serait-il un fils de Molière ? […] Le disciple de Molière n’a pas eu sa haute comédie, il s’est arrêté à son École des femmes.
Comme aujourd’hui elle va à la Comédie-Française entendre Molière et Racine parce qu’ils sont joués d’une façon continue. […] De par la différence des cerveaux, un enfant de quinze ans, si l’on le choisit intelligent (car on trouve que la majorité des femmes sont ordinaires, le plus grand nombre des jeunes garçons stupides, avec quelques exceptions supérieures), jouera adéquatement son rôle, exemple le jeune Baron dans la troupe de Molière, et toute cette époque du théâtre anglais (et tout le théâtre antique) où l’on n’aurait jamais osé confier un rôle à une femme. […] Truffier, le présent Molière de l’ancienne Comédie-Française. […] Celui de Molière séduit tout juste deux paysannes.
Cependant « Le Malade imaginaire n’est pas celle des comédies de Molière que j’aime le mieux, disait-elle ; Tartuffe me plaît davantage. » Et dans une autre lettre : « Je ne puis vous écrire plus long, car on m’appelle pour aller à la Comédie ; je vais voir Le Misanthrope, celle des pièces de Molière qui me fait le plus de plaisir. » Elle admirait Corneille, elle cite La Mort de Pompée ; je ne sais si elle goûta Esther : elle aurait aimé Shakespeare : « J’ai souvent entendu Son Altesse notre père, écrivait-elle à sa demi-sœur, dire qu’il n’y avait pas au monde de plus belles comédies que celles des Anglais. » Après la mort de Monsieur et durant les dernières années de Louis XIV, elle avait adopté un genre de vie tout à fait exact et retiré : « Je suis ici fort délaissée (5 mai 1709), car tous, jeunes et vieux, courent après la faveur ; la Maintenon ne peut me souffrir ; la duchesse de Bourgogne n’aime que ce que cette dame aime. » Elle s’était donc faite absolument ermite au milieu de la Cour : Je ne fraye avec personne si ce n’est avec mes gens ; je suis aussi polie que je peux avec tout le monde, mais je ne contracte avec personne des liaisons particulières, et je vis seule ; je me promène, je vais en voiture ; mais depuis deux heures jusqu’à neuf et demie, je ne vois plus figure humaine ; je lis, j’écris, ou je m’amuse à faire des paniers comme celui que j’ai envoyé à ma tante.
Voyez Retz refuser de mépriser Chapelain, au temps où Molière et Boileau le réjouissent de leurs œuvres. Voyez la duchesse de Bouillon, pour qui La Fontaine fait ses Contes, protéger Pradon contre Racine, et Molière avoir pour défenseurs tous ces Turlupins de la cour, derniers adorateurs de la pointe.
L’art classique a rejeté les modèles espagnols à la basse littérature ; et l’on peut encore rapporter à la défaite du goût classique cette singularité, qu’un disciple de Molière et de La Bruyère se fait l’héritier des Chapelain et des Scarron par sa prédilection pour la littérature de l’Espagne. […] Mais la satire de Lesage est pittoresque ; elle est une peinture des hommes et de la vie ; et c’est par là que Lesage est au xviiie siècle le véritable héritier de Molière et de La Bruyère, à l’exclusion de tous ces auteurs de comédies qui ne savent que diriger des épigrammes pincées contre les mœurs sans les représenter au vif.
Là il s’était donné, avant Louis XIV, Le Vau pour architecte, Le Brun pour peintre, Le Nôtre pour dessinateur des jardins, Molière et La Fontaine pour poètes, Pellisson pour secrétaire, Vatel pour maître d’hôtel, tout ce que Louis XIV aura plus tard à lui (excepté La Fontaine)50. […] Cependant on jouait Les Fâcheux de Molière.
Il n’est pas vrai, comme on se plaît à le répéter, que la comédie ne soit plus possible, que Molière et le XVIIe siècle aient épuisé le champ des faiblesses, des sottises et des vices de l’homme, et que, les maîtres s’étant emparés des principaux sujets, il ne reste plus qu’à glaner.
Il prierait volontiers les personnes que cet ouvrage a pu choquer de relire le Cid, Don Sanche, Nicomède, ou plutôt tout Corneille, et tout Molière, ces grands et admirables poètes.
Il lui plaît que Molière ait été ce que vous savez, et qu’il ait accepté ses malheurs de ménage avec une tranquille philosophie. […] Et ne le poussez pas : il sacrifierait sans hésiter Molière même à MM. […] Pourquoi plus Français que Molière, par exemple ? […] qu’il faut se remettre à l’école de Corneille, Molière et Racine ? […] Becque ; il le rapproche de Molière qui ne laisse pas d’avoir parfois la dent dure.
Mais tournez-vous de grâce… Molière n’aurait pas dit la chose d’une manière plus comique.
Mais il fallait absolument, pour la gloire de Molière et de Voltaire, changer leurs noms de Poquelin et d’Arouet : ce n’est pas que ces noms ne fussent expressifs, c’est au contraire qu’ils l’étaient trop. […] Mais quel éteignoir sur le génie de Molière, s’il était venu au monde dans la Genève de Calvin ! […] Molière, écrit M. […] Si Molière était mort dans son voyage aventureux à travers la province, un autre aurait-il pris sa place, et Boursault, à défaut de lui, serait-il devenu le grand homme ? […] Mais alors, à propos de Bossuet, comme à propos de Molière, on peut se demander qui aurait pris la place vacante ?
C’est comme Molière. […] C’est un théâtre tout viril, et qui ne plaît pas aux femmes, tout comme celui de Molière. […] Ce qui précède explique suffisamment pourquoi il y a si peu de beaux rôles de femmes dans Augier (encore un coup, comme dans Molière). […] N’oubliez pas que la moitié des pièces de Molière sont des pièces à thèse, sans cesser d’être des études de l’âme humaine. […] Si un critique de 1666 avait dit : « Molière a voulu nous faire remarquer qu’on est terriblement frivole et médisant dans nos salons moitié bourgeois, moitié aristocratiques », Molière aurait-il pu répondre : « Mais non !
Shakspeare et Molière n’ont pas chicané non plus avec le détail révoltant et l’expression quand ils ont peint l’un, son Iago, l’autre, son Tartuffe. […] Un jour même (l’anecdote est connue), Molière le rappela à la marge de son Tartuffe, en regard d’un vers par trop odieux, et M. Baudelaire a eu la faiblesse… ou la précaution de Molière.